Plop bonsoiiiir !

Chapitre 3, enjoy !

Disclaimer : Tout appartient à Tolkien et Peter Jackson.


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CHAPITRE 3

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Frérin ne voit pas les mois suivants passer. Alors qu'il a vécu les dix dernières années comme un fantôme qui s'effaçait petit à petit, son sourire et son rire reviennent en même temps que ceux de Belladone.

Il n'aide pas seulement son Unique à faire son deuil. Ils retournent à la vie ensemble et Frérin tombe encore et toujours plus amoureux d'elle. Il ne lui a cependant toujours rien dit, de peur de la perdre. Il est plus heureux que jamais et refuse d'abîmer le fragile équilibre qu'il a créé avec la Hobbite et son fils.

Bilbon est plus difficile à gérer que ses neveux. Le nain a l'habitude d'être à la fois sévère et joueur pour canaliser l'énergie de Fíli et Kíli, mais le petit garçon de dix ans n'est pas aussi hyperactif. La mort de son père l'a rendu plus mélancolique qu'un enfant de son âge et parfois, il se met en colère sans que l'adulte n'en comprenne la raison.

Généralement, Belladone n'est pas loin et parvient à apaiser son fils sans trop de peine. Mais cette fois, Frérin doit affronter un petit Hobbit en larmes et en colère alors qu'elle est partie faire des courses. Et Mahal, il est plus terrifié à l'idée de faire une erreur avec l'enfant qu'à celle d'affronter à nouveau des orcs. Il s'agenouille devant lui pour être à sa hauteur, essayant de lui soutirer la raison de sa crise, sans grand succès. Même la promesse de lui faire son plat préféré s'il lui explique pourquoi n'a pas fonctionné et il perd peu à peu sa patience. Ses oreilles tintent presque, mais il sait que s'énerver à son tour ne réglera pas le problème.

Sa joue brûle presque au souvenir des gifles de son grand-père quand il se mettait en colère sans raison valable, de son point de vue.

― Écoute Bilbon, je peux comprendre que…

― Non, vous ne pouvez pas comprendre ! Vous voulez me voler ma maman ! crie-t-il.

Frérin cligne des yeux, surpris par l'assertion du petit Hobbit et a soudain peur. Il s'est pourtant forcé à ne rien laisser paraître de son amour pour Belladone. Cela ne lui aurait pas paru respectueux, juste après la mort de Bungon. Bilbon s'en est-il tout de même aperçu du haut de ses onze ans désormais ? Mais c'est comme si les mots avaient tourné le robinet de sa bouche et le reste suit, rendant plus pâle le nain au fur et à mesure.

― Et… Et… Basile a dit que quand vous me l'aurez volée, vous me mettrez chez oncle Longo et, et je l'aime pas, je veux pas partir, je veux pas quitter maman !

Le blond songe que le dit Basile doit être un des petits Hobbits avec qui Bilbon est à l'école du village, mais cela ne lui explique absolument pas pourquoi il a dit une chose pareille. Enfin, si, il en a bien une idée. Les parents devraient vraiment faire attention à leurs paroles quand leurs enfants sont dans les parages.

Il hésite un instant, avant de prendre le petit garçon par les épaules pour le serrer doucement contre lui. Une main s'égare dans les boucles blondes, alors que Bilbon renifle, ses yeux brouillés par les larmes.

― Je ne veux pas te voler ta maman, Bilbon. Et je pense qu'elle me donnerait un bon coup de rouleau à pâtisserie sur le crâne si j'avais eu l'idée farfelue de t'éloigner d'elle.

Il ne plaisante pas. Il est même persuadé que Belladone ferait quelque chose de bien pire que seulement le frapper s'il énonçait cette idée aberrante. Elle ferait n'importe quoi pour son fils. Il a su, dès qu'il a tenu Bilbon dans ses bras pour la première fois, que le bonheur de son Unique passe surtout par son enfant.

― Mais… Mais vous la regardez comme la regardait papa, chuchote-t-il contre lui.

Grillé.

Une grimace passe sur le visage de Frérin, alors qu'il songe que si même le petit garçon a pu le voir, Belladone n'a pas pu passer à côté. Pourtant, elle ne l'a absolument pas confronté à ce sujet. Il n'aime pas ça du tout, mais il met ce fait de côté. Pour l'instant, il a un enfant à rassurer.

Il le soulève du sol, le gardant contre son torse jusqu'à ce qu'il l'assoie sur un des fauteuils du salon, devant la cheminée. Il essuie du pouce les traces de larmes, alors que le Hobbit le fixe à nouveau avec une gravité trop grande pour son âge.

― Si vous voulez pas la voler… Vous voulez remplacer mon papa ? demande-t-il d'une toute petite voix.

Frérin sent qu'il doit marcher sur des œufs tout le long de la conversation s'il ne veut pas dire quelque chose qu'il regrettera plus tard. Il doit absolument peser le poids de ses mots, sinon il risque de blesser Bilbon.

Il s'y refuse.

― Je ne pourrais jamais remplacer Bungon, commence-t-il. Je ne suis pas celui qui a construit ce smial pour ta mère, celui qui l'a convaincue de cesser ses aventures. Je ne suis pas celui qui t'a bercé lors de tes premiers cauchemars, qui était là pour tes premiers pas, tes premiers mots.

Il plonge son regard dans celui de l'enfant, essayant de mettre autant de conviction que possible dans ses paroles. Il ne veut pas remplacer Bungon. Le Hobbit a été un ami et il ne trahira pas sa mémoire ainsi.

― Mais vous regardez quand même maman comme papa.

― Tu ne lâcheras pas l'affaire, hein ?

Au moins, Bilbon a cessé de pleurer et de hurler, l'observant en silence avec une moue d'incompréhension. Mais Frérin ne peut pas lui dire qu'il aime Belladone. L'enfant ne comprendrait sans doute pas et s'énerverait à nouveau. Le nain préférerait que cette discussion se termine avant le retour de son Unique, ou cela compliquera les choses.

Pourtant, il ne peut pas non plus se résoudre à lui mentir. Ce ne serait pas honnête envers l'enfant qu'il côtoie depuis plusieurs mois.

― Oui, je l'aime. Mon cœur ne bat que pour elle, mais ça la rendrait triste si elle le savait, alors ça sera notre secret, d'accord ?

Le petit garçon hoche la tête, avant de se coller un peu plus contre son torse, fermant doucement les yeux. Le prince sans royaume soupire, avant d'ébouriffer ses boucles avec un sourire ennuyé. L'enfant finit par quitter son étreinte, apaisé, et lui adresse un sourire plus léger que ceux habituels, avant de courir dehors.

Frérin le suit du regard jusqu'à ce qu'il disparaisse de sa vision, puis il soupire à nouveau. Son corps se détend en songeant qu'il a évité la tempête du mieux qu'il le pouvait, jusqu'à ce qu'une voix douce retentisse dans le couloir attenant au salon.

― Tu espérais que je n'en sache rien, n'est-ce pas ?

Belladone entre dans la pièce, les mains dans le dos et le regard indéchiffrable. Frérin sursaute, les yeux écarquillés par l'horreur, et commence à bégayer pour s'expliquer. Elle balaie ses justifications d'un revers de la main, alors que des larmes commencent à glisser sur ses joues.

Il se sent affreusement coupable, mais ne parvient pas à bouger, tout son corps gelé sur place. Il veut effacer ses pleurs, chasser sa peine, seulement il sait qu'il n'en a plus le droit, pas alors qu'elle est maintenant au courant d'à quel point son affection est forte.

Elle se rapproche et dépose soudain un bouquet de fleurs sur ses genoux. Une profusion de grandes fleurs pourpres et de petites fleurs violet pâle réunies par du lierre. Il cligne des yeux, surpris, alors qu'elle renifle peu élégamment. Elle essuie ses larmes d'un geste déterminé, avant de désigner le bouquet.

― Le myosotis signifie l'amitié ou l'amour sincère. La pivoine rouge, la confusion des sentiments. Le lierre, l'éternité.

Elle affronte son regard en silence, ses doigts tremblants avant qu'elle ne ramène sa main vers elle.

― J'ignore ce que je ressens exactement pour vous. C'est confus depuis notre rencontre. Je ne peux vous assurer que je vous rendrais un jour des sentiments aussi forts que les vôtres, mais mon amitié vous est assurée. Cette maison est aussi la vôtre, tant que vous ne m'obligez à rien.

― C'est déjà bien plus que tout ce que j'ai pu espérer. Merci.

Frérin ne peut empêcher ses lèvres de s'étendre en un sourire doux. Il se fiche bien qu'elle lui rende ses sentiments un jour. Rien que le fait de pouvoir rester à ses côtés le remplit de joie et de satisfaction. Il n'a pas besoin de plus que sa présence et son amitié. Son cœur peut le supporter.

Belladone rougit et se détourne. Il la suit du regard, plein d'une allégresse qui ne lui est pas coutumière, ses doigts effleurant les pétales veloutés des fleurs de pivoine.

Peut-être devrait-il apprendre le langage des fleurs, vu qu'il est bien parti pour vivre définitivement chez les Hobbits.

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Personne ne sait vraiment dans la Comté comment l'amitié entre la veuve Sacquet et l'étrange nain a dérivé en amour. Mais si les commérages vont bon train, aucun Hobbit ne s'oppose réellement au couple formé par un enfant d'Aulë et une enfant de Yavanna.

Apprendre que les Hobbits ont été créés par Yavanna a d'ailleurs été une surprise pour Frérin. Il en est resté figé deux longues minutes, avant de comprendre que le fait que son Unique est une Hobbite n'est pas une malencontreuse insulte du Destin faite à son peuple, mais un cadeau.

Un cadeau qu'ils ont refusé pendant des siècles pour suivre de stupides traditions.

Peut-être est-ce ça qui l'a décidé à demander Belladone en mariage. Ou peut-être le fait qu'aucun nain n'a pointé son nez à Hobbitbourg depuis son arrivée à Cul-de-Sac, six ans auparavant. Ou que Bilbon l'a poussé à faire de sa mère une femme honorable quand son état avait commencé à être visible.

Il sourit doucement, observant sa désormais femme dormir à ses côtés. La chaleur de l'été lui a fait repousser les draps à leurs pieds et sa fine chemise de nuit dévoile la douce rondeur de son ventre.

Il pose une main délicate dessus, caressant l'arrondi avec une lueur sombre au fond de ses yeux. Ses doigts de sa main libre se serrent. Il ne peut nier qu'il est effrayé. Pas d'être un mauvais père, étrangement, mais plutôt de la sécurité de leur enfant à venir.

La Comté est souvent négligée et inconnue des autres peuples. Même les marchands des Ered Luin ne traversent pas les frontières. Mais il a peur que des nains apprennent l'existence de son enfant, de son lignage, et qu'ils décident de faire disparaître cette souillure.

Le père de Belladone a néanmoins réussi à apaiser quelque peu ses craintes. En tant que Thain de la Comté, il lui a appris qu'il est le premier nain de toute sa longue vie à mettre les pieds dans la région. Puis, les Hobbits n'apprécient pas tellement les étrangers. Alors pour que des nains arrivent à Hobbitbourg, découvrent l'enfant et apprennent son état de sang-mêlé… Il faudrait un ensemble de coïncidences si nombreuses que cela est presque impossible.

Un doigt fin se pose soudain sur la ligne plissée de son front et il s'aperçoit que Belladone s'est réveillée et s'est retournée vers lui. Son regard encore ensommeillé est néanmoins rempli d'agacement et elle lui donne une pichenette. Il fait la moue et elle rit doucement.

― Tu réfléchis trop. Prends les choses comme elles viennent… Puis, j'ai un solide rouleau à pâtisserie si besoin.

Elle se blottit contre son torse avec un sourire, fermant à nouveau les yeux. Frérin rit doucement, avant d'embrasser le haut du crâne de son épouse. Mahal, jamais il n'aurait espéré pouvoir dormir avec son Unique il y avait encore trois ans. La vie réserve de belles surprises pour ceux assez courageux pour les réclamer.

Thorïn et Dís ont bien fait de l'obliger à partir.

Son cœur se pince au souvenir des siens. Ils lui manquent, tout comme leurs cousins et ses neveux. Il se demande si Kíli commence à voir sa barbe pousser, si Fíli continue encore de dérober des biscuits dans le dos de sa mère…

Mais il est tout de même heureux. Il a trouvé une seconde famille avec la famille de Belladone. À leur première rencontre, seul le patriarche, Gérontius, l'a accueilli à bras ouverts. Les frères et sœurs de son Unique ont été plus suspicieux, malgré Bilbon qui n'a cessé de faire son éloge pour le faire accepter.

Il sourit aux bons souvenirs qu'il s'est créé en six ans de vie dans la Comté. Jamais il n'a été aussi heureux, libéré du poids de ses responsabilités et près de la moitié de son âme.

― Rendors-toi au lieu de rêvasser, tu vas être fatigué demain, sinon.

Amrâlimê… Tu sais que je ne peux rien te refuser.

Belladone rougit, comme à chaque fois qu'il lui murmure des mots en khuzdul à l'oreille. Elle bougonne contre ses manières, avant de rouvrir brutalement ses paupières. Frérin s'inquiète immédiatement, craignant qu'il y ait un problème, quand elle prend sa main pour la poser sur son ventre.

Il sent soudain un coup contre sa paume. Léger, mais un coup tout de même.

Un sourire niais éclaire son visage et son épouse ricane, avant de poser sa main sur la sienne pour se rendormir.

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Hellébore est née lors des premières neiges, petite fille hurlant à pleins poumons et déjà plus grande qu'un bébé Hobbit. Ses yeux gardent au fil des mois la couleur bleue, qui s'éclaircit néanmoins pour devenir de la même teinte que ceux de son oncle Thorïn. Des boucles noires couvrent peu à peu son front pâle et Frérin la couve comme la petite princesse qu'elle est.

C'est d'ailleurs l'un des rares sujets de disputes entre lui et Belladone. Il est à son avis trop protecteur à ses yeux, refusant que Hellébore explore son environnement comme tout enfant de son âge. Le nain ne peut pourtant pas laisser sa petite fille sans surveillance un seul instant et encore moins lui laisser prendre le moindre risque, même lorsqu'elle dort, bien à l'abri dans son berceau.

Sa femme ne comprend pas ce besoin de protection qu'il n'applique pas à Bilbon. Alors il lui explique plus en détail la société naine, le manque de femmes et l'obligation de les préserver des dangers. Ce à quoi son épouse lui répond vertement que leur fille est aussi à moitié Hobbite et qu'en vivant à Hobbitbourg et non dans les Montagnes Bleues, elle serait élevée comme telle. Et dans la Comté, les femmes ne sont pas traitées comme des petites choses fragiles ou rares.

Il n'a pu que s'incliner devant l'insistance inflexible de Belladone, sentant qu'elle contrerait le moindre de ses arguments. Il espère simplement que sa petite fille ne tiendra pas trop du côté Touque de sa mère et ressemblerait plus aux autres enfants du village, joueurs sans être aventureux.

Il a dû apprendre à lâcher des yeux sa fille et Bilbon l'aide à sa manière en lui occupant l'esprit, quand il n'a pas de tâches ménagères à faire. Cela lui permet aussi de passer plus de temps avec son beau-fils.

Frérin est d'ailleurs en train de jouer aux fléchettes avec lui lorsqu'il songe que cela ressemble quand même fort au lancer de couteaux qu'il pratiquait avec Dori quand ils étaient plus jeunes, puis avec Fíli. Et malgré ses efforts, il ne peut s'empêcher de penser que Hellébore serait plus en sécurité si Bilbon pouvait la défendre. Surtout que le jeune adolescent est assez aventureux, rêvant de quêtes épiques.

― Dis, Bilbon… Tu es doué au lancer. Tu voudrais que je t'apprenne à manier des couteaux ?

Le Hobbit lance une nouvelle fléchette sans répondre, qui se plante au cœur de la cible. Puis il se tourne vers lui, l'air vaguement amusé, ses yeux pétillants.

― Fré… Père, je vous vois venir à des kilomètres, le raille-t-il gentiment. Maman ne sera pas dupe non plus.

Le nain essaie de faire un sourire innocent, même si c'était plutôt un sourire chaleureux et touché. Bilbon tente depuis la naissance de sa petite sœur de l'appeler "père" plutôt que par son prénom, pour que jamais la plus jeune ne soit déstabilisée. Il sait que jamais il ne remplacera Bungon, mais cela lui fait quand même chaud au cœur. Au moins, il a réussi à établir une bonne relation avec lui.

― Je m'occupe de convaincre ta mère si tu veux. Et ça te sera utile si jamais tu pars un jour comme elle à l'aventure. Mahal, j'ignore comment elle a fait pour s'en sortir sans égratignure !

Son ton se teinte d'exaspération à ce souvenir. La candeur de Belladone dans sa jeunesse l'a inquiété. Quelle idée de partir sur les routes sans savoir se défendre ! Bilbon rit à sa tête et il lui tire la langue, puérilement.

― Mais comme ça… Si jamais vous n'êtes pas là, je pourrais protéger Maman et Hell, n'est-ce pas ? Je sais comment vous réfléchissez, vous savez, pointe l'adolescent.

Frérin hoche doucement la tête, ne tentant pas de nier. Bilbon soupire, jetant un coup d'œil à la cible où la plupart des fléchettes se tiennent dans les cercles centraux, avant de s'en approcher. Il les retire du disque de paille, se mordillant la lèvre et passant d'un pied sur l'autre, réfléchissant en silence.

― J'ignore ce que l'avenir nous réserve… Ce serait sage d'apprendre, en effet. Et ça reste acceptable pour un Hobbit. Ne pensez même pas me faire tenir une épée un jour !

Il pointe une fléchette dans sa direction et le nain a un geste de recul, pas très rassuré. L'adresse des Hobbits est innée et Bilbon l'égale au lancer sans peine, alors il préférerait éviter de se retrouver changé par inadvertance en cible.

― Frérin, Bilbon, c'est l'heure du goûter ! crie soudain Belladone, depuis le parvis de la porte, Hellébore dans les bras.

Le bébé potelé sourit et babille, agitant les bras dans la direction des deux garçons. Ils rangent leur jeu, avant de rejoindre la cuisine en discutant joyeusement.

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Bilbon et Hellébore échangent un regard et la plus jeune laisse échapper un gloussement, avant de s'empresser de plaquer sa main sur sa bouche. Du haut de ses cinq ans, la petite fille trépigne d'impatience, faisant sauter ses lourdes boucles noires. Ces dernières sont plus courtes que celles des autres fillettes de son âge, puisqu'elle a hérité de la pousse très lente des cheveux des nains. Elle rêve du jour où elle pourrait faire enfin de belles tresses.

Enfin, pour l'instant, elle guette avec son frère l'arrivée du magicien Gandalf pour le cent quinzième anniversaire de son grand-père Gérontius.

― Il arrive bientôt ?

Elle esquisse une moue enfantine, quand un bruit de carriole brinquebalante sur le chemin de terre leur parvient. Elle pousse un cri de joie et, sous le regard amusé de son aîné, se précipite hors du buisson pour se ruer sur la route.

― Sus au magicien ! crie-t-elle joyeusement.

Bilbon éclate de rire et la suit, arrivant en même temps qu'elle face au chariot qui s'est arrêté. Un vieux bonhomme à la longue barbe grise tient les rênes et sourit en le voyant.

― Oh, Bilbon, quel plaisir de vous revoir ! Mais que me vaut ce rançonnement de grand chemin de votre part, en si charmante compagnie ?

Il désigne d'un mouvement du menton Hellébore, qui piaille alors de joie.

― T'as entendu, j'suis char… charmante ! répète-t-elle avec un sourire quelque peu canaille.

― C'est parce qu'il ne te connaît pas, Hell.

Elle arbore une moue vexée et croise ses bras sur sa poitrine, avant de taper du pied dans un caillou. Bilbon lui ébouriffe tendrement les cheveux, avant de répondre à Gandalf.

― Voici ma petite sœur, Hellébore. Maman s'est remariée, explique-t-il avec un sourire. Je supporte donc ce petit diable depuis cinq ans.

L'enfant lui tire la langue et le presque adolescent pose alors ses mains sur les côtes de sa sœur pour la chatouiller. Elle se tortille pour échapper à ses doigts, riant à gorge déployée, et le rire du magicien se mêle finalement au sien. Le vieil homme prend alors le bâton qui repose à ses côtés et envoie une étincelle sur un de ses feux d'artifice.

La fusée part ; les yeux de Hellébore brillent et elle se met à courir en direction du village pour la suivre. Elle est rejointe peu à peu par d'autres enfants, avant que la fusée ne s'élève soudain dans le ciel pour exploser en une gerbe d'étoiles.

Des cris de joie et de stupeur retentissent, alors que Bilbon avance aux côtés de la carriole remise en route. Il esquisse un sourire en voyant sa petite sœur sautiller de joie aux côtés des bambins de son âge, humant une chanson que Frérin a pris plaisir à lui apprendre.

― Mais qu'entends-je ? Ne serait-ce pas une chanson d'origine naine, mon petit ?

Gandalf la reconnaît, sans doute à cause de ses années passées sur la route. Le blond acquiesce, alors que les enfants commencent à s'éparpiller pour rejoindre leurs parents respectifs. Il n'y a que Hellébore qui reste à observer encore le ciel, comme pour espérer la chute de nouvelles étincelles.

Soudain, Frérin apparaît derrière l'enfant et la saisit par la taille pour la soulever dans les airs. Elle crie de surprise, avant de rire quand il la ramène contre lui. Bilbon sourit un peu plus largement, avant d'apercevoir du coin de l'œil l'air légèrement surpris du magicien.

― Si je m'attendais à vous trouver ici, Frérin, fils de Thraìn ! l'apostrophe-t-il alors que la carriole arrive vers le père de famille.

Le nain se raidit et se retourne brusquement vers eux, enserrant Hellébore contre son torse, avant de se détendre significativement en le reconnaissant. Un soulagement infini traverse son visage et il repose sa fille au sol, avant de s'incliner légèrement.

― Tharkùn, c'est un plaisir de vous revoir. Quand Gérontius m'a dit qu'il avait invité un ami artificier pour son anniversaire, j'ignorais qu'il s'agissait de vous.

Bilbon passe son regard de l'un à l'autre, comprenant sans peine qu'ils se connaissent. Mais n'est-ce pas dangereux pour Frérin - et par extension, pour sa mère et ses cadets - que quelqu'un sache qu'il habite désormais à Hobbitbourg ?

Le nain s'aperçoit de son étonnement et lui adresse un sourire rassurant. Il se rapproche ensuite pour passer une main dans les boucles claires, essayant de lui faire comprendre qu'il n'a pas à s'inquiéter.

― J'imagine que je ne pourrais malheureusement pas passer le bonjour à votre frère de votre part, la prochaine fois que je le verrais, ajoute Gandalf en descendant de la charrette.

― Il ne vaut mieux pas, en effet, acquiesce l'ancien prince d'Erebor.

Hellébore bâille soudain et s'avance pour poser sa tête le long du bras de son père. Ce dernier sourit et la reprend dans ses bras, la portant avec aisance alors qu'elle se cale contre son épaule.

― Frérin, tu as vu Hell et Bilbon ? Ils ont échappé à la surveillance de Donna, elle s'en arrache presque les cheveux.

La voix teintée d'agacement de Belladone la précède de peu, avant que celle-ci n'apparaisse au détour d'une colline voisine. Bilbon déglutit soudain, avant de se cacher derrière son beau-père. Celui-ci lui adresse un regard amusé, clairement pas aussi en colère de la situation que son épouse.

― Tu as faussé compagnie à ta tante ?

― Jessamine voulait qu'on joue à la poupée et si elle a convaincu son frère, nous, on voulait pas ! se défend-il. Attendre Gandalf était plus intéressant !

Frérin souffle, alors que sa femme arrive à grands pas, leur dernier-né contre sa poitrine. Il repose Hellébore au sol et oblige Bilbon à repasser devant lui. Sans un mot, Belladone dépose délicatement Arïn dans les bras, avant saisir par l'oreille les deux contrevenants aux ordres qu'elle a émis.

― Je ne peux donc pas vous confier à votre propre tante cinq minutes sans que vous ne fassiez des vôtres ? peste-t-elle.

Le nain berce doucement le bébé dont les premiers cheveux blonds commencent à apparaître, alors que son épouse se calme et relâche les deux plus âgés sous le rire de Gandalf.

― Ils vous ressemblent beaucoup, Belladone, remarque le magicien.

― Malheureusement, oui ! râle-t-elle.

Son époux lâche un petit rire et décale la natte qui couvre la nuque de la Hobbite pour embrasser délicatement la peau. Cela termine de l'apaiser, tandis que Bilbon et Hellébore se frottent chacun une oreille, rougie par la poigne de leur mère.

― Ils me donneront des cheveux blancs avant l'heure, ajoute-t-elle en levant les yeux au ciel. Heureusement qu'Arïn est plus calme pour l'instant que ces deux terreurs.

Le bébé soulève à cet instant ses paupières, dévoilant deux orbes aussi sombres que celles de Belladone, avant de gigoter dans l'étreinte de son père. Ce dernier penche la tête pour embrasser son front, avant de se redresser pour échanger un regard amusé avec le magicien.

― J'imagine que Bilbon et Hell seraient plus qu'heureux de vous mener à Gérontius, Tharkùn.

La petite fille crie de joie à cette idée et court en direction du smial du Thain, tandis que son aîné acquiesce plus calmement, avant de montrer le chemin au magicien.

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― Arïn ?

L'enfant lève sa tête, détachant son regard du livre ouvert sur le sol. Ses boucles blondes retombent devant ses grands yeux sombres, qui fixent Frérin avec une surprise innocente.

― Vous me cherchiez, Père ?

La politesse de son petit dernier fait doucement sourire le nain, qui vient s'accroupir près de lui pour passer une main affectueuse dans ses boucles. Il fait la grimace en retour, plissant la bouche en remontant ses petites mains pour empêcher l'adulte d'emmêler un peu plus ses cheveux.

Frérin rit, avant de prendre soin de démêler avec ses doigts les nœuds qu'il aurait pu faire. L'enfant se colle alors contre son flanc en bougonnant, mais se laisse faire sans plus protester.

― Tu n'étais pas avec Bilbon et Hell dehors, en train de jouer avec la neige, je m'inquiétais. Mais je vois que tu as préféré une activité plus calme. Que lis-tu ?

― Le récit de la dernière grande Alliance entre les elfes et les hommes !

― Depuis quand ta mère a une chose pareille dans sa bibliothèque ? rit-il à moitié.

― Vous devriez lui demander, plutôt qu'à moi, lui répond l'enfant avec un sourire malicieux.

― Touché, ricane-t-il.

Le rire d'Arïn fait écho à son hilarité, alors que le petit garçon se colle un peu plus à lui. Il passe sa petite main sur le papier jauni, caressant l'image qui illustre les faits. Il désigne d'un doigt un des guerriers dessinés, avant de tourner la tête vers son père.

― Vous savez forger des armes, Père ?

― C'est la première chose que j'ai apprise, avant les fers à poney et les outils de jardin.

Frérin observe son fils avec curiosité, se demandant la raison de sa question. Il pose une main dans les boucles blondes, les caressant doucement alors que le petit a l'air de réfléchir. Il lève finalement la tête vers lui, plongeant ses yeux noirs si semblables à ceux de Belladone dans les siens.

― Vous m'apprendriez ? Comme vous apprenez à Hellébore et Bilbon à se battre ?

― Quand tu seras assez grand pour atteindre l'enclume ! Mais tu peux venir me voir travailler, si tu veux.

Le nain esquisse un sourire fier, heureux que son fils s'intéresse à son art. Bilbon se plaît plus à entretenir le jardin, lire ou faire les quatre cents coups avec Hellébore, qui passe son temps à fureter partout, à moins qu'elle n'aide à la cuisine.

Frérin se saisit finalement du livre pour le lire avec son fils, s'amusant de son émerveillement devant les armures finement ciselées des elfes, du dessin précis des chevaux des hommes, de la finesse des armes des quelques nains représentés.

― C'est vrai que les elfes et les nains se détestent ? demande d'ailleurs Arïn, avec l'innocence de ses dix printemps.

Le prince soupire, esquissant une grimace à la question délicate. Il ferme le livre et le délaisse le temps de l'explication, poussant son petit garçon à s'asseoir en face de lui pour mieux voir ses réactions.

― C'est compliqué. Nous ne nous détestons pas. Je dirais que nous sommes en froid, surtout. À la fois pour notre maigre participation au conflit contre Sauron, puis ensuite pour la folie du roi Thrór, qui a amené Smaug. Si les elfes ont aidé les survivants, ils nous blâment pour avoir apporté la calamité sur eux.

― Comme Bilbon et Lobélia ? Ils se détestent pas vraiment, ils se supportent ?

Frérin rit à cette comparaison, pas si mauvaise considérant la mésentente de son beau-fils avec la jeune Hobbite. Il l'a prise en grippe à cause de son caractère qui ne s'accorde pas au sien, ou peut-être pour des raisons plus obscures dont il n'est pas au courant. En tout cas, il reste poli avec elle sans vouloir la fréquenter, ce qui ressemble assez aux relations entre nains et elfes. En tout cas, à ce qu'elles étaient avant qu'il ne quitte les Eren Luid. Peut-être cela a-t-il changé, mais il en doute. Thorïn a d'autres chats à fouetter que l'état actuel des relations diplomatiques entre les deux peuples et c'est sans nul doute le cas des autres dirigeants nains.

En songeant à son frère, il a un pincement au cœur. Thorïn adorerait Arïn. Il pourrait passer des heures à lui parler de l'artisanat nain, à s'extasier avec lui sur des petits détails de forge, plus que lui ne pourrait le faire. Hellébore s'entendrait à merveille avec Fíli et Kíli et les suivrait sans hésiter dans leurs explorations des Eren Luid. Dís prendrait plaisir à partager la culture naine avec eux. Frérin songea douloureusement qu'il est dommage que jamais sa famille ne pourrait découvrir et apprécier à leur juste valeur ses enfants.

Au moins, il peut partager un peu de sa culture avec eux. Les Hobbits se fichent bien qu'il leur en parle ou non, tant qu'ils se comportent comme des membres respectables de la communauté. Et ils réussissent sans peine ; il est difficile de savoir qu'ils sont à demi-nains. Les pieds d'Arïn ne sont certes pas aussi solides et il doit porter des bottes en hiver pour ne pas prendre froid ; Hellébore est sans aucun doute plus grande que les enfants de son âge et ses cheveux pas aussi longs, mais personne d'extérieur à la Comté n'aurait pu jurer qu'ils étaient différents.

Ils vivraient heureux à Hobbitbourg, il n'en doute pas une seule seconde.

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