Plop bonjour !
Nouveau thème qui m'a inspiré hier, même si j'ai sans doute dépassé l'heure réglementaire en l'écrivant (mais chuuut, on va rien dire XD)
Nuit n° : 141
Thème n°3 : Pyjama
Personnage(s) : Hitoshi Shinsou, Izuku Midoryia, Inkjo Midoriya
Rating : T, voire M
Avertissements : Harcèlement, violences, discrimination, abus famille d'accueil
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2# Protection
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L'orage gronde et le ciel pleure.
Son ventre grogne et Hitoshi a les joues mouillées.
Peut-être n'aurait-il pas dû fuir sa nouvelle famille d'accueil, vu le temps ?
Mais il aurait dû accepter la muselière.
Ton Alter est dangereux, c'est pour te protéger, tu comprends ?
Non, Hitoshi ne comprend pas. Il n'a jamais compris pourquoi ses tuteurs se sentent obligés de lui mentir. Ce n'est pas pour le protéger, c'est parce qu'ils ont peur de son pouvoir, parce qu'ils ont peur de lui. À les entendre, il n'est qu'un Vilain en devenir. S'ils le traitent comme un chien, aussi, quoi d'étonnant ?
Le comportement des chiens est le reflet de celui de leur propriétaire, après tout.
Il tire sur sa capuche déjà humide pour la rabattre le plus possible sur son visage, tourné vers les gravillons de l'allée du parc, vide à cause de l'orage. Peut-être devrait-il se trouver à l'abri, mais il a peur de se réfugier dans les toilettes publiques ou sous des devantures. Il a entendu des histoires horribles de la part d'adolescents plus âgés, mais il ne saurait dire s'ils mentaient ou disaient la vérité.
Hitoshi ne veut pas vraiment le savoir.
Un soupir lui échappe en même temps qu'un frisson violent le traverse. La pluie ou la muselière ; l'adolescent ignore franchement ce qui lui paraît le plus terrible, à cet instant. De toute façon, il finira bien par devoir l'enfiler, ce fichu outil pour le faire taire. Il ne fait que retarder l'échéance et la colère de ses tuteurs. Peut-être devrait-il rentrer. Peut-être devrait-il se faire à l'idée que seule son entrée à Yuei, s'il y arrive, lui offrira une chance de ne plus subir le poids du jugement.
Hitoshi aime son Alter ; c'est le regard stupide des autres qu'il hait, leur jugement hâtif sans même le connaître.
Soudain, la pluie ne l'atteint plus ; pourtant, l'orage gronde toujours. Il relève brusquement la tête et croise un regard vert, à moitié éteint et orné d'un beau cocard. L'inconnu tient un parapluie au-dessus de leur tête. Il est proche, trop proche peut-être, mais Hitoshi ne se sent pas en danger. Peut-être parce que celui qui semble être un adolescent est plus petit que lui d'une tête et a l'air exténué. Battu, aussi, peut-être ?
― Tout va bien ?
La question est stupide ; l'inquiétude dans l'océan vert, réelle.
Hitoshi ne sait pas quoi répondre. Pourquoi cet inconnu se soucie-t-il de lui alors qu'il devrait plutôt s'occuper de son oeil au beurre noir ? Lui fait-il pitié ? Dans ce cas-là, qu'il s'en aille ; Hitoshi n'a pas besoin de sa miséricorde.
― Mêle-toi de tes affaires.
― Viens t'abriter chez moi le temps que l'orage passe, j'habite dans l'immeuble au bout du parc.
Hitoshi cligne des yeux alors que l'inconnu parle en même temps que lui. Est-il sérieux ? Il vient à peine de le rencontrer ! C'est suspicieux. Trop suspicieux. Surtout que l'adolescent n'a pas l'air digne de confiance, avec son visage marqué par un coup violent. Mais c'est toujours mieux que la muselière ou que l'orage. Au moins, il a toujours son Alter de son côté. Il trouvera bien le moyen de s'en sortir s'il y a un problème.
Et il n'arrive pas à avoir peur de l'adolescent, en fait. Il donne une impression de douceur qu'il n'a jamais rencontré, encore, une impression de fragilité plutôt qu'une sensation oppressante d'intimidation. Peut-être n'est-ce qu'une façade, songe Hitoshi alors qu'il lui emboîte le pas, restant sous le parapluie en étant légèrement courbé.
― Comment tu t'appelles ?
― Mirodiya. Izuku Midoriya. Je ne t'ai jamais vu dans le coin, tu as emménagé récemment ?
― En quelque sorte.
Déplacé de foyer en foyer, comme une feuille par le vent. Pas de point de chute, course sans fin ; Hitoshi a déjà vu tant d'endroits qu'il ne s'est attaché à aucun. Séjour trop court, trop perturbant, trop angoissant. Il y a mille et une raisons qui font qu'il n'a aucun endroit à appeler « maison ».
Plic, ploc, plic.
La pluie sur le tissu du parapluie se fait plus lente. Un flash, dans le ciel, et bien longtemps après un grondement. L'orage s'éloigne, petit à petit ; Hitoshi a-t-il encore besoin de suivre l'adolescent ? Il ne retire pas sa proposition et au pire, cela lui fera quelques minutes de plus de liberté, quelques précieuses minutes sans muselière.
Quelques minutes pour respirer, pour vivre pleinement, avant d'être de nouveau enfermé pour quelque chose dont il n'est pas responsable.
― Et tu… Enfin… Et toi ?
L'adolescent bégaye, lui adressant un regard gêné et passant sa main libre derrière son crâne. Il a l'air si innocent, ainsi, qu'Hitoshi s'en veut presque un instant de mal le considérer. Mais les gens l'ont trop blessé pour qu'il ne soit pas un minimum méfiant.
― Hitoshi Shinsou.
Ils arrivent à l'immeuble du jeune homme - Midoriya - et ce dernier referme le parapluie alors qu'ils arrivent au pied de l'escalier. Il passe devant, les montant rapidement avec l'insouciance de l'habitude, tandis qu'Hitoshi le suit à pas plus modéré. C'est un quartier résidentiel calme, visiblement bien entretenu alors qu'aucun graffiti ne couvre les murs. C'est presque trop calme ; le fugueur doute de plus en plus qu'il s'agit d'un traquenard, ou il le verrait venir.
Midoriya s'arrête finalement à un palier, cherche ses clés dans sa poche, avant d'ouvrir la première porte. Il enlève ses chaussures et Hitoshi hésite, avant que l'autre adolescent ne lui fasse signe d'entrer à son tour.
― Je suis rentré, Maman ! j'ai ramené…
Midoriya s'arrête, tourne la tête vers lui en se mordillant la lèvre, avant de reprendre.
― J'ai ramené un ami, il peut rester le temps que la pluie cesse ?
Il y a du bruit en provenance de l'intérieur de l'appartement, comme un cri de surprise et du verre brisé. Un juron, prononcé d'une voix féminine, qui semble se reprendre pour répondre à Midoriya.
― Évidemment ! Tu lui prêtes des vêtements, pour qu'il ne reparte pas trempé ?
― Oui, m'an !
Hitoshi se fige. A-t-il bien entendu ? Midoriya accepterait de lui prêter des vêtements alors qu'ils ne se connaissent pas ? Il doit rêver, en fait. Il a pris froid et il délire sous l'effet de la fièvre. C'est la seule explication possible à tant de gentillesse à son égard. Pourtant, il n'a pas l'impression d'être dans un songe quand Midoriya le prend par le poignet pour le faire entrer. Il a les doigts chauds, malgré la pluie battante dehors.
L'adolescent enlève ses chaussures, sans oser s'avancer dans le couloir propre et bien entretenu. Midoriya lui sourit, avant de poser ses yeux sur le poignet qu'il tient, de rougir dans la seconde qui suit et de bafouiller.
― Pardon désolé je n'ai pas fait attention !
― Pas grave.
Hitoshi n'ose pas songer au regard que lui lancerait actuellement Midoriya s'il connaissait son Alter, plutôt que le sourire timide et gêné qu'il arbore.
― Je, je vais chercher de quoi te changer !
L'adolescent disparaît aussitôt dans une des pièces annexes au couloir et Hitoshi se sent un peu stupide d'attendre sans rien faire, dégoulinant d'eau sur le paillasson. Il a l'impression d'attendre une éternité, alors qu'une douce odeur de friture remplit le couloir. Tempuras ou du katsudon, peut-être ?
Hitoshi salive, quand bien même il sait qu'il ne mangera rien ce soir - ses tuteurs le puniront sans nul doute ainsi pour sa fugue - lorsque son téléphone sonne. Un frisson de peur le traverse et vient mourir dans sa gorge, créant une boule d'angoisse qui rend sa voix tremblante alors qu'il décroche.
― Shinsou, où es-tu passé ? Les cours sont finis depuis plus d'une heure, tu devrais déjà être rentré !
― Je… Je suis chez un ami. Il m'abrite, à cause de l'orage. Il habite plus près.
C'est étrange, d'appeler Midoriya un ami alors qu'il n'en a jamais eu. C'est douloureux, presque, puisqu'il sait que son Alter finira par le faire fuir, comme les autres. Hitoshi n'espère plus depuis longtemps, c'est trop d'effort pour trop de déception.
― Ne me mens pas, Shinsou. Tu n'as pas d'amis.
― Je m'en suis fait un au collège, réplique-t-il.
Mentir n'a jamais été aussi facile, en fait, parce qu'Hitoshi a besoin que ses tuteurs le croient. Il en a besoin, ou la punition qu'il recevra pour sa fugue risque d'être des plus violentes, s'ils sont comme les autres familles qu'il a déjà connues.
― Peux-tu me passer ses parents, alors ?
Hitoshi se fige et il est presque prêt à refuser - il n'ose imaginer comment il sera reçu par la mère de famille quand elle apprendra son Alter, parce que forcément que ses tuteurs la mettront en garde - quand cette dernière sort de la cuisine et croise son regard.
Elle a l'air aussi douce que son fils, elle le fixe avec tant de curiosité et de joie dans ses yeux qu'il se retrouve à lui tendre le téléphone.
Il faut croire qu'il est encore assez stupide pour espérer.
― Mes tuteurs voudraient vous parler.
― Oh mais bien sûr, avec plaisir !
Midoriya mère se saisit du téléphone et le porte à son oreille. Hitoshi n'arrive pas à bouger, comme gelé dans ses habits alourdis de pluie, alors que la femme perd peu à peu son sourire doux pour une grimace agacée, puis un air chargé de colère. Il ferme les yeux, prêt à s'entendre dire de retourner sous la pluie, avant que l'adulte balaie ses inquiétudes d'une phrase :
― Il n'y a absolument aucun problème avec son Alter, merci bien, et je ferais mieux de ne pas entendre un mot de plus de votre part à ce sujet, ou je saisis le tribunal.
Un instant de silence, auquel Hitoshi accroche tous ses espoirs. Il sait que la déception sera la plus rude qu'il aura jamais eu à encaisser si jamais l'adulte ne donne pas suite à cette promesse. Mais c'est la première personne à le défendre ainsi, à ne pas voir dans son Alter une malédiction, un destin de Vilain.
― Vous avez des connexions et bien j'en ai aussi, tiens, et je serais curieuse de savoir qui de nous deux gagnerait un tel procès, Madame. Au revoir.
L'adulte raccroche avant de lui redonner son téléphone, l'examinant d'un œil vif. Hitoshi n'a cependant pas le temps de la remercier qu'Izuku est de retour, un pyjama All Might dans les bras. Il a recouvert son œil au beurre noir de maquillage et il lui jette un regard l'implorant de se taire, avant de poser les affaires sur la commode de l'entrée.
― Désolé, c'est tout ce que j'aurais à ta taille à peu près, comme je suis plus petit ! Et alors comme ça tu as un Alter ? Trop cool ! C'est quoi ?
L'océan vert brille de joie et de curiosité, avant que sa mère ne rit doucement, tapotant ses cheveux humides comme pour lui faire remarquer qu'il met de l'eau partout.
― Aaaaah pardon, maman, j'ai pas fait attention !
― File te sécher les cheveux. Et ramène-donc une serviette pour notre invité.
Izuku acquiesce et file, tandis que sa mère se tourne de nouveau vers lui et effectue le même geste, avec une affection qui retourne le cœur d'Hitoshi. Il est un chaton errant qui vient de se faire récupérer par une famille gentille sans trop savoir comment et il ignore s'il doit sortir les dents ou non.
― Appelle-moi Inko, tu veux bien ? Et si jamais tu as besoin d'aide avec tes tuteurs, quand tu rentreras... N'hésite pas à me contacter, d'accord ?
Inko lui tend une carte de visite et il s'en saisit, découvrant avec étonnement le métier de l'adulte et un ricanement lui échappe. Elle a des connexions, tu parles ; elle est greffière, elle doit connaître tout le gratin du tribunal. Bien évidemment alors qu'elle gagnerait ce procès ; les procédures ne doivent avoir aucun secret pour elle et elle arrivera sans doute bien mieux à orienter sa plainte pour le protéger.
Il gardera précieusement cette carte de visite, qui lui semble soudain une protection contre ses maux.
Peut-être qu'elle peut le sortir de son cauchemar quotidien, en fait.
― Est-ce qu'ils ont le droit de me mettre une muselière ?
Inko se fige et il y a une telle flamme dans ses yeux que Hitoshi a sa réponse. Il a une boule dans la gorge, alors qu'elle vient poser une main sur ses cheveux humides avec douceur.
― Non.
― Est-ce qu'ils ont le droit de me priver de nourriture ?
― Non.
Il y a tant de rage chez l'adulte que cela transparaît dans sa voix ; pourtant, Hitoshi n'en a que plus envie de s'épancher auprès d'elle. Elle est en colère pour lui et il se sent tout drôle rien qu'à cette idée.
― Ne m'en dis pas plus. On ira au commissariat demain pour porter plainte. Je ne te laisserais pas tomber. Mais avant, viens manger. Cela fait longtemps que tu n'as pas eu de repas convenable ?
L'orage a cessé de rugir, dehors, et le ciel s'illumine d'un timide soleil crépusculaire.
Le ventre d'Hitoshi grogne pour toute réponse et il a les joues mouillées, mais cette fois de d'une joie trop intense qu'il ignore comment contenir.
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