Chapitre 5

Levi se laisse porter par un sentiment grisant d'euphorie. Il flotte. Il vole. Contre toutes les probabilités, il a réussi cette putain de mission.

— Eren Jaeger, assène-t-il en frappant du plat des deux mains le bureau d'Erwin.

Le capitaine sursaute. Il le regarde avec un air effaré, et Levi se rend compte que son apparence doit être un peu impressionnante pour quiconque n'a pas les détails de ce qu'il s'est passé. Par réflexe, il s'essuie les joues avec son avant-bras.

— Le… Le Cuirassé ? demande Erwin en se ressaisissant.

— L'Assaillant.

La binoclarde déboule à son tour dans la pièce et se met à poser des questions à un débit inhumain. Maintenant qu'il a réussi son petit effet d'annonce, qu'il a remis entre les mains d'Erwin le fardeau de l'information qu'il désire tant, Levi sent une vague de lassitude l'envahir. Et un profond soulagement. Il rassemble ses dernières forces pour ne pas s'écrouler sur le sol devant les deux policiers. Il l'a fait. Il s'est frotté aux Titans et il a survécu. Il est le premier à réussir cet exploit, là où tant d'autres ont échoué. Isabelle et Furlan sont libres. Il est libre. Il titube.

— Hange, l'interrompt Erwin. Laisse-le pour le moment. Ça va aller, Levi ? Tu as besoin que quelqu'un te ramène dans ta chambre ?

— Laisse sortir Isabel et Furlan, grogne Levi.

— Je vais les faire libérer. Mais je crois que tu as avant tout besoin de souffler un peu. Tu es blessé ?

Levi secoue la tête en signe de dénégation. Erwin ne paraît pas convaincu.

— Le médecin va t'examiner, si ça ne te dérange pas.

— Ça me dérange. Écoute, j'ai donné des coups, j'en ai reçu, rien de grave. J'ai l'habitude.

— Levi. C'est la procédure.

Le malfrat donne son avis sur les procédures d'un claquement de langue méprisant.

— Repose-toi, si tu en as besoin. Ensuite, tu viendras me faire le rapport de la mission, exige Erwin.

Il commence à se faire tard, mais Erwin ne parviendra pas à trouver le sommeil avant qu'il ne lui fasse son rapport. Levi non plus n'arrivera pas à dormir de sitôt, malgré son épuisement, à cause de l'adrénaline qui reflue encore dans ses veines. Hange gémit de frustration à l'idée de devoir patienter avant d'obtenir les réponses à ses innombrables questions. Erwin les ignore tous les deux pour écrire sur un bout de papier le nom que vient de lui donner Levi. Ce dernier tourne les talons pour sortir de la pièce.

— Je vais revenir chercher tout ce que tu m'as promis, avertit-il avec un dernier regard pour Erwin.

Prendre un bain lui fait du bien. L'eau chaude le débarrasse de la saleté et détend ses muscles endoloris. Une fois qu'il a frotté avec soin chaque centimètre carré de son corps, il sort de l'eau souillée et enfile ses vêtements. Les siens, ceux dans lesquels ils l'ont capturé. Il en a fini avec les uniformes, les grades, la hiérarchie artificielle. Il se sèche les cheveux et s'examine dans le miroir. Un bleu discret s'épanouit sur sa pommette gauche, mais en dehors de ça et des habituels cernes lui mangent le visage, il a l'air plutôt en forme. Sa lèvre ouverte par le coup de matraque de Mike est presque cicatrisée.

Il court presque jusqu'à la pièce où l'attendent Furlan et Isabel. Son soulagement de les retrouver est tel qu'il enfouit son visage dans leurs cheveux et inspire profondément. Il n'a jamais été très enclin à montrer son affection, encore moins par des témoignages physiques. Mais il a vraiment cru qu'il ne les reverrait jamais. Sentir leurs corps palpiter contre le sien lui serre la gorge. Tu ne vas pas te mettre à pleurer, quand même ? Il se retient.

Il se sent flotter. Il a réussi. La fatigue le submerge par vagues puis disparaît avant de revenir quelques minutes plus tard. Une fois qu'il a pris le temps de s'assurer que ses compagnons vont bien, il les envoie dîner au mess des officiers. Il décline leur proposition de les accompagner, car il n'a pas faim et il lui tarde d'en finir avec les tâches administratives. Il passe voir le médecin et se montre odieux avec lui pour écourter la consultation. En dehors de quelques contusions et d'une entaille à l'épaule vite recousue, il n'a pas grand chose à rafistoler, comme il l'a dit à Erwin. Il retourne ensuite dans le bureau où le capitaine l'attend avec Hange. Mike rôde dans les parages, et Levi devine à sa mine contrariée qu'il n'a pas obtenu l'autorisation de participer à la réunion. Il lui adresse un geste obscène de l'index et un rictus insolent. Mike serre les poings mais passe son chemin. Levi peut comprendre qu'il n'ait pas envie de s'attaquer au survivant d'une confrontation avec les Titans. En une journée, il a acquis un statut digne de respect. Moblit se trouve dans le bureau d'Erwin, lui aussi, assis à l'écart.

— Il va prendre des notes pendant que tu parles, explique Erwin d'un ton tranquille.

Levi lui est vaguement reconnaissant de s'être souvenu qu'il ne sait ni lire ni écrire. Normalement, les officiers sont supposés rédiger un rapport à leur retour de mission. Il aurait été bien dans l'embarras de devoir le faire.

Levi s'assied en face d'Erwin, bras et jambes croisées. Il n'a jamais été du genre à faire de grands discours. Il se contente donc d'un résumé succinct, lapidaire. De temps à autre, Hange prend une inspiration pour le couper avec une question, mais Erwin lève la main pour l'empêcher de parler. Levi raconte comment il a retrouvé la trace du Titan Cuirassé grâce aux combats clandestins qu'il organise en ville. Comment il a participé à ces combats, jour après jour, pour s'approcher de l'épicentre de sa petite organisation, de victoire en victoire. Il a fini par se retrouver face à lui.

Là, il prend le temps de le décrire. Hange boit ses paroles. Le Cuirassé porte effectivement une espèce d'armure qui lui couvre tout le corps mais qui semble peu entraver ses mouvements. Oui, elle lui couvre même une partie du visage. Non, il n'a aucune idée du matériau qui la compose. C'est sans doute un métal particulièrement léger, mais il n'en est pas certain. Levi a aussi vu le Colossal, mais de loin et de dos. Il reconnaît avec mauvaise grâce qu'il mesure presque le double de sa taille.

Le Cuirassé provoque en duel celles et ceux qui sont arrivés jusqu'à lui au fil des combats, mais n'a encore jamais trouvé quelqu'un susceptible de le battre. Levi a accepté le challenge. Dès le début du combat, il a compris rapidement qu'il n'allait pas faire le poids face à un tel monstre. Peu disposé à mourir dans une arène de combats clandestins entouré d'idiots assoiffés de sang, il a tenté de fuir. Et c'est là que tout a dégénéré. Dans la cohue, il s'est retrouvé nez à nez avec un gamin beaucoup trop jeune pour se trouver là et l'a traîné à l'écart pour le sauver des charges brutales du Cuirassé. A cet instant, il a pensé que sa mission avait échoué.

— Les Titans ont un tatouage. Le Colossal et l'Assaillant l'avaient tous les deux. Le Cuirassé sans doute aussi, sous son armure.

— Quelle sorte de tatouage ? demande Erwin.

— Un simple trait. Là.

Levi plaque sa main contre sa nuque, à la racine de ses cheveux. Après l'avoir remercié de l'avoir sauvé, le gamin lui a dit son prénom. Levi s'est rendu compte quand il s'est retourné pour partir qu'il portait lui-aussi ce tatouage. Tout s'est aligné dans son esprit.

— Alors c'était si facile que ça ? demande Hange. Il t'a juste dit son nom ?

— Ce n'est clairement pas le plus futé de la bande, répond Levi. Quand le Cuirassé a perdu la boule, le môme ne voulait pas quitter l'auberge. Il a failli l'écraser une demi-douzaine de fois. Sur le coup, j'ai pas compris pourquoi il restait, mais je pense maintenant qu'il voulait essayer de le raisonner. Du suicide, si tu veux mon avis. L'autre est devenu complètement barge. L'auberge où on se trouvait a été détruite. Il y a au moins une dizaine de morts.

— S'il y a des tensions au sein du gang, c'est bon pour nous, Erwin, fait remarquer Hange.

Erwin fait signe à Levi de continuer son résumé, mais il n'y a plus grand chose à ajouter. Il s'en est tiré. Il les a tous laissés en plan dans ce champ de ruine. Ils étaient tellement occupés à se battre ou à fuir comme lui que personne ne lui a plus prêté attention.

Le capitaine écoute tout son discours avec attention, le front légèrement plissé. Levi soutient son regard.

— Très bien. Moblit, Hange, vous pouvez nous laisser, demande-t-il.

Moblit, qui commence à avoir une crampe à force d'écrire, réunit volontiers ses papiers et se lève. Hange proteste vivement qu'elle a encore beaucoup de questions à poser à Levi. Erwin lui répond d'une voix calme qu'ils pourront continuer plus tard. Il finit par se lever pour la pousser de force hors de son bureau. Il lui ferme la porte au nez. Quand il est certain qu'elle ne va pas la rouvrir, il revient s'asseoir. Les deux hommes se regardent un instant en silence.

— Tu es revenu vivant, dit simplement Erwin.

— Bien vu, répond Levi.

Comme le capitaine ne poursuit pas, il ajoute :

— Tu t'es inquiété ?

— Évidemment. Si tu avais échoué, je n'aurais pas eu d'autre idée pour mener à bien cette mission.

— Je vois, répond Levi.

Un silence tendu s'installe entre eux. Un silence pesant, comme le corps d'Erwin sur le sien la veille. Maintenant qu'il a réussi, Levi se sent puissant. Rien ne peut résister à sa volonté. Pas même le capitaine du Bataillon d'Exploration. Il est en position de force, il va lui faire regretter de s'en être pris à lui et à sa famille. Et il sait exactement comment le tourmenter.

— Hier… hier, je n'avais pas idées claires, dit Levi.

— Tu as essayé de me tuer. Encore une fois.

— Tsk, je ne parle pas de ça et tu le sais très bien. Si j'avais vraiment voulu te tuer, tu ne serais plus là à exhiber ces sourcils indécents.

— Alors, quel était le but de cette mascarade ?

— Je voulais voir à quel point tu avais envie de moi.

Erwin se laisse aller contre le dossier de sa chaise et croise les bras.

— Un moment de faiblesse. La pression de la mission.

— Vraiment ? Et c'est pour moi que tu ressentais une telle pression ?

— Bien sûr. Pour toi, pour notre quête, pour le Bataillon.

— Si j'avais dit oui, tu m'aurais pris dans la minute sur le sol, comme un chien.

— Levi…

— Est-ce que c'est ce que je suis pour toi, Erwin ? Ta petite pute, dont tu te vantes devant les hauts-gradés, que tu peux envoyer faire le sale boulot, et que tu peux utiliser pour tirer ton coup quand tu as eu une sale journée ? J'étais en position de faiblesse, sous le coup du chantage, désespéré, et tu allais te servir de moi comme un sac à foutre ?

Erwin paraît épouvanté par cette analogie. Il n'a pas anticipé que la conversation prenne un tel tournant. Levi sait qu'il y va trop fort. Il adore l'incertitude qu'il lit dans les yeux bleus du capitaine.

— En d'autres circonstances, est-ce que tu penses que tu m'aurais eu ? S'il n'y avait pas eu de contrat, de chantage, de mission ? Réponds-moi sincèrement.

Erwin met du temps à répondre, mais quand il le fait, il parle d'une voix assurée.

— Oui.

L'aplomb de Levi en prend un coup.

— Hein ?

— Oui, Levi. Je pense que nous aurions fini par coucher ensemble quelques soient les circonstances. C'est ma réponse sincère à ta question.

Levi se contente de ricaner.

— Mais c'est certain que je préfèrerais t'avoir dans d'autres circonstances. Je trouverais même ça plus excitant si tu avais la même assurance qu'en ce moment même. Ne prends pas cet air surpris. Cette discussion te met mal à l'aise ?

Levi commence à avoir chaud. Est-ce que Erwin cherche à le déstabiliser en se montrant aussi cru ? Alors il fait une grave erreur, car Levi ne se laisse pas impressionner si facilement. Il en a vu d'autres, et il excelle dans l'art de la provocation.

Il se lève et débarrasse d'un mouvement de bras le dessus du bureau d'Erwin, envoyant valser ses papiers et ses crayons. Le capitaine ne bronche pas. D'un mouvement leste, Levi s'assied sur le bureau face à lui, un pied sur chaque accoudoir de son fauteuil. C'est dégoûtant, il porte encore ses bottes, mais le regard stupéfait du capitaine en vaut la peine.

— Et alors quoi ? Tu as un faible pour moi ? demande Levi en se penchant vers lui.

— Un faible, non. Je parlerais plutôt d'une attirance purement charnelle.

— C'est une manière poétique de dire que tu veux me sauter ?

— Levi…

— Alors quoi ?

— Nous sommes deux adultes, Levi, avec une attirance mutuelle et beaucoup de tension à évacuer. Je me targue en toute humilité d'avoir un certain talent pour ça.

C'est en effet l'aura que dégage Erwin. Ou du moins, ce qu'en perçoit Levi. Sous ses airs de coincé aux cheveux laqués et au vocabulaire ampoulé, il pense que le capitaine est un amant attentif et consciencieux, comme il l'est dans ses tâches quotidiennes. Il sent l'excitation monter en lui. Mais il ne peut pas lui céder aussi facilement, pas après ce qu'il s'est passé la veille.

— Tu te targues, répète Levi en imitant un accent prétentieux. Qu'est-ce qui te laisse penser que cette attirance est mutuelle ?

— Dis-moi si je me trompe.

— Je t'ai dit hier que je ne te laisserais pas si facilement me baiser.

Erwin balade un regard appuyé sur ses jambes écartées, comme pour signifier que les messages qu'envoie Levi sont pour le moins contradictoires. Il fait cependant semblant de le croire.

— Bien, dans ce cas, la discussion est terminée et tu peux aller retrouver Hange.

Levi ne bouge pas. Il ne peut quitter Erwin des yeux. Sous son apparence qu'il s'applique à garder calme, il a les nerfs à vif.

— On avait dit que tu me sucerais si je réussissais la mission, dit-il enfin. C'était dans le contrat.

Tu avais dit ça, et ce n'était pas dans le contrat, rectifie Erwin.

Il marque une pause pendant laquelle il étudie le visage de Levi. Celui-ci se fend d'un rictus méprisant. Beaucoup de paroles en l'air. Il est à peine surpris.

— Mais je peux le faire quand même.

Imitant le geste du malfrat de la veille, Erwin pose ses mains immenses sur les cuisses de Levi et les fait lentement glisser vers ses hanches, comme s'il prend le temps d'apprécier sa musculature. Levi en a le souffle coupé. Il lui envoie le talon de sa botte dans le sternum et le repousse en arrière contre le dossier de son fauteuil. Erwin fronce les sourcils.

— Eh ! Si tu ne comptes pas aller au bout, tu touches pas ! grogne Levi.

Le contact des mains du capitaine sur ses cuisses l'excite trop pour qu'il s'inflige cette frustration. Erwin se lève. Levi le suit d'un regard méfiant tandis qu'il se dirige vers la porte. Il est persuadé qu'Erwin se moque de lui, qu'il va ouvrir la porte et lui demander de déguerpir. Le capitaine tire le verrou.

— Tu… t'es sérieux ?

— Ça reste entre nous, dit Erwin. Pas parce que tu es un homme, mais parce que tu es un criminel, précise t-il.

Il revient s'installer dans son fauteuil. Levi retire un instant sa botte de l'accoudoir pour le laisser se rasseoir entre ses jambes. Il le dévisage toujours d'un air circonspect.

Erwin lui attrape les hanches et l'attire vers lui, juste au bord du bureau. Sans préambule, il tire la chemise de Levi de son pantalon et la soulève pour déposer un baiser sur son ventre. Le contact de ses lèvres sur sa peau arrache à Levi une inspiration saccadée. Il glisse ses doigts dans ses cheveux dorés. L'euphorie de sa mission réussie, le souffle chaud d'Erwin, la délicatesse humide de sa langue qui trace son chemin entre les muscles de son ventre, ses grands yeux bleus qui lui jettent de petits regards pour s'assurer qu'il peut continuer… Levi est trop excité pour analyser ce qu'il lui arrive. Il retient un gémissement.

Les mains d'Erwin s'attaquent aux boutons de son pantalon. Il lui saisit le poignet.

— Attends ! Tu me chauffes pas pour rien, hein ? Tu vas vraiment le faire ?

Erwin s'écarte un instant pour le regarder droit dans les yeux.

— Oui.

Levi émet un grondement à peine humain. Erwin libère son érection, tire d'un geste brusque son pantalon et ses sous-vêtements de ses hanches et s'incline pour poser ses lèvres contre l'extrémité. Il dépose un, deux, trois baisers de plus en plus traînants au bout, puis tout le long jusqu'à la base avant de remonter. Le cœur de Levi bat la chamade contre ses côtes. Erwin décide de l'explorer consciencieusement avec la pointe de sa langue. Haletant, Levi se demande si c'est la première fois que… oh ! Non, probablement pas la première fois, décide-t-il quand Erwin le prend tout entier dans sa bouche. Levi bascule la tête en arrière, les doigts toujours perdus dans la chevelure blonde du capitaine. Incliné en arrière, il se maintient en position assise sur le bureau d'un bras tremblant. Sa main droite accompagne les mouvements de la tête d'Erwin. Par réflexe, il serre les cuisses. Erwin les maintient écartées d'un geste ferme.

— Oh, putain… grogne Levi.

S'il réfléchit trop à ce qui est en train de se passer, il va perdre tous ses moyens beaucoup trop vite.

Erwin saisit la base de son sexe d'une main ferme et le masturbe en même temps. Il impose un rythme lent et appliqué qui fait bouillir Levi de frustration. Erwin doit le sentir, car il accélère progressivement. Très progressivement. Sa main libre disparaît sous le bureau pour se caresser en même temps à travers son uniforme.

Levi sent l'orgasme monter progressivement en lui. Erwin le lâche et saisit en douceur l'un de ses testicules entre ses lèvres. Il lève les yeux et leurs regards s'accrochent. Les pupilles dilatées du capitaine ne quittent pas le visage de Levi. Une vague de chaleur brûlante le submerge à nouveau. Puis Erwin se remet à le sucer à une cadence plus rapide. La pièce résonne du halètement de Levi et des bruits de succion d'Erwin. Le bras qui soutient Levi est proche de lâcher, mais il résiste pour ne pas basculer en arrière sur le bureau. Il ne veut pas perdre une seconde de vue le capitaine. Ses doigts se ferment en poing dans ses cheveux. Il va jouir…

Erwin le sent. Il accélère encore le rythme. Levi laisse échapper un gémissement inintelligible. Le balancement de ses hanches accompagne la bouche du capitaine. Celui-ci le laisse faire.

— Erwin… je vais jouir, gémit-il.

Erwin lui adresse un regard incandescent et continue de plus belle. L'étincelle dans ses yeux bleus fait basculer Levi. Les muscles de son ventre se contractent et le plaisir le submerge. Il s'écroule en arrière sur le bureau, le corps tremblant, le haut du buste dans le vide. Erwin lui saisit les cuisses pour l'empêcher de tomber et, toujours avec sa bouche, le guide à travers son orgasme.

— Reiner Braun… murmure Levi dans un souffle.

— Pardon ? demanda Erwin en relevant la tête.

Levi se passe une main sur le front. Il vient de se laver et il est à nouveau couvert de sueur.

— L'Assaillant s'appelle Eren Jaeger. Le Cuirassé, Reiner Braun.

Erwin se lève et va cracher dans un mouchoir. Levi s'assied sur le bureau, essoufflé, la vue striée des mèches qui lui tombent devant les yeux. Il vient de jouir dans la bouche d'un capitaine de police. Une grande première. Et une belle performance.

Après avoir remis de l'ordre dans sa tenue, Levi descend avec agilité du bureau et s'approche d'Erwin. Il se colle à lui et glisse la main dans son pantalon. Il pourrait le laisser se débrouiller tout seul, mais il se sent d'humeur altruiste.

— Laisse-moi m'occuper de ça.

Ses doigts se ferment autour du sexe dur du capitaine. Il ne peut s'empêcher de hausser les sourcils, impressionné par son épaisseur. Il ne lui faut que quelques mouvements du poignet pour le finir. Un liquide chaud et visqueux se répand entre ses doigts et il retire sa main, vaguement dégoûté. Il s'apprête à chercher de quoi s'essuyer quand Erwin le retient contre lui. Levi lève les yeux vers lui. Si le capitaine pense qu'ils vont conclure cette petite incartade par un baiser, il se met le doigt dans l'œil. Il ne peut cependant pas s'empêcher de le titiller. Avec des gestes d'une tendresse malhabile, à l'aide de sa main propre, il remet de l'ordre dans les cheveux blonds qu'il a lui-même ébouriffés.

— Est-ce qu'il faut que je couche avec toi pour avoir les noms, ou est-ce que tu comptes me donner spontanément la totalité des informations dont tu disposes ?

— Hein ? Parce que tu appelles ça coucher ?

Erwin a l'air mécontent. Levi retire la main de ses cheveux.

— J'ai que ces deux identités là. Mais on peut toujours essayer, si tu veux. On sait jamais, ma mémoire a l'air plus performante quand ma queue est dans ta bouche.

— Je vais avoir du mal à te faire confiance, Levi.

Il a prononcé son prénom avec une âpreté qui le fait frissonner. Ils se dévisagent. Levi ne sait pas trop s'ils s'affrontent du regard ou si le capitaine tente de lui faire passer un message. L'atmosphère de la pièce se refroidit d'un coup et dissipe les dernières réminiscences de son orgasme. Il se sépare d'Erwin d'un mouvement brusque.

— Va te faire foutre, Erwin. Je t'ai donné les noms. J'ai failli crever pour te les ramener, alors si t'es pas content, la prochaine fois t'iras toi-même.

Avec son air le plus effronté, il essuie sa main souillée sur la veste d'uniforme du capitaine.

— Je reviendrai demain matin chercher l'argent que tu me dois pour la mission.

Il sort de la pièce sans un mot de plus.

~o0o~

Le lendemain, Erwin fait venir Levi et ses deux amis dans le bureau. Après une nuit à tergiverser, il a décidé de mettre à exécution son plan pour retenir le malfrat dans le Bataillon. Il l'a élaboré depuis un certain temps et il l'a gardé dans un coin de son esprit, juste au cas où. Il ne pensait pas vraiment l'utiliser. Mais en une mission, Levi a ramené l'identité de deux Titans, soit deux de plus que leur pitoyable record. La brigade ne peut se passer d'un tel prodige.

Levi n'appréciera pas ce petit retournement de situation. Erwin va devoir être particulièrement vigilant dans les jours à venir s'il ne veut pas se retrouver avec l'un de ses propres poignards planté dans le dos. Avec l'accord du Commandant Shadis, il compte lancer la nouvelle offensive le plus rapidement possible. Cette fois, ils y participeront tous. Il a déjà commencé à travailler d'arrache-pied sur son plan d'attaque.

Les trois bandits entrent dans son bureau. Furlan et Isabel examinent la pièce et se placent chacun d'un côté de Levi, qui semble plutôt décontracté. Furlan le dépasse d'une bonne tête, mais à leur attitude et à leurs expressions, il ne fait aucun doute que Levi est le responsable de leur petit groupe. Le malfrat croise les bras sur sa poitrine.

— On avait dit dix mille pièces d'or.

Rien dans son attitude ne trahit leur soirée mouvementée. Erwin sort de sous son bureau une mallette qu'il ouvre devant ses trois invités. Isabel pousse un petit cri d'admiration.

— Je me suis permis de les remplacer par des billets de valeur équivalente. Par souci de praticité, ce sera moins lourd à porter.

Levi lui lance un regard méfiant.

— Je t'en prie, prends le temps de recompter.

C'est Furlan qui s'y colle. C'est visiblement lui le plus instruit des trois. Erwin leur fait signe de s'asseoir. Il sort une théière fumante et une assiette couverte de petits biscuits. La méfiance de Levi redouble. Il reste debout, immobile.

— Vous avez décidé de quitter la ville ? demande Erwin sur le ton de la conversation pendant que le jeune homme sort les liasses une par une.

Levi gratifie sa question d'un regard agacé et ne daigne pas répondre.

— Maintenant qu'ils connaissent ton visage, Levi, vous n'êtes plus tout à fait en sécurité, tous les trois.

Aucun d'eux ne répond. Erwin en déduit qu'ils ont déjà dû en discuter ensemble et qu'il sont parvenus à une conclusion satisfaisante. Il passe donc à la seconde option de son plan.

— Très bien. Avant de nous séparer, j'aimerais savoir si vous connaissez des gens susceptibles de travailler pour nous. Dans votre milieu, j'entends. Les résultats remarquables de Levi nous ont confortés dans l'idée que c'est une bonne idée de faire appel à… des gens comme vous.

— Vous trouverez pas meilleur que Levi, réplique Isabel la bouche pleine de biscuits.

— Je sais, concède Erwin. Mais j'ai bon espoir de trouver quelqu'un qui s'en approche. La prochaine mission concernera tout le Bataillon et pas seulement un agent. J'ai besoin de quelqu'un qui soit capable de s'intégrer au groupe et qui puisse y apporter son expérience et son talent. Même si aucun nom ne vous vient spontanément à l'esprit, je compte sur vous pour faire circuler l'information. Le dédommagement pour la mission est de cinquante mille pièces d'or.

La liasse que tient Furlan se fige en l'air.

— Pour une seule mission ?

— Pour une seule mission.

— C'est quoi, la mission ? demande Isabel.

— Capturer Eren Jaeger.

Levi fait claquer sa langue.

— C'est qui, Eren Jaeger ? demande Furlan.

— L'un des membres du Gang des Titans. Un garçon d'une quinzaine d'années. Sans doute la cible la plus facile.

Furlan et Isabel se tournent lentement vers Levi.

— Non, annonce d'emblée celui-ci.

— Cinquante mille pièces d'or, Levi, glapit Isabel.

— Et une nouvelle identité pour débuter une nouvelle vie, ajoute Erwin d'un ton dégagé, comme s'il n'est pas conscient de la scène qui se trame devant ses yeux. Dites à toutes celles et ceux qui pourraient être intéressés de se mettre en contact avec la Brigade d'Intervention. Bien sûr, nous fermerons les yeux sur le passé criminel des candidats, quel qu'il soit.

Furlan repose la liasse en cours de comptage dans la mallette, à présent totalement désintéressé du pactole qu'il a devant lui. L'agacement cède sa place à la fureur dans les yeux de Levi. Erwin reste impassible et évite son regard pour se concentrer sur les deux autres. Il n'y a pas besoin de connaître intimement le malfrat pour savoir qu'une tempête approche.

— Je sais ce que t'es en train de faire, enfoiré, gronde-t-il.

— Qu'est-ce que je suis en train de faire ?

Levi saisit ses deux acolytes par le bras et les traîne de force hors du bureau en ignorant leurs protestations. Ils s'éloignent, mais Erwin perçoit les éclats de leurs voix à l'extérieur. Les éclats de voix de Furlan et Isabel, pour être précis. Il n'entend pas Levi, qui doit siffler des réponses acerbes entre ses dents.

Erwin se passe la main sur le visage. Il n'est pas vraiment fier de son coup. Il voudrait se convaincre qu'il n'a pas d'autre choix. Il doit garder Levi auprès de lui, dans le Bataillon, même s'il sait que le malfrat ne lui pardonnera jamais d'avoir trahi leur pacte et d'avoir une nouvelle fois utilisé ses amis contre lui. Leur relation déjà tendue va prendre un tournant explosif.

Est-ce qu'Erwin est prêt à sacrifier le maigre terrain d'entente qu'ils ont trouvé pour s'assurer sa présence à ses côtés ? Est-ce qu'il préfère endurer sa haine plutôt que son absence ? Assurément. Pour le Bataillon, se rappelle-t-il. C'est le combattant qu'il veut garder à ses côtés. Un atout inégalé. Ce n'est sûrement pas pour sa charmante compagnie. Et ce qu'il s'est passé dans son bureau la veille n'a été qu'un moment d'égarement de sa part. Les cris qui lui parviennent lui font comprendre une chose : ce genre d'écart ne se renouvellera pas.

Quelques minutes plus tard, Levi manque de détruire la porte de son bureau en l'enfonçant sans prendre la peine d'actionner la poignée. Il irradie de colère, et Erwin sait qu'il a gagné. Il n'a pas besoin de lui demander comment s'est terminée leur discussion. Stoïque, il le laisse s'énerver à propos des clauses qu'il veut rajouter à leurs contrats. Il accepte tout sans broncher. Furlan sait lire, alors ils signent leurs contrats dans la foulée – Levi est excédé quand il se rend compte qu'Erwin a déjà tout préparé.

Puis ils quittent son bureau. Au dernier regard qu'il lui lance, Erwin devine que Levi n'en a pas encore fini avec lui mais qu'il préfère ne rien dire devant ses protégés.

Il s'écoule à peine une heure avant qu'Hange ne fasse irruption à son tour dans son bureau.

— Il paraît que tu as réussi à convaincre Levi de rester ?

— Je l'ai contraint, rectifie Erwin.

Mentir à Hange ne sert à rien, d'autant qu'elle aura sans doute la version de Levi sur le sujet.

— Tu… tu es sûr que c'est une bonne idée ? Je veux dire… j'aime bien le personnage, et il est fabuleux au combat, mais est-ce que tu veux vraiment te créer un ennemi de ce calibre au sein même du Bataillon ?

Erwin est fatigué. Il n'a vraiment pas envie d'écouter les remontrances d'Hange. Il n'a pas envie de se justifier.

— Hange… Qu'est-ce qu'a donné ton équipement lors de la mission d'hier ?

— Mon… l'équipement de manœuvre tridimensionnelle ? Heu…

Elle se balance d'un pied sur l'autre, mal à l'aise.

— Levi dit qu'il s'en est servi à une seule reprise, pour fuir. Il ne l'a pas utilisé pendant son combat avec le Cuirassé. Et heureusement, parce que… heu… peut-être que l'un des grappins de s'est pas… rembobiné, termine-t-elle d'une voix très faible. Mais bon, c'est Levi, ajoute-t-elle avec plus d'assurance. Il s'en est sorti.

— Je vais te débloquer en urgence des fonds. Je veux que tu peaufines cet équipement pour la prochaine mission.

Le visage d'Hange se métamorphose, comme frappé par un rayon de soleil.

— Tu es sérieux, Erwin ?

— Oui. Nous allons avoir besoin de cet effet de surprise. Je veux que tu prennes cette tâche très au sérieux, Hange. C'est la vie de Levi dont il est question. Un problème d'équipement au milieu de la mission peut avoir des conséquences catastrophiques.

— Je sais tout ça, Erwin. Tu crois que je ne donne pas mon maximum ?

— Si, Hange. Je sais que tu donnes ton maximum avec les moyens que tu as. C'est pour ça que je vais les augmenter.

— Alors, combien tu me donnes ?

Hange frétille. L'espace d'un instant, Erwin croit qu'elle va se mettre à applaudir comme une enfant. Décidément, il est trop facile de tous les plier à sa volonté. Il l'encourage à retourner dans son laboratoire pour perfectionner l'équipement. Lui-même doit se rendre à la préfecture. Il a des recherches à faire sur Eren Jaeger et Reiner Braun.