Chapitre 14

Les plans d'Erwin fonctionnent bien mieux qu'il ne l'avait anticipé, puisque Mikasa passe à l'attaque dès la semaine suivante, alors qu'il a à peine commencé à intégrer Armin Arlert dans son plan.

Comme il l'a espéré, c'est un garçon peu téméraire mais doté d'une grande sensibilité. Il est profondément heurté d'apprendre qu'Eren a rejoint les Titans, et demande aussitôt à le voir. Erwin lui accorde cet entretien. Il organise la rencontre dans son bureau, au calme, rien que tous les trois. Il ne veut pas que la franchise brutale de Levi et l'enthousiasme débordant d'Hange interfèrent dans ce moment délicat.

Arlert se lève d'un bond et serre Eren dans ses bras à l'instant où le Titan passe le pas de la porte. Il a l'air épuisé, en témoignent les cernes qui lui mangent le visage. Il se tend quand Arlert lui bondit dessus, mais il s'apaise aussitôt qu'il le reconnaît. Il jette un regard méfiant à Erwin par-dessus l'épaule de son ami.

— Armin est notre invité, déclare aussitôt Erwin pour dissiper tout malentendu. Je l'ai fait venir car je pense qu'il est nécessaire que vous discutiez, tous les deux.

Il choisit de jouer la carte de la franchise.

— Je sais que vous ne vous êtes pas revus depuis plusieurs années. Armin ne savait pas que tu avais rejoint le Gang des Titans.

Les deux garçons se séparent et s'assoient sur les chaises qu'il leur désigne. Arlert a les yeux embués de larmes. Eren a l'air un peu perdu.

— Pourquoi t'as fait ça, Eren ? demande Armin.

Il n'y a pas de reproche dans sa voix, seulement de la détresse.

— Et Mikasa, elle est où ?

Eren se mure dans un silence buté, les mains crispées sur les bords de sa chaise. Mais Erwin peut voir son menton trembler. L'émotivité d'Arlert est en train de déteindre sur le jeune Titan. C'est au-delà de toutes ses espérances.

Il se tait. Il veut que les deux garçons oublient sa présence.

— Hein ? Pourquoi, Eren ? Pourquoi tu réponds pas ? relance Armin.

— Laisse tomber, Armin...

— Laisse tomber quoi ? Je croyais que t'étais mort. Je croyais que…

Il fond en larmes. Eren lève enfin le regard vers lui. L'expression de son visage s'adoucit. Ses sourcils se détendent et il se mord la lèvre inférieure.

— Armin, arrête de pleurer, d'accord ? C'est… je… j'avais nulle part où aller, et…

— Mais ils ont tué ta mère ! s'écrie Armin en essuyant ses larmes d'un geste furieux.

Eren et Erwin sursautent d'un même mouvement.

— Tu crois que j'ai oublié ça ? réplique Eren avec colère.

Erwin s'apprête à intervenir au cas où il lui prendrait l'idée de se lever pour frapper Armin. Jaeger est tellement impulsif qu'il a encore du mal à anticiper ses réactions.

— Quand elle est morte, je me suis retrouvé sans personne, Armin. Tu comprends ça ? Personne ! Ils… ils m'ont offert leur protection. Je pouvais pas dire non.

Armin s'abstient de répondre. Il sanglote toujours en silence.

— J'avais pas le choix ! C'était ça ou…

Sa voix meurt dans sa gorge.

— Et Mikasa ? se résout à demander Armin.

— Elle est restée avec moi, répond Eren, plus calme. Au début je voulais pas qu'elle trempe là-dedans, mais elle a refusé de me laisser seul. Elle dit qu'elle est la seule à pouvoir me protéger. Elle a appris à se battre. Elle est très forte, Armin. Tu devrais voir comment elle se débrouille…

Armin ne semble pas intéressé le moins du monde par les prouesses au combat de son amie d'enfance. Apprendre ce qu'elle est devenue semble même accentuer sa détresse. Erwin décide que c'est le moment pour lui d'intervenir.

— Nous avons des nouvelles de Mikasa, annonce-t-il. Elle a été vue à plusieurs reprises dans les parages.

Les deux garçons tournent la tête vers lui.

— J'aimerais que nous ayons une discussion, tous les trois, avec elle. Cette situation ne peut plus durer. Eren, tu ne peux pas rester indéfiniment coincé entre les Titans et nous. Il va falloir choisir ton camp. C'est pour ça que j'ai demandé à Armin de venir, et c'est aussi pour ça que nous allons essayer d'entrer en lien avec Mikasa. Je sais que c'est une décision lourde de conséquences, dans les deux cas. Tu as déjà le serment de protection de Levi Ackerman, mais je comprends que cela ne te suffise pas.

Armin fronce les sourcils quand il prononce, à escient, le nom « Ackerman ».

— La décision n'appartiendra qu'à toi, au final, Eren. Mais laisse tes amis t'aider à la prendre. Écoute au moins leurs avis.

— Vous allez capturer Mikasa ? demande Eren.

— Je ne pense pas qu'on puisse capturer Mikasa Ackerman, ment Erwin.

En vérité, il pense Levi tout à fait capable de le faire. Mais il n'a pas besoin d'en informer les deux garçons.

— Nous allons l'inviter, tout simplement.

Eren reste méfiant. Il a lui-même été victime de première main des méthodes musclées du Bataillon, alors il a du mal à croire qu'une rencontre cordiale est possible.

Erwin assure à Eren qu'il sera le premier alerté quand Mikasa sera à l'hôtel de police, et prend congé de lui. Armin reste seul face à lui, un peu impressionné. Erwin prend une attitude plus autoritaire, contre-productive avec Eren mais avec laquelle il compte bien faire entendre raison à Armin.

— Inutile de te dire que je compte sur toi pour le convaincre de laisser tomber les Titans, lui dit-il. Je ne peux pas prédire ce que dira cette Mikasa, mais le fait qu'elle soit restée à ses côtés sans se faire enrôler me laisse supposer qu'elle n'est pas acquise à leur cause. Sa loyauté semble se porter sur Eren et Eren seul.

— Qu'est-ce qu'il va se passer, si Eren quitte les Titans ? renifle Armin.

— Deux choix s'offriront ensuite à lui. Ou bien il choisit de travailler avec nous, et nous continuons à assurer sa protection, ou bien il choisit de partir et nous le laissons faire en fermant les yeux sur ses exactions passées.

Il laisse Armin intégrer ce qu'il vient de dire, puis ajoute :

— Je t'ai déjà expliqué que mon unité, le Bataillon d'Exploration, est dédié à la lutte contre les Titans. Je suis de plus en train de former un petit groupe de jeunes gens à une toute nouvelle méthode de combat. Je pense qu'Eren pourrait être intéressé, de même que Mikasa. Je peux te présenter ces jeunes gens, si tu le souhaites.

Armin est loin d'être emballé par cette proposition.

— J'ai bien compris que tu n'étais pas attiré par la perspective de te battre, Armin. Vois seulement ça comme la perspective de rencontrer de nouvelles têtes en attendant que Mikasa Ackerman vienne nous rendre visite.

Il ne pensait pas, en disant cela, qu'ils n'auraient à patienter que quelques jours.

~oOo~

Ils ne savent pas pourquoi elle passe à l'action ce jour-là, ni comment elle parvient à déjouer les systèmes de sécurité de l'hôtel de police.

Levi est en train d'aider Hange et Moblit à trouver une solution pour intégrer ses lames de rechange à leur nouvel équipement de manœuvre tridimensionnelle quand l'alarme retentit. Ils sursautent tous les trois et restent un moment figé, les oreilles aux aguets.

— Il y avait une simulation, aujourd'hui ? demande Hange.

Ils échangent un regard.

D'un geste vif, Levi serre les lanières de l'équipement autour de ses cuisses et s'élance hors du laboratoire sans prêter attention aux exclamations d'Hange qui lui crie que c'est encore un prototype. Il la boucle à clé dans le laboratoire. Elle sait se battre, il le sait, mais s'il s'agit de Mikasa Ackerman il ne veut pas qu'elle s'en mêle. Il a déjà quelqu'un à protéger. Il s'éclipse sous les cris étouffés d'Hange qui tambourine contre la porte.

Il traverse la cour intérieure où chacun est en train de se précipiter pour récupérer ses armes. Mike lui crie de se regrouper avec le reste de leur escouade. Levi l'ignore. Il fonce tout droit vers le bureau d'Erwin.

Il aurait défoncé la porte si elle ne s'était pas ouverte au même moment sur le commandant stupéfait de le trouver là.

— Qu'est-ce que tu fiches ici ? demanda-t-il.

Sa voix est ferme, son ton réprobateur. Levi recule d'un pas. Ce n'est pas Erwin, c'est le Commandant Smith qu'il a devant lui. L'air sérieux, les sourcils froncés, le corps rigide.

— C'est Mikasa ? demande Levi.

— Je pense, répond Erwin.

— Tu ne peux pas rester seul.

— Je peux me défendre. Et j'ai déjà des soldats attitrés pour ma défense. Tu le sais très bien.

— Pas contre elle !

— Écoute-moi, Levi, dit-il en plongeant son regard dans le sien. Tu vas appliquer le plan qu'on a prévu. Tu vas t'assurer qu'Eren ne nous échappe pas.

— J'emmerde Eren ! Ta sécurité passe avant tout !

— Levi, tu vas mettre Eren en sécurité et rejoindre Mike. C'est un ordre.

Il n'y a pas matière à discuter. Levi le sent dans ses tripes.

— Très bien, dit-il simplement.

Il est en train de faire demi-tour quand une rafale de balles fait exploser les briques du mur à deux mètres d'eux. Par réflexe, Levi se jette sur Erwin avec une telle puissance qu'il le fait tomber malgré leur différence de taille. Il le plaque au sol. Une seconde rafale fait voler en éclat le pan de mur devant lequel ils se trouvaient quelques secondes plus tôt.

Levi tire deux pistolets de leurs étuis et réplique aussitôt. Il a à peine le temps de voir l'ombre de Mikasa disparaître dans l'angle du couloir. Il pousse un juron furieux et fait signe à Erwin de rentrer à l'abri dans son bureau. À partir de maintenant, c'est lui qui commande. Ou c'est ce qu'il voudrait croire.

— Mikasa, dit Erwin d'une voix forte. Je te propose de négocier. Levi va poser ses armes.

Levi le dévisage comme s'il a perdu la tête. Erwin lui adresse un regard appuyé pour lui faire comprendre qu'il s'agit d'un ordre et qu'il n'est pas ouvert à la discussion. D'un geste très lent, Levi pose ses pistolets sur le sol. Les deux hommes se remettent sur leurs pieds. Erwin lève les mains en signe d'apaisement.

— Tu peux sortir, Mikasa.

Elle jette un coup d'œil dans le couloir où ils se trouvent et se présente face à eux, ses deux pistolets braqués sur leurs têtes.

— Baisse tes flingues, gronde Levi en abaissant par réflexe son centre de gravité.

— Mikasa, je suis le Commandant Erwin Smith. Je commande le Bataillon d'Exploration.

— Menez-moi jusqu'à Eren.

— C'est ce que nous comptions faire. Mais nous ne pouvons pas te laisser te balader armée dans le bâtiment.

— Dans ce cas, je trouverai le chemin toute seule.

Levi déclenche son équipement. Les grappins se plantent dans le plafond, à mi-chemin entre Mikasa et lui. Elle n'a pas le temps de le voir venir. Propulsé par l'élan du câble qui se rembobine, il se balance d'un mouvement souple jusqu'à elle et lui envoie ses deux pieds dans le ventre. Le coup la projette en arrière contre le mur, où elle s'écrase avec un grognement étouffé. Levi ne lui laisse pas le temps de s'en remettre. Il l'attrape par les poignets et la plaque au sol. Mikasa lâche ses armes. L'espace d'un instant, il pense avoir gagné.

— Lâche-la, Levi, ordonne Erwin.

— Non.

— Immédiatement.

Erwin ne hausse pas la voix. Il reste parfaitement calme. Levi n'a d'autre choix que de lui obéir. Il relâche son emprise sur Mikasa et la laisse se remettre debout. Erwin braque sur elle l'un des pistolets que Levi a laissés derrière lui.

— Nous allons te conduire à Eren, annonce-t-il. Tu vas nous suivre dans le calme. Levi, fouille-la.

Levi la déleste des lames qu'elle porte encore à la ceinture. Il ne la trouve pas moins dangereuse ainsi, et frémit quand Erwin baisse son pistolet.

— Bien. Suis-moi. Toi aussi, Levi.

Il lui rend son deuxième pistolet en lui intimant de le ranger dans son étui. Ils descendent dans la cour et la traversent sous le regard stupéfait de leurs troupes. Levi leur aboie d'aller couper l'alarme plutôt que de rester là à les dévisager les bras ballants. Ils passent devant les trois crétins interloqués. Pas de trace d'Hange et Moblit. Ils doivent toujours être enfermés dans le laboratoire. Levi écoute son instinct qui lui dit de ne pas envoyer quelqu'un les libérer tout de suite.

Eren est barricadé dans sa chambre depuis que l'alarme s'est déclenchée, selon les instructions anticipées d'Erwin. Quand les gardes ouvrent la porte, Mikasa se jette sur lui pour le serrer dans ses bras, les larmes aux yeux. À cet instant, Levi se rappelle qu'elle n'est qu'une gamine.

— Laissez-nous partir, maintenant, ordonne-t-elle.

— Ce n'est pas possible dans l'immédiat, répond Erwin. J'aimerais que nous discutions, j'ai une proposition à vous faire. Ensuite, vous serez libres de partir si vous le souhaitez.

— Je sais ce que vous allez proposer, réplique Eren. Je ne peux pas travailler pour vous.

— Laissons-nous au moins la possibilité d'en discuter tous les quatre.

Erwin est calme et confiant face à la défiance croissante des deux adolescents.

— Laissez-nous partir, où je vous écrase comme une merde ! s'écrie Eren en serrant les points.

Levi lui braque aussitôt un pistolet sur la tête.

Et déchaîne un ouragan.

Mikasa perd son sang-froid et se jette sur lui pour le désarmer. Levi a tout juste le temps de comprendre ce qu'il se passe. Il utilise l'élan de l'adolescente et s'efface à la dernière seconde pour la faire basculer par-dessus lui. Elle roule dans le couloir et atterrit en position accroupie, un genou au sol, prête à attaquer à nouveau. Levi est vraiment impressionné. D'autant qu'il se trouve dans une situation particulièrement délicate, à savoir entre Mikasa et son précieux Eren.

Il doit l'éloigner d'Erwin.

Il prend son élan, s'élance vers elle, l'attrape au passage et se jette à travers la fenêtre du premier étage. La vitre éclate au moment où il la percute de toutes ses forces. Il déclenche à nouveau son équipement pour adoucir leur chute, ce qui ne les empêche pas de rouler dans la poussière de la cour.

La violence du choc interrompt momentanément leur duel. Levi tousse pour expulser le sable qui s'est immiscé dans son nez et dans sa bouche. Ses mains sont couvertes de coupures superficielles. Mikasa fait de même. De fines traces sanguinolentes lui strient les joues.

Levi se relève douloureusement pour se préparer à la prochaine attaque. Ses camarades s'attroupent aussitôt autour d'eux. Il leur fait signe de rester en retrait. Il se passe alors quelque chose qu'il n'aurait absolument pas pu anticiper.

Avec un cri sauvage, Eren bondit par la fenêtre et atterrit sur ses deux pieds dans la poussière entre Mikasa et lui.

Levi n'a jamais vraiment vu Eren comme une menace. Mais quand il dresse devant lui, à cet instant, ses yeux flamboient d'une telle rage qu'il ne peut s'empêcher d'avoir un mouvement de recul. Eren se jette sur lui avec toute l'énergie d'une colère indomptable. Levi est projeté en arrière. Il se relève, toujours sonné par cette brusque métamorphose de leur prisonnier pleurnichard, et évite de justesse un deuxième coup.

— En position de tir ! s'écrie la voix de Mike dans son dos. Putain Levi, qu'est-ce que tu fous ? Il va te laminer !

D'autant plus que Mikasa est en train de se relever elle aussi. Levi lève les yeux vers la fenêtre qu'ils viennent de briser. Erwin le regarde avec une expression de pure terreur sur le visage. Il est coincé là-haut, impuissant. Il n'ose pas se détourner du combat le temps de descendre les rejoindre. Tant mieux, pense Levi. Le plus loin il reste de tout ça, le mieux c'est.

Eren émet un grondement à peine humain. Il se tient à quelques mètres de lui, les dents serrées, les points tremblants, penché en avant en position d'attaque. Levi aurait juré voir de la fumée lui sortir par les naseaux.

Il a mal partout. Il a beaucoup moins bien encaissé sa chute par la fenêtre qu'il ne le pensait. Pas au point d'abandonner le combat, mais il sait qu'il va regretter ce moment d'excentricité.

Eren lui fond dessus. Levi lui envoie un coup de pied dans la poitrine. Le Titan s'arrête net, grogne, et se remet à charger.

Levi distribue les coups. Il en reçoit aussi. Une multitude. Il a de plus en plus de mal à garder l'esprit clair. Son arcade droite se met à saigner. Il s'essuie l'œil. Le gamin est beaucoup plus solide qu'il n'en a l'air. Mikasa se tient un peu en retrait, prête à intervenir au moindre signe de faiblesse d'Eren. Les policiers autour d'eux piétinent, indécis. Ils n'ont toujours pas reçu l'ordre d'intervenir, et craignent de blesser leur lieutenant en rejoignant la bagarre.

Levi met toute sa force dans un coup de poing qui parvient à repousser Eren de plusieurs mètres. Lui-même titube à reculons. Il essuie à nouveau le sang qui lui coule dans l'œil.

Eren se prépare pour un nouvel assaut. Levi bande ses muscles. Eren s'élance et se prend Jean Kirstein en pleine tronche.

Levi ne l'a pas vu venir, pas plus que les autres agents s'il en croit les exclamations étouffées qui accompagnent cette attaque intempestive.

Essoufflé, le visage dégoulinant de sang, Levi profite de ce bref moment de répit pour reprendre ses esprits. Kirstein ne met aucune retenue dans ses coups. Avec un cri sauvage, sans doute plus destiné à se donner du courage qu'à effrayer, Braus et Springer le rejoignent dans la bataille. Mikasa se lance immédiatement au secours d'Eren.

Les vétérans sont médusés, Levi compris. Il jette un coup d'œil à Mike, qui contemple bouche bée la mêlée. Ils ne savent pas s'ils doivent intervenir. En vérité, les trois crétins ne s'en sortent pas trop mal. Il jette un coup d'œil à la fenêtre du premier étage. Erwin a disparu. Il est probablement en chemin pour les rejoindre.

— Arrêtez ! fait une voix aiguë.

La silhouette délicate d'Armin Arlert frôle Levi. Il s'arrête en périphérie du nuage de poussière que soulèvent les autres gamins, et leur crie dessus jusqu'à ce qu'ils se figent.

— Armin ? fait la voix de Mikasa.

Elle baisse les bras. Connie ne semble pas saisir que la bataille est terminée et brandit sa matraque. Elle l'arrête d'un coup dans la trachée sans même prendre la peine de le regarder.

Armin prend son courage à deux mains et serre ses anciens amis contre lui en les tenant chacun par une épaule. Levi est propulsé presque un an dans le passé, quand il a fait de même avec Furlan et Isabel dans le bureau d'Erwin. Ce souvenir, qui s'ajoute à la fatigue accumulée et à la douleur qui prend tout son corps en étau, lui provoque un picotement malvenu dans le nez. Un bras s'enroule autour de sa taille pour le retenir de tomber.

— Viens, Levi. On va te montrer au médecin pour vérifier que tu n'as rien de cassé. Et recoudre ça.

Levi est aussitôt ramené dans le présent par la voix d'Hange. Moblit se place de l'autre côté de lui pour le soutenir. Il grimace et refuse leur aide. Ils lui font mal aux côtes en le soutenant ainsi. Hange insiste quand même pour l'accompagner.

— J'ai dû défoncer la porte de mon laboratoire pour en sortir. Tu t'arrangeras pour qu'on me la répare sans bouffer mon budget recherche.

Levi cherche Erwin des yeux. L'arrivée d'Armin semble avoir mis un terme définitif au combat. Tous les gamins ont l'air plutôt en bon état. Avec sa prestance habituelle, à peine décoiffé suite à leurs déboires avec Mikasa, Erwin invite Eren et ses amis dans son bureau. Les deux amis sont d'abord réticents, mais Armin en a assez de leur bagarres et réussit à les convaincre. Erwin fait signe à Mike de les suivre de loin, par sécurité. Bien sûr, Levi comprend. Mike est indemne, contrairement à lui. Mais il ne peut s'empêcher d'être un peu vexé.

Erwin passe devant lui en compagnie des trois gamins, sans le regarder.

— Je rêve ou tu me fais la gueule ? demande Levi.

Il se trouve enfin dans le bureau d'Erwin, le visage propre et l'arcade recousue. Il a encore quelques égratignures causées par les débris de verre, mais il sait qu'elles disparaîtront vite.

Il ne demande pas à Erwin de détail sur son entretien avec Eren et les autres. Le commandant lui fournira ces informations quand il l'estimera nécessaire. Levi juge plus urgent de crever l'abcès qui semble enfler entre eux. Erwin ne semble plus disposé à lui adresser la parole.

Quand il est rentré dans son bureau après s'être assuré qu'il en avait fini avec la bande d'Eren, le commandant lui a jeté un coup d'œil rapide de la tête aux pieds et s'est replongé dans sa prise de notes.

Levi lui a demandé comment il allait. Il n'a pas obtenu de réponse. Une vague d'agacement lui a aussitôt soulevé les entrailles. D'où sa question directe. Erwin lève enfin les yeux de son putain de rapport.

— Tu es en colère ? tente Levi.

Il est excédé de voir Erwin se comporter comme un gamin. D'autant qu'il sait à peu près ce qu'il lui reproche. Autant mettre les choses à plat tout de suite.

— C'est parce que je n'ai pas suivi tes ordres ?

— C'est un peu plus que ça, Levi. Tu n'as pas suivi mes ordres et tu nous as tous mis en danger. Moi y compris.

Levi a l'impression d'être plongé dans un bain glacé.

— J'ai fait ce que je pensais devoir faire pour te protéger.

Il ne peut pas croire qu'Erwin en doute un seul instant.

— C'est bien l'ironie de la situation, Levi.

Levi, Levi… Jamais Levi n'a autant détesté son prénom qu'en entendant Erwin le prononcer avec tant d'amertume.

— Cette cinglée allait te descendre ! Tu crois vraiment que j'allais rester là à la regarder faire ? Tu n'as aucune idée à quel point elle peut être dangereuse, Erwin ! Je pensais que tu l'avais étudiée, mais apparemment pas suffisamment !

— Tu n'as pas à désobéir aux ordres directs de ton commandant.

— Tu me fais chier avec ton grade à la con ! Si j'estime que tu es en danger, je ferai le nécessaire pour te sauver, point final !

— Ce n'est pas parce qu'on couche ensemble que tu es autorisé à me désobéir ! s'exclame Erwin en perdant un peu de son sang-froid.

— C'est justement parce qu'on couche ensemble que j'ai si peur pour toi ! crie Levi encore plus fort.

Erwin reste coi. Levi tremble de colère.

Puis Erwin se ressaisit et reprend une attitude maîtrisée. Levi sent son cœur sombrer dans sa poitrine. Il a tant admiré son calme, sa politesse, son port détendu et ses gestes tranquilles. Mais à cet instant, il les déteste.

— Je comprends tes réticences. Mais j'ai besoin… j'ai besoin que tu m'obéisses, Levi, reprend le commandant d'une voix plus douce. Je ne peux pas ajouter le paramètre de ton imprévisibilité à tous ceux avec lesquels je dois déjà composer.

— Je suis un fardeau pour toi ?

— Non. Tu es mon meilleur agent et mon atout le plus fort. Sans toi, tout s'écroule.

Il s'affaisse dans son fauteuil.

— Je te demande, s'il te plaît, de m'accorder ta confiance. Une confiance aveugle, s'il le faut. Je sais que ce ne sera pas facile pour toi. Que parfois, ce sera contre-intuitif. Mais je te demande de le faire quand même.

Levi ne répond pas. Il ne peut pas promettre une chose pareille.

— Tu n'es pas responsable de moi, poursuit Erwin quand il voit qu'il n'est pas décidé à répondre. Je fais des choix, souvent les bons, parfois les mauvais. Si les choses tournent mal pour moi, j'en serai l'unique responsable.

— Et tu crois que me dire ça va me pousser à te faire confiance ? Tu es un excellent commandant, Erwin, un très bon stratège et un fin tacticien. Mais tu n'es pas infaillible. Tu as besoin de nous. De Mike. D'Hange. Des autres. De moi. Si je pense que tu te trompes, je ne peux pas te suivre sans rien dire.

— C'est pourtant ce que je te demande de faire.

— C'est non.

— C'est l'unique manière dont nous pouvons fonctionner.

— Et si je refuse ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu me vires ? C'est fini entre nous ?

— Non, répond Erwin dans un souffle. Nous sommes en train de discuter une problématique d'ordre strictement professionnelle. Ça ne change rien au reste. Je ne vais pas te répudier.

— Ça change quelque chose, Erwin ! Ça change, précisément parce que je tiens trop à toi pour te laisser faire n'importe quoi ! Et en plus je sais pas ce que ça veut dire, « répudier » ! Putain Erwin, tu me fais chier, à utiliser des mots comme ça quand on s'engueule !

Levi se sent humilié. Il a beau s'ouvrir, parler de ses sentiments, essayer d'amener la conversation sur le terrain émotionnel, il ne fait que se heurter à la froide rationalité d'Erwin. Il sait que le commandant ne cédera pas. Il a une idée précise de la manière dont doit fonctionner le Bataillon, et il ne fléchira pas. Levi perd son temps et son énergie. Se disputer avec Erwin l'épuise. Il se sent mal. L'angoisse lui comprime la poitrine.

Même s'il est souvent le premier à chercher la bagarre pour évacuer la colère sourde qui bouillonne constamment en lui, Levi ne supporte pas d'être en conflit avec les gens qu'il aime. Il sait qu'il peut lâcher des paroles d'une violence inouïe, et il ne se fait pas confiance pour s'arrêter au bon moment. Il a peur de prononcer la phrase de trop qui poussera l'autre à le quitter, à l'abandonner pour de bon.

Il sait d'où ça lui vient. Il se disputait souvent avec Kenny, avec toute l'agressivité rebelle de l'adolescence. Et Kenny l'a abandonné. Certes, il a compris avec le temps que ce n'est pas à cause de ses crises de colère que son oncle est parti. Mais il ne peut s'empêcher d'être terrifié à l'idée que le même scénario se reproduise.

Avec Furlan et Isabel, même s'ils ont eu très peu de désaccords, il a toujours cédé aussitôt que le ton montait. Il a cédé, quand bien même il savait qu'ils s'exposaient à un danger mortel. Il a cédé et il l'a amèrement regretté. Il s'est promis d'être plus fort pour ne plus jamais revivre une telle douleur.

Avec Erwin… c'est la première fois qu'ils se disputent. Et il est terrifié. Alors il cède.

— Ok. Je vais te faire confiance, annonce-t-il d'une voix défaite.

— Levi, je veux que tu saches que j'accorde beaucoup de valeur à ton opinion, et que tu es évidemment autorisé à me la donner, en toute circonstance. Que nous pouvons discuter mes plans. Que toute suggestion est la bienvenue. Que tout doute a le droit d'être émis. Mais quand je te donne un ordre, en tant que commandant, ou quand je prends une décision, ce n'est plus ouvert à la discussion.

— Je sais… je sais que tu es bien plus intelligent que moi.

— Il ne s'agit pas de ça.

— Je sais qu'il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas.

— Et de mon côté, je sais que l'erreur est humaine et que j'ai parfois besoin des autres pour l'éviter.

Il ne s'agit pas d'erreur. Il ne s'agit pas d'une simple faille dans un mécanisme, ou d'une faute dans un calcul mathématique. Il s'agit de ne pas oublier qu'il est humain, sensible, faillible. Qu'il a une conscience, même s'il lui arrive de l'étouffer sous le poids de son ambition. Levi se tait. Il restera auprès d'Erwin. Il sera sa conscience quand il perdra pied. Il sera sa part d'humanité quand il s'oubliera.

Erwin est presque étonné d'avoir remporté si facilement ce duel.

— Les choses sont claires entre nous ? demande-t-il.

— Oui, répond Levi en reprenant du poil de la bête.

— Tu m'en vois soulagé.

— J'aimerais que tu te montres aussi autoritaire quand on baise. Ça m'excite.

Erwin se détend enfin. Voilà enfin le Levi qu'il connaît, fidèle à lui-même. Levi lui accorde un petit sourire. Il se sent soulagé, certes, mais au fond de la poitrine persiste un poids qui refuse de disparaître.

~oOo~

Erwin suit Levi des yeux pendant qu'il quitte son bureau. Son attitude stoïque s'effrite aussitôt qu'il a refermé la porte derrière lui. Il sait qu'il lui fait du mal. Il sait qu'il tire sur la corde, qu'il joue avec le feu. Il sait que Levi ne mérite pas de tels reproches. Erwin sait aussi que Levi est beaucoup plus vulnérable qu'il n'en a l'air, et que même s'il peut résister aux Titans, il ne suffit que de quelques phrases pour le briser à nouveau.

Pourtant, Erwin est sincère quand il dit qu'il ne peut tolérer sa désobéissance. Il ne peut se permettre d'avoir un agent aussi puissant dont il ne peut prédire les actions. Il n'a pas d'autre choix que de le recadrer quand il s'égare. Pour le bien du Bataillon et la réussite de leur mission.

Il se prend le visage entre les mains. Il est épuisé par le stress que lui a infligé toute cette opération. Il n'a qu'une envie, rentrer et s'affaler sur le canapé dans les bras de Levi. Car il sait que même s'il s'est montré dur avec lui, Levi l'attendra.

Erwin se demande parfois s'il mérite l'affection d'un homme aussi résilient. Il lutte en permanence contre lui-même pour se retenir de mettre l'altruisme et le dévouement de Levi au service de son ambition. Et en s'en empêchant, il a l'impression de brider sa nature profonde. Il a honte.

Il n'avait pas de réflexions aussi sombres avant de devenir commandant. Il doit prendre du recul sur ses fonctions. Sur son objectif. Il doit se recentrer sur ce qui compte le plus à ses yeux.

Levi est solide, se reprend-il. Beaucoup plus solide que tu ne veux le croire. Et puis, il l'aime. Il a cru que son cœur allait s'arrêter quand il l'a vu en difficulté contre Eren. Il l'aime, et il faut qu'il le lui dise. Au lieu de l'accabler de reproches pour dissimuler la peur qu'il a eue, pendant un instant, le perdre à tout jamais.

Erwin met du temps à rentrer ce soir-là. Il traîne, prend son temps, profite du calme de la nuit pour flâner dans les rues. Malgré le bond en avant spectaculaire qu'a fait la situation avec Eren, Levi occupe toutes ses pensées. Il a envie de le retrouver au plus vite, mais dans le même temps il appréhende la réaction de son compagnon. Il ne veut pas qu'ils soient en froid, et il ne veut pas non plus qu'il s'écrase devant lui. Il finit par prendre la direction de chez eux.

L'appartement est calme quand il ouvre la porte. Il soulève l'aiguille du gramophone et arrête le disque qui tourne en silence. Le feu est en train de mourir dans la cheminée. Levi n'est pas dans le salon. Erwin le trouve étalé à plat ventre sur la couverture. Levi est tellement silencieux qu'il a du mal à dire s'il dort. Il ne réagit pas, même quand Erwin entre dans la chambre en faisant le moins de bruit possible. Il s'assoit sur le bord du lit et contemple son visage calme.

Il somnole. Il a beau lui répéter encore et encore, il est sûr qu'il ignore encore à quel point il est séduisant, avec son visage fin que les rudes années dans les rues n'ont pas réussi à abîmer. Erwin se penche en avant et dépose un baiser dans ses cheveux. Il sent si bon. Levi grogne et ouvre les yeux. Il se retourne sur le dos quand il aperçoit Erwin. Ses lèvres s'entrouvrent et Erwin comprend aussitôt ce qu'il attend de lui.

Ils échangent un long baiser paresseux. Aucun d'eux ne semble vouloir y mettre un terme. Leurs doigts s'entremêlent sur la couverture.

— J'ai envie de faire l'amour, murmure Levi dans un filet de voix.

— Maintenant ?

— Dans quinze minutes, quand tu auras pris un bain.

Erwin laisse échapper un petit rire. Levi répond par un soupir d'aise et s'étire comme un félin. Ce mouvement lui arrache une petite grimace.

— Tu es sûr que ça va aller ? On peut remettre ça à plus tard si tu préfères…

— Non, ce soir, murmure-t-il. Je crois qu'on en a besoin.

Ils parlent à voix très basse, même s'il n'y a personne pour les entendre. Comme s'ils risquaient de briser la fragilité de l'instant en parlant trop fort. Levi pose une main sur la joue d'Erwin et se mordille la lèvre.

— Et surtout, j'en ai très envie.

— Ok. Je reviens vite.

L'excitation de Levi réveille celle d'Erwin. Il prend appui sur le lit pour se relever, mais Levi le rattrape par la main.

— Erwin, est-ce que… Est-ce qu'on peut inverser, ce soir ?

La lueur qui brille dans ses yeux répand une douce chaleur dans les entrailles d'Erwin. Il entrelace à nouveau ses doigts avec ceux de Levi et les porte à sa bouche pour y déposer un baiser. Ils ne font pas ça souvent, et il a très envie de remettre son plaisir entre les mains de Levi.

— Avec plaisir.

Levi prend une inspiration saccadée et le pousse presque hors du matelas pour qu'il aille se préparer. Leur discussion agitée semble déjà oubliée. Erwin sait que c'est un mensonge. Il sait qu'elle est encore là, à flotter entre eux, et qu'ils sont tous les deux en train de l'ignorer délibérément. Se noyer dans les bras de Levi lui paraît une échappatoire séduisante.

Quand il revient dans la chambre, Levi est assis en tailleur le lit, le souffle déjà raccourci par l'anticipation. Il a allumé des bougies qui projettent sur son visage leur lumière dansante. Il est absolument magnifique. Erwin pose un genou sur le matelas et l'attire aussitôt dans un baiser.

Comme à chaque fois qu'il lui fait l'amour, Levi est infiniment doux et patient avec lui. Erwin s'allonge sur le dos et Levi lui maintient les jambes repliées de chaque côté du torse. L'espace d'un instant il se sent exposé, vulnérable, mais son appréhension s'envole quand Levi lui murmure à l'oreille tout le désir qu'il a pour lui. Son compagnon le couvre de baisers et ne lâche pas ses lèvres quand il le pénètre lentement, comme s'il voulait y sentir toutes ses réactions. Ses cheveux caressent le visage d'Erwin. Il lui demande si tout va bien et commence ses mouvements de va-et-vient.

Erwin gémit contre ses lèvres. Chacun des coups de rein de son lieutenant déclenche une vague de plaisir en lui. Même s'il se retrouve rarement dans cette position, Levi sait exactement ce qu'il fait. Il découvre à chaque fois un peu plus sur le corps d'Erwin, et le commandant est bouleversé de voir à quel point il apprend et retient. Il sent dans ses mouvements toute la confiance et l'affection que Levi a pour lui, et il y répond en lui offrant son absolu respect.

— Dis, tu ne vas pas pleurer, hein ? demande soudain Levi en cessant de bouger.

Il le dévisage avec un air méfiant.

— Parce que si ça te met dans cet état, on peut aussi changer et tu me prends contre le mur comme la dernière fois…

Erwin attrape son visage pour le faire taire en l'attirant dans un long baiser. Il balance ses hanches contre lui pour l'encourager à reprendre. Il ne le relâche que quand il est sûr qu'il ne verra pas les deux larmes qui glissent vers ses oreilles.

Il lutte pour ne pas se laisser engloutir par l'émotion. Il se concentre sur son plaisir, sur la présence physique de Levi en lui et les sensations qu'il lui procure. Il se ressaisit et l'encourage à accélérer.

Levi pose ses mains de chaque côté de lui sur le matelas et prend appui dessus pour donner de la profondeur à ses mouvements. Le souffle d'Erwin se coupe dans sa gorge. Levi ne le quitte pas des yeux, et lui lance un regard espiègle qui achève de tirer le commandant de l'émoi qui l'empêche de profiter pleinement du corps de son partenaire. Il s'abandonne au plaisir que lui offre Levi et le laisse le mener jusqu'à l'orgasme.

Ils viennent presque en même temps, leurs lèvres scellées et leurs corps collés l'un contre l'autre.

Levi se blottit contre son dos et le serre dans ses bras quand il revient de la salle de bain. Ils ne disent rien, mais Erwin le connaît désormais assez pour savoir qu'il ne dort pas encore. Il sent le souffle chaud de sa respiration qui effleure la peau de son dos. Il pose un bras par-dessus celui qui lui enserre la taille et le caresse d'un geste distrait, du bout des doigts. La peau de Levi frémit en réaction.

Il sent Levi tergiverser contre lui. Il se retourne entre ses bras et le serre contre sa poitrine pour déposer de petits baisers dans ses cheveux. Les mains de Levi se crispent sur ses biceps. Ils ne disent rien, ils font tout passer par le toucher, communiquent à travers leur étreinte.

Erwin ne sait pas si c'est d'avoir risqué leur vie ou si c'est de s'être disputé avec Levi qui le met dans un tel état. Il a l'impression qu'une brèche s'est ouverte en lui, une petite plaie pour le moment facile à ignorer mais qui peut à tout moment s'ouvrir et l'engloutir. Il puise l'apaisement dont il a besoin pour enfin lâcher prise dans le contact du corps de Levi contre le sien.