Chapitre 15

Levi jette un coup d'œil au plafond orné de moulures, d'où pend un énorme lustre constitué d'une myriade de perles de cristal. Indécent. Il repense aux réprimandes de Kenny quand il laissait brûler la bougie un peu plus longtemps que nécessaire pour ne pas se retrouver seul dans le noir en attendant qu'il rentre. Il frissonne et chasse ces souvenirs de son esprit. Il se concentre à la place sur le petit quatuor qui joue dans un coin.

Erwin les a traînés à une réception. D'habitude, il participe seul à ce genre d'évènement. C'est son rôle en tant que représentant du Bataillon d'Exploration, et il est taillé pour. Mais cette fois, il a demandé à Hange, Mike et Levi de l'accompagner. Il se doute que le commandant a une idée derrière la tête, comme d'habitude, mais il a encore du mal à comprendre le but de la manœuvre. Car aussitôt qu'ils pénètrent dans le grand salon où a lieu la réception, il les abandonne pour se mettre à butiner de groupe d'invités en groupe d'invités.

Mike aperçoit un ancien collègue de l'école de police et s'éclipse pour aller lui parler. Hange repère la maquette de bateau à vapeur qui trône dans un coin et part s'extasier devant. Levi reste seul près du buffet, à observer ce qu'il se passe autour de lui.

Erwin est en train de discuter avec un groupe de trentenaires très élégants. Son sourire charmeur bien accroché aux lèvres, il leur raconte avec nonchalance une anecdote qui les fait ouvrir de grands yeux horrifiés. L'un des hommes met sa main devant sa bouche pour exprimer à quel point il est bouleversé par ce qu'il raconte. Levi laisse échapper un claquement de langue méprisant. Ils en font trop. Tous. Il détourne les yeux pour ne plus avoir à supporter les roucoulements de ces bourgeois en quête de sensations fortes auprès du grand commandant du Bataillon d'Exploration.

Les invités le regardent à peine, si ce n'est pour le détailler de la tête aux pieds en plissant le nez. Erwin lui a bien sûr trouvé un costume à sa taille, mais il est mal à l'aise dedans, sans doute de manière un peu trop évidente. Il ne perçoit que du mépris à son encontre de la part des autres invités. Bien sûr, s'il était seul, il s'en foutrait éperdument. C'est la présence d'Erwin qui change tout. Il suscite tellement l'admiration de tous que Levi a peur de lui porter préjudice, d'être comme une tâche sur son costume immaculé.

Toutes les pensées sombres contre lesquelles il lutte depuis des mois gonflent en lui et menacent de l'engloutir. Il ne comprend pas pourquoi il est là. Il ne comprend pas pourquoi Erwin le laisse seul avec son anxiété. Il se déteste de douter. Des décisions d'Erwin, de lui-même. Il veut qu'Erwin le saisisse par le bras et l'entraine hors de tout ça. Il a honte de ne pas réussir à s'adapter. D'être aussi faible quand il n'est pas dans son élément. Il cherche Hange des yeux. Entendre le son de sa voix le rassurera, même s'il ne comprend pas un mot de ce qu'elle raconte et qu'elle l'agace généralement au bout de trois minutes.

— Je suppose que vous êtes Levi Ackerman ? fait une voix trop polie derrière lui.

Il se retourne et baisse les yeux sur un petit homme trapu d'une cinquantaine d'années.

— Lord Rod Reiss, se présente celui-ci en lui tendant la main.

Par souci d'hygiène, Levi a pour principe inflexible de ne pas serrer la main aux inconnus. Il a conscience qu'en de telles circonstances, il passe pour extrêmement impoli, mais il s'en fiche un peu. Ce Rod Reiss ne semble pas s'en formaliser. Il retire sa main et lui adresse un sourire courtois.

— J'ai entendu dire que le Commandant Smith viendrait accompagné ce soir. J'ai supposé que ce serait de son meilleur agent. On parle beaucoup de vous, dans les cercles mondains.

Il descend une gorgée de champagne. Levi reste planté là en silence.

— Je pense que les gens ici n'ont pas encore saisi qui vous êtes, c'est pour ça que toute l'attention est comme d'habitude concentrée sur le commandant. Mais dès qu'ils vont comprendre, vous allez être assailli.

— Comment vous avez deviné que c'est moi, alors ?

— D'après les descriptions qu'on m'a faites de vous. Pas très grand – je peux me permettre, puisque je suis encore plus petit que vous – brun, athlétique. Pas particulièrement aimable…

Levi est déjà lassé de cette conversation.

— En quoi je peux vous aider ? demande-t-il dans un effort considérable pour rester poli.

Pour Erwin. Il se force à ne pas laisser planté là cet homme qui ne lui inspire rien de bon, pour Erwin.

— Oh, en aucune façon. J'étais seulement curieux de rencontrer celui dont on vante autant les aptitudes au combat. Vous avez entendu parler moi ?

Levi n'a jamais entendu son nom de sa vie. Et il se contrefout de savoir qui il est.

— Je suis l'une des plus grandes fortunes de Trost.

Sa phrase est le déclic qui fait rejaillir un souvenir du passé. Il l'a déjà entendue, telle quelle, dans la bouche de Kenny.

— C'est quoi, déjà, votre nom ?

— Reiss. Lord Rod Reiss.

Le propriétaire du bordel de sa mère. Levi se fige. Il voit soudain ce petit homme gênant sous un jour nouveau. Reiss a l'air de comprendre qu'il vient de déclencher quelque chose en Levi. Il se contente d'attendre avec un sourire poli. En dépit de ce qu'il lui assure, Levi a la conviction que si un homme d'une telle importance se montre aussi patient face à son impertinence, c'est qu'il doit attendre quelque chose de lui.

Il passe de l'agacement au dégoût. Il n'a plus du tout envie de se trouver en présence de ce personnage. Il ne lui donnera rien, pas même une minute de plus de son temps.

— Je compte m'entretenir avec le Commandant Smith dès qu'il sera disponible. Je souhaite financer le Bataillon d'Exploration.

Levi cherche une échappatoire des yeux. Soit l'homme ne comprend pas à quel point il le dérange en dépit des signaux clairs qu'il envoie, soit c'est le dernier des enfoirés. Il opte plutôt pour la deuxième possibilité.

— J'ai déjà parlé avec cette jeune demoiselle qui m'a parlé de projets certes onéreux, mais très intéressants…

Levi n'a aucune idée de qui il parle, et il s'en f… Il réalise soudain qu'il parle d'Hange. Il est plus irrité que jamais. Il ne veut pas faire honte à Erwin, mais il est à deux doigts de perdre son sang-froid.

— Peut-être que vous devriez aller faire la queue pour parler au Commandant Smith, dans ce cas, dit-il d'un ton glacial.

Reiss semble enfin comprendre le message. Son sourire ne bouge pas d'un millimètre, mais son regard se durcit.

— Je pensais flatter un peu le molosse avant d'aller voir le maître… Au revoir, Levi, nous nous reverrons sûrement. J'ai toujours eu des relations de travail extrêmement fructueuses avec les Ackerman.

Levi se retient de toutes ses forces pour ne pas lui envoyer son poing dans la gueule. Reiss tourne les talons et le laisse seul en train de bouillir de rage.

Erwin est en train de danser avec une jeune femme magnifique. La plupart des invités sont sur la piste. Levi veut partir.

— Est-ce que vous m'accorderiez cette danse ?

C'est la goutte qui fait déborder le vase. Levi fait volte face, prêt à dépecer la personne qui ose l'importuner. Il se calme tout de suite quand il se rend compte que c'est Hange. Elle l'écarte d'une bourrade pour attraper un toast.

— Le véritable but étant d'attirer sur toi l'attention de ce très séduisant commandant blond… explique-t-elle avec un geste du menton en direction d'Erwin.

— Lâche-moi, Hange, répond Levi en se déridant un peu.

— Ne te sous-estime pas, poursuit-elle la bouche pleine. Tu as toutes tes chances de lui plaire. Il paraît qu'il adore les petits bruns grognons.

Levi répond par un grognement qui lui vaut un regard éloquent. Hange lui tend un verre de champagne et trinque avec lui. Elle est vêtue d'un costume qui sied particulièrement à sa silhouette longiligne.

— Ça te va bien, comme ça, dit Levi.

— Quoi ? Qu'est-ce que je viens d'entendre ? Un compliment de Levi Ackerman ? Appelez le Culte, c'est un miracle !

Levi lève les yeux au ciel et lui fait signe de baisser un peu le volume sonore.

— Mais merci, ajoute Hange en inclinant vers lui sa coupe de champagne déjà à moitié vide. Bon, tu veux danser ou pas ? Je te propose de ne pas être le seul idiot à rester planté là pendant que tout le monde trouve un partenaire.

— Trop aimable, la binoclarde. Mais non.

— Je te préviens, si tu refuses, je vais aller proposer à Mike…

— Bonne idée. Écrase-lui les orteils de ma part.

— Allez ! Personne ne m'invite jamais à danser !

Ces paroles, prononcées sans une once d'auto-apitoiement, font de la peine à Levi. Il a vraiment les nerfs à vif, ce soir. Il a l'impression de toutes ses insécurités sont en train de remonter à la surface. Il décide de les écarter par le sarcasme.

— Dis-moi, Hange, t'es pas intéressée par Moblit ou t'es complètement bigleuse ?

Hange cesse de lui donner de petits coups de coude et le dévisage avec un air stupéfait.

— Si t'es pas intéressée, tu devrais lui dire. Ça lui évitera de perdre son temps à te contempler avec cet air niais en permanence. Le pauvre mérite de passer à autre chose. Si t'as rien vu, change tes putains de binocles.

Elle a l'air tellement perturbée que Levi s'en veut presque d'avoir amené le sujet avec si peu de délicatesse.

— Allez, viens, on va danser.

Il l'entraîne derrière lui. Il ne sait pas du tout danser, mais il pense pouvoir s'en sortir en imitant les autres couples. De toute manière, personne ne danse vraiment. Ils ne font que tourner lentement en se balançant d'un pied sur l'autre. Même Erwin, qui a ouvert le bal en bonne et due forme avec une valse — ou quelque chose du genre — semble avoir renoncé et s'est conformé à l'attitude des autres.

Il pose l'une des mains d'Hange sur sa taille et lui saisit l'autre pour qu'elle le guide. Il inspecte furtivement ses ongles au passage, mais ils sont dans un état satisfaisant.

— Heu… commente Hange en jetant un coup d'œil aux autres couples.

— Tu préfères qu'on fasse l'inverse ?

Hange réfléchit un moment.

— Non, c'est bon, on peut rester comme ça. Je vais mener.

Pendant plusieurs minutes reposantes, ils se balancent en rythme dans un silence confortable. Levi ferme les yeux. Il ne pense à rien. Pour la première fois de la soirée, il se sent un peu moins seul. Puis Hange se remet à chuchoter avec empressement :

— Mission réussie ! Le grand blond vient de jeter un regard vers nous !

Levi gratifie sa remarque d'un grognement.

— Je crois qu'il est en train de dire à sa cavalière que quand il te voit, son cœur s'emballe comme un cheval lancé au galop sur une plage déserte au coucher du s…

— Tsk !

— Ou alors il est en train de dire qu'il veut te déshabiller avec un cri bestial, ajoute-t-elle en plissant les yeux comme pour lire sur les lèvres d'Erwin.

Levi mime un coup de genou, qu'elle esquive avec l'aisance d'une habituée.

— Je vais lui faire un signe discret.

Levi l'en empêche en s'emparant du rôle de meneur. Il la fait pivoter pour se retrouver lui-même face à Erwin. Le commandant lui adresse un sourire par-dessus l'épaule de sa partenaire quand leurs regards se croisent. C'est vrai qu'il est particulièrement séduisant ce soir, et qu'il s'accorde à merveille avec la femme dans ses bras. Levi se sent un peu déprimé de le voir autant dans son élément, dans un environnement où lui-même ne fera jamais que jurer. Il se sent coupable de ne pas pouvoir lui offrir la même aura resplendissante que lui offre sa cavalière.

Levi voit aussi Rod Reiss tenter une approche furtive, prêt à mettre le grappin sur le commandant à l'instant où il s'arrêtera de danser. Décidément, il passe une soirée exécrable. Il s'en veut de ne pas réussir à la survoler avec la même insouciance joviale qu'Hange.

Levi profite de la première interruption musicale pour signifier à Hange qu'il a atteint les limites de sa bonne volonté. Il la laisse partir en quête de Mike, récupère son verre de champagne et sort sur la terrasse pour s'aérer l'esprit.

~oOo~

Erwin délaisse l'ambiance chaleureuse de la salle de réception pour retrouver Levi sur le balcon. Son lieutenant se tient debout contre la balustrade, son verre encore plein posé sur le rebord. La nuit est fraîche des prémices de l'hiver, les autres ont préféré rester à l'intérieur. Il regarde Erwin approcher avec une expression impassible.

— Tout va bien ? demande Erwin.

Levi hoche la tête et détourne les yeux pour fixer quelque chose dans l'obscurité de la ville en contrebas.

— Pourquoi tu nous as fait venir ?

— Pour vous présenter à quelques personnes importantes. Ce que j'aurais d'ailleurs fait depuis longtemps si tu n'avais pas passé le début de soirée à me fuir.

Levi fait claquer sa langue. Il refuse de croiser son regard. Erwin a un peu de mal à comprendre son comportement. Il peut concevoir que Levi ne soit pas à l'aise dans ce genre de soirée, mais il le sent vraiment à cran. Il décide de laisser venir les choses.

— Tu as parlé à Rod Reiss ? poursuit son compagnon.

— Oui… Il m'a fait des propositions intéressantes, mais je dois étudier tout ça plus attentivement.

Levi arrache une feuille dans la jardinière la plus proche et la déchire méthodiquement. Ce n'est sans doute pas vraiment du financement du Bataillon dont il veut parler.

— C'est gentil de ta part d'avoir fait danser Hange.

— Elle m'a forcé.

— Je m'en doutais, rit Erwin.

Ils respectent un moment de silence.

— Tu t'accordes parfaitement avec tout ça, fait remarquer Levi à voix basse.

Erwin a le sentiment qu'il n'a pas fini de parler, alors il lui laisse du temps pour trouver ses mots.

— Avec ces… avec ces gens.

Le commandant jette un coup d'œil à la foule élégante qui évolue avec grâce derrière les baies vitrées.

— Parce que j'ai grandi dans ce genre d'environnement, répond-il de manière très pragmatique.

Ce n'est pas entièrement vrai. Disons plutôt qu'on lui a appris à s'y adapter, qu'on lui a enseigné les codes dont il s'est servi pour s'ouvrir les portes de ce monde. Mais ils ne sont pas là pour parler de lui. Il comprend que Levi ait du mal à se mêler à cette foule, qu'il se sente observé et jugé comme une anomalie. Même s'il est indéniable qu'il fait des efforts, il détonne au milieu des bourgeois éduqués pour être à l'aise en société. Son lieutenant fronce les sourcils. Erwin sait qu'il y a autre chose. Il patiente. Levi se mord la lèvre, les yeux fuyants.

— Pourquoi tu ne choisis pas quelqu'un qui te ressemble plus ?

— Pardon ?

C'est donc de ça qu'il s'agit. L'idée de laisser tomber Levi pour l'un de ces paons est tellement absurde qu'Erwin se retient d'éclater de rire. Il se retient car son compagnon semble vraiment préoccupé par cette interrogation.

Plusieurs semaines ont passé depuis leur dispute après l'attaque de Mikasa. Ils n'en ont pas vraiment reparlé, parce qu'ils considèrent tous les deux l'évènement clos. Mais Erwin sent comme une fragilité dans leur couple. La période de lune de miel est terminée, et maintenant que leur relation commence à se pérenniser, il sent les premières hésitations naître en Levi. Aucun d'eux n'a jamais été en couple sur une durée aussi longue, et ils se sont jusque là laissés porter au jour le jour. Levi, parce qu'il fonctionne à l'instinct, et Erwin, parce qu'il est tellement occupé par son travail qu'il ne s'accorde pas le temps de prendre du recul et de se poser des questions. Il pensait que tout fonctionnait plutôt bien entre eux. Mais si des gens aussi insignifiants que ceux qui font la roue devant lui ce soir réussissent à faire douter Levi, c'est qu'il a fait une grave erreur de jugement.

Même s'il trouve son sentiment d'infériorité invraisemblable, il décide de le prendre très au sérieux et de le rassurer.

— J'en ai croisé beaucoup, des gens qui me ressemblaient. Et personne ne m'a autant séduit que toi.

Levi s'accoude contre la balustrade avec un geste gracieux, inconscient, et Erwin se sent fondre de l'intérieur. C'est ça, c'est exactement ça, la raison pour laquelle son regard glisse sur les autres pour revenir irrémédiablement sur Levi.

Une ride se creuse sur le front de son lieutenant, dans le prolongement de son nez.

— Dis-moi ce qui te tracasse, Levi, l'encourage Erwin d'une voix douce. Je... j'ai du mal à comprendre.

Il veut lui ôter le moindre doute, chasser la moindre incertitude. Il aimerait le prendre dans ses bras, utiliser ce langage physique que Levi comprend mieux. Mais peut-être que ce soir, il est temps qu'ils parviennent à trouver les bons mots.

— Parfois je… je…

— Oui ?

— Je me demande si tu n'es pas avec moi par pitié.

Erwin a l'impression de recevoir un coup de poing dans le ventre. Il n'a pas anticipé une telle réponse. Comment pourrait-il être avec Levi par pitié, quand il se demande au contraire ce qu'il a fait pour mériter l'attachement d'un être aussi incroyable ?

— Parce que… parce que Furlan et Isabel sont morts… et que… je n'avais nulle part où aller… et j'ai été blessé dans la mission…

— C'est vraiment ce que tu penses ?

Il ne peut pas s'en empêcher. C'est sorti tout seul. De manière plus brutale qu'il ne l'aurait voulu. Levi le ramène en arrière, beaucoup trop loin en arrière. Toute cette période est close. Ils ont avancé, depuis.

— Tu dois me trouver tellement stupide…

— Non ! répond précipitamment Erwin.

En fait, il est stupéfait. Stupéfait par la vulnérabilité de Levi à cet instant. Erwin a compris depuis longtemps que sous ses airs bravaches et sa vulgarité provocatrice, Levi a beaucoup moins d'assurance qu'il ne voudrait le faire croire. Du moins, quand il ne porte pas son uniforme. Mais il ne pensait pas qu'il manquait de confiance en lui au point de se penser inférieur à ces idiots.

— Je peux te confier quelque chose à mon tour ? demande Erwin.

Levi acquiesce sans le regarder.

— Parfois, je me demande ce que j'ai fait pour mériter que tu restes à mes côtés. Je… je sais ma part de responsabilité dans la destruction de ton ancienne vie, et… chaque jour j'ai peur que tu en prennes conscience et que tu partes. Ce que je comprendrais, bien sûr. J'essaye de profiter de chaque moment passé avec toi, parce que…

— Parce que tu as peur que je me casse ? Parce que tu penses que j'ai déjà oublié la manière dont nous nous sommes rencontrés, et que ça va me revenir d'un coup un matin en sortant du pieu ? demande Levi avec une pointe d'agacement.

Erwin baisse les yeux.

— Nous sommes tous les deux aussi débiles l'un que l'autre, conclut Levi avec amertume.

Et Erwin comprend que ce n'est pas contre lui qu'il est en colère, mais contre leur incapacité à communiquer qui les a poussés à s'enfermer dans des doutes absurdes. Un silence paisible les enveloppe. Erwin n'a plus du tout envie de participer à cette soirée. Il veut rentrer chez eux et passer le reste de la nuit à étreindre Levi, à le couvrir de baisers, à lui murmurer des paroles rassurantes.

Pour lui, la discussion est close. Mais Levi n'a pas terminé. Son visage d'habitude si terne trahit les pensées qui bouillonnent en lui.

— Il faut qu'on se dise les choses, Erwin, déclare-t-il finalement. Il faut qu'on se promette de le faire. Même si c'est difficile. Même si on est deux vieux crétins trop fiers pour parler de leurs sentiments. Je vais… je veux faire un effort. Mais… mais il faut que tu le fasses aussi. Je peux pas faire ça tout seul. Je vais pas y arriver si je suis le seul à me livrer. C'est nous deux, ou personne.

Il trouve enfin le courage de regarder Erwin dans les yeux. Il est pâle et agité par ce qu'il s'apprête à dire.

— Je… je sais que si Furlan et Isabel sont morts, c'est en partie de ta faute, ok ? Je sais que c'est pas toi qui les a tués, c'est ces putains de Titans, mais je sais que tu es en partie responsable. Et moi aussi, parce que je les ai laissé signer ton contrat de merde.

Il renifle. Ses lèvres tremblent. Erwin sent son cœur se serrer douloureusement. L'envie de le toucher est lancinante.

— Mais je reste avec toi parce que… parce que ça me rassure. Je me sens en sécurité avec toi. J'ai confiance. Je peux pas t'expliquer pourquoi, c'est un truc que je ressens là – il pose une main sur son ventre – et là – il pose l'autre main sur sa poitrine. Toute ma vie, j'ai été en colère, et toi tu m'apaises. Tu vas croire que c'est une blague, parce que j'ai un caractère pourri, mais c'est la vérité. Et puis cette vie dans les Bas-Fonds, même si avec Furlan et Isabel on avait réussi à construire quelque chose… c'était une vie de merde. Maintenant, j'ai l'impression d'avoir trouvé une vraie place pour moi. J'ai envie que ça continue. Le plus longtemps possible. J'ai envie d'être avec toi, et j'ai envie de toi, et…

Les larmes dévalent ses joues, à présent. C'est comme si un barrage venait de sauter en lui. Il continue à parler, comme s'il avait peur de perdre son élan et de laisser mourir le fil de ses pensées. Erwin se décale d'un pas pour le dissimuler aux curieux qui jetteraient un regard à travers les portes-fenêtres.

— …et quand t'es pas là tu me manques atrocement. J'ai jamais ressenti ça avant. Pour personne. Parfois, je sais pas ce que je dois faire de tout ça. Je sais pas comment gérer. J'ai l'impression que je vais déborder. Ça m'a fait… tellement mal quand Furlan et Isabel sont morts, j'ai… j'ai trop peur de revivre la même…

Il ferme les yeux et essaye en vain de retenir les sanglots qui soulèvent sa poitrine.

— …j'ai peur et je me dis parfois que je devrais partir. Que si c'est moi qui te quitte, au moins, ça fera mal, mais ce sera ma décision. Mais c'est impossible. J'ai essayé, au début. J'y arrive pas. Parce que c'est pire quand je suis loin de toi… j'ai besoin de savoir que tu vas bien… et j'ai envie de rester près de toi…

Il se calme un peu.

— …et de te retrouver quand je rentre le soir, et de partager ton lit, de t'embrasser, de faire l'amour avec toi, mais aussi de partager les trucs nuls du quotidien…

Il s'essuie les yeux et la bouche d'un revers de main.

— Bon, et puis il faut aussi dire que même si tu sais pas faire un thé correct, tu suces quand même sacrément bien, ajoute-t-il d'une voix plus stable.

Erwin ne peut s'empêcher de rire. Rire lui fait du bien, lui permet d'évacuer un peu le flot d'émotions que lui envoie Levi et qu'il absorbe comme une éponge. Il peine à garder sa contenance. Les mots lui manquent. N'y tenant plus, il attire Levi contre lui et le serre dans ses bras. Fort, très fort. Levi grogne mais répond en lui enlaçant la taille. C'est ce contact qui lui donne le courage de se lancer.

— Levi ?

— Hmm ?

— Je t'aime.

Levi se décolle de lui et lève ses yeux gris vers son visage. Erwin passe la main dans ses cheveux fins. Son cœur bat à tout rompre dans sa poitrine. Si Levi n'était pas là, solide entre bras, ses jambes se seraient sans doute dérobées sous lui.

— Ne réponds pas, murmure Erwin en posant un doigt sur ses lèvres. Levi, je t'aime tellement que j'ai l'impression que mon cœur va éclater chaque fois que je t'embrasse. Je suis désolé de ne pas avoir pu te le dire avant. Je… je ne suis pas le meilleur pour exprimer mes sentiments et je ne sais pas trop comment te le prouver, mais tu dois me croire.

Levi le serre contre lui de toutes ses forces. Erwin voit à la tension de son visage qu'il se retient de pleurer à nouveau.

— Je peux t'embrasser ? demande-t-il.

— Tout le monde va nous voir, Erwin…

— Peu importe, non ?

— Tu t'en fiches ?

— Oui.

— Mais je suis plein de morve ! proteste Levi.

— J'ai déjà avalé pire.

— Tsk !

— Alors ?

— Ton cœur va éclater ?

— Je prends le risque, rit Erwin.

Levi saute en hauteur et emprisonne sa taille entre ses jambes. Erwin passe les mains sous ses cuisses pour le maintenir. Il incline la tête en arrière et accepte le baiser profond que lui offre Levi. Il sent les traces de ses larmes sur ses joues, le goût du champagne sur sa langue, la discrète odeur de sueur qui imprègne son costume après une soirée aussi riche en émotions. Il serait capable de renoncer à respirer pour éviter d'interrompre ce baiser.

Levi est trop important pour qu'il le sacrifie sur l'autel de son ambition. Trop précieux. Erwin sait qu'il n'aura pas de seconde chance, qu'il doit se battre pour que leur couple fonctionne.

Quand Levi lâche ses lèvres, il a les joues roses et le souffle court.

— On se tire ? murmure-t-il.

Erwin acquiesce et le laisse redescendre sur la terre ferme. Ils se sauvent comme des voleurs. Ils évitent de repasser par la salle de réception et dévalent l'escalier qui descend directement de la terrasse. Levi est traversé par un soupçon de culpabilité quand il repense à Hange, mais il l'écarte en se rappelant qu'elle est débrouillarde et que Mike est encore là-bas. Erwin ne semble pas se préoccuper de ses admirateurs qu'il laisse en plan. Ils prennent une voiture jusqu'à son appartement. Levi pousse un véritable soupir de soulagement quand ils referment la porte derrière eux. Erwin l'attire dans un nouveau baiser.

— J'aurais aimé qu'on puisse danser ensemble, ce soir, déclare-t-il quand ils se séparent.

— Hmm. De toute façon, c'est cuit pour la discrétion. Peut-être qu'enfoncer ta langue dans ma bouche donnait un peu trop d'indices.

— Toujours aussi romantique.

Il pose sa main sur la bouche de Levi pour l'empêcher de rebondir sur le mot « enfoncer ».

— Peut-être qu'on pourra essayer, la prochaine fois.

— Il n'y aura pas de prochaine fois, Erwin Smith. Je ne remettrai pas les pieds dans ce genre de traquenard.

Il se renfrogne et ajoute :

— En plus, il n'y avait que toi qui savait vraiment danser, là-dedans.

Erwin est pris d'une idée. Il libère Levi de son étreinte et s'approche de son gramophone.

— Erwin, je ne vais pas danser la valse avec toi dans ton salon, prévient aussitôt Levi.

— Pas de valse. Je veux seulement voir comment tu danses.

— Tu rêves.

— Je t'ai vu dans toutes les positions imaginables et pourtant je ne t'ai jamais vu danser !

— C'est mort.

Il marque un temps d'arrêt, puis demande :

— Je rêve ou tu deviens aussi salace que moi ?

— Bon, comme tu veux. En attendant…

Il pose sa veste sur le dossier du canapé, choisit un 78 tours parmi sa collection, actionne l'appareil et pose avec délicatesse l'aiguille sur le disque. Une musique rythmée envahit la pièce. Levi s'adosse contre le mur, méfiant. Il hausse les sourcils quand Erwin se met à danser. Ce dernier commence par un balancement régulier, le temps de ressentir le rythme. Puis il se met à danser avec grâce entre les meubles du salon. D'un geste de la main, il invite Levi à le rejoindre. Son compagnon croise les bras. Mais Erwin aperçoit l'étincelle dans son regard qui trahit une pointe d'envie.

— Allez, viens ! l'encourage-t-il sans s'arrêter de bouger en rythme.

— Non !

— Pourquoi ?

— Je sais pas danser.

Erwin s'arrête et soulève l'aiguille pour qu'ils puissent se parler sans avoir à crier par-dessus la musique.

— Eh, ce n'est pas une question de savoir danser. Il faut juste… lâcher prise, et ressentir la musique…

Pour donner l'exemple, il repose l'aiguille sur le disque et se remet à danser avec son sourire le plus encourageant. Levi persiste dans son attitude renfrognée. Il finit par détourner les yeux, coincé entre l'envie d'essayer et la certitude de se ridiculiser. Erwin s'approche de lui. Un éclat de panique traverse le regard de Levi, mais le commandant se contente de dénouer avec délicatesse le foulard qu'il porte autour du cou. Sans cesser de se trémousser en rythme, il le noue autour de sa tête de manière à se bander les yeux.

— Qu'est-ce que tu fous ? demande Levi, incrédule.

— Vas-y, tu peux danser. Je ne te regarde pas.

Il n'est pas sûr que ce stratagème va fonctionner. Peut-être qu'il va seulement avoir l'air ridicule jusqu'à la fin du morceau. Mais il estime que ça vaut la peine d'essayer.

Il danse dans l'obscurité pendant quelques minutes. Il a bu quelques coupes de champagne au cours de la soirée et il n'a aucun mal à se laisser porter par la mélodie. Il est tellement en symbiose avec la musique que, pendant quelques minutes, il en oublie presque la présence de Levi.

Il revient à la réalité quand il entend le couplet final. Il rompt sa promesse et soulève un bout du bandeau.

Levi est en train de danser aussi.

Les yeux fermés, il se déhanche au rythme de la musique comme si elle lui traversait tout le corps. Erwin danse comme il a appris à le faire dans son adolescence, en observant les autres et en les imitant, de cette manière codifiée qu'ont les bourgeois de s'amuser. Même quand il a l'impression de danser librement, il est imprégné de ce conditionnement qui lui permet de se fondre facilement en société. Levi, lui, danse à l'instinct. Ses mouvements sont souples, presque lascifs, légèrement chaotiques, libérés au point de friser l'impudeur. Il s'abandonne à la musique, les yeux clos, les lèvres entrouvertes. Des mèches de cheveux lui caressent le front chaque fois qu'il bouge la tête. Chacun de ses mouvements transpire de sensualité. La température de la pièce monte d'un coup.

— Levi ?

Levi s'arrête de danser juste avant que la chanson ne s'achève. Il a l'air un peu gêné d'avoir été surpris en plein abandon.

— C'était ridicule.

— N... non. Absolument pas.

L'expression sur le visage d'Erwin le fait changer d'attitude. À mesure que le commandant perd de son aplomb, Levi retrouve le sien. Ses lèvres se tordent en un rictus mutin. Erwin a très chaud, et cette chaleur commence à migrer dangereusement entre ses jambes.

— Je… je vais relancer la chanson, o… ok ? bredouille-t-il. Et tu vas recommencer ce que tu étais en train de faire.

— Ah oui ?

Cette fois, il n'y a pas de doute. Levi sait à quel point son corps le bouleverse et s'en délecte. Son changement de comportement est radical. Ce regain confiance en lui, en son pouvoir de séduction, répand une chaleur intense dans le bas-ventre d'Erwin. Il dénoue le bandeau et repositionne l'aiguille du gramophone.

Levi commence à remuer dès les premières notes. D'abord discrètement, puis avec de plus en plus d'assurance. Il soutient le regard d'Erwin, dont les pupilles sont tellement dilatées qu'on ne doit plus voir le bleu de ses yeux. Il défait son propre foulard et le col de sa chemise qui l'étouffe.

En guise de réponse, Levi défait lui aussi les premiers boutons de sa chemise. Erwin se retient de lâcher un grognement très inélégant.

— Assis, ordonne Levi.

Erwin obéit dans la seconde et se laisse tomber dans un fauteuil. Il va s'embraser de désir.

— Tu bouges pas de ton fauteuil, déclare Levi. À partir de maintenant, on va voir qui de moi ou de tes copains les bourgeois danse le mieux.

~oOo~

En fait, danser n'est pas très compliqué. D'autant qu'Erwin a l'air particulièrement réceptif à chacun de ses mouvements. Levi ne se lancerait sans doute pas en public, mais ici, dans l'intimité de leur appartement, il doit avouer qu'il y prend un certain plaisir.

Il continue à se trémousser et défait les derniers boutons de sa chemise. Erwin se mord la lèvre. Levi a envie de le tourmenter, de jouer au maximum de son désir. Il se rapproche et continue à danser juste devant lui, proche mais inaccessible. Sa chemise tombe de ses épaules et dévoile leur arrondi. Erwin lâche un petit gémissement plaintif. Il tend par réflexe la main vers lui.

— Tsk, touche pas, répond Levi en lui lançant un regard réprobateur.

Erwin renonce à le toucher et glisse sa main vers son entrejambe à la place.

— Touche pas ça non plus.

— Qu… quoi ?

— Tu t'en serviras plus tard. C'est moi qui décide quand.

La vulnérabilité qu'il a ressentie sur la terrasse de la salle de réception, un peu plus tôt dans la soirée, a complètement disparu. Il se sent puissant, désirable et désiré. Il sait que c'est sans doute un sentiment passager, exacerbé par leur excitation. Alors autant en profiter.

— Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? grogne Erwin, frustré.

— Ça quoi ? Ça ?

Levi fait glisser sa chemise sur le sol. Il a compris depuis longtemps l'effet qu'a son dos sur Erwin. Il se retourne, ferme les yeux et se laisse à nouveau envahir par la musique. Il feint de ne pas se rendre compte du spectacle qu'il offre à Erwin.

— Ce cul, putain… gémit Erwin pour lever toute ambiguïté.

Levi sourit. Contrairement à lui, Erwin jure peu, si bien qu'il peut évaluer son excitation en fonction de son débit de grossièretés. Et il est très satisfait.

— Eh ben quoi, mon cul ? répond Levi en persistant dans sa fausse candeur.

Il défait le bouton de son pantalon pour le faire glisser légèrement sur ses hanches et se contorsionne au rythme de la musique. Il est sans doute en train d'offrir un spectacle d'un ridicule achevé. Erwin n'a pas l'air du tout de cet avis et prend les choses très au sérieux.

— Vire-moi ça ! lâche-t-il d'une voix étranglée en désignant le pantalon de Levi.

Levi lui jette un coup d'œil par-dessus son épaule.

— …ou ?

— Ou je te fais mettre aux arrêts pour insubordination.

Levi rit.

— Dis tout de suite que c'est parce que tu as envie de me menotter, dit-il d'une voix suave.

L'image qu'il conjure fait violemment rougir Erwin. Levi revient vers lui et grimpe à cheval sur le fauteuil, un genou de chaque côté de ses hanches. Leurs corps se frôlent au rythme de la musique, mais il fait attention à garder le contact entre eux à son strict minimum. Erwin va s'étouffer. Il tend la main, la repose, la relève, se ravise, recommence. Levi ne l'a jamais vu perdre autant le contrôle de lui-même, alors même que sa queue est encore dans son pantalon.

— Tu veux me toucher ?

— Oui, couine Erwin.

— Tsk, dommage que t'en aies toujours pas l'autorisation, souffle Levi à quelques centimètres de son visage.

Il s'écarte, glisse hors de son pantalon et reprend sa position. Son érection ne laisse aucun doute à travers ses sous-vêtements. Erwin baisse les yeux et prend une longue inspiration saccadée.

D'un geste autoritaire, Levi glisse la main dans ses cheveux, lui incline la tête en arrière et frôle ses lèvres. Il les caresse du bout des siennes sans appliquer la moindre pression. Erwin essaye d'avancer le visage, mais Levi le maintient juste à distance suffisante pour lui refuser un vrai baiser. Erwin gronde.

D'un geste vif, Levi fait sauter les boutons de la chemise du commandant et dévoile son torse. Le regard plongé dans le sien, un rictus aux lèvres, il pose ses mains sur les pectoraux impressionnants d'Erwin et les laisse glisser lentement jusqu'à son nombril puis entre ses jambes. Il écarquille les yeux, les prunelles toujours plongées dans celles du commandant.

— Tu vas faire craquer les coutures de ton pantalon.

— C'est ce que j'essaye de te faire comprendre depuis tout à l'heure, gémit Erwin.

— Est-ce que ça va mieux si je fais ça ? demande innocemment Levi en le caressant.

La respiration d'Erwin se bloque. La musique est oubliée. Le disque tourne en silence sur le gramophone. La main de Levi accélère.

— Embrasse-moi, implore Erwin.

— Où ça ?

— Sur les lèvres !

— Tu es sûr ?

— Levi !

— Hmm, je vais plutôt embrasser ta queue.

Il glisse sur le sol, à genoux entre les cuisses d'Erwin. Ce dernier lâche un grognement d'anticipation.

— Enlève tout, ordonne Levi.

Erwin s'exécute avec des gestes précipités. Son sexe rebondit contre les lèvres de Levi. Celui-ci le prend avec délicatesse dans sa bouche et en suce l'extrémité avec une lenteur insupportable. Les mains d'Erwin se crispent sur ses accoudoirs à en faire pâlir ses jointures. Levi incline la tête et balade sa langue sur toute la longueur.

— Elle s'enfilerait parfaitement bien dans mon cul, fait-il remarquer sur le ton de la conversation.

Erwin souffle bruyamment. Levi continue à le tourmenter, à l'explorer avec une hésitation insoutenable. Il le goûte, le teste, feint de le découvrir. Comme s'il ne le connaissait pas déjà par cœur, comme s'il n'avait pas déjà fait ça des dizaines de fois. Même s'il le dissimule, le pouvoir qu'il a sur Erwin à cet instant l'excite au dernier degré. Toute la soirée, le commandant a joué le jeu de la séduction avec des gens bien plus respectacles que Levi. Mais maintenant, il est à lui. Rien qu'à lui. Et il va tout faire pour le lui rappeler. Quand Erwin pose une main sur sa tête, il la chasse d'un geste distrait. Il le titille, l'excite, le lèche puis se retire, soutient son regard.

Erwin est au bord de l'implosion.

— Tu n'as aucune pitié, gémit-il.

— Aucune, confirme Levi avant de le prendre à nouveau dans sa bouche.

Cette fois il s'y met vraiment. Il le suce lentement, avec application. Il le prend entièrement dans sa bouche et le branle en même temps. Erwin perd toute sa contenance. Il s'affale dans le fauteuil et gémit sans retenue. Levi accélère, sent Erwin se crisper de plaisir, puis ralentit dès qu'il le pense au bord de l'orgasme. Il sait qu'il n'est pas loin, mais il veut le faire durer au maximum, repousser ses limites. Il ne se lasse pas du contrôle qu'il exerce sur lui.

Finalement, il décide de le libérer. Il accélère une bonne fois pour toutes. Erwin grogne qu'il va jouir. Levi lui fait signe de ne pas se retenir. Il utilise sa main droite pour accompagner les mouvements de sa bouche.

— Levi... Levi !

Erwin jouit dans sa bouche. Son corps s'arque brutalement, il tremble, puis il s'effondre dans son fauteuil, comme si toute force venait subitement de l'abandonner. Levi prend soin de lui. Il avale et le lèche consciencieusement pour le nettoyer. Erwin frémit de tous ses membres. Il est vidé. Sonné. Il regarde Levi comme s'il est la chose la plus extraordinaire qu'il ait jamais vue.

— Maintenant tu peux me toucher, lui murmure Levi en reprenant sa position à cheval sur lui.

Erwin fait un effort pour se ressaisir et pose enfin ses mains sur sa peau frémissante. Mais au lieu de plonger vers son entrejambe, il en passe une autour de sa taille, plaque l'autre contre sa nuque et l'attire dans un baiser passionné, avide, presque désespéré. Il le sert contre lui avec une telle force qu'il lui fait un peu mal, mais Levi s'en fiche. L'emportement de son compagnon le rend tellement heureux qu'il éclate de rire. Erwin le veut, lui, tout entier. Il ressent tout son amour dans son étreinte, et son cœur a du mal à soutenir la bouffée d'amour qui l'envahit en retour.

Erwin s'apaise et ils passent plusieurs minutes à s'embrasser tranquillement, le temps que le commandant redescende de son orgasme.

— Je vais me laver, annonce Levi en descendant de ses genoux.

Erwin baisse les yeux vers son bas-ventre.

— Mais tu ne veux pas que…

— Je vais me laver, Erwin, insiste Levi avec un regard appuyé.

— Oh… Très bien.

— Tu peux venir avec moi si ça ne dure pas des plombes. Après tu t'occuperas de moi. Je veux qu'on essaye un truc.

Quand ils parviennent enfin à sortir de la salle de bain malgré l'insistance d'Erwin pour l'embrasser encore et encore, Levi ne prend pas la peine de se rhabiller. Erwin non plus, d'ailleurs.

Levi regagne le salon et entreprend de ramasser et plier les affaires qu'il a éparpillées en se dévêtant. Erwin range avec soin le disque et nettoie le gramophone. La soirée est déjà bien avancée. Une certaine tension envahit la pièce, car chacun pense déjà à ce qui va suivre. Erwin est curieux, et Levi est un peu nerveux.

Quand il est satisfait de l'état de rangement, Levi s'approche d'Erwin d'une démarche un peu incertaine, une main dans le dos. Erwin pense qu'il réclame un baiser et le lui offre sans discuter.

— Je… j'ai envie… murmure Levi.

— De quoi tu as envie ?

— Tu te moques pas de moi, ok ? dit Levi d'un ton légèrement menaçant.

— Jamais, répond Erwin en déposant un baiser sur son front.

La tendresse dans sa voix décide Levi. Il sort sa main de derrière son dos et lui tend le foulard qu'il se noue d'habitude autour du cou.

— Tu veux que je te bandes les yeux ?

— …et que tu m'attaches. Et que tu me fasses l'amour.

Erwin ne répond pas tout de suite. Il regarde le foulard, puis Levi, puis de nouveau le foulard. Son souffle se raccourcit considérablement.

— Ça ne te tente pas ? s'inquiète Levi devant son silence. C'est pas grave, on…

— Si… si, bien sûr. Au contraire.

Levi est un peu anxieux. Même s'il en a souvent eu très envie, il n'a jamais fait ça. Il n'a jamais accordé assez de confiance à ses partenaires pour les laisser lui entraver les mains. Il sait qu'il ne risque rien avec Erwin, que le commandant le respecte, qu'il ne prendra pas avantage de la situation, mais il ne peut s'empêcher de ressentir un fond d'hésitation. Ce qui ne fait qu'augmenter son excitation.

— Je veux qu'on y aille en douceur, dit Levi. Tranquillement.

Comme une première fois. Erwin hoche la tête.

— Tu me guides et je te suis. On s'arrête si tu te sens mal à l'aise.

Levi se hisse sur la pointe des pieds, passe les bras autour de son cou et l'embrasse. Erwin pose les mains sur ses hanches et Levi frémit sous ses doigts. Le commandant le prend par la main et l'entraîne dans leur chambre, où il l'allonge sur le lit. Levi s'enfonce entre les oreillers et attend, le cœur battant. Il se sent étrangement vulnérable, presque pudique. Il frissonne. Il a hâte que le corps d'Erwin vienne recouvrir le sien. Cette fois, il veut lâcher prise, se laisser faire, s'abandonner à lui.

— On va utiliser autre chose que ton foulard, dit Erwin. Le pauvre, il en a déjà bien trop vu pour ce soir.

Il part quelques secondes et revient avec de la corde. Levi se redresse sur les coudes.

— D'où tu sors ça ? demande-t-il d'un ton soupçonneux.

Erwin baisse les yeux vers ses mains et semble soudain se rendre compte de l'incongruité de la chose.

— C'est euh… un bout d'un des premiers prototypes d'Hange.

— Et je ne suis jamais tombé dessus ? Tu l'avais caché dans ton placard secret réservé aux pratiques sexuelles douteuses ?

— C'est ça, avec tout un tas d'autres ustensiles que j'ai hâte de te montrer.

Il s'allonge sur le lit à côté de Levi et capture ses lèvres. Levi joint ses poignets et place ses mains au-dessus de sa tête, contre la tête de lit. Les doigts d'Erwin parcourent son corps avec délicatesse et déclenchent une ligne de frissons. Il quitte ses lèvres pour sa mâchoire, puis sa clavicule. Levi frémit quand il dépose un baiser sur la peau sensible de son aisselle.

— Attache-moi.

Erwin retire ses lèvres à regret et s'agenouille à côté de la tête de Levi pour passer la corde autour de ses poignets et la nouer à la tête du lit. Au milieu de son ouvrage, il s'arrête pour contempler l'homme qui, malgré son excitation manifeste, l'observe avec une pointe d'appréhension.

— Est-ce que je t'ai déjà à quel point tu es beau ? Particulièrement dans cette position.

— Recommence pas avec ça, bougonne Levi.

— Je ne peux pas m'en empêcher, désolé. Tu vas devoir faire avec.

Erwin réalise un nœud lâche dont Levi peut se débarrasser sans effort dès qu'il le souhaite.

— Plus serré. S'il te plait.

Erwin le dévisage et obéit. Levi le regarde faire, les lèvres entrouvertes. Puis Erwin se lève et va fouiller dans le tiroir de la commode. Un foulard et un flacon de lubrifiant atterrissent sur le drap juste à côté de Levi. Un frisson lui descend la colonne. Le matelas s'incline quand Erwin remonte dessus.

Levi écarte les jambes comme une invitation pour qu'il s'allonge sur lui. Leurs peaux se collent. Le cœur d'Erwin bat contre le sien. Le commandant l'embrasse, d'un baiser profond et langoureux. Il passe les bras sous ses aisselles pour le presser contre lui. Levi se sent en sécurité sous son poids. Il sent la poitrine d'Erwin qui se gonfle à chaque inspiration, sa peau qui frémit de désir, son érection qui frotte contre la sienne au rythme du balancement lent de ses hanches.

Erwin retire sa langue de sa bouche et ouvre les yeux, ses lèvres pressées contre celles de Levi. Leurs corps sont tellement scellés l'un à l'autre qu'ils ont l'impression de ne faire plus qu'un.

— Depuis que je t'ai vu pour la première fois, je rêve de faire ça, murmure Levi d'une voix très basse contre ses lèvres.

Il lève brièvement les yeux sur ses mains liées.

— Ah oui ? répond Erwin sur le même ton. Depuis le tout, tout début ?

— Depuis que j'ai vu ta sale de tête de flic j'ai envie que tu m'attaches et que tu me baises. Même si à l'époque je t'aurais tué juste après.

— On a peut-être bien fait d'attendre, alors.

Les lèvres de Levi se tordent en un rictus. Erwin l'embrasse à nouveau pour le faire disparaître.

— Et comment se termine ce rêve ?

— Tu jouis sans te retirer.

Erwin exhale. Il dépose un petit baiser sur les lèvres de son partenaire et lui pose le foulard devant les yeux. Levi lève la tête pour que le commandant le noue. Il se retrouve plongé dans l'obscurité, obligé de se fier à ses autres sens.

— Je t'aime, lui caresse à l'oreille le souffle d'Erwin.

Les sourcils de Levi se rejoignent pendant un instant, mais il parvient à contrôler ses émotions. Il se mordille les lèvres pour réclamer un nouveau baiser. Erwin l'embrasse. D'abord ses lèvres, sur lequelles il laisse un filet humide, puis dans son cou. Il descend avec de petits baisers jusqu'au téton de Levi et le pince entre ses lèvres. Levi gémit, se cambre.

— Non...? demande Erwin.

— Tu sais très bien que si... halète Levi.

Il sait qu'il joue les idiots. Qu'il veut prendre sa revanche et le tourmenter à son tour.

— Bon...

Erwin retire sa bouche en silence. Levi fait claquer sa langue de frustration. Erwin lâche un petit rire et passe enfin à l'autre téton, l'enduit de salive et le stimule avec le bout de sa langue. Levi sursaute et laisse échapper un râle.

— Descends, descends... ordonne-t-il.

Erwin abuse de sa patience en s'attardant quelques minutes supplémentaires, puis descend jusqu'à son ventre, où il dépose de petits baisers sur sa peau sensible, juste en-dessous de son nombril. Levi se tortille. Il sait où va Erwin. Il anticipe le chemin qu'il va prendre. Il peut presque déjà sentir ses lèvres autour de sa queue. Il veut qu'il le suce, qu'il apaise la tension douloureuse entre ses jambes. Il veut... il veut...

Erwin délaisse son entrejambe et embrasse l'intérieur de ses cuisses.

— Salaud ! gémit Levi.

Erwin ne peut s'empêcher de rire, fier de son audace, et son souffle chatouille la peau sensible de Levi. Par réflexe, il écarte les genoux, complètement offert. Il veut qu'il le prenne. Maintenant. Il se mord la lèvre pour s'empêcher de supplier. Les caresses d'Erwin sont d'une tendresse infinie, et Levi ne peut rien faire d'autre que de rester là à les ressentir jusque dans ses entrailles. Il se sent chéri, aimé, vénéré.

Chaque fois que les lèvres d'Erwin se retirent de sa peau, elles le laissent avec une terrible sensation de manque, et son corps se contorsionne pour les suivre. Erwin teste sa patience. Levi sent son souffle sur son entrejambe. Il rêve de sa langue, de la chaleur humide de sa bouche.

— Gnnh, gémit-il.

Erwin rit. Levi s'est mis lui-même dans cette position. Il n'a aucun regret. C'est exactement ce qu'il voulait. Qu'Erwin le pousse dans les retranchements de son désir.

— Tu veux que je te suce la queue ? demande Erwin.

— Vraiment, Erwin ? À ton avis ? halète Levi.

— J'en ai très envie, mais...

— Mais ? gémit Levi.

— Peut-être qu'on devrait encore attendre un peu...

— Argh, Erwin !

Levi n'en peut plus. Les doigts du commandant caressent distraitement l'intérieur de ses cuisses et envoient des déchargent d'excitation directement dans son entrejambe.

— Hmm ? Je te rappelle que tu l'as cherché, Levi.

Erwin lui écarte encore les cuisses et dépose un baiser au creux de son aine. La queue de Levi lui frôle l'oreille et lui arrache à long gémissement.

— Erwin, s'il te plait, gémit Levi.

— Oui ?

— Suce-moi !

— Mais encore ?

Levi ne comprend pas la question. Ses pensées se brouillent.

— Je... Prends ma queue dans ta bouche ? tente-t-il.

— Certes. J'avais compris cette partie-là. Mais encore ?

Levi ne sait pas ce qu'il veut. Il ne sait p...

— S'il te plaît !

— Ah ! Je n'ai pas entendu. Tu peux répéter ?

— S'il te plaît, Erwin ! Suce-moi, s'il te plaît, je t'en prie, et je te laisserai me faire ce que tu veux !

— Hmm. Il faut que j'étudie cette proposition.

Il prend la queue de Levi dans sa main et la caresse avec des gestes distraits.

— Ce que je veux... comme par exemple te la mettre ?

— Oui ! s'exclame Levi, désespéré.

Oui oui oui oui oui.

— Surtout si c'est ça ! Je te laisserai me la mettre, bien profond, tu pourras me baiser exactement comme tu veux !

Satisfait, Erwin prend son sexe dans sa bouche et impose un rythme tranquille pendant qu'il le prépare avec ses doigts. Une partie de Levi s'apaise, soulagée, et l'autre se tend de plaisir. De l'autre main, Erwin l'empêche de balancer ses hanches pour imposer une cadence plus rapide. Levi se serre autour de ses doigts qui cherchent paresseusement le point sensible qui le fera redoubler de gémissements.

C'est si bon de sentir Erwin en lui. Et d'être dans sa bouche. Les deux à la fois.

Entièrement concentré sur son propre plaisir, il gémit comme il n'a jamais osé le faire. Être privé de la vue fait sauter les dernières barrières de sa pudeur. Il est stupéfait de constater que s'entendre répondre bruyamment aux caresses d'Erwin l'excite encore plus.

Erwin revient enfin s'allonger sur lui. Et avec lui son parfum, la chaleur de son corps, le goût de Levi sur ses lèvres. Son poids le rassure. Il incline la tête en arrière pour réclamer un baiser, mais Erwin se contente de dégager les cheveux qui lui collent sur le frond. Il enfonce Levi de plusieurs centimètres dans le matelas.

— Je veux ta queue, murmure Levi sur le ton de la confidence.

— Je sais.

— S'il te plaît...

Il a hâte. Il brûle d'impatience. Il veut se sentir connecté à Erwin, il veut le prendre en lui, jalousement, possessivement.

Erwin depose un baiser sur son front, lui replie les jambes, ajuste ses hanches. Il se guide en lui et le pénètre, en douceur, en le serrant dans ses bras. Levi pousse un long gémissement de soulagement. Enfin. Il sent chaque centimètre d'Erwin à mesure qu'il s'enfonce en lui.

— Je te fais mal ? murmure Erwin d'une voix très basse.

— Non, pas du tout. Tu me fais du bien.

Levi ne voit rien, mais il est saturé de l'odeur d'Erwin, familière et rassurante. Il inspire lentement. Il se concentre sur le sentiment d'intimité que lui procure sa présence en lui.

— C'est ce que tu voulais ?

Levi exhale bruyamment. C'est exactement ce qu'il voulait. Il se crispe autour de lui et sent le souffle d'Erwin se couper dans sa gorge. Il enfouit son visage dans le creux de son épaule, embrasse sa peau brûlante. Il sent contre ses lèvres, sur sa langue, le goût salé de sa sueur.

— Putain... Putain... murmure-t-il. C'est tellement bon de t'avoir en moi. Reste là. Pour toujours.

— Ah oui ? Et qui va diriger le Bataillon ?

— On emmerde le Bataillon. Tu diras que tu étais coincé dans le cul de ton lieutenant. Je te ferai un mot d'excuse.

Erwin rit encore. Il reste un moment sans bouger, pour laisser à Levi tout le temps de le ressentir. Puis il commence les va-et-vient. Ses mouvements sont lents et profonds, et Levi accueille chacun d'eux par un gémissement sonore. Il se serre autour de lui. Il laisse le plaisir se diffuser dans tout son corps.

— Serre-moi dans tes bras...

Erwin le tient solidement contre lui, leurs peaux humides de sueurs glissent l'une contre l'autre. Levi veut plus. Plus vite, plus fort, plus profond. Il l'encourage à accélérer. Il a envie de le toucher, de le serrer contre lui, mais ses mains liées le laissent à la merci du bon vouloir d'Erwin.

— Continue comme ça… c'est parfait… encore… plus vite… putain, baise-moi, Erwin !

Erwin se décolle légèrement de lui pour se donner plus d'amplitude. Le grognement de protestation que Levi s'apprête à pousser est noyé par le plaisir que lui procure ce nouvel angle. Il ne pense plus à rien, il ne perçoit plus rien d'autre que le corps d'Erwin en mouvement dans le sien.

— Je vais jouir, couine-t-il en basculant la tête en arrière.

Erwin ralentit, et Levi pousse un râle de frustration. Mais Erwin semble incapable de contrôler son propre désir et reprend de plus belle. Il y met toute sa puissance. Ses mouvements font cogner la tête du lit contre le mur et il tient fermement Levi pour l'empêcher de faire de même. Celui-ci lâche de petits cris à chaque fois qu'il glisse en lui, qu'il le remplit, qu'il le possède. Ses sourcils se joignent. Erwin y est presque, il va le... putain !

— Je vais.. je vais...

Erwin saisit son sexe pour le masturber d'une main ferme.

— Je t'aime, Levi. Jouis pour moi.

Levi implose. Il pousse un véritable cri de jouissance qui surprend tellement Erwin qu'il perd un instant le rythme. Il accélère à nouveau. Levi est encore prisonnier de l'ivresse brûmeuse de son orgasme. Il ne sait plus où il est, qui il est. Il sait juste qu'Erwin est contre lui, sur lui, en lui. Il reconnait son parfum, sa voix, son corps. Il n'a plus qu'une priorité.

— Te retire pas, implore-t-il. Continue à me baiser. Occupe-toi de toi. Je suis à toi Erwin, rien qu'à toi.

Erwin change à nouveau d'angle et, avec une série de grognements, il utilise le corps de Levi à un rythme frénétique jusqu'à faire exploser son propre plaisir. Il jouit à son tour. Levi sent sa queue pulser au plus profond de lui-même. Il sent une chaleur plaisante couler en lui. Il continue à onduler ses hanches pour accompagner ses derniers va-et-vient, jusqu'à ce que le corps d'Erwin s'écroule sur le sien, épuisé, hors d'haleine et dégoulinant de sueur.

— Reste encore, murmure Levi.

Il veut prolonger le sentiment d'intimité que lui procure la présence d'Erwin en lui. Dans le brouillard confortable des quelques minutes après l'orgasme, il aimerait que cet instant ne s'achève jamais.

D'un bras tremblant d'épuisement, Erwin saisit le couteau sur la table de nuit de Levi et l'utilise pour le libérer. Il lui retire le bandeau de ses yeux.

— Prends-moi dans tes bras, demande-t-il.

Ils sont tous les deux suants, à bout de souffle. Il passe les bras autour d'Erwin, crochète ses mollets autour de sa taille et laisse courir ses mains dans son dos. Sa peau frémit sous la pulpe de ses doigts. Levi le couvre de petits baisers. Même s'il sait qu'il est dans une situation délicate hygiéniquement parlant, il ressent un tel confort qu'il pourrait s'endormir. Il somnole sans doute quelques minutes en caressant machinalement le dos d'Erwin, car il est victime d'un brutal retour à la réalité quand celui-ci se retire et roule sur le côté. Levi pousse un petit gémissement d'inconfort et de protestation.

— Tu vas le regretter si tu t'endors maintenant, dit le commandant en déposant un baiser sur sa tempe.

Levi se redresse en position assise et jette un coup d'œil entre ses jambes. Il pousse un grognement retentissant.

— Je trouve ça plutôt excitant, commente Erwin.

— C'est dégoûtant. Je vais me relaver.

Quand il sort de la salle de bain, Erwin a changé les draps et Levi n'a plus qu'à se lover contre lui. Ses mains reprennent aussitôt leurs caresses distraites. Erwin est chaud et ferme contre lui. Et confortable. Il sent une fatigue immense s'immiscer en lui. Il est drainé de toute son énergie.

— Je suis pas assez naïf pour croire que ça durera pour toujours, murmure Levi dans un demi-sommeil. Mais tant que c'est là, je veux qu'on en profite, comme ce soir.

Erwin dépose un baiser dans ses cheveux en guise d'approbation.

Levi s'endort avec insouciance contre lui. Trop vite pour voir les rides se creuser sur le front d'Erwin alors qu'il pense déjà à leur prochaine mission.