Chapitre 12
Quand il se réveille le lendemain, Levi a dormi plus de huit heures d'affilée et brûle d'excitation.
Son cerveau met du temps à comprendre où il se trouve. Il est saisi d'une pointe d'anxiété qui s'apaise dès qu'il s'aperçoit qu'il n'est pas seul. Erwin est toujours là, contre lui, dans l'abandon d'un sommeil tranquille. Comme dans le rêve auquel il vient de s'arracher, le capitaine est terriblement nu, et Levi a terriblement envie de lui.
— Erwin, gémit-il dans un souffle.
Erwin remue et pousse un grognement. Levi l'appelle à nouveau. Il pose la main sur sa poitrine et le secoue en douceur. Erwin balbutie des paroles inintelligibles puis demande l'heure. Levi n'en a pas la moindre idée. Il sait juste, à en juger par la lumière qui filtre à travers les rideaux, qu'ils ont encore un peu de temps devant eux.
— Erwin… J'ai vraiment, vraiment envie que tu me baises.
Cette fois, Erwin ouvre les yeux.
— Maintenant ? demande-t-il d'une voix rauque.
— Tout de suite.
Erwin roule sur le dos et pousse un soupir pour se donner le temps d'émerger. Il se frotte les yeux.
— Hmm… ok. L'huile.
Levi se précipite pour la récupérer. Il a peur qu'Erwin se rendorme, mais quand il se tourne à nouveau vers lui, les grands yeux bleus du capitaine l'observent avec attention. Levi dévisse le flacon, prêt à se préparer tout seul pour gagner du temps.
— Donne-moi ça, l'interrompt Erwin.
Il se soulève sur un coude et s'enduit les doigts. Levi déglutit.
— Viens-là.
Levi le rejoint sur le lit et se presse contre lui.
— Tourne-toi.
Ses ordres sont expéditifs, comme si former des phrases complètes demandait trop d'efforts à son esprit encore imprégné de sommeil. Erwin se laisse retomber sur le matelas et plaque le dos de Levi contre son torse. Il glisse la main vers son entrejambe, le saisit dans son poing et commence à le caresser. Il s'interrompt au bout de quelques mouvements, surpris de constater à quel point il est déjà dur. Il dépose un petit baiser sur son épaule.
— C'est de moi que tu rêvais ? lui murmure-t-il à l'oreille.
Levi répond par un grognement.
— Qu'est-ce que tu me faisais ?
— C'est plutôt... toi... qui me faisait des trucs, halète Levi.
La main d'Erwin se resserre autour de lui. Levi laisse échapper un petit gémissement.
— Quel genre de trucs ?
Le cœur de Levi cogne dans sa poitrine. Lui dont la bouche laisse régulièrement échapper les pires vulgarités rougit quand il repense à son rêve. Peut-être qu'Erwin... Non, il devrait garder ça de côté pour plus tard. Pour le moment, ils peuvent s'en tenir à quelque chose de plus conventionnel. Le poignet d'Erwin accélère encore.
D'un geste impatient, Levi lui saisit le bras et guide sa main entre leurs deux corps. Erwin glisse un doigt en lui et commence un lent mouvement de va-et-vient. Levi lui demande d'en mettre un second. Son souffle se coupe dans sa gorge. Les doigts d'Erwin sont bien plus épais que les siens. Il halète.
Erwin est silencieux derrière lui, les yeux clos, appliqué à la tâche. A intervalles réguliers, il dépose en petit baiser sur son épaule. Cette tendresse accentue l'excitation de Levi. Il remue contre Erwin de manière à ce que ses fesses frottent contre l'érection du capitaine.
Il veut plus. Il veut cet homme. Il le veut en lui, maintenant.
— Prends-moi, Erwin !
Il est à deux doigts de supplier. Il en serait capable, si Erwin décidait de le faire languir. Mais celui-ci obtempère et le pénètre en douceur. Levi pousse un long soupir qui se mue progressivement en gémissement. Il lâche une flopée de jurons, presque comme un soulagement. Son corps s'adapte à celui d'Erwin. Il le prend entièrement en lui et frémit des sensations qu'il lui procure. Erwin le sent frissonner et dépose un nouveau baiser dans ses cheveux.
Il lui fait l'amour lentement, presque qu'avec paresse. L'acte est si intime, Levi le ressent au plus profond de lui-même. Il exhale et arque son corps pour le guider vers ce point sensible qui déclenche à chaque pénétration une décharge de plaisir. Le capitaine le maintient contre lui d'une main ferme plaquée contre ses abdominaux. Levi le sent attentif à chacun de ses soupirs et à chacune de ses réactions, et qu'il soit entièrement concentré sur son plaisir lui fait chauffer les entrailles. Il passe une main en arrière pour saisir la nuque d'Erwin et le coller un peu plus contre lui.
Son plaisir croît avec chaque coup de rein. Il incline les hanches pour s'offrir sans pudeur, pour accueillir chaque centimètre du capitaine en lui. Celui-ci accélère. Levi répond à ses mouvements par de petits gémissements réguliers. Il sait qu'il ne va pas durer longtemps. Il est déjà à deux doigts de perdre toute cohérence. Erwin le sent proche de l'orgasme et saisit à nouveau son sexe pour le masturber d'une main vigoureuse. Il tient entièrement le corps fin de Levi entre ses bras puissants.
Levi s'abandonne à lui, et lâcher les dernières bribes de sa retenue le fait basculer dans l'orgasme.
Le plaisir se répand d'abord dans son ventre, puis dans sa poitrine, puis dans tout son corps. L'intensité de la vague qui le submerge lui fait perdre pied avec la réalité. Il vient dans une longue exclamation de jouissance qui surprend son partenaire. Levi ne se rend compte qu'après-coup, quand Erwin pouffe de rire, de l'indécence du son qui vient de lui échapper.
Il rosit. Étrangement, il ne se sent pas offensé par la réaction d'Erwin. A cet instant, il ferait n'importe quoi pour lui. Pour lui rendre la pareille.
— A toi, chuchote Levi. Utilise-moi comme tu veux.
Erwin ne se fait pas prier. Il le fait rouler sur le ventre, lui grimpe dessus et le pénètre à nouveau d'un seul mouvement. Le corps de Levi s'enfonce de plusieurs centimètres sous son poids. Erwin s'appuie sur les coudes pour se donner un peu d'amplitude et accélère la cadence. Levi gémit encore, le visage enfouit dans les draps, les poings crispés de chaque côté de son visage. Il ne peut s'en empêcher. Chaque mouvement fait grincer le sommier sous eux. Il sent toute la force d'Erwin vibrer dans son corps.
Quand Erwin se retire et vient sur son dos, Levi est sonné. Son cerveau est encore submergé par des vagues de plaisir. Erwin s'écroule sur lui.
— Je veux t'entendre gémir comme ça plus souvent, marmonne-t-il en déposant un baiser dans ses cheveux.
Levi roule sur le côté pour le déloger de son dos et se presse contre lui. Contre son corps solide, massif, brûlant. Il a eu quelques partenaires réguliers par le passé, mais aucun qu'il a désiré au point d'en perdre le sommeil. Aucun à qui il a accordé une telle confiance, naturellement, sans même se forcer. Aucun avec qui il a eu envie d'explorer son propre corps, au lieu de se contenter de l'instantanéité d'un plaisir facile. Erwin est mieux que tout ce qu'il a connu auparavant et, égoïstement, il veut le garder un peu plus longtemps pour lui.
La respiration du capitaine est déjà en train de s'étirer. Levi hésite à poser la question qui lui brûle les lèvres. Quand il se décide, il a du mal à dissimuler la fébrilité qui agite sa voix.
— On peut recommencer ?
— Sérieusement ? Laisse-moi un peu de temps pour récupérer, grogne Erwin.
— Je veux dire… plus tard. Ce soir. Demain. Les… les jours qui viennent.
Erwin comprend où il veut en venir. Levi échappe à son regard en réarrangeant avec beaucoup d'application ses cheveux blonds défaits par le sommeil et le sexe.
— Oui. Oui, bien sûr.
Son sourire est trop sincère pour que Levi puisse le soutenir. Il détourne le visage. Erwin se soulève pour déposer un long baiser dans ses cheveux avant de se laisser retomber sur le matelas. Il ferme les yeux et s'abandonne au contact agréable des doigts de Levi. Il ne tarde pas à sombrer à nouveau dans le sommeil.
Levi est incapable de se rendormir. Il est trop secoué par le flot des émotions qui s'agitent en lui. Qui aurait pu croire que du sexe, aussi agréable soit-il, puisse le mettre dans cet état ? Il serre les lèvres pour s'empêcher de prononcer des mots qu'il va regretter, même si Erwin dort trop profondément pour les entendre. Il s'assoit, les genoux ramenés contre la poitrine, et observe le capitaine en silence. Son cœur met de très longues minutes à enfin se calmer.
Le retour à la réalité s'accompagne d'un vague sentiment de dégoût. Entre hier et ce matin, le lit est un véritable carnage. Il se lève et tire le drap d'un geste sec qui fait rouler Erwin sur lui-même sans le réveiller. Apparemment, le capitaine est dans la catégorie des hommes qui tombent dans le coma après une bonne baise. Levi retient un sourire. Il résiste à l'envie de prendre Erwin dans ses bras et d'enfouir son visage dans le creux entre ses omoplates. Il commence à devenir dangereusement mièvre, et le lit ne va pas se refaire tout seul. Il s'éclipse dans la salle de bain pour se laver et récupérer du linge propre, et avant tout pour s'épargner toute tentation.
L'air est frais, mais le soleil brille haut dans le ciel dégagé et se reflète dans les cheveux dorés d'Erwin. Il se tient bien droit, le port altier, la poitrine bombée, le regard concentré. Son uniforme cintre sa taille et souligne la musculature de ses cuisses.
— Regarde devant toi, Ackerman, murmure la voix agacée de Mike à sa gauche.
Levi se retient de rompre sa position de repos pour lui adresser un geste obscène. Il ne veut pas provoquer d'esclandre à la cérémonie de promotion d'Erwin. Car même s'ils prennent tous les trois du galon, cet après-midi, c'est Erwin le vrai clou du spectacle. Alerté par la réprimande de Mike, le futur commandant jette un coup d'œil furtif à ses deux subordonnés pour s'assurer qu'ils ne vont pas se taper dessus au beau milieu du protocole.
Toute la Brigade d'Intervention est réunie dans la cour d'honneur de l'hôtel de police pour assister à la création officielle du Bataillon d'Exploration. L'ambiance n'est pas franchement festive à l'idée de scinder en deux leurs effectifs, mais les membres de l'escouade d'élite d'Erwin sont particulièrement fiers de se voir enfin accorder une telle importance, après des années sans résultats qui ont fait d'eux les parias de la brigade. Ils sont surtout fiers de leur chef, de sa prestance et de son charisme. Shadis, même s'il garde un rang équivalent et qu'il le devance en termes d'expérience, fait pâle figure à côté.
Zackley ordonne qu'on déroule la bannière qui dévoile leur nouveau blason. Même si Levi est toujours aussi peu sensible au folklore militaire, il ressent un étrange picotement dans le nez quand il voit se déployer les ailes bleue et argentée qui orneront bientôt son uniforme. Et même s'il lutte pour la dissimuler, l'émotion est palpable sur le visage d'Erwin. Mike plisse le nez dans une grimace étrange. Un peu plus loin, au premier rang du reste du groupe, Hange se mordille la lèvre, les yeux humides. Levi est ému de les voir aussi émus.
Zackley prononce ensuite un discours dont Levi se désintéresse. Il parcourt des yeux ses nouveaux camarades. Outre Mike et Hange, sont aussi là Moblit, Petra, et tout un tas de figures familières sur lesquelles il ne peut pas encore mettre de prénoms. Beaucoup ont disparu, aussi, tombées lors de leur dernière mission. Quand Erwin a annoncé à tous qu'ils allaient fonder une unité à part, il les a prévenus d'une voix grave qu'ils étaient libres d'en profiter pour partir, sans conséquence. Personne ne l'a fait.
Levi reporte son attention sur la cérémonie quand il entend Zackley prononcer solennellement le nom d'Erwin. Le capitaine se présente devant lui et se met au garde à vous. Zackley vante ses mérites et lui passe autour du cou une espèce de médaillon émeraude, le signe distinctif qui fait de lui leur commandant. Le souffle de Levi se raccourcit. Erwin étincelle de puissance. Le soleil caresse ses cheveux et son visage sculpté. Aucun son ne vient perturber la voix cérémonieuse de Zackley. D'un hochement de tête, Erwin accepte le poids des responsabilités qu'on charge sur ses épaules. La lutte contre les Titans, la protection de la ville, la vie des membres du Bataillon d'Exploration. Levi ne cille pas. Il n'y a personne d'autre à qui il confierait sa vie.
— Ça va, pas trop à l'étroit dans ton pantalon ? fait la voix de Mike.
Il se sent brutalement ramené sur terre.
— Non, il suffit que tu ouvres ta gueule pour me faire débander.
Levi entend Mike pouffer et se tourne vers lui, étonné. Le futur capitaine est trop grisé par la réussite de son meilleur ami pour s'offusquer de sa vulgarité. Il se détourne d'Erwin et lui adresse un clin d'œil. Sa familiarité décontenance Levi. Il sait que pour une fois, ils ont un point commun, la fierté qu'ils éprouvent à voir Erwin couronné de succès. Mais de là à enterrer la hache de guerre… Il contracte discrètement son zygomatique droit, le maximum qu'il puisse lui accorder à cet instant.
C'est ensuite au tour de Mike de se faire nommer capitaine, puis au tour de Levi de recevoir officiellement ses galons. Il n'est pas très à l'aise à l'idée de se retrouver au centre de l'attention. Il n'éprouve pas de satisfaction personnelle à être nommé officier. Un jour, il verra peut-être tous ces gens autour de lui comme ses frères et ses sœurs d'armes, mais pour le moment il a toujours l'impression d'être un intrus. Quand il regagne sa place à côté de Mike pour le salut final, Erwin lui adresse un sourire bienveillant qui lui fait rater un battement cardiaque.
Après la cérémonie, une fois les interminables félicitations de rigueur terminées, Erwin arrache Levi à l'étreinte trop enthousiaste d'Hange, l'entraîne dans son bureau et referme la porte derrière eux.
— Mes félicitations, dit à son tour Levi. Je peux te sucer ?
— Levi…
— La proposition est très sérieuse. Je n'ai jamais sucé de commandant de police.
— Ça ne va pas tarder, j'en suis certain. En attendant, il y a plusieurs choses dont nous devons parler.
Levi jette un coup d'œil autour de lui. Le nouveau bureau d'Erwin est vaste, bien éclairé, et déjà d'une propreté douteuse. Le commandant a commencé à déménager ses livres sans dépoussiérer les étagères qui se trouvaient déjà là. Il ne peut s'empêcher de faire claquer sa langue d'agacement. Erwin l'entend à peine, trop occupé à chercher un papier dans le tiroir de son bureau.
— Assieds-toi.
Son ton est tellement formel que Levi obéit sans discuter. Il est un peu déçu, il a attendu ce moment pendant toute la cérémonie et il espérait quelque chose de plus… sensuel.
— Je sais que tu as signé une promesse d'engagement, mais voici ton contrat en bonne et due forme. Je vais te le lire, sauf si tu préfères que quelqu'un d'autre…
— Non, bien sûr que tu peux le lire, coupe Levi.
Il écoute à peine ce que dit Erwin. De toute façon, il est à peu près certain qu'il n'y a pas de traquenard. Au lieu de se concentrer sur les mots du commandant, il regarde ses lèvres bouger, son nez droit, les cils qui bordent ses yeux baissés sur sa feuille, ses sourcils qu'il trouve toujours aussi étranges mais curieusement attirants, son front haut. Il ne peut détacher les yeux de son visage. Une mèche s'est échappée de sa chevelure impeccable, et il lui faut toute sa volonté pour ne pas la replacer au bon endroit.
— Levi ?
— Oui ?
— Tu m'écoutes ?
— Un peu.
— Il y a deux points que je veux aborder.
Sa voix est si grave que Levi se sent mal à l'aise. Il a soudain peur de ce qui va suivre. Il sait que leur situation, ce qu'il se passe entre eux quel que soit le nom qu'il lui donne, est un équilibre précaire qui menace à chaque instant de s'écrouler. Il n'a pas envie de discuter de ce sujet. Il veut se laisser porter par son instinct et se complaire le plus longtemps possible dans le réconfort que lui offre Erwin.
— Le premier, c'est que j'aimerais que tu apprennes à lire et à écrire. Je sais que ce sera difficile à ton âge, mais je ne peux pas me permettre d'avoir dans le Bataillon un homme qui signe des papiers sans savoir ce qu'il y a écrit dessus. Tu peux choisir l'instructeur que tu veux, nous prendrons les frais en charge.
— Je préfère que le moins de monde possible soit au courant, répond Levi. Tu n'as qu'à m'apprendre, toi.
Il sait surtout qu'il n'aura pas la patience de supporter quiconque d'autre. Erwin prend le temps de considérer cette option, puis accepte.
— Le deuxième point…
Il sort de son bureau une clef qu'il pose devant Levi.
Levi fixe l'objet, puis Erwin.
— Comme tout officier, tu as droit à un appartement de fonction. Il est situé dans le centre-ville, pas loin du…
— Tu me mets à la porte ?
Son cœur sombre dans sa poitrine. Erwin se renverse en arrière dans son fauteuil.
— Écoute, Levi. Tu as droit à cet appartement, il fait partie des prérogatives inhérentes à ton contrat.
— Arrête de parler comme ça.
— Tu y as droit, c'est tout. Que tu dépendes de moi pour avoir un endroit où dormir me met mal à l'aise. Je ne veux pas que tu te sentes obligé de faire quoi que ce soit pour avoir un toit.
Levi est ébahi.
— Ne me dis pas que tu as pensé une seule seconde que je te donne mon cul pour que tu m'héberges. Ne me dis pas que ça t'a effleuré l'esprit !
— Non, bien sûr, répond Erwin d'une voix lasse. Mais les choses peuvent se détériorer entre nous. Je suis ton commandant, maintenant, Levi. Nous ne sommes pas supposés…
— Baiser ensemble ?
— …avoir ce genre de relations. C'est d'ailleurs un point sur lequel j'aimerais insister. La condition pour que nous puissions continuer, c'est que ça n'interfère pas avec nos positions respectives. Ce qui signifie que dans le cadre professionnel, tu devras toujours obéir à mes ordres, c'est compris ? Je reste ton commandant avant tout. Quelles que soient les circonstances. Quels que soient tes sentiments à mon égard, y compris si tu venais à nouveau à me détester.
Levi répond par un grognement. Erwin insiste.
— Réponds-moi.
— J'ai compris, Erwin ! J'ai compris ! Je t'obéirai. Mais si on s'engueule et qu'on arrive pas à se réconcilier, je me casse, comme tu dois t'en douter. Je suis pas là pour l'amour de l'uniforme, je suis là pour toi.
Erwin le fixe d'un regard intense qui décontenance Levi. Il n'a rien sorti de surprenant, si ? Erwin sait déjà tout ça. Le commandant se racle la gorge et reprend d'une voix professionnelle :
— J'en profite aussi pour te demander de rester discret. Mike et Hange ne diront rien par amitié, mais je ne veux pas que l'information s'ébruite. Je sais que tu as parfois du mal à contrôler ta langue alors je te le demande officiellement. S'il te plaît, ne complique pas les choses.
— A t'entendre, on dirait qu'on s'embarque dans un truc vachement compliqué. T'as soudain des regrets, Erwin ?
— Non. Bien sûr que non. J'apprécie chaque moment passé avec toi.
Levi se mordille la lèvre.
— Je pense que nous pouvons gérer cette situation. Je te fais confiance.
C'est ma carrière que je mets entre tes mains, poursuit le silence qu'il laisse planer juste après.
— Pour en revenir à cette histoire d'appartement, nous avons tous les deux assez de recul sur la vie pour envisager toutes les éventualités. Y compris celle où nous nous… engueulerions, pour reprendre tes termes, et où nous déciderions de prendre des chemins différents. Cet appartement est le tien, tant que tu seras dans le Bataillon d'Exploration et un an après ta démission si tu décides de le quitter. Fais-en ce que tu veux. S'il reste vide, tant pis. Je me sens plus tranquille en sachant que nous t'offrons cette solution de repli.
Il ramasse la clef sur le bureau et la tend à Levi, qui consent enfin s'en saisir.
— Ceci étant dit, je ne vois aucun inconvénient à ce que tu continues à vivre chez moi. J'apprécie ta présence et je ne te cache pas que je serais contrarié que tu partes. Seulement, si un jour tu ne te sens plus à l'aise avec moi, tu dois me promettre de me le dire.
— Qu'est-ce que tu peux être barbant, parfois ! ricane Levi pour désamorcer le dramatique de la conversation.
— Je tenais à ce que ce soit dit, répond Erwin sans s'offusquer. En attendant, je compte bien t'avoir dans mon lit tous les matins.
Levi se détend. Voilà le type de discussion avec lequel il est beaucoup plus à l'aise.
— Peut-être que tu pourrais me plier en deux et me prendre sur ce bureau, là, maintenant.
Erwin se pince l'arrête du nez. Il l'avait vue venir, il s'y attendait, mais il ne peut s'empêcher de grimacer. Il se lève.
— Pas de sexe dans ce bureau.
— Hein ? Pourquoi ?
— Parce que je suis commandant, maintenant.
— Et alors ? Les commandants ne baisent pas ?
— Pas leurs lieutenants, comme je viens de te l'expliquer. Et surtout pas dans l'exercice de leurs fonctions.
— Donc quand j'étais le criminel de service, tu me suçais allégrement la queue sur ton bureau, et maintenant que j'ai une situation décente je n'ai plus le droit de me faire sauter ? Tsk, Erwin ! Personne ne va nous choper, ils sont tous en bas en train de se bourrer la gueule en ton honneur !
— C'est non. N'insiste pas.
Levi se renfrogne. Erwin contourne son bureau et se penche sur lui pour l'embrasser. Levi sent aussitôt son cœur s'emballer. Le baiser du commandant est doux et sincère. Il se lève et se dresse sur la pointe des pieds pour lui enlacer le cou et se coller à lui. Il a besoin de cette tendresse. Il offre ses lèvres à celles d'Erwin. Son parfum l'enivre. Ses mains se perdent dans ses cheveux.
Quand Erwin amorce un mouvement de recul pour se séparer de lui, Levi le retient par son tout nouveau médaillon.
— Je comprends enfin à quoi sert ce truc, grogne-t-il contre ses lèvres.
Erwin rit de bon cœur. Levi ne se lasse pas de ce son. Le commandant l'embrasse à nouveau.
Ils se séparent avec regret. Erwin remet de l'ordre dans son uniforme et se rassoit derrière son bureau. Levi comprend qu'il est temps pour lui de partir. Il voudrait un dernier baiser. Il voudrait le toucher encore. Il supporte la sensation de manque en se disant qu'ils se retrouveront dans quelques heures dans l'intimité de l'appartement d'Erwin.
— Quelque chose à rajouter ? demande Erwin avant que Levi n'appuie sur la poignée de la porte.
— Du lubrifiant dans ton tiroir.
Erwin répond par un grognement indigne de son nouveau statut.
~oOo~
Erwin est assis dans le fauteuil de son salon le plus proche de la cheminée. Sa peau est brûlante, même s'il n'a pas pris la peine d'allumer de feu en rentrant. Brûlante à cause de Levi dont les hanches ondulent dans un balancement régulier et dont les fesses claquent contre ses cuisses. A cheval sur lui, il s'agrippe au dossier du fauteuil pour donner de la profondeur à ses mouvements. L'effort fait glisser de la sueur sur sa peau et entre leurs deux corps. Il ne laisse échapper aucun son en dehors du prénom d'Erwin qu'il gémit entre ses dents à intervalles réguliers. A chaque fois, c'est un frisson qu'il envoie dans le corps déjà tendu de plaisir de son partenaire.
Dans cette position, Levi le domine. Il lui incline la tête en arrière pour exiger un baiser qu'Erwin s'empresse de lui accorder. Ses lèvres ont le goût salé de la transpiration. La langue de Levi se glisse dans sa bouche, et il met tant d'application dans son baiser que ses hanches ralentissent. Erwin le tient par la taille et accompagne chacun de ses mouvements. La chemise de son partenaire, qu'il n'a pas pris le temps de retirer, lui tombe des épaules en dévoilant leur galbe parfait, ce qui ne fait que l'exciter davantage.
Levi est irrésistible, même s'il n'en a pas l'air conscient. Même s'il a l'air de penser que c'est lui, le plus chanceux des deux. Erwin ne se lasse pas de son corps magnifique qui ondule contre le sien, qui le prend en lui et qui se cambre avec grâce. Il ne se lasse pas de son odeur. Des aspérités que forment les cicatrices sur sa peau. De sa bouche entrouverte pour laisser échapper sa respiration saccadée, de son visage concentré sur son plaisir.
Un jour, Erwin le lui dira. Il lui détaillera tout ce qui le rend désirable, précieux, unique. La perspective de ce qu'il leur reste à découvrir l'un de l'autre, à partager, à explorer ensemble lui fait resserrer encore son étreinte. Mais pour le moment, il sait que sous ses airs bravaches Levi encaisse mal les compliments, qu'ils le rendent méfiant. Il les garde donc pour une autre fois.
Des coups résonnent contre la porte d'entrée. Levi abandonne ses lèvres et fronce les sourcils.
— Tu attends quelqu'un ? chuchote-t-il sans pour autant cesser ses mouvements de hanches.
— Non, répond Erwin, le souffle court.
Il tend le menton pour quémander un nouveau baiser. Levi vient à peine de le lui offrir quand de nouveaux coups résonnent contre la porte, accompagnés cette fois par les voix d'Hange et de Mike.
— Erwin ! On sait que tu es là ! Ouvre, on a amené de quoi fêter ça !
Erwin et Levi poussent le même juron.
— Descends, murmure Erwin d'une voix précipitée.
Il tapote la cuisse de Levi pour appuyer sa demande.
— T'es sérieux ? s'indigne celui-ci. Tu vas vraiment les laisser en-
Erwin se lève en le retenant pour qu'il ne bascule pas en arrière. Levi laisse échapper un grognement quand il se retire brusquement de lui.
— Tu ne les connais pas encore ? Ils ne vont jamais déguerpir.
— Alors propose-leur de nous rejoindre, tant que t'y es, râle Levi.
Erwin sautille dans le salon en essayant d'enfiler les vêtements qu'il récupère avec précipitation. Dans un soupir, Levi se renverse sur le canapé et se caresse avec nonchalance pour apaiser sa frustration. Erwin lui jette un coup d'œil en passant et marque un temps d'arrêt.
— Tu vas vraiment me laisser comme ça ? se plaint Levi en se débarrassant de sa chemise d'un coup d'épaule lascif.
Erwin secoue la tête, se concentre à nouveau et crie à l'intention de ses deux amis qu'il arrive.
— Tu vas me le payer cher, grommelle Levi.
— Qu'est-ce que tu vas faire, m'empêcher de te finir ? rétorque Erwin.
Un éclat dangereux traverse les yeux de Levi, mais il s'abstient de répondre. Erwin lui adresse un sourire éloquent. C'est bien ce qu'il pensait.
Quand il entrouvre la porte, il est encore échevelé et essoufflé. Ses joues le brûlent, sa chemise est en désordre, le bas de sa veste cache à peine le pantalon qu'il n'a pas eu le temps de boutonner. Il se rend compte trop tard qu'il doit sentir le sexe à plein nez.
— Qu'est-ce que tu fous ? demande Hange, perplexe.
Mike, lui, a très bien compris et est déjà en train de virer au cramoisi. Levi dissipe toute ambiguïté en surgissant pour ouvrir la porte en grand. Sa main gauche maintient le coussin qui cache sa nudité.
— On peut pas baiser tranquille ? Cassez-vous !
Erwin pense qu'il va se liquéfier. Mike est lui aussi à deux doigts de l'arrêt cardiaque. Hange pousse une exclamation ravie.
— J'en étais sûre ! J'en étais sûre ! Félicitations !
Levi leur claque la porte au nez.
— Encore bravo à tous les deux ! crie Hange à travers l'épaisseur du bois.
Levi marmonne quelque chose qui ressemble à s'y méprendre à « complètement cinglée ». Erwin fixe un instant la porte close, le visage outré de Levi, puis s'adosse contre le mur et pouffe de rire.
Levi lui jette un regard de travers. Il fronce les sourcils avec une moue indignée. Erwin n'arrive plus à se retenir et éclate de rire. C'en est trop pour lui. L'expression décomposée de Mike, la réaction lunaire d'Hange, l'irritation de Levi. Il rit. Il n'arrive pas à contrôler les soubresauts qui agitent ses épaules. C'est toute la pression de ces derniers jours qui retombe d'un coup.
— Arrête ! s'écrie Levi.
Il lui jette son coussin au visage. Erwin ouvre un œil et le voit entièrement nu, les mains sur les hanches, en train de lutter pour maintenir une expression offusquée. Il part en fou rire. Il n'arrive plus à s'arrêter.
— Mais arrête ! s'insurge Levi.
Plus il insiste et moins Erwin y parvient. Cette fois, Levi ne peut dissimuler le rire qui agite à son tour sa voix. Erwin rit encore. Il ne peut pas s'en empêcher. Il s'appuie contre le mur pour se retenir de tomber. Il en a mal au ventre.
Levi s'y met à son tour, et c'est la première fois qu'Erwin entend son rire. Cette réalisation le fait redescendre immédiatement. Le rire de Levi est rauque, discret, précieux. Et furtif. Erwin essuie ses larmes et l'attire contre lui pour enfouir son nez dans ses cheveux encore humides de sueur. Levi se blottit aussitôt contre sa poitrine et lui enlace la taille. Erwin caresse d'une main distraite son dos musclé et sa chute de reins. Une sérénité bienvenue l'envahit.
— On y retourne ? propose la voix de Levi, étouffée contre sa peau.
Erwin répond par un grognement évasif.
— T'as plus envie ? C'est une blague, j'espère ?
— Oui, répond Erwin en se remettant à pouffer dans ses cheveux.
Levi se sépare de lui. Il fronce les sourcils, mais se mord les lèvres pour ne pas se laisser entraîner à nouveau dans l'hilarité d'Erwin. D'un geste autoritaire, il le saisit par le médaillon et l'entraîne derrière lui dans le salon.
