Chapitre 10

— Les menaces ne fonctionnent pas. Nous sommes prêts à lui proposer n'importe quel type de protection, mais il a beaucoup trop peur des autres Titans et il ne nous fait pas confiance pour le protéger efficacement.

— Il a pas tort, commente Levi.

Erwin ne relève pas sa remarque. Ils traversent tous les deux la cour de la maison d'arrêt. Pour lui prouver sa confiance, Erwin a dit à Levi où se trouvait Eren Jaeger. Ils s'apprêtent à l'interroger ensemble pour la première fois.

Leur relation a indéniablement pris un tournant. Quand Erwin s'est réveillé au petit matin, quelques jours auparavant, Levi n'était plus dans son lit. Il a immédiatement pensé que le malfrat s'était une fois de plus fait la malle, et il n'a pas pu s'empêcher d'admirer l'habileté avec laquelle il s'est extirpé de son étreinte sans le réveiller. Pourtant, quand il a traversé le salon les yeux encore collés par le sommeil, il l'a trouvé assis sur le rebord d'une fenêtre ouverte, une tasse de thé fumante à la main, avec toujours cette étrange manière de la tenir.

Ils se sont dévisagés un moment. La situation est totalement inédite pour Erwin. Il n'a jamais connu de relation aussi chaotique, et il n'est pas sûr de réussir à mettre un nom sur ce qu'il partage avec Levi. Ils ne sont pas amis mais ils ne sont plus ennemis, ils ne sont pas amants mais ils sont plus que des partenaires occasionnels en quête d'un peu de plaisir charnel. Ce matin-là, c'est Levi qui a levé le malaise en le gratifiant d'un « bonjour » décontracté.

Erwin lui a demandé comment il se sentait. Physiquement, Levi allait déjà beaucoup mieux que la veille, sans doute grâce à ses étonnantes capacités de récupération. Mentalement… il a éludé la question.

Erwin est profondément soulagé que Levi ne se soit pas de nouveau évaporé dans la nature. Il ne sait pas encore s'il a vraiment de l'affection pour lui, ou si c'est la culpabilité qui lui fait ressentir cet attachement. Mais il apprécie qu'il lui accorde un peu de temps pour démêler le nœud que font ses sentiments dans sa poitrine.

Puisqu'ils semblent incapables de coucher ensemble de manière apaisée, que Levi traverse une période compliquée et que sa décision est encore en suspend, Erwin lui demande qu'ils s'en tiennent à des relations strictement professionnelles. Comme il s'y attendait, avec la tête froide, Levi est beaucoup moins catégorique sur sa volonté de rejoindre la brigade. Erwin ne veut pas l'influencer. Il lui accorde un délai de deux semaines pour donner sa réponse, pendant lesquelles il s'engage à ce qu'il soit nourri et logé. Levi acquiesce, le visage impassible.

Erwin s'active dès le lendemain pour tenir sa promesse. Pour le moment, Levi logera à l'hôtel, mais il promet de lui trouver un logement temporaire en ville. Le tout à ses frais, bien sûr. Le malfrat reste insensible à ces solutions, voire légèrement irrité. Alors Erwin marque une pause et ajoute dans un souffle que s'il préfère, ils peuvent partager son appartement pour le moment.

— De manière strictement professionnelle, ajoute Levi sur un ton moqueur.

Mais il choisit cette solution.

C'est au tour du malfrat de dormir dans le canapé. Levi a l'air d'être le genre d'homme capable de piquer du nez n'importe où, d'autant que sa taille le rend beaucoup plus adaptable qu'Erwin.

Même s'ils passent leurs nuits à quelques mètres l'un de l'autre, ils se croisent peu. Erwin découvre que Levi souffre d'insomnies sévères et ne dort pas plus de quelques heures par nuit. Il rentre la plupart du temps alors qu'Erwin est déjà couché et se lève avant même qu'il se reveille. Son rythme évite à Erwin de se poser la question du double des clés, d'autant que Levi passe encore par la fenêtre s'il se retrouve bloqué à l'extérieur. Ce qui vaut à Erwin des regards inquisiteurs de la part de ses voisins mais des rêves particulièrement excitants.

C'est quand Levi rentre plus tôt que d'habitude qu'ils finissent par se croiser. Le malfrat découvre alors le mode de vie aisé d'Erwin. Il est circonspect devant la tranquillité de ses soirées à lire et à travailler. Il le regarde cuisiner et goûte pour la première fois de sa vie des aliments dont il a entendu parler, mais qu'il n'a jamais eu l'occasion de manger. Il est intrigué par son gramophone, et plus étonné encore quand Erwin sort son violoncelle et joue un peu pour se changer les idées. Il en a déjà vu, bien sûr, dans les mains de musiciens ambulants dans les tavernes, mais l'instrument ne lui semble pas à sa place entre celles d'Erwin. Il l'écoute jouer en silence, pelotonné dans le fauteuil le plus proche de la cheminée, les yeux rivés sur ses doigts qui dansent sur le manche. Erwin ne peut s'empêcher de jeter des regards furtifs par-dessus sa partition pour admirer les reflets des flammes qui ondulent sur ses joues.

Le temps passé ensemble est en général peu propice à la conversation, ce qui leur convient à tous les deux.

Enfin, il ne leur faut que quelques jours pour s'installer dans une routine cordiale. Parce qu'il a sans doute remarqué qu'Erwin a toujours un peu de mal à émerger le matin, Levi laisse souvent derrière lui de quoi préparer du thé. En échange, Erwin lui laisse sa part de repas au chaud pour qu'il la trouve quand il rentre tard. Il laisse aussi le feu brûler après être allé se coucher pour que le malfrat ne rentre pas dans un salon glacial.

En tant que colocataire passager, Levi se permet aussi de remettre de l'ordre dans l'appartement d'Erwin. Le capitaine ne s'est jamais vu comme un homme particulièrement désordonné, et encore moins négligé, mais le nombre de détails sur lesquels Levi trouve des choses à redire le fait réévaluer ses standards. Le malfrat dépoussière ses étagères, range ses livres quand il a le malheur de les laisser traîner sur la table, secoue les tapis – Erwin reconnaît qu'il n'est pas très assidu sur ce point – et aère tout l'appartement au moins une fois par jour. Il continue à faire tout ça même après qu'Erwin un peu mal à l'aise lui ait proposé d'engager quelqu'un, s'il n'est pas satisfait de la propreté de l'appartement. Levi secoue la tête et continue à nettoyer en lui lançant des regards appuyés quand il oublie son verre sur le manteau de la cheminée ou qu'il ne replie pas son plaid avant d'aller se coucher. Erwin n'insiste pas. Il a l'impression que, étrangement, nettoyer aide Levi à se détendre.

Les deux semaines touchent à leur fin et Levi n'a toujours pas donné de réponse définitive. Erwin s'inquiète un peu de le voir faire des allers-retours fréquents en ville. Il craint qu'il soit en train de préparer son départ, ou tout simplement sa nouvelle vie dans les Bas-Fonds. Il n'ose pas le presser de lui donner sa réponse. Au contraire, il se met plutôt à la redouter.

Il finit par se résoudre à demander son aide pour interroger Jaeger. Il est réticent à l'idée d'employer la violence à l'encontre d'un adolescent, et il sait que c'est sans doute la méthode de prédilection de Levi pour faire parler un voyou récalcitrant. Cependant, Erwin se sent acculé et impuissant face au mutisme du Titan, alors il fait appel à lui. Contre toute attente, Levi accepte. Aider la police par pure bonté de cœur le contrarie, mais Eren est un cas particulier et une affaire personnelle.

Erwin, Shadis et Hange ont tous échoué à en tirer quoi que ce soit. Quelques hauts-gradés ont pris la liberté de tenter leur chance, sans plus de succès. De son côté, Erwin a souhaité restreindre à un petit nombre les personnes qui connaissent la localisation d'Eren. Il ne pense pas que quiconque dans son escouade pourrait avoir du succès là où Hange et lui ont échoué avec deux approches très différentes.

Il n'a pas vraiment discuté avec Levi de la manière exacte dont il compte s'y prendre. Lâchement, Erwin se dit que de cette manière, on ne pourra pas l'accuser d'avoir prémédité des méthodes discutables. Il ne sait pas si Levi a réfléchi à l'avance ou s'il compte se laisser guider par son instinct.

Quand il les voit arriver, Eren recule dans l'ombre au fond de sa cellule. Il est assis par terre, les genoux étroitement enlacés contre sa poitrine. Il réagit à peine quand les deux hommes se positionnent devant la grille.

— Eren, dit Erwin. Je suis venu avec quelqu'un que tu as déjà rencontré. Est-ce que tu le reconnais ?

Eren ne bouge pas. Erwin a du mal à dire s'il les regarde ou pas. Levi lui fait signe de s'écarter, alors il recule et va s'adosser contre le mur. Levi ouvre la porte de la cellule et s'enferme à l'intérieur avec Eren. Erwin ne peut s'empêcher de frissonner. Même s'il n'a pas l'air bien dangereux au premier abord, Eren est tout de même un Titan.

— Tu me reconnais ? demande Levi de sa voix morne en se plantant devant lui, les bras croisés.

Eren remue un peu. Levi attend, mais rien ne vient.

— Je m'appelle Levi. Levi Ackerman.

Cette fois, Eren réagit. Il redresse la tête et examine Levi. Erwin est un peu étonné. Levi a certes sa petite réputation dans les Bas-Fonds, mais sans doute pas au point d'impressionner un Titan.

— Ackerman ? répète le garçon d'une voix faible.

— Ouais.

D'une main, il traîne le lourd banc en bois collé contre le mur de la cellule, essuie la fine couche de poussière qui le recouvre et s'assoit dessus, face à Eren. Avec des gestes lents, il défait le foulard qu'il porte autour du cou et montre sa cicatrice.

— Souvenir de Mikasa.

Les yeux d'Eren se mettent soudain à briller d'un éclat dangereux. Erwin se raidit. Levi plisse les paupières, mais reste parfaitement calme. Il se tient penché en avant, les coudes enfoncés dans ses genoux écartés.

— Qu'est-ce que vous lui avez fait ? crache Eren.

— Je répondrai à tes questions quand tu répondras à celles du capitaine.

Eren se jette sur lui, les mains tendues vers sa gorge. Levi se lève d'un bond et l'intercepte dans sa course avec un coup de pied dans le ventre. Un craquement écoeurant retentit dans la cellule et Eren roule sur le sol. Erwin tente d'accrocher le regard de Levi, mais le malfrat est trop occupé à marcher d'un pas décidé vers le Titan. Il attrape une poignée de ses cheveux et le force à se rasseoir. Le gamin est plié en deux, les bras autour du ventre.

— Pose ta première question, Erwin, ordonne Levi sans quitter Eren des yeux.

Erwin est pris de court, mais il se ressaisit vite.

— C'est toujours la même, Eren. J'ai besoin des noms des autres Titans.

Le gamin lâche un reniflement méprisant. Levi lui saisit le menton et le force à le regarder.

— T'as pas entendu le capitaine ?

L'entendre l'appeler par son grade remue Erwin, quelque-part dans la région de son bas-ventre. Eren se racle la gorge pour lui cracher au visage, mais Levi lui retourne une gifle retentissante et il se bave dessus à la place. Il se met à saigner du nez.

— Levi… intervient Erwin à voix basse.

Levi lui fait signe de se taire. Eren n'a rien entendu, trop sonné pour percevoir ce qu'il se passe autour de lui. Quand Levi fait un pas vers lui, il se recroqueville sur lui-même. Le malfrat le saisit par le devant de sa chemise et le plaque contre le mur. Eren est plus grand que lui, mais à cet instant il semble minuscule.

— Je crois que tu m'as mal compris. Je suis un putain d'Ackerman. Tu sais ce que ça veut dire, non ? Il faut que je t'écorche vif pour te le prouver ? Ça tombe bien, je rêve de faire la peau à un Titan.

Eren se débat, mais Levi est solide comme un roc. Il regarde d'un air froid le garçon qui s'épuise entre ses mains. Eren décide finalement d'adopter une autre tactique. Il cesse de lutter. Quand Levi le lâche, il se laisse glisser contre le mur et s'étale sur le sol à ses pieds, les yeux grands ouverts.

Levi lui jette un regard chargé de mépris et demande à Erwin d'aller lui chercher de l'eau et un torchon. Erwin est d'abord réticent à l'idée de les laisser seuls tous les deux, mais il décide de lui faire confiance. Il presse tout de même le pas et revient moins de cinq minutes plus tard avec une carafe d'eau. Levi pose un genou à terre devant Eren, toujours obstinément immobile, et nettoie le sang qui macule son visage. Puis il s'accroupit contre le mur à côté de lui. Erwin reprend son poste d'observation, de l'autre côté de la grille.

Les mots de Levi repassent en boucle dans son esprit. Je suis un putain d'Ackerman. Il n'est pas sûr de ce qu'il entend pas là.

— Bois un coup, ordonne Levi.

Eren hésite, puis se relève sur les coudes avant de passer en position assise. Il saisit la carafe d'eau que lui tend Levi et boit à grandes gorgées. La cellule retombe dans un lourd silence.

— Pourquoi tu as choisi cette vie de merde, Eren ? Te retrouver dans le cachot de ces cons de flics, à te faire menacer par un sale type comme moi ?

Il marque une pause.

— Pas de bol pour toi que les poulets aient décidé de me recruter. Je sais pas quelle était la probabilité, mais putain, t'as vraiment pas de chance d'être tombé sur le seul mec vraiment capable d'éclater la gueule à ta copine.

Eren lève les yeux. Levi soutient son regard.

— Alors tu fais comme tu veux. Soit tu parles, soit on réglera ça tous les deux, avec Mikasa. Bien sûr, t'es pas obligé de me croire. Ou tu peux t'accrocher à l'espoir qu'elle sera plus forte que moi. Mais je veux que tu saches que les Titans ont tué les deux personnes qui comptaient le plus pour moi. Est-ce que toi aussi t'es prêt à tout perdre pour eux, Eren ? Parce que ça fait putain de mal, crois-moi.

Erwin sent un froid glacial s'immiscer en lui. Il n'a jamais entendu Levi parler autant. Il ne l'a jamais entendu s'ouvrir de cette manière. Il réalise soudain qu'il n'est peut-être pas prêt à l'entendre.

— T'as l'impression qu'on t'arrache un truc de la poitrine. Tu peux plus bouffer, tu peux plus dormir. Tous les matins, quand tu te réveilles, un bout de toi apprend à nouveau qu'ils sont morts. C'est un putain de gouffre sans fond.

Il baisse la tête, les yeux rivés sur le sol devant lui. Sa voix vacille, un frémissement quasi imperceptible qui fend le cœur d'Erwin en deux. Il en oublie presque pourquoi ils sont là. Il n'entend plus que la voix de Levi et les nuances subtiles qui trahissent sa peine.

— Je sais pas ce que t'as traversé pour en arriver là, mais je me doute qu'un gamin de quinze ans qui finit chez les Titans ne doit pas avoir la cervelle tout à fait d'aplomb. Tu sais ce que ça fait de perdre quelqu'un. Tu sais à quel point ça donne l'impression de crever. Je te jure que ça devient pas plus facile avec le temps. Au contraire. A chaque fois on se demande comment on va réussir à refaire surface. On se dit que putain, cette fois, on se laisserait bien couler.

Erwin ne respire plus, de peur de rater la moindre de ses paroles. Levi relève la tête.

— Je sais pas ce qu'ils t'ont dit avant, mais c'était sans doute du vent. Un ramassis de conneries. Je suis le seul ici qui peut vraiment te prendre un truc auquel tu tiens. J'ai pas envie de la tuer, Eren. Mais si tu t'obstines à ne pas ouvrir la bouche, je vais devoir m'y coller. Et j'aurai aucun mal à la retrouver.

Il se tait à nouveau pour lui laisser le temps d'assimiler ses paroles.

— Tu sais très bien que je suis le seul à pouvoir lui faire du mal. Par contre, si tu parles, je te promets que je ne la toucherai pas. Tu comprends ce que ça veut dire, Eren ? Ça veut aussi dire que si tu coopères avec le capitaine, t'as pas à craindre pour elle.

Eren consent à le regarder. L'agitation de ses pensées se lit sur son visage. Levi le laisse ruminer ses paroles avant d'en ajouter une couche.

— Si tu coopères avec le Bataillon d'Exploration, c'est moi qui assurera votre protection, à tous les deux. Contre les Titans. Moi, et pas ces guignols que tu as vus jusqu'à présent.

Levi lève enfin les yeux vers Erwin. Ses paroles imprègnent progressivement l'esprit du capitaine, et il écarquille les yeux quand il en comprend le sous-entendu. Levi reste. Levi accepte de faire partie du Bataillon d'Exploration, et de protéger Eren en leur nom. De se battre sous ses ordres. Il lui offre un sourire radieux. Levi se détourne, gêné.

Erwin est soulagé que Levi reste à leurs côtés. Il a aussi la désagréable impression de ne pas vraiment lui avoir laissé le choix. Maintenant qu'il est libéré de l'incertitude de garder Levi auprès de lui, des images de leur dernière dispute lui reviennent à l'esprit. Il a anéanti toute son ancienne vie. Il l'a détruit pour le reconstruire sur leur modèle. La nausée le saisit. Il veut quitter les cachots au plus vite. La voix d'Eren le retient.

— Reiner Braun, le Cuirassé.

L'atmosphère de la prison change d'un coup. Les deux hommes dissimulent leur excitation. Levi n'ose ni parler ni bouger, de peur de couper Eren dans son élan. Avec des gestes vifs et silencieux, Erwin sort du papier et un crayon de sa veste.

— Bertolt Hoover, le Colossal.

Eren se prend le visage dans les mains. Le troisième nom est tellement étouffé qu'Erwin n'est pas sûr de l'avoir bien entendu.

— Annie Leonhart, le Titan Féminin.

— Pardon ? demande Erwin.

— Hein ? renchérit Levi. Il y a qu'une seule femme chez les Titans ?

Eren se tait. Pendant plusieurs minutes, Erwin et Levi pensent qu'il a renoncé à continuer.

— Z… Zeke Jaeger, le Bestial.

— Un parent ? demande Erwin.

Eren hoche la tête mais ne donne pas plus de précisions. Levi commence à s'impatienter devant le faible débit auquel le Titan délivre les noms de ses pairs. Erwin le voit s'agiter. Il décide de prendre les choses en main et entre à son tour dans la cellule. Levi se lève d'un bond mais se retient de lui barrer la route. Ils savent qu'ils ne doivent pas se contredire devant Eren. Ils ne doivent montrer aucune brèche dans laquelle il pourrait s'engouffrer. Que Levi se montre aussi protecteur envers lui ravive la chaleur dans son bas-ventre.

Erwin pose un genou à terre devant Eren.

— Nous allons assurer ta protection, Levi et moi.

Levi et moi. Il sent à la tension dans le corps de Levi que la formulation ne le laisse pas indifférent.

— Je vais te faire sortir de cette cellule et demander à ce qu'on te transfère dans des appartements plus dignes. Tu auras à manger autant que tu le souhaites. En revanche, tu ne pourras pas sortir.

— N'essaye même pas, ajoute Levi en croisant les bras sur son torse.

— Tu es toujours notre prisonnier, précise Erwin au cas où sa phrase précédente serait sujette à interprétation.

Il n'a pas encore décidé ce qu'il va faire de lui. Il pense pouvoir en tirer davantage. De plus, ils ne peuvent pas renvoyer le gamin parmi les Titans après ce qu'il vient de leur donner comme informations. Ils ne peuvent pas le soumettre à un tel danger. En revanche, peut-être qu'ils pourraient le recruter. Cette réflexion le ramène à Levi. S'il était un Titan, Levi serait la première personne qu'il chercherait à recruter. Pour le moment, il n'a aucun doute sur la loyauté du malfrat, mais Eren vient de prouver combien une allégeance peut être fragile, si on actionne les bons leviers. C'est une faille humaine qu'Erwin exploite souvent.

Il faut qu'il réfléchisse à une manière de rompre la fidélité d'Eren envers les Titans. Levi a l'air d'avoir des informations sur lui qu'il n'a pas, et notamment sur cette fille, Mikasa. Erwin se souvient parfaitement d'elle en train de se confronter à Levi au cœur de leur dernière bataille. Une fois de plus, il va devoir exploiter l'amour, quelque soit la nature de celui entre ces deux adolescents, comme une faiblesse.

Il fait signe à Levi de le suivre et sort de la cellule. Levi traîne un peu, les yeux rivés sur Eren. L'adolescent, agenouillé, fixe le sol avec air défait. Ses yeux brillent de larmes. À ses poings tellement serrés que ses jointures pâlissent, à ses lèvres pincées au point de disparaître, au tremblement qui agite son menton, Erwin voit qu'il est terrorisé.

— Eh, gamin.

Eren lève les yeux vers Levi. Le visage du malfrat s'adoucit un peu, les rides qui lui barrent le front disparaissent.

— Ça va aller, ok ? Si tu fais pas le con, tout va bien se passer.

N'importe qui interpréterait ces paroles comme une menace. Mais Levi les a prononcées avec une douceur qui surprend Erwin autant qu'il le déstabilise. Eren hoche la tête. Il se détend un peu.

Levi tourne enfin les talons et quitte la cellule d'un pas assuré. Erwin le suit de près.

— La fille s'appelle Mikasa Ackerman ? Comme toi ?

Il prend le silence de Levi pour une confirmation.

— Qu'est-ce que ça veut dire ? Vous êtes de la même famille ?

— Ça veut dire que je ne connais pas un Ackerman qui ne soit pas une brute épaisse, répond Levi d'une voix neutre.

Erwin ne sait pas quoi répondre à ça, et il se contente de le suivre en silence pendant qu'ils remontent les marches vers la lumière du jour. Il est plutôt impressionné par la performance de Levi. Il devrait sans doute le lui dire, et le remercier par la même occasion, mais il a du mal à trouver les mots justes, ceux qui exprimeront toute sa gratitude sans verser dans une admiration déplacée. L'empathie qu'il a réussi à témoigner à l'encontre de l'adolescent, l'expression sur son visage quand il a tenté de le rassurer... il sent de la chaleur se répandre à nouveau dans sa poitrine.

— Tu bandes, Erwin.

Il manque de rater une marche. Levi l'observe avec intention, et Erwin prend soudain conscience qu'il a le regard rivé sur son... sur lui. Il lève les yeux au ciel pour feindre l'exaspération, mais Levi n'est pas dupe. La situation semble beaucoup l'amuser. Ils sortent à l'air libre et Erwin lui lance ses clefs. Il annonce qu'il doit se rendre à la préfecture, et tourne les talons pour sourire à l'abri du regard du malfrat.

~oOo~

Shadis ne sait pas encore que Levi est de retour parmi les vivants, se balade au sein même de sa brigade et taille la bavette à son plus précieux prisonnier. Erwin a organisé cette petite rencontre avec Eren en secret, parce que pour une raison ou pour une autre il a eu l'intuition que Levi pourrait tirer les vers du nez du morveux. Et comme d'habitude, parce qu'il s'arrange toujours pour irriter Levi au plus haut point, il a eu raison.

Erwin veut ménager son petit effet de surprise. Il compte attendre que Levi soit sûr de s'engager dans le Bataillon d'Exploration avant de le révéler à Shadis. Son argument étant que si Levi change d'avis et décide de retourner dans les Bas-Fonds, il vaut mieux que Shadis le croie mort.

Levi sait déjà qu'il ne retournera pas dans les Bas-Fonds. Il a tenté de le faire comprendre à Erwin, et il a l'impression que le capitaine a saisi le message. Il est un peu gêné à l'idée de lui donner sa réponse dans une grande déclaration solennelle.

Il peut se mentir à lui-même et prétendre qu'il hésite encore, mais au fond de lui il sait déjà que tout retour est impossible. D'abord parce qu'il ne lui reste plus rien. Ensuite, parce que son ancienne vie ravive des souvenirs trop douloureux et qu'il a besoin de tourner la page. Enfin, parce qu'il s'est déjà installé dans une espèce de routine agréable chez Erwin. Levi goûte pour la première fois au quotidien confortable des bourgeois. Même s'il est encore un parasite dans l'appartement du capitaine, même s'il n'est en aucun cas chez lui, il aime son intérieur rassurant, la nourriture de qualité et les distractions qu'offre son appartement pour pallier l'ennui des soirées d'automne.

Quand il habitait avec Furlan et Isabel dans les Bas-Fonds, ils devaient la plupart du temps sortir pour trouver des distractions et échapper à l'étroitesse de leur petit appartement. Bien sûr, il appréciait leurs soirées à trois à papoter, à jouer aux cartes ou à aiguiser leurs armes. Mais chez Erwin, les soirées ont un côté plus apaisant. Ils se parlent très peu. Et au lieu de devoir se faire le plus discret possible pour ne pas réveiller ses compagnons, Levi trouve de quoi occuper ses insomnies. Il s'installe en tailleur dans le fauteuil le plus proche de la cheminée et sirote un thé tout en feuilletant un livre choisi au hasard dans la bibliothèque d'Erwin. Bien sûr, il ne regarde que les images. S'il n'y en a pas, il le repose aussitôt. Erwin a changé ses habitudes et achète sa marque de thé favorite au lieu de son jus de pissenlit dégueulasse – peut-être aussi pour éviter de se retrouver avec du thé volé chez lui.

Au bout d'un moment, Levi remarque qu'Erwin réarrange ses bibliothèques pour mettre en valeur les ouvrages les plus susceptibles de l'intéresser. À force de passer ses heures solitaires à parcourir les tranches du bout des doigts, et à force de ranger ces foutus bouquins quand il les laisse trainer, Levi commence à bien connaître ses bibliothèques. Il n'est donc pas dupe quand Erwin se met à acheter de nouveaux livres avec plus d'illustrations, en prétendant qu'ils ont toujours été là, et qu'il ne les avait simplement pas vus. Le capitaine ne lui a pas encore proposé d'apprendre à lire, mais Levi se doute que ça ne saurait tarder. Il est presque sûr de refuser. Quand Furlan le lui a proposé, par le passé, il a refusé. Il est trop vieux et trop impatient pour se lancer dans une telle entreprise.

Erwin a aussi remarqué que Levi apprécie beaucoup son gramophone et le laisse tourner pour lui, même après être allé se coucher. Parfois, après de longues heures seul dans le salon à attendre le sommeil, Levi est tenté de se glisser dans la chambre d'Erwin et de lui réclamer une petite place dans son lit. Il se ravise toujours, moins par fierté que par peur d'être repoussé.

S'il réussit à laisser Shadis dans l'ignorance de leur petit arrangement, Erwin n'a en revanche pas d'autre choix que de mettre Hange et Mike dans la confidence. Ses deux lieutenants sont trop proches de lui pour ne rien remarquer, surtout Mike et son odorat exaspérant. Levi lui demande en revanche de le laisser se charger d'Hange.

Mike n'a pas besoin d'une annonce en grande pompe. Il passe un soir chez Erwin pour lui porter des affaires, et Levi se contente de montrer qu'il est là. Mike a l'audace de ne même pas avoir l'air étonné.

— M'en doutais, grommelle-t-il.

— Ah ouais ? répond Levi, agacé. Comment t'as fait ? C'est mon foutre que t'as senti sur lui ?

Erwin et Mike virent aussitôt au rouge vif. Mike regarde par intermittence Levi et son ami, comme pour essayer de déterminer la part de vérité dans l'immondice que vient de sortir le malfrat pour le provoquer.

— Je croyais qu'il était parti une fois sa blessure guérie ? Effectivement – il renifle autour de lui – il y a son odeur partout.

Levi est vaguement curieux de savoir à quoi ressemble son odeur, d'autant qu'il se lave avec le savon d'Erwin depuis qu'il vit chez lui. Mike répond spontanément à sa question.

— Ça sent le rat d'égout et l'ego disproportionné.

— Et encore, t'as pas senti ses draps…

— Levi, ça suffit ! s'exclame Erwin au comble de l'embarras.

Levi a compris depuis longtemps que les allusions salaces sont celles qui fonctionnent le mieux pour déstabiliser Mike. Le lieutenant déteste qu'il évoque le fait qu'ils ont couché ensemble. Levi laisse planer le doute sur le fait qu'il se passe toujours quelque chose de la sorte entre eux, de manière si convaincante qu'Erwin n'arrive plus à persuader Mike du contraire. Levi se doute qu'il a dû se passer quelque chose entre les deux hommes, par le passé. Simple expérimentation ou véritable relation ? Il ne saurait pas trop le dire. Son instinct lui dit que Mike n'est pas – ou plus – un rival. En revanche, son comportement surprotecteur envers Erwin l'irrite. Comme si le capitaine avait besoin d'être materné par un ignare comme lui. Comme si Levi représentait encore une menace pour Erwin. Et à vrai dire, il aime trop provoquer Mike pour s'en abstenir, même s'il embarrasse toujours Erwin par la même occasion.

Erwin obtient sans peine la promesse de Mike de garder le silence. Mike déteste Levi, mais pas plus qu'il n'aime Erwin.

— Ça ne tiendra pas, cette histoire, glisse-t-il à Levi un jour où Erwin, dans un excès de confiance, les a laissés seuls tous les deux. Vous êtes trop différents.

Levi l'ignore. Pourtant, les mots de Mike frappent exactement là où ça fait mal. Il entend Erwin mérite mieux que toi. En tant que capitaine, Erwin ne mérite rien de moins que Levi, car Levi est le meilleur. En tant que colocataire, qu'ami, que… partenaire, il est d'accord qu'Erwin mérite mieux. Il mérite quelqu'un de plus stable, de mieux éduqué, de plus cultivé. Levi se demande jusqu'à quand Erwin va l'héberger. Il n'en a aucune idée. Sans doute jusqu'à ce que sa lassitude dépasse sa culpabilité. Pour le moment, il veut encore profiter du confort qu'il lui offre. Au prix d'un effort conscient, il parvient à se sortir ces réflexions anxieuses de l'esprit.

Les retrouvailles avec Hange prennent une teneur très différente. Levi se faufile sans peine à l'intérieur de l'hôtel de police bien après l'heure de fermeture des bureaux, et la retrouve sans surprise penchée sur son établi, en train de bricoler un appareil qu'il n'arrive pas à identifier. Moblit dort dans un coin, assis sur une chaise et le visage enfoui entre ses bras croisés sur la table devant lui. Levi plaque une main sur la bouche d'Hange et la tire en arrière hors de la pièce. Elle n'a même pas le temps de se débattre.

Elle ouvre de grands yeux quand elle le reconnaît. Elle se retient de pousser une exclamation ravie mais se met à sautiller sur place. Elle l'entraîne un peu plus loin pour que Moblit ne les entende pas.

— Je savais que tu reviendrais ! s'exclame-t-elle.

Les tympans de Levi entrent aussitôt en ébullition.

— Moins fort ! Il n'y a encore rien d'officiel. Erwin m'héberge et Mike est au courant. Donc j'ai pensé que tu aimerais l'être aussi. Shadis ne sait rien pour le moment.

— Levi, je suis désolée pour tes amis. Vraiment. J'ai dit à Erwin que…

— Laisse tomber, Hange.

Elle a l'air vraiment désolée pour lui. Ce sont les premières condoléances que Levi reçoit et qu'il ressent comme sincères et spontanées.

— …mais merci.

— Je peux te serrer dans mes bras ?

— Nan.

Elle le fait quand même. Levi grimace.

— Putain, Hange ! Tu pues la mort ! Depuis quand tu t'es pas lavée ?

Elle s'écarte et fait la moue.

— Écoute, je suis en train de peaufiner l'équipement de manœuvre tridimensionnelle. J'ai repensé à la manière dont tu es tombé quand on a coupé l'un des grappins. Je me suis dit qu'il fallait ajouter un système de secours. J'ai mis en place un système d'allumage de bombonnes de gaz qui…

— Tsk, on verra ça plus tard. J'écouterais rien tant que t'auras pas nettoyé la couche de crasse dans laquelle t'es en train de fossiliser.

Hange proteste, alors Levi la saisit par le biceps et la tire dans l'escalier. Ses appartements se situent au-dessus de son laboratoire, selon ses propres exigences. Levi n'y a jamais mis les pieds, mais comme il s'en doutait, il y règne un tel capharnaüm qu'on a à peine l'impression d'avoir quitté l'établi. L'un de ces jours, il va la forcer à tout ranger. Les lèvres figées dans une moue désapprobatrice, il traîne Hange jusqu'à sa salle de bain et fait couler l'eau pendant qu'elle se déshabille docilement. Elle se glisse dans la baignoire et Levi lui jette une éponge et du savon.

— Et tu frottes ! Tu sors pas de là avant que j'estime que t'es assez propre, même si tu te transformes en pruneau. Tu as une brosse à ongles ? Allez ! Pendant ce temps, je vais brûler ces fringues dégueulasses.

Au lieu de ça, il se contente de trouver une bassine et de la lessive et entreprend de les laver lui-même. Il s'installe dans la salle de bain, dos à Hange pour préserver sa pudeur, et la laisse déblatérer sans fin sur le nouvel équipement qu'elle est en train de mijoter. Il écoute la moitié de ce qu'elle dit et en comprend à peine le quart, mais elle parvient à lui donner envie d'essayer ses dernières trouvailles. Levi est certain qu'elle n'a absolument pas le droit de divulguer de telles informations, mais Hange semble omettre qu'il n'a encore jamais été un membre officiel du Bataillon d'Exploration. Ou alors, elle a décidé de s'en foutre et de le considérer comme tel.

Elle raconte ensuite comment elle a échoué à décrocher une augmentation de ses budgets, malgré les bons résultats qu'ils ont obtenus avec l'équipement de manœuvre tridimentionnelle. Elle râle que si Erwin, au lieu de passer ses journées à se morfondre sur le départ de Levi, était venu avec elle présenter ses prototypes à leurs supérieurs, ils auraient sans doute mieux réussi à négocier. Levi dresse l'oreille quand il entend le prénom du capitaine, mais Hange part dans une diatribe sur Shadis et le manque de considération qu'il a pour elle depuis le début. Il quitte la pièce pendant quelques minutes pour aller chercher de quoi recoudre un bouton sur le point de tomber. Quand il revient, Hange fixe la surface de l'eau, les sourcils froncés, la bouche enfin close. Il se rassied en tailleur et commence son ouvrage.

— Levi, est-ce que tu me vois comme une femme ?

Sa question sort le malfrat de ses pensées.

— Hein ? Qu'est-ce que tu racontes ?

Hange relève la tête. Elle a l'air vraiment curieuse de connaître sa réponse.

— Je… Je ne suis intéressé que par les hommes, au cas où ça n'est pas évident.

— Pff, je sais bien. Je suis myope mais pas complètement aveugle. Tu te baves dessus chaque fois qu'Erwin la joue « monsieur le capitaine ».

Levi ouvre la bouche pour nier en bloc, mais Hange lui fait comprendre d'un geste de la main que ce n'est pas la peine qu'il se fatigue.

— Ce n'est pas ça que je te demandais. C'est juste que des fois… tout le temps… je me sens un peu comme… entre les deux.

Levi se tait. D'habitude, il fuit ce genre de discussion intime. Il ne sait pas quoi dire. Il ne sait jamais ce que les gens attendent de lui. Même s'il se sent mal à l'aise, il décide de faire un effort pour Hange.

— Tu te sens entre les deux quoi ? Femme et homme ?

— Oui, je crois, répond Hange, songeuse.

— Qu'est-ce que ça change ?

Sa question sort de manière plus brutale qu'il ne l'aurait voulu. Hange ne semble pas lui en tenir rigueur.

— Je sais pas. Pas grand-chose pour toi, j'imagine.

Levi tente tout de même de se rattraper.

— Je veux dire, est-ce que… est-ce que ça change quelque chose quand on est ensemble ? Est-ce que tu veux que je t'appelle différemment ? Écoute, t'es la première personne qui me sort un truc comme ça et je sais pas trop…

Hange lui adresse un sourire. L'affection sincère qu'elle lui porte serre le cœur de Levi. Il réalise à quel point elle lui a manqué.

— J'avais surtout besoin que quelqu'un le sache, dit-elle d'un ton plus léger, et je me suis dit que ce serait plus facile de te le dire à toi. Erwin est gentil mais il est un peu... vieux jeu, parfois.

Levi est perplexe mais touché. Sa perception d'Hange se modifie, très légèrement. Elle reste la même personne à ses yeux, mais c'est comme s'il la voyait soudain sous un autre angle, ni pire ni meilleur, mais différent.

Il s'accroupit près du bain.

— Donne tes mains.

Hange obtempère. Il inspecte ses ongles d'un air sévère, puis tend l'autre main pour qu'elle lui passe la brosse. Il se met à frotter énergiquement pour retirer les dernières traces de crasse récalcitrante sous ses ongles.

— Stop ! l'interrompt-elle au bout d'un moment. Tu vas me les faire tomber !

Levi lui apporte ensuite une serviette sèche et une pile de vêtements propres, et la laisse le temps qu'elle s'habille.

— Où est-ce que tu dors, depuis qu'ils… depuis que tu es seul ? demande Hange quand il revient.

— Chez Erwin, je t'ai dit.

Il lui tend ses lunettes. Hange ne fait pas de remarque, mais le coin de sa bouche se tord en un petit sourire. Elle doit savoir qu'il est parti, puis qu'il est revenu. Elle devine sûrement qu'il se trame quelque chose entre eux.

— Bon, tu veux venir voir le nouvel équipement de manœuvre tridimensionnelle ?

— Pas ce soir…

— Je l'ai fait à ta taille.

— Hange, va dormir. Et envoie ce pauvre Moblit se coucher dans un vrai lit.

— Alors tu reviens demain ? Levi, personne d'autre que toi ne peut l'utiliser. Je ne vais pas attendre encore un siècle… gémit Hange. Si tu refuses, je vais devoir trouver quelqu'un d'autre de ton gabarit, et Erwin refuse que je fasse des expériences avec des enfants.

Levi répond à cette moquerie par une petite tape derrière la tête. Hange réveille Moblit et l'envoie se coucher. Il lance un regard un peu étonné à Levi, mais s'abstient de tout commentaire. Hange serre à nouveau Levi dans ses bras pour lui dire au revoir. Cette fois elle sent bon, alors il la laisse faire, même si ses cheveux trempés dégoulinent sur sa chemise. Il préférerait crever plutôt que de l'admettre, mais il se sent bien dans son étreinte solide, certes moins puissante que celle d'Erwin, mais ferme et assurée. Il lui grogne quand même à l'oreille de ne pas prendre trop l'habitude de faire des trucs pareils.