EDIT : Désolée pour le retard de publication, je vais très bien, ne vous inquiétez pas, mais l'application de mon téléphone a décidé que fonctionner, c'était surfait. Or je publie toujours à partir de l'appli, parce que la probabilité que je me retrouve devant un ordi (perso) entre 9h et 10h le matin est quasi nulle x) Si besoin, j'essayerai de faire publier mes chapitres par qqn d'autre pour les prochains jours, ou bien il vous faudra un peu patienter ! Désolée et merci ^^
Allez, à partir de maintenant, il devrait y avoir de la frustration pour vous, mais plus de descente aux enfers, promis ! (C'était une fic beaucoup plus douce que d'habitude, je trouve !). Et franchement, de mon point de vue, tous les chapitres suivants peuvent s'appeler : "les pitoyables tentatives de John Watson pour draguer un mec qui n'y comprend absolument rien" x)
Petite précision : je lis toutes vos reviews. C'est y répondre que je n'ai pas le temps x)
Précision 2e du nom : les amoureux des descriptions vont être contents. Du moins, j'espère que j'ai pas perdu la main.
Précision 3e dans l'ordre de succession, mais la dernière promis : Soyez pas frustrés quand les messages s'arrêtent à 23h59 et que vous devez attendre le lendemain, parce que je vous rappelle que vous lisez dans le futur ;p Je publie tous les échanges de la journée à 9h du mat, du coup celui de 23h59, techniquement, il n'a pas encore été envoyé ^^ Je pourrais publier tous les soirs à l'heure du dernier texto, je l'ai envisagé, mais j'ai décidé de ne pas être cruelle avec vous ;p
Bonne lecture !
Samedi 18 décembre
[Sam 00h01]
XD XD XD
[Sam 00h02]
Donc, il lui faut une preuve. Je suis certain que le meurtrier en a gardé une. Mais je ne sais pas quoi.
[Sam 00h04]
Mais si tu penses qu'il l'a fait disparaître, ça va être encore plus compliqué, non ? :/
[Sam 00h04]
Oui. Justement. Sauf si je peux prouver qu'il a eu une preuve de sa culpabilité, ET prouver qu'il a volontairement participé à sa destruction.
[Sam 00h05]
C'est chaud patate, là :/
[Sam 00h05]
C'est qui, le meurtrier ? C'est quoi ses motifs, son profil ? Histoire d'essayer de comprendre ce qu'il aurait pu avoir comme preuve.
[Sam 00h06]
Tu veux m'aider ?
[Sam 00h06]
Bah tu m'as écrit, hein. Et j'dors pas, là, alors bon.
[Sam 00h09]
C'est le beau-fils. Jaloux. Peur de perdre son héritage. Voulait faire passer la victime pour violente et alcoolique, pour le mettre sous curatelle, dont il aurait été le gérant. Son plan avait d'ailleurs de grandes chances de fonctionner, même si personne n'avait encore détecté le faux alcoolisme de la victime. Je ne sais pas pourquoi il a été contraint de la tuer, finalement. Ça lui complique la vie, à vrai dire.
[Sam 00h09]
Tu es vraiment sûr que c'est lui ?
[Sam 00h10]
Certain. Son plan initial pour récupérer l'héritage et faire accuser sa belle-mère pour vol était brillant, froid et calculateur. C'est un joueur de poker, et un menteur invétéré. Il est brillant, se croit au-dessus de tout le monde.
[Sam 00h11]
Il se pense intouchable ?
[Sam 00h11]
Quelque chose comme ça, oui.
[Sam 00h12]
Alors il n'a pas détruit la preuve.
[Sam 00h12]
Pardon ? Précise ta pensée.
[Sam 00h15]
S'il est arrogant, ou ce genre de mecs, il l'aura conservée. Ou mieux, il l'aura laissée ou rangée là où TOUT LE MONDE peut la voir, sans réaliser que c'est une preuve, tu vois ? Genre, son arrogance le pousse à EXPOSER la preuve de son crime sans que personne le capte, tu vois. Ça lui donne un sentiment de supériorité encore supérieur.
[Sam 00h15]
John, tu es un génie ! C'est évident !
[Sam 00h16]
Ah bon ? Oo j'ai dit ça comme ça, moi ! Tu as trouvé quelque chose ?
[Sam 00h22]
Sherlock ?
[Sam 00h30]
Bah, j'suppose que t'as capté un truc et que t'es occupé à tout comprendre. Moi j'vais me pieuter. Bonne nuit, Sherlock.
[Sam 00h31]
Et si tu peux m'écrire dans la nuit sans supprimer les messages, histoire que je sache que t'es vivant, c'est cool aussi, hein ^^'
[Sam 00h31]
Bisous.
[Sam 04h24]
Lestrade n'a pas apprécié mes appels au milieu de la nuit. Mais il a fini par m'écouter et retourner sur la scène de crime. J'avais raison sur le bouton de manchette. Ils ont perquisitionné chez le beau-frère et ont trouvé le deuxième. Merci, John. Tu avais raison. C'était brillant.
[Sam 04h24]
Bonne nuit, John.
[Sam 08h56]
Merci de m'avoir envoyé un message cette nuit :)
[Sam 08h57]
Et de pas l'avoir supprimé x)
[Sam 08h57]
Je supprimais les messages que j'adressais à Victor. Je n'ai aucune raison de supprimer les tiens.
[Sam 08h58]
Tu ne dors donc jamais ?
[Sam 08h58]
Pourquoi tu dis ça ?
[Sam 08h59]
Tes messages de la nuit datent de 4h du mat. Il est 9h et tu réponds. Quand est-ce que tu dors ?
[Sam 09h00]
J'ai sommeillé depuis que j'ai appelé Lestrade. Ça va.
[Sam 09h02]
T'es vraiment bizarre.
[Sam 09h09]
Dis, ça te manque pas d'écrire à Victor ? Tu le fais plus. En vrai, maintenant que je sais, je m'énerverai pas si je vois des messages supprimés, hein. Je blague avec ça, mais ça va hein.
[Sam 9h10]
Je sais. Mais ça va. Je n'éprouve plus le besoin de lui écrire.
[Sam 09h15]
Ok. Ce serait normal, si t'en avais envie, hein. T'avais l'air assez paniqué au début, quand t'as compris que tu pourrais plus lui parler comme ça. J'savais pas qu'il était mort, moi, et j'étais un peu con dans mes réponses, désolé *smiley gêné*
[Sam 09h16]
Tu as remonté l'intégralité de notre conversation ?
[Sam 09h16]
*smiley rougissant*
[Sam 09h17]
Quand t'étais porté disparu. C'était débile. Je me suis dit que y'avait peut-être un indice. Je suis remonté au début et j'ai tout relu.
[Sam 09h20]
Ça a dû prendre du temps.
[Sam 09h21]
Un peu. Mais c'était sympa de voir l'évolution de notre relation. J'avais jamais connu ça avec quelqu'un.
[Sam 09h21]
Je doute qu'il y ait beaucoup de gens sur Terre qui ont des relations aussi abouties avec un faux numéro.
[Sam 09h32]
J'avoue x) On a une relation très aboutie de faux numéro, c'est certain :) Si je croyais en Dieu, je le remercierais de m'avoir permis de te rencontrer ainsi. Tu es la personne la plus fascinante que je n'ai jamais vue de ma vie :)
[Sam 09h33]
Tu ne m'as jamais vu.
[Sam 09h33]
Monsieur sémantique et précisions, le retour de la vengeance xD
[Sam 09h34]
Mais cela dit, je compte bien résoudre ça bientôt :)
[Sam 09h34]
Tu as fini ton meurtre, non ? Bravo pour ça, au fait. T'es putain de brillant et génial, assurément :D
[Sam 09h34]
Mon boulot est fini, oui. Je n'ai pas de nouvelles enquêtes en cours. Je suis disponible.
[Sam 09h35]
Aujourd'hui ? *smiley suppliant*
[Sam 09h35]
Enfin sauf si tu veux dormir ou quoi, j'sais pas. T'es ptêtre crevé.
[Sam 09h36]
Je vais bien. Aujourd'hui si tu veux.
[Sam 09h36]
Vraiment ? :D :D :D :D
[Sam 09h38]
Tu es si enthousiaste à l'idée d'entendre l'histoire de ma vie ? Je ne suis pas certain que ça mérite tant de passion.
[Sam 09h49]
Alors premièrement, oui, connaître ta vie m'intéresse énormément, tu es qqn de fascinant. Et deuxièmement, c'est surtout TE rencontrer qui m'enthousiasme :D
[Sam 09h49]
Pas toi ? :(
[Sam 09h49]
T'as déjà tout déduit de moi ? Ça n'a aucun intérêt pour toi de me voir ?
[Sam 09h49]
D'ailleurs, c'est une vraie question, en fait, hein. T'es sûr de vouloir me voir ?
[Sam 09h351
Oui, bien sûr, pourquoi ?
[Sam 09h53]
Parce que j'étais une expérience, tu devais me déduire sans me voir. Ça ne va pas tout gâcher ? Même si y'a longtemps que t'as pas déduit qqch de moi...
[Sam 09h54]
Non, ça n'a plus aucune importance. D'une manière assez inexplicable, tu es devenu un proche, et te déduire n'a plus beaucoup de sens, du moins pas de la manière dont je le faisais initialement.
[Sam 09h56]
D'accord :) :) :) :)
[Sam 09h56]
Je suis content que tu admettes enfin me considérer comme ton ami :D
[Sam 09h56]
On s'organise comment, alors ? Tu veux que je vienne chez toi ?
[Sam 09h56]
Quoi ? Pourquoi ?
[Sam 10h02]
Pourquoi quoi ? Oo
[Sam 10h03]
Pourquoi tu veux venir ?
[Sam 10h09]
Quoi, ta chambre est mal rangée parce que tu planques des cadavres dans le placard ? xD
[Sam 10h10]
Et je veux venir parce que t'as des prob pour sortir, idiot, je veux te faciliter la vie ! :)
[Sam 10h10]
J'ai un crâne sur ma cheminée, et une tête dans mon frigo. Mais ils ont été obtenus légalement.
[Sam 10h10]
xD
[Sam 10h11]
Je peux gérer une courte sortie. Ça ira.
[Sam 10h12]
D'accord :) Alors où ? Tu as un lieu que tu aimes bien ?
[Sam 10h13]
Chez Speedy ? Tu sais où c'est, au moins.
[Sam 10h13]
Et il n'y a pas trop de monde, généralement. Je n'aime pas vraiment la foule.
[Sam 10h15]
Je comprends, pas de souci. Je suis pas fan non plus.
[Sam 10h15]
Speedy ça me va :) On pourra aller se promener dans Regent's Park s'il fait beau et que tu le sens.
[Sam 10h16]
Il fait froid.
[Sam 10h19]
Le givre et le gel fait des très jolies photos. J'espère bien qu'il va finir par neiger vraiment !
[Sam 10h19]
À quelle heure ?
[Sam 10h20]
Comme tu veux. Je n'ai rien à faire.
[Sam 10h26]
Ok ben en début d'aprem ? Genre 14h30, ça te va ?
[Sam 10h28]
C'est parfait.
[Sam 10h35]
Ok. Ben c'est noté. La date est prise, le rencard est décidé. On se voit dans un peu moins de quatre heures.
[Sam 10h35]
Ça me fait tout bizarre... mais je suis très heureux :)
[Sam 10h36]
J'en suis content aussi, John.
[Sam 14h02]
Je suis dans le métro. J'ai hâte :)
[Sam 14h23]
Je suis bien arrivé. Je t'attends :)
John jouait nerveusement avec son téléphone, le faisait passer d'une main à l'autre, et tournoyer. Il avait connu bien des situations angoissantes dans sa vie, mais rien ne l'avait préparé à ce niveau de stress qu'il rencontrait. Le Speedy's n'était pas exactement un café où on pouvait s'asseoir et attendre quelqu'un, c'était plus du genre commande au comptoir, récupérer sa commande et aller s'installer pour grignoter un morceau sur le pouce. Du coup, il faisait tache dans son coin, installé à table sans rien devant lui. Il ne voulait pas commander sans Sherlock. Le patron, vu le peu d'activité dans son café, était venu lui demander s'il voulait quelque chose, en précisant que tout était au comptoir, et qu'il n'y avait pas de carte, mais John lui avait expliqué attendre quelqu'un et, compréhensif, l'homme s'en était allé avec un sourire. Ce n'était pas vraiment comme si le jeune homme anxieux lui faisait perdre des clients. Et puis, il avait une certaine faiblesse attendrie pour les couples et leur premier rendez-vous, et il aurait mis sa main à couper que ce jeune homme attendait quelqu'un de très important pour lui.
Le tenancier se fit la promesse de tout faire pour l'aider dans ce rencard qui avait l'air de l'angoisser.
John resserra sa main autour de son téléphone. Sherlock n'avait pas répondu à ses textos, donc il était probablement en chemin. Il n'habitait pas très loin, de toute manière. Et puis John avait conscience d'avoir été en avance de dix bonnes minutes, et encore, il avait dû se réfréner pour ne pas arriver si tôt. Il était descendu deux arrêts avant Baker Street pour finir le trajet à pied, calmer ses nerfs, et ne pas arriver avec vingt-cinq minutes d'avance.
Ça n'avait pas du tout marché, du moins pour le fait de calmer son angoisse. Au contraire. Il avait passé encore plus de temps à avoir froid et se demander à quoi il allait ressembler en arrivant, au vu du vent glacé qui soufflait, s'infiltrait sous son manteau, gelait ses mains pourtant enfoncées dans ses poches, rougissant son teint.
Il n'osait pas ranger son téléphone, de peur de rater un message. Un appel. Une annulation ? L'idée que Sherlock ne vienne pas lui rongeait l'esprit, pernicieux cancer qui lui gangrenait les neurones. Après tout, il avait refusé de voir John une fois, par hasard. Et il ne sortait pas de chez lui, normalement. Pourquoi braverait-il cet interdit ? Cet empêchement ? Cette difficulté ? Pour John ? Après tout, il n'avait aucune idée des véritables raisons qui empêchait Sherlock de sortir.
Les angoisses de John continuaient de le ronger au rythme de la trotteuse de la pendule au mur, qui égrenait lentement les secondes et progressait tranquillement. Désormais, il s'inquiétait du fait que Sherlock ne soit pas réel. Du moins, pas réel comme John l'entendait. Peut-être était-ce une femme ? Peut-être était-ce un père de famille, un retraité, un vieillard ? Peut-être était-ce plusieurs personnes ? Peut-être était-ce une énorme blague, montée de toutes pièces avec beaucoup de talent par Mike. Ce dernier avait été un de ces meilleurs amis au lycée, ils auraient dû faire médecine ensemble avant que John ne rejoigne l'armée. Ils s'étaient retrouvés en début de mois, et étaient toujours amis, s'envoyaient des nouvelles épisodiques et discutaient avec plaisir, mais n'avaient jamais retrouvé leur complicité d'antan. John ne le connaissait plus comme avant. Peut-être qu'il avait les ressources nécessaires pour...
— Bonjour, John.
Interrompu dans ses pensées, John releva la tête, et se mit à béer d'incrédulité.
Persuadé d'être en avance, et comme Sherlock n'avait pas donné de nouvelles du genre « je suis là dans cinq minutes » ou « je pars de chez moi » ou « je suis à deux stations de métro, j'arrive » comme faisaient les gens normaux (et qui mentaient trois fois sur quatre en disant être presque arrivés quand ils prenaient à peine leur premier métro), John n'avait pas surveillé les entrées en cherchant à travers chaque client s'il pouvait être Sherlock Holmes.
Il avait eu parfaitement conscience, durant tout le trajet, qu'il n'avait aucune idée d'à quoi ressemblait Sherlock, et que Sherlock ignorait à quoi il ressemblait. Pour autant, il n'avait rien demandé, parce qu'il devinait sans mal que son ami allait lui signifier avec mépris qu'il le reconnaîtrait « évidemment ».
Et il avait eu raison. Il avait reconnu John, et ce dernier referma la bouche, avant de la rouvrir pour demander, d'une voix nettement plus faible qu'il ne le souhaitait :
— Sherlock ?
— Enchanté de te rencontrer, répondit Sherlock.
Et sa voix glissait comme du chocolat chaud, baryton bas et lourd, et ça ne venait que se rajouter au reste de son incroyable personne. Il avait eu raison, au téléphone, ce que John entendait dans l'écouteur ne rendait pas justice à sa vraie voix.
D'un mouvement fluide, il s'assit en face de John, se débarrassant de son manteau — qui devait valoir plus cher que toute la garde-robe de John — et révélant une silhouette encore plus fine que prévu, dans un costume sur mesure qui épousait chaque courbe de son corps, la nuance de bleu profond de la chemise faisait ressortir les yeux clairs de son vis-à-vis.
John s'était habillé pour ce rendez-vous. Il avait fait de son mieux. Il ne valait absolument rien face à la gravure de mode qui se tenait face à lui. Il regretta ses quinze minutes de marche dans le froid qui l'avaient décoiffé et fait rougir le nez. Il était pathétique.
— Désolé, s'excuse John en reprenant pied avec la réalité. T'es pas comme j'imaginais.
Sherlock leva un sourcil.
— Je t'avais déjà dit plusieurs fois que je n'avais pas de monocle et de pipe.
John explosa de rire, surpris par la spontanéité de la blague, et encore plus par l'air mortellement sérieux de Sherlock, comme s'il n'avait pas conscience qu'il venait de dire quelque chose de très drôle. Ça donnait à John envie de sourire tant et plus, et il abandonna l'idée de se maîtriser, se contentant d'agir et réagir sans y réfléchir.
— Je le sais, ça, répondit-il avec un grand sourire. Mais même, j'avais construit un genre d'image mentale, et t'étais pas aussi beau et tout, dans ma tête. Je ressemble à ce que tu imaginais de moi ?
Sherlock parut perplexe, un bref instant, mais il ne releva pas la réplique de John sur son physique. Molly lui avait déjà dit qu'il était beau, et il avait demandé confirmation à plusieurs personnes. Bizarrement, ça ne lui avait jamais fait le même effet de savoir qu'il était séduisant que quand c'était John qui le disait.
— Je n'avais pas d'image mentale, mais oui, tu ressembles au portait que j'avais de toi.
— Pas trop déçu, alors ? demanda John avec plus de pitié dans sa voix qu'il n'aurait voulu en avoir.
Sherlock écarquilla les yeux, sincèrement surpris par la question. Une petite partie de l'esprit bizarre de John songea que c'était vraiment dommage qu'il n'utilise pas de smileys, parce que son visage paraissait extrêmement expressif, et que John aurait volontiers transposé les réactions envoyées par smileys sur l'image qu'il essayait de graver sous son crâne.
— En quoi pourrais-je bien être déçu ? Tu es exactement qui je pensais que tu étais.
John haussa les épaules, tentant de paraître plus décontracté qu'il ne l'était en réalité.
— Tu n'as jamais pensé que je pouvais être un pédophile ? Un homme ou une femme adulte ? Un menteur ? Un flic sous couverture tentant de chercher des pédophiles ? Un meurtrier cherchant sa prochaine victime ?
Ce fut au tour de Sherlock de hausser les épaules.
— Absolument pas. Ce serait la méthode la plus contre-productive au monde que de faire un numéro au hasard et essayer de trouver une proie adaptée à ta pathologie ou ton emploi. La probabilité que nous habitions le même pays était déjà faible, alors la même ville ! Il ne faut pas trop en demander non plus. Et puis, c'est moi qui t'aies écrit le premier.
John rit de nouveau, avec plus de sincérité qu'il n'en avait ressentie depuis très longtemps. Sherlock gardait son visage sérieux, mais quelque part au fond de ses yeux, il y avait une forme d'amusement, d'affection, et John trouvait cela bouleversant.
— Pas faux, je le reconnais, tu es bien le génie de nous deux.
— N'as-tu pas pensé que MOI, je pouvais être un pédophile ou quelque chose de ce genre ? Ce ne serait pas la première histoire où des gens se font avoir, abuser sexuellement, physiquement ou escroquer ou extorquer de l'argent parce qu'ils ont fait confiance à des personnes qu'ils ne pouvaient pas voir. J'en ai résolu plusieurs enquêtes de ce genre.
John tordait nerveusement ses mains sur la table, regrettant qu'il n'y ait pas de serviettes de table qu'il aurait pu déchirer ou malaxer pour passer son stress. La situation n'avait pourtant rien d'exceptionnelle, et la conversation se passait bien, mais il ne se sentait plus protégé par le fait qu'ils étaient à l'écrit par le téléphone. Même s'il ne l'avait jamais fait, il pouvait supprimer ses messages, à l'écrit. Il corrigeait aussi parfois ses formulations, ses fautes d'orthographe, de frappe. Là, tout ce qu'il disait ne pouvait pas être repris. C'était terrifiant et paradoxalement exaltant. Depuis trois mois, quand il avait été blessé au front et avait perdu toute son unité, c'était la première fois qu'il se sentait aussi incroyablement vivant qu'en discutant avec cet homme.
— Je ne suis pas une faible femme, répondit John. Bien sûr, j'ai envisagé que tu ne sois pas ce que tu dis, mais après, j'ai eu la confirmation de Lestrade et Molly, hein. Et puis franchement, personne ne pourrait créer et simuler un personnage aussi... aussi toi.
Sherlock fronça les sourcils, peu certain de s'il s'agissait d'un compliment ou d'une insulte.
— Aussi moi ?
— Je vous sers quelque chose, les garçons ?
Ils sursautèrent tous les deux. Le patron du café venait d'apparaître à côté de leur table, avec un sourire paternaliste et encourageant. Il n'en avait rien à faire que le pauvre gosse qui stressait pour son rencard ait rendez-vous avec un garçon plutôt qu'une fille. Il était prêt à les servir à la table, comme dans un vrai resto, si ça pouvait leur faire plaisir. Il voyait bien la nervosité du petit blond, et l'apparente décontraction du grand brun. Il voulait les encourager.
— Oh, euh, pardon, j'attendais Sherlock pour commander, je vais venir... balbutia John, qui connaissait les pratiques de l'établissement. Tu veux quelque chose, Sherlock ?
— Je vous amène ce que vous voulez ! sourit le gérant. Qu'est-ce que ce sera ?
— Thé pour moi, répondit Sherlock. Vert ou noir, peu importe tant que ce n'est pas excessivement sucré.
— Chocolat chaud, annonça John, assumant ses envies de sucré comme un enfant. Et deux muffins. Tu dois goûter les muffins, Sherlock. C'est une tuerie.
Le patron lui sourit. Depuis que John venait, il avait découvert que si la plupart des gâteaux étaient tout faits et décongelés, les muffins et les cookies étaient fait maison, et qu'ils étaient délicieux. C'était son plaisir d'hiver, lui rappelant les goûters de son enfance.
— Je ne suis pas trop nourriture, grimaça Sherlock.
— Tu vas le devenir avec ces muffins, assura John. Et ce sera tout, merci beaucoup monsieur.
L'homme sourit en hochant la tête. Il pouvait bien les servir à table, si ça pouvait les aider ! Il se promit de revenir avec une bougie, pour l'ambiance, quand il leur apporterait leur commande.
— Qu'est-ce que tu voulais dire par « aussi toi » ? ré-attaqua aussitôt Sherlock dès que le serveur fut reparti.
John lui sourit.
— Rien de mal. T'as l'habitude qu'on t'insulte, hein ?
— Plus fréquemment que l'inverse, c'est certain.
John sourit encore plus largement.
— Bah tu vas devoir apprendre à accepter les compliments. Je voulais dire par là que tu es assez exceptionnel, dans le bon sens du terme. Je ne vois pas quiconque être capable de simuler un caractère et une intelligence pareille. C'est impossible. Enfin, si, un autre génie le pourrait peut-être, mais de ton niveau, ils sont rares.
Sherlock fit la moue, blasé.
— La moitié de ma famille pourrait sans doute y parvenir sans difficulté. Mon frère a des qualités de réflexion certaines.
— Ouais, mais j'imagine que le génie, c'est de famille, rit John. Parmi les gens qu'on croise tous les jours, rares sont les génies comme toi.
Un bref instant, dans le Palais Mental de Sherlock s'agita son pire cauchemar, mais il fit taire le bruit, fermant les portes qui menaient au sous-sol. Tant que personne ne lui posait de questions, il n'avait pas envie d'en parler. Pourtant, il était paradoxalement étreint par l'envie violente de tout raconter à John. Il lui faisait confiance, ce qui n'avait pas de sens, parce qu'il le connaissait depuis peu. Et il n'avait jamais tout raconté à quiconque. Mycroft lui-même ne savait pas tout. Victor avait payé de sa vie que Sherlock lui mente, il n'avait pas pu se méfier des mauvaises personnes qui gravitaient autour de Sherlock. Il avait beau savoir qu'aujourd'hui, les risques étaient inexistants, et que John n'était pas en danger, a fortiori puisque personne ou presque n'avait connaissance de son existence (et par personne, il entendait surtout Mycroft), il ne pouvait pas s'empêcher de ressentir l'envie de tout lui dire.
— Tu serais surpris du nombre de personnes qui cachent des choses, répondit-il. Certains criminels sont très imaginatifs et doués.
— J'imagine que t'as dû en voir des tonnes ! Tu dois avoir des tas d'histoires plus ou moins glauques mais surprenantes ! T'as déjà raté une enquête ? Été incapable de trouver un meurtrier ?
Il souriait, sincèrement intéressé parce que ce Sherlock faisait dans la vie, sans en ressentir le moindre dégoût ou horreur. Sherlock, lui, songeait juste que les questions inconscientes de John tapaient là où ça faisait mal.
— J'ai toujours trouvé les coupables, répondit-il prudemment, mais j'ai quand même connu quelques échecs. Certaines choses ne se passent pas toujours comme prévu. Mais j'ai résolu plus d'enquêtes que je n'en ai raté. À vrai dire, je n'ai qu'un seul gros échec à mon actif.
— Vantard, s'amusa John avec un grand sourire. Raconte-moi !
— Mon échec ? demanda Sherlock du ton le plus neutre qu'il pouvait.
— Si tu veux. Ou autre chose. Genre, les enquêtes où je suis allé pour toi, explique-moi ! Parce que j'ai carrément pas tout compris, hein ! T'as fait comment ?
Il était sincèrement intéressé, et Sherlock se détendit. Une partie de son esprit entama des recherches dans son inconscient pour établir quelle était la longueur d'onde exacte de la couleur des yeux de John Watson, parce qu'il trouvait leur couleur exceptionnelle et il voulait pouvoir la retrouver. L'autre partie de son esprit commença à raconter, parce qu'il aimait ça.
Il aimait narrer son génie, ses déductions. Il découvrit, à sa grande surpris, qu'il aimait avoir un public attentif, qui disait bravo et brillant, faisait de son mieux pour suivre son discours, et qui le complimentait sincèrement.
On vint leur apporter leur commande, mais ils en eurent à peine conscience. Sherlock ne monologua pas comme il l'avait craint : John savait l'interrompre, et s'imposer quand il voulait commenter, quand il devinait quelque chose à venir ou au contraire quand il perdait le fil des pensées chaotiques de Sherlock et qu'il avait besoin d'une précision supplémentaire.
En même temps qu'ils parlaient, ils burent et mangèrent, et firent signe à plusieurs reprises au patron du café pour être réapprovisionné, sans même vraiment le réaliser, perdus dans leur discussion, de la bulle entre eux qu'ils créèrent dans un coin, loin des autres. John était focalisé sur Sherlock, et il ne voyait rien d'autre. Sherlock était dos au reste de la salle, et ne voyait que John, n'étant parasité par rien d'autre.
John avait du répondant, et des connaissances en médecine impressionnantes pour quelqu'un de si jeune qui avait à peine fini ses études. Sherlock pouvait débattre de milliers de sujets avec des connaissances encyclopédiques, et John adorait l'écouter puis lui demander de parler d'un acteur ou d'un people, et voir son ami plonger dans les affres de la perplexité et de l'inconnu.
Des heures durant, engloutissant des gâteaux, du thé et du chocolat (et John avait raison : ceux faits maison par le gérant étaient absolument excellents à rendre addict au sucre un puriste), ils discutèrent jusqu'à ce qu'il fasse nuit.
— Oups, commenta John après plusieurs heures. Je devrais peut-être rentrer chez moi...
Sherlock haussa les épaules.
— Tu as quelque chose à faire ?
— Non... pourquoi ?
— Je peux te montrer quelque chose ?
John fronça les sourcils, perplexe, mais Sherlock pouvait lire dans son langage corporel que tout en lui hurlait son envie de dire oui. En outre, il avait conscience que John n'avait pas raison particulière de rentrer chez lui. Considérant qu'ils avaient passé l'après-midi à manger des gâteaux en continu, ce n'était clairement pas l'envie de dîner. Personne ne l'attendait spécialement, et il n'avait pas de rendez-vous demain, ni de job auquel se rendre. Il n'avait aucune raison de refuser la proposition de Sherlock, sauf s'il n'avait plus envie de passer du temps avec lui.
— D'accord, accepta John après un temps.
Au moment de régler, le gérant leur tendit une note extrêmement longue, et importante. Personne ne consommait jamais autant dans le petit bar de quartier, et John blêmit en voyant le total.
— Je peux payer, indiqua Sherlock.
— Non ça va. 50/50, c'est ok.
— Je peux payer, insista Sherlock. Je suis payé pour résoudre les enquêtes de Scotland Yard, et tu es mes yeux sur les enquêtes. C'est logique que tu sois rétribué aussi pour cela. Je peux payer.
John, lentement, rangea son portefeuille, marmonnant un merci qui valait acceptation. Sherlock apposa sa carte bleue sur l'appareil sans aucune gêne, et sans comprendre pourquoi John le prenait mal. L'argent n'avait jamais été un souci pour lui, et Mycroft avait recommencé à avoir à son égard certaines largesses, tant qu'il pouvait suivre l'utilisation de l'argent de son cadet. Sa CB ne posait pas de souci, et son frère se montrait suspicieux uniquement quand Sherlock retirait du cash. La mainmise de son aîné sur ses comptes bancaires l'empêchait purement et simplement, en réalité, de retirer du liquide. Sherlock travaillait à la question de reprendre la gestion de ses comptes sans que Mycroft s'en aperçoive.
Pour lui, l'argent n'était qu'un moyen, inutile et pénible. Il n'avait aucunement conscience que John était gêné de son manque d'argent. Sa pension militaire ne suffisait pas pour vivre, et le jeune médecin n'aurait un travail stable qu'à partir de janvier. Sa paie n'arriverait pas avant la fin du mois. D'ici là, il devait vivre sur ses réserves, et comptait son budget avec précision. Il s'était auto-offert son tour de grande roue en guise de cadeau de Noël avec l'argent obtenu par les gardes supplémentaires à Saint Bart, mais il n'avait pas prévu de dépenser une somme aussi importante dans un bar pour un après-midi à manger des gâteaux.
Pire, la sensation de se faire entretenir, alors qu'on l'avait élevé à payer sa part et celles des filles, le rendait particulièrement grincheux, blessé dans son honneur.
— Allons-y, indiqua Sherlock en sortant.
La nuit était tombée, et un vent glacial soufflait sur Londres, comme ces derniers jours. Sherlock referma davantage son Belstaff, sans paraître gêné par le froid, tandis que John resserrait les pans de son manteau et plongeait les mains au fond de ses poches.
— Où va-t-on, au juste ? demanda-t-il. Ça va ? Tu te sens bien ?
— Quelque part. Tu peux marcher ? C'est plus loin.
John hocha la tête, marcher les réchaufferait, et Sherlock se mit aussitôt en route, obligeant John à courir un bref instant pour le rattraper. Il n'avait pas réalisé à quel point son nouvel ami était plus grand que lui. Assis à table, l'impression était faussée, et c'était seulement en marchant à ses côtés, devant se presser pour suivre ses enjambées, que John le réalisait vraiment.
— Putain d'enfoiré, commenta-t-il. T'es trop grand.
Sherlock lui jeta un regard désabusé. Leur conversation reprit à partir de là, et John en oublia de lui demander pourquoi il n'éprouvait aucun problème à se balader en ville à ses côtés, alors même qu'il refusait jusqu'alors la possibilité de sortir de chez lui. Il oublia toutes les questions qu'il avait, et tout ce dont ils auraient dû discuter et qui avait motivé leur rencontre, pour se perdre dans la conversation cynique et brillante de Sherlock.
Il oublia tout quand le détective les mena à un immeuble en chantier, et qu'il força toutes les serrures avec un talent que bien des cambrioleurs lui auraient envié.
Il oublia tout quand Sherlock lui fit monter les quinze étages en construction.
Il oublia tout quand ils débouchèrent sur ce qui serait, un jour, un toit, et qui n'était qu'une immense surface plane sans aucun parapet ni protection.
Il oublia tout quand il découvrit une nouvelle vue de Londres, illuminée dans la nuit, à une hauteur de 40m de haut, bien moins que le London Eye, mais sans aucun système de sécurité.
Il oublia tout quand, terrifié par le vide et douloureusement attiré par le paysage, il sentit sa respiration s'accélérer, son cœur tambouriner et sa température chuter brusquement.
Il oublia encore plus de chose quand Sherlock, naturellement, tendit la main et attrapa la sienne, calmant aussitôt et inconsciemment sa crise de panique, pour l'amener plus près du bord, pour lui offrir de nouveau un paysage renversant en luttant contre son vertige.
Il oublia tout tandis qu'ils s'installèrent sur ce toit, regardant les étoiles, discutant de tout sauf de ce qui importait, frigorifiés, couchés l'un à côté de l'autre. John apprit à un Sherlock perplexe l'intégralité du système solaire et des étoiles de la voie lactée. Sherlock disserta sur la composition chimique de l'atmosphère. Et les heures s'égrainèrent sans qu'ils ne s'en rendent compte.
Ils se séparèrent au métro, alors que la nuit était déjà bien avancée.
— Je vais par là... indiqua John en désignant la station de métro.
Sherlock hocha la tête.
— Et toi ?
— Je rentre à pied.
— Ça va aller ?
Sherlock haussa les épaules. John ne se sentit pas le courage de lui demander des précisions, de lui proposer de le raccompagner, voire peut-être de lancer enfin ces conversations qu'ils avaient évitées des heures durant, consciemment ou non. En ce qui concernait John, il lui était arrivé d'y penser, mais Sherlock disait quelque chose d'intéressant, ou bien s'intéressait à John, et le jeune médecin oubliait alors ses questions. Il ignorait si les changements de sujets étaient volontaires de la part de Sherlock, et quel était le niveau de maîtrise de la conversation qu'il avait eue.
— Ok. Rentre bien, Sherlock. Bonne nuit.
John hésita, un instant. La poignée de mains était trop formelle, à son sens. Il n'était pas français pour se permettre d'aller embrasser son ami. Il était trop anglais pour ne pas respecter l'espace personnel que tout britannique instaurait naturellement avec les autres. Mais ils avaient passé une partie de la soirée couchés l'un contre l'autre sur le haut d'un toit à regarder les étoiles. L'espace personnel avait été aboli depuis longtemps entre eux.
Alors John cessa d'hésiter, et tendit les bras. Sherlock n'eut pas le temps de réagir, ou bien il fut trop surpris pour cela. Il avait beau être plus grand que John, cela n'empêcha pas ce dernier de l'attraper, et le presser contre lui, dans une étreinte qui dura une seconde de plus, une seconde de trop.
Suffisamment longtemps pour que John chancelle en le relâchant, avec un sourire vaillant.
— Bonne nuit, Sherlock.
Il fit volte-face et disparut dans la station de métro avant d'avoir eu le temps de faire autre chose de stupide, dicté par ses pulsions et l'odeur enivrante du manteau de Sherlock, quand il l'avait enlacé et pressé contre lui.
[Sam 23h55]
Je suis bien rentré. J'espère que toi aussi :)
[Sam 23h55]
J'ai passé une merveilleuse journée, Sherlock. Merci pour tout.
[Sam 23h56]
Bonne nuit. Fais de beaux rêves.
