Chapitre 26

Gabi fait beaucoup moins la maligne quand elle se retrouve devant le cheval de Levi.

Il faut dire que par fierté, Levi a toujours demandé un cheval de taille standard, malgré plusieurs propositions offensantes d'adapter sa monture à son gabarit. Et pour une petite de sept ans, son cheval et très, très grand. Gabi s'applique cependant à garder un air bravache, d'autant plus que tout l'orphelinat l'observe, le nez collé contre les carreaux des fenêtres au premier étage.

— Est-ce que tu veux que je t'aide à monter ? propose Levi.

— Urgh, non.

Puis elle examine le problème avec attention et se rend compte que si, sans doute, il va devoir l'aider à monter. Levi est plutôt amusé par la situation. Il se reconnaît totalement dans ce sursaut de fierté enfantine.

— Quand tu seras décidée, tu me préviendras avant et tu iras doucement, dit-il d'un ton faussement distrait. Si tu la prends par surprise, elle risque de partir en avant. C'est une nerveuse, elle a été dressée pour la bataille.

Gabi hésite encore.

— N'attends pas trop, par contre. Je dois te rendre aux nourrices avant l'heure du déjeuner, et tes camarades vont commencer à avoir faim. Ils lèchent la vitre depuis bientôt une demie-heure.

Quand il voit qu'elle ne se décide pas, il passe à l'action. Il enfourche sa monture d'un saut leste et saisit la gamine sous les aisselles pour la soulever et l'installer devant lui. Elle n'a pas le temps de comprendre quoi que ce soit. Levi la maintient contre lui d'un bras ferme. Il ne tient pas à ce qu'elle s'agite et qu'elle tombe la tête la première sur le pavé.

Gabi pousse un cri d'excitation suraigu qui fait remuer les oreilles du cheval. Levi donne un petit coup de talons pour lui signifier d'avancer. Ils passent les grilles de l'orphelinat.

Levi leur fait faire un tour qui ne les éloigne pas trop de l'établissement. Gabi est émerveillée, bien plus que de raison. Levi sait que pour les enfants des rues, une monture est le symbole même de la puissance et de la richesse. Au bout d'un moment, il lui laisse les rênes avec prudence. La petite semble ébahie par le simple fait de les tenir.

— Tu es allé dans des missions avec ce cheval ? demande-t-elle.

— Oui.

— Contre les Titans ? Les vrais ?

— Oui. Enfin, dans les affrontements directs, j'utilise plutôt mon équipement.

— L'équipement qui te permet de voler ? Je pourrai l'essayer aussi ?

— Absolument pas, répond aussitôt Levi.

Il ne manquerait plus que ça. Il se rend soudain compte de ce qu'il est en train de faire. Il est en train de faire rêver une enfant de sept ans avec sa vie morbide et violente. Il préférerait qu'elle ne regarde pas le Bataillon avec des yeux brillants. Certes, l'admiration est agréable, mais celle des enfants qui ne comprennent pas la dangerosité de leurs missions le met mal à l'aise.

Il lance son cheval au petit trot pour la distraire. Gabi pousse un piaillement ravi.

Levi profite d'être hors de vue de l'orphelinat pour lui acheter des pralines chaudes. Ils s'assoient sur le rebord du pont pour les manger ensemble, les jambes dans le vide. Les passants leur font de gros yeux, scandalisés de voir une petite gamine dans une position aussi dangereuse. Levi n'a pas mis son uniforme, et pourtant leur duo interpelle.

Levi passe un bon moment avec elle. Elle lui change les idées. Maintenant qu'elle a décidé de faire fonctionner sa langue, plus rien de l'arrête. Elle lui raconte ses frasques à l'orphelinat, ses déboires avec les nourrices, et pendant quelques minutes il oublie les Titans, Zeke Jaeger, et même Erwin. Il a l'impression de se reconnecter à son ancienne vie. Elle ne lui manque pas, à aucun moment. Mais il est content de faire resurgir celui qu'il a été au travers de cette gamine enthousiaste et pleine de vie. Il a l'impression que ses souvenirs s'éclairent d'une nouvelle lumière plus optimiste.

Gabi se sent à l'aise avec lui, il le voit bien. Elle bavasse sans fin, même s'il participe à peine à la conversation. C'est parce qu'ils viennent tous les deux des Bas-Fonds, mais aussi parce que Levi en a conservé les manières et le langage. Pour la première fois, il a l'impression que ne pas s'être complètement effacé pour se fondre dans le milieu social d'Erwin lui sert à quelque chose. Même si apprivoiser Gabi est sans doute moins utile que d'être capable d'évoluer en société avec l'aisance du commandant.

— Pourquoi tu hausses les épaules ? demande Gabi. T'es pas d'accord.

Levi n'a aucune idée de ce dont elle parlait. Il lui tend le cornet de pralines pour s'éviter de répondre.

— Je vais partir de l'orphelinat, déclare Gabi en fronçant les sourcils.

— Ah bon ? Et pour aller où ?

C'est au tour de Gabi de hausser les épaules.

— Je vais retourner au pied du Colonel. C'était mieux, de toute façon.

Non, ce n'est pas mieux. Un bref goût de liberté qui condamne à une vie de misère et de violence.

— Je pense que l'orphelinat est une chance de s'en sortir.

— De s'en sortir de quoi ? Quand je vais avoir quinze ans, ils vont me mettre à la porte. Et j'aurai quoi de plus ? Rien. J'aurai perdu – elle compte sur ses doigts – huit ans à rien faire. Je connaîtrai personne, dans la rue. Personne voudra plus me parler.

— Tu auras eu une instruction, répond Levi. Tu auras appris à lire et à calculer.

— Pfeuh ! À quoi ça sert ?

— À ne pas avoir l'air d'un gros crétin à trente ans. Crois-moi, gamine, je parle par expérience. Mais je vais pas te faire la leçon, Gabi. Regarde autour de toi et vois ce que sont devenus les autres. Ça t'aidera à faire le bon choix.

— Les nourrices disent qu'il y a beaucoup d'orphelins qui rejoignent la police ou l'armée, poursuit-elle en fronçant les sourcils. Et après, on les revoit plus.

— Ouais, évite la police et l'armée, grogne Levi.

Il crache dans le fleuve – un geste qu'il ne s'autoriserait jamais devant Erwin. Gabi l'imite.

— Mais toi…

— Moi, dès que je peux, je me tire.

— Ça te plaît pas ?

— C'est trop dangereux pour pas grand chose. Ça en vaut pas la peine.

— Pourquoi tu restes encore, alors ?

Pour Erwin. Pour rien, ni personne d'autre.

Levi ne répond pas. Il soutient le regard de Gabi et lui donne une bourrade dans l'épaule pour lui faire comprendre qu'elle fouine trop loin.

— Ouh, le Capitaine Levi a des secrets ! chatonne Gabi.

— Tsk !

Mais Gabi s'est déjà levée et trottine sur la murette du pont, les bras écartés pour augmenter son équilibre. Levi en a des sueurs froides. Cette gamine ne sait pas identifier le danger. Pire, il l'amuse. Levi s'inquiète pour elle. Puis il se reprend. Il est un putain de capitaine chez les flics, un chef d'escouade. Il envoie des gamins à peine pubères se faire broyer par les Titans, et voilà qu'il s'inquiète pour une môme qu'il connaît à peine ? Levi détourne les yeux. La vérité, c'est qu'il s'inquiète terriblement pour les membres de son escouade. À tel point que ces derniers temps, il les voit se faire tuer dans ses cauchemars. Une raison de plus pour tout laisser tomber le plus vite possible. Il a hâte qu'Erwin le libère de tout ça.

Il suit Gabi des yeux alors qu'elle s'approche de son cheval, décidée cette fois à monter dessus sans son aide. Elle y parvient presque. Il a tout juste besoin de la soulever un peu pour qu'elle réussisse à se donner assez d'élan.

Ils rentrent tranquillement à l'orphelinat, Gabi sur la selle et lui qui marche à côté. La petite parle tout le long du chemin avec entrain, et Levi est perdu dans ses pensées. Quand ils arrivent devant l'orphelinat, tous les mômes sont agglutinés derrière la grille pour guetter leur arrivée. Dès qu'ils tournent au coin de la rue, ils sont accueillis par un concert de piaillements enjoués. Gabi bombe le torse.

Elle saute du cheval et est aussitôt ensevelie sous les questions des autres enfants. Levi va attacher sa monture avant qu'un autre orphelin ne lui demande de monter dessus. Il a le cœur lourd, d'un coup. Ce n'est que quand la nuée d'enfants se dissipe pour se mettre à table qu'il remarque la présence d'Historia.

Ils échangent quelques formalités d'usage, puis la jeune fille l'invite à boire le thé avant de rentrer à l'hôtel de police. Il accepte uniquement parce qu'il a l'impression qu'elle veut lui dire quelque chose en privé.

— J'ai une idée à vous soumettre, pour l'orphelinat, lui annonce-t-elle en lissant un pli imaginaire sur sa robe. À vrai dire, c'est un projet déjà bien avancé, mais j'aimerais avoir votre assentiment.

Levi n'a aucune idée de ce qu'est un assentiment, mais il l'encourage à continuer d'un signe de la tête.

— Nous pensons organiser un bal de charité, pour Noël. Ce serait le vingt-cinq décembre au soir. L'idée serait de récolter des fonds pour améliorer le quotidien des enfants, et si possible, leur acheter à tous un cadeau avant la fin de l'année.

— C'est une excellente idée, décrète Levi.

Il ne voit vraiment pas pourquoi il s'y opposerait.

Historia lui adresse un pâle sourire. Il y a une espèce de lassitude chez elle que Levi ne comprend pas, mais qui ne semble jamais la quitter entièrement.

— Vous nous feriez l'honneur de votre présence, Capitaine Levi ?

— Je… je dois en parler avec mon… mes proches, parce que c'est une date importante et qu'il est possible que j'aie d'autres engagements. Mais je vais tout faire pour y participer.

— Ce qui fonctionne vraiment, dans ce genre d'évènement… poursuit Historia avec son air pensif, c'est la présence de quelques figures identifiables par le grand public. Je connais par mon père quelques personnes qui pourraient faire l'affaire, mais je ne peux m'empêcher de penser que la présence du Commandant Smith serait un atout de taille. Vous qui le connaissez bien, pensez-vous qu'il accepterait ?

Voilà la véritable raison pour laquelle elle souhaitait lui parler. Elle voulait tâter le terrain avant d'inviter Erwin à son bal.

— Je pense qu'il accepterait, répond Levi. Mais laissez-moi lui en parler avant d'envoyer une invitation officielle. Qui sait, peut-être qu'il a prévu un inventaire de l'armurerie ou une revue générale des troupes ce jour-là.

— Le vingt-cinq décembre ? s'étonne Historia.

Levi fait claquer sa langue, et elle comprend le message.

— Faites votre possible, Capitaine Levi, lui dit-elle d'une voix douce.

Levi est déjà en train de se projeter à cette soirée. Oui, il va en parler à Erwin. Il doit juste choisir le bon moment.

~oOo~

Erwin se retire de Levi et roule sur le dos. Son compagnon se blottit instantanément contre lui pour ne rien perdre de la chaleur de sa peau. Erwin le caresse d'une main distraite.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? demande Levi.

— Hmm ?

— Me prends pas pour un con, je vois très bien que tu penses à autre chose. Tu as pensé à autre chose pendant tout le temps où tu me baisais.

Il remue contre lui et fait claquer sa langue.

— Dis-moi ce qu'il se passe.

Erwin se passe une main lasse sur le visage.

— C'est en rapport avec le travail. Le genre de choses dont tu détestes parler quand nous sommes tous les deux au lit.

Il espérait que cette réponse dissuaderait Levi de poursuivre ses investigations, mais son compagnon s'accroche.

— Mais si ça peut t'aider à te les sortir de la tête pour que la prochaine fois que tu me prends le cul tu sois totalement avec moi, je veux bien que tu m'en parles.

— Levi…

— J'ai tort ?

Erwin soupire.

— Non.

Il continue à tracer ses lignes sinueuses sur la peau de son dos.

— C'est Jaeger, c'est ça ? C'est cet enfoiré, j'en suis sûr. Je vais le… le…

Erwin dépose un baiser dans ses cheveux.

— Il y a quelques temps, il a émis des menaces à l'encontre du préfet, explique Erwin. Et le préfet vient d'échapper à une tentative d'assassinat.

— T'es pas responsable de la sécurité du préfet, grommelle Levi.

— Mais je suis responsable du fait que Zeke Jaeger soit encore en état de nuire.

— Hein ? N'importe quoi. Tu fais tout ce que tu peux, Erwin. La brigade a plus avancé sur les Titans depuis que tu en as la responsabilité que pendant des années.

Erwin se redresse un peu et se penche sur lui pour l'embrasser longuement.

— Grâce à toi, murmure-t-il quand il se sépare de lui pour reprendre son souffle.

Levi lâche un grognement, puis soulève à nouveau le menton pour réclamer un nouveau baiser.

— Grâce à nous, se reprend Erwin en lui effleurant les lèvres pour le faire languir. Toi et moi. Ensemble. L'un sans l'autre, ça n'aurait pas fonctionné.

Levi le gratifie d'un rictus dubitatif mais ne prend pas la peine de le contredire. Erwin l'embrasse encore. Il l'aime tellement. Il aimerait pouvoir le rendre heureux, vraiment heureux. Il sait exactement ce dont il aurait besoin pour l'être. Il faudrait qu'Erwin renonce, qu'il se laisse entraîner dans une autre vie plus tranquille. Il serait prêt à donner n'importe quoi à Levi. Tout, sauf ça. Levi n'a pas reparlé de quitter le Bataillon, sans doute parce qu'il ne veut pas rajouter de pression supplémentaire sur les épaules d'Erwin.

Levi doit lire quelque chose sur son visage, parce qu'il pose la main sur sa joue dans un geste réconfortant. Il y a de la tristesse dans ses yeux. Une tristesse insoutenable pour Erwin, une tristesse qui lui fend le cœur. Levi sait, au fond de lui, qu'Erwin ira jusqu'au bout, envers et contre tout ce qu'il attend de lui. Ils le savent tous les deux. Leurs visions du futur ne sont pas compatibles. Et pourtant, ils continuent à prétendre qu'ils peuvent continuer sur ce chemin ensemble.

— Il faut qu'on se sépare, lâche Erwin.

— Pardon ?

Levi fait semblant de ne pas saisir la gravité dans sa voix.

— Tu me dis ça alors que j'ai ton sperme qui me dégouline du cul ?

— Il faut qu'on fasse semblant de s'être séparés à nouveau, répète Erwin avec une grimace.

— Pour quoi faire ?

— L'important, c'est que les Titans le croient. Et plus de personnes y croiront, plus réaliste ça leur paraîtra.

— Qu'est-ce que tu mijotes, Erwin ? J'aime pas ça.

Erwin choisit la solution de facilité. Il l'embrasse à nouveau. Levi se laisse faire, mais ses yeux restent agités de la même étincelle furieuse.

— Tu peux faire ça pour moi ? demande-t-il.

— Qu'est-ce que ça veut dire, faire semblant de plus être ensemble ?

— J'aimerais que tu partes vivre ailleurs.

— Tu me vires de l'appartement ? T'es sérieux ?

— Juste temporairement, Levi. Juste temporairement.

Levi s'extirpe de sous son poids. Il se redresse dans le lit, furieux.

— Non.

— Levi…

— Non ! J'ai pas envie de me séparer de toi, même pour faire semblant ! Et j'irais vivre où ? Chez Hange ? Elle a une vie, Erwin. Ils ont une vie avec Moblit, je peux pas m'installer chez eux comme un parasite.

— Ce sera temporaire. Nous te mettrons dans… dans un hôtel.

— Un hôtel.

Levi se pince l'arête du nez.

— Un hôtel, Erwin, est-ce que tu t'entends ? Un putain d'hôtel ? Et tu viendras me baiser, dans cet hôtel ?

— Ne me fais pas croire que notre relation n'a qu'un aspect physique. Nous valons mieux que ça, Levi.

— Non mais tu t'entends ? Je… je…

Levi est hors de lui. Erwin a réussi à le faire sortir de ses gonds en quelques phrases. Mais Levi a appris, depuis leur dernière grosse dispute. Il se tait, ferme les yeux, reprend le contrôle de sa respiration.

— Pourquoi tu fais ça ? demande-t-il d'une voix qui glace Erwin jusqu'à la moelle. Pourquoi tu cherches encore à détruire ce qu'on a ? Je sens… je sais que tu prépares quelque chose, et que c'est dangereux, et que ça te fait peur. Tu penses que ça va t'aider à me protéger, de me repousser ? Tu penses encore qu'on en est là ? Tu crois que je te connais pas ? Alors me prends pas pour un con.

Erwin soupire et se laisse retomber à plat dos sur le matelas. Il fixe le plafond. Il ne peut rien dire à Levi, parce qu'il l'empêcherait par tous les moyens d'accomplir ce qu'il s'apprête à faire. Il doit trouver une manière de détourner son attention.

Levi a raison, ils ont évolué. Il le connaît trop bien pour tomber dans le piège de ses manigances, désormais.

— Je suis désolé, murmure-t-il. Je sais que je suis dur à aimer.

Levi se renfrogne.

— Hein ? Qu'est-ce que ça veut dire, ça, encore ?

Erwin choisit de dévier la conversation.

— C'est compris, je te dirai tout.

— Avant que ça se passe, précise Levi.

— Oui, évidemment.

— C'est juré ?

— C'est juré, ment Erwin.

C'est au tour de Levi de lui grimper dessus et de l'embrasser à pleine bouche. L'entrain qu'il y met serre le cœur d'Erwin.

— Et à propos de faire semblant de se séparer…

— Tsk ! Je veux pas en entendre parler.

— Il viendra sans doute un moment où ce sera absolument nécessaire.

Levi couvre son visage de petits baisers.

— Tu me fais chier, Erwin. Embrasse-moi au lieu de dire des conneries.

Erwin lâche l'affaire. Il s'abandonne à ses baisers. Il est épuisé. Vidé de son énergie. Il a envie de s'abandonner tout entier à Levi.

— Erwin ? murmure celui-ci dans le creux de son oreille.

— Hmm ?

— Je peux te sucer ?

Un frisson lui descend la colonne vertébrale. Il hoche la tête en silence. Le regard de Levi s'allume d'une flamme mutine et il s'efforce d'y répondre, même s'il ne s'est jamais senti aussi exténué de sa vie. Levi dépose des baisers humides entre ses pectoraux, et commence lentement à descendre entre ses jambes.

— Vous avez une sale tête, commandant. Vous devriez essayer de dormir un peu.

Erwin ne prête aucune attention à la remarque désobligeante de Zeke et se glisse à côté de lui. Le Titan sort une bouteille d'un excellent champagne et deux flûtes en cristal précieux. Ils sont adossés contre le mur, au dernier étage de la bibliothèque déserte à cette heure, sous les colonnades. Ils se sont mis à l'intérieur car le froid se fait de plus en plus rude après la tombée de la nuit.

Erwin se rappelle que la fin de l'année approche. Et avec elle, l'anniversaire de Levi.

— J'ai amené de quoi célébrer ce qui restera sans doute dans votre parcours comme votre meilleur choix de carrière.

Erwin reste de marbre.

— Eh bien ? Vous avez perdu votre langue ? Vous l'avez laissée quelque-part à l'intérieur de Levi, j'imagine.

— Comprenez la gravité de ma situation et épargnez-moi vos remarques déplacées, répond froidement Erwin.

— Je sais, je sais, dit Zeke en débouchant le champagne avec un « pop » sonore. Comprenez aussi le caractère profondément satisfaisant de cette même situation pour moi et laissez-moi jubiler. Tenez.

Il lui tend un verre plein. Erwin n'amorce aucun mouvement pour le saisir.

— Comme ce doit être frustrant de ne pas pouvoir croiser les bras pour bouder de manière convaincante.

Zeke montre enfin son véritable visage, odieux et insolent. La phase de séduction est terminée, même si Erwin n'y a jamais été vraiment sensible.

— Si nous venons à travailler ensemble, je vais devoir vous demander de vous adresser à moi avec le respect adéquat.

— Si vous saviez comme ces paroles sont douces à mes oreilles. Vous pouvez répéter le début ? Non, ne dites rien. Je pourrais me retrouver dans une situation un peu inconfortable.

Il baisse un regard éloquent vers son bas-ventre. Erwin ne peut s'empêcher de détourner les yeux, écœuré.

— Mais trêve de plaisanterie, reprend Zeke d'un ton plus sérieux. Nous avons encore un détail à régler. Vous n'avez pas rempli toutes les clauses du marché, commandant.

— Si vous parlez de Levi…

— Je parle précisément de Levi. J'ai l'impression persistante que vous continuez à le sauter. Et tant que vous le sauterez, il sera comme une ombre dans votre sillage. Une ombre extrêmement indésirable, de mon point de vue.

— Je crois que vous n'avez pas bien cerné la situation, dit Erwin d'une voix plus tranquille.

Un doute fugace passe sur le visage de Jaeger. Erwin reprend un peu d'aplomb.

— Plus j'essayerai de repousser Levi, et plus il s'accrochera à moi. J'ai tâté le terrain et c'est peine perdue. Rompre avec lui n'a aucun sens à l'heure actuelle. Personne n'y croira. Pas même lui, si je mets un terme à notre relation. Et personne dans notre entourage si nous prétendons le faire. Je finirai par m'en séparer, mais vous devez me laisser un peu de temps pour le faire en douceur.

— Qu'est-ce que vous proposez pour nous en débarrasser, alors ? Faites-moi part de votre plan brillant pour éviter qu'il ne s'invite dans nos petites affaires.

Erwin se rend compte d'à quel point, malgré ses airs bravaches, Jaeger craint Levi. Il ressent une bouffée de fierté pour son capitaine.

— Je l'ai envoyé à l'orphelinat d'Historia où il semble se prendre d'affection pour quelques résidents. Je l'aide à ébaucher les prémices d'une vie sans moi.

— Et donc, pour lui permettre de poursuivre dans cette direction, je devrais épargner ma petite Historia, ma poule aux œufs d'or ?

Il fait claquer sa langue d'agacement, mais ne peut retenir un sourire appréciateur.

— Vous êtes habile, commandant. Vous vous surpassez pour moi, et je suis sans doute le seul à vous apprécier à la hauteur de votre talent. Je vous applaudirais des deux mains, si je ne pensais pas que vous pourriez mal le prendre.

— Une fois que mes liens avec lui seront coupés, vous oublierez Levi.

— Oh, je ne pense pas qu'il me soit possible d'oublier ce petit vaurien, mais je peux m'engager à le laisser tranquille.

Il s'accorde quelques secondes de silence, puis ajoute sur un ton vaguement menaçant :

— Sous réserve qu'il se tienne lui aussi à l'écart, évidemment.

Zeke tire un étui à cigarettes de sa poche et s'en allume une. Il exhale un nuage de fumée.

— Je suis étonné que Levi se découvre une fibre paternelle.

— Je ne suis pas étonné que vous le connaissiez si mal.

Le Titan sourit, amusé.

— Vous éviterez de fricoter avec des hommes au sein de mon organisation, dit-il d'un ton détaché.

Erwin ne perd pas son temps à répondre à une telle remarque. Outre son caractère nauséabond, il ne se voit pas remplacer Levi par quelqu'un d'autre. Ce qu'il ressent pour lui, il ne l'avait jamais ressenti pour personne avant de le rencontrer. Et il sait qu'il ne le ressentira plus jamais après.

Zeke se décolle du mur avec un petit soupir, vide sa coupe de champagne et celle encore pleine d'Erwin, puis se plante devant lui. D'un mouvement brusque, sa main jaillit et agrippe la mâchoire du commandant. Erwin recule, par réflexe, mais pas assez pour lui permettre de se libérer. Zeke enfonce ses ongles dans sa peau.

— Pour le moment, vous allez retourner à l'hôtel de police et faire comme si rien n'avait changé.

Il parle d'une voix lente, en articulant chaque mot, et Erwin sent le froid s'immiscer jusque dans ses os.

— Je ne peux pas vous utiliser à ma guise s'il est aussi proche de vous, il me fait donc perdre mon temps et beaucoup d'argent. De fait, je tuerai une personne par semaine tant que je considérerai Levi Ackerman comme une entrave pour mes affaires. À vous de décider à combien de vies vous estimez qu'équivaut votre relation avec lui. Quant à la tentation de me trahir, ou de me fausser compagnie, je vous suggère fortement d'y résister. Si vous vous pliez à mes ordres, je m'engage à épargner Historia et son orphelinat. Si vous me trahissez, je les fais tous sauter.

Les entrailles d'Erwin se serrent. Il fait tout son possible pour ne pas laisser sa peur transparaître sur son visage. Il sait que le Titan mettra ses menaces à exécution.

Il enroule sa main autour du poignet de Zeke pour lui faire comprendre de le lâcher. Le Titan lui cogne la tête en arrière contre le mur pour faire bonne mesure, puis il le lâche. Erwin peut sentir les marques que ses doigts ont laissé sur sa peau. Il est épuisé. Son stress est sans commune mesure avec tout ce qu'il a pu ressentir par le passé. Il le broie. Il s'infiltre sous sa peau et dans chacun de ses organes. Il imprègne chacune de ses pensées.

Il secoue la tête. Il a besoin de Levi. Seul Levi arrive encore à le calmer, juste par sa présence et ses caresses.

— Si vous n'avez rien d'autre à ajouter à vos menaces, je pense que nous pouvons nous arrêter là, dit-il d'une voix contrôlée.

— Rappelez-vous de chaque mot, commandant. Vous connaissez mon pouvoir de nuisance.

La confiance du Titan laisse supposer le pire à Erwin. Il a sans doute déjà commencé à reconstituer leur groupe. Erwin sait qu'il veut lui attribuer le titre du Colossal. Zeke ne l'a évoqué que brièvement, et Erwin se doute qu'il ne lui donnera une place au sein des neuf qu'après qu'il ait prouvé sa loyauté. Ce qui, si tout se déroule comme il le prévoit, ne devrait jamais arriver.

S'il échoue, il pense que le second candidat à ce poste sur la liste du Bestial est Armin Arlert. Le garçon est certes moins brillant et moins expérimenté que lui, mais il pourrait faire à nouveau basculer Eren et Mikasa du côté des Titans. Une prise intéressante, pour Zeke. Erwin doit s'assurer de le mettre hors d'état de nuire avant qu'il ne tourne son attention vers lui.

Zeke disparaît dans la nuit. Erwin rentre à l'appartement, où Levi est en train de nettoyer minutieusement son revolver. Erwin sait qu'il réserve ce genre de tâche fastidieuse aux périodes de légère anxiété. Quand il est vraiment stressé, il nettoie tout l'appartement de fond en comble. Il y a bouquet dans le vase posé sur la table devant lui.

— Ta journée s'est bien passée ? demande Levi, concentré sur sa tâche.

— Tu as acheté des fleurs.

— Oui, en revenant de l'orphelinat. Elles te plaisent ?

Levi lève son regard gris vers lui, et aussitôt, Erwin sent une chaleur apaisante lui envahir la poitrine. N'y tenant plus, il s'agenouille par terre près de sa chaise et enfouit son visage contre son ventre. Son bras s'enroule autour de sa taille et l'attire contre lui.

— Erwin ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

— Rien. Juste manqué. Va bien, répond Erwin, la voix étouffée.

— Clairement pas, rétorque Levi.

Il se tourne un peu sur la chaise et glisse ses doigts dans les cheveux d'Erwin. Des ondes de soulagement lui partent du crâne, descendent le long de son cou puis dans tout son corps en détendant ses muscles au passage. Levi lui saisit le visage entre les mains et lui relève la tête en douceur pour l'obliger à le regarder.

— Tu veux me dire ce qui ne va pas ?

Erwin est subjugué par sa beauté, par ses yeux clairs, par ses cils épais, par ses traits réguliers, par la tendresse qu'il lui renvoie.

— Tu es tellement beau, bafouille-t-il.

— Tsk !

Levi l'embrasse. C'est un baiser presque chaste, du bout des lèvres, réconfortant et apaisant. L'air se met à nouveau à circuler dans les poumons d'Erwin. Levi est tiède contre lui. Il sent bon, un parfum si familier qu'Erwin pourrait le détecter dans une salle de cent personnes, les yeux fermés.

— Relève-toi, s'il te plaît, murmure Levi. Je n'aime pas te voir comme ça.

Erwin se remet sur ses pieds et se penche à son tour pour l'embrasser. Levi soupire contre ses lèvres.

— Tu ne vas vraiment pas me dire ce qui ne va pas ?

— Ce sont des histoires de boulot. De préfecture. Je ne vais pas ramener ça ici.

Levi grimace mais ne dit rien. Erwin sait à quoi il pense. Il n'a fait que ça, ramener du travail à la maison, depuis le début. Depuis le jour où il a ramené Levi chez lui pour la première fois, en réalité. À son grand soulagement, Levi laisse glisser le sujet pour ce soir. Quand Erwin le lâche, il reporte son attention sur son arme pour éviter d'avoir à le regarder dans les yeux. Erwin va poser un disque sur le gramophone. Une musique discrète envahit la pièce.

— J'ai vu Historia – elle va bien, dit Levi pour devancer la question d'Erwin. Tout le monde va bien, à l'orphelinat.

Il s'éclaircit la gorge. Erwin a l'impression qu'il rougit légèrement.

— Ils organisent un bal, pour Noël. Comme les enfants ont pas de famille… – ce qui est logique, vu que ce sont des orphelins, grommelle-t-il pour lui-même – ils prévoient un bal de charité le soir du vingt-cinq décembre. L'idée c'est que les enfants s'amusent, et en même temps ils vont collecter des fonds, pour de la nourriture, tout ça…

— Je comprends, dit Erwin.

En revanche, il ne comprend pas trop pourquoi Levi est si nerveux.

— Je voudrais y aller.

— Je n'y vois aucun inconvénient.

— Même si… même si c'est un jour important, et que sans doute Hange et Moblit vont vouloir nous inviter à un repas…

Erwin est soudain frappé par cet aspect délicieusement banal de leur vie. Fêter Noël, être invités chez un couple d'amis, passer les fêtes en famille comme tout un chacun. Certes, ils n'ont plus de famille du sang, mais ils ont celle qu'ils ont construite ensemble.

— Erwin, tu m'écoutes ?

— Oui ! Oui. Nous demanderons à Hange et Moblit de décaler le repas au lendemain, ce n'est pas un problème.

Il croit voir une légère rougeur se diffuser sur les joues de Levi. Il est circonspect.

— Est-ce que…

Erwin est frappé d'un éclair de compréhension. Est-ce que Levi est vraiment en train de lui demander en rougissant de l'accompagner à un bal ? Comme un adolescent maladroit ? Erwin a soudain envie de rire. Cette situation l'amuse autant qu'elle l'attendrit. Il fait mine de ne pas comprendre où Levi veut en venir.

— Oui ?

— Est-ce que tu serais d'accord pour y participer ? Historia pense que s'il y a quelques figures importantes, les gens vont s'y intéresser et ils donneront plus d'argent.

— C'est en effet comme ça que fonctionne ce genre d'événement.

— Et ? Qu'est-ce que tu en penses ?

— Si c'est Historia qui veut que je participe…

— Oui, elle pense que ce serait mieux.

— L'idée vient d'Historia.

— Oui… oui ?

— Très bien, soupire Erwin. Je ne suis plus à une soirée près.

L'incompréhension se peint sur les traits du Levi.

— Ça t'embête d'y aller ? Ce sera beaucoup plus détendu que tes soirées habituelles, et les enfants sont gentils, et…

— Non, ça ne m'embête pas. Je pensais juste y être invité en bonne en due forme, mais puisqu'il faut tout faire soi-même…

Sous les yeux désormais méfiants de Levi, il s'empare d'une des fleurs dans le vase et la lui tend.

— Levi, est-ce que tu accepterais d'être mon cavalier pour le bal de Noël ?

Levi lui arrache la fleur et lui donne un coup dans le nez avec.

— Arrête de te moquer de moi !

— Pardon ! rit Erwin en levant le bras pour parer une nouvelle attaque.

Levi se lève de sa chaise et s'avance d'un pas menaçant pour le faire reculer jusqu'au canapé. Erwin trébuche contre l'accoudoir et s'étale sur le dos. Levi lui grimpe aussitôt dessus. Erwin lui offre ses lèvres pour un baiser, mais Levi le lui refuse avec un air espiègle.

— On recommence, dit-il. Erwin, chéri, est-ce que tu es d'accord pour m'accompagner au bal de Noël ?

— Hmm…

— Erwin !

— D'accord, d'accord ! Avec plaisir, mon amour.

Ils s'embrassent. Le corps de Levi est un poids rassurant sur sa poitrine.

— Tu mettras ton uniforme ? demande Levi.

— Si je viens en tant que commandant du Bataillon d'Exploration, cela va sans dire.

— Non, je parle de l'uniforme.

Erwin prend un moment pour réfléchir.

— Ah, le grand uniforme ? Celui que je mets pour les cérémonies ?

Levi dépose un baiser juste sous son oreille et envoie un frisson d'excitation dans son bas-ventre.

— Précisément celui-là.

— Il te plaît ?

— Comme si tu le savais pas déjà. Tu as l'air tout… puissant, et important, avec.

— Et tu aimes ça ?

Levi répond par un petit grondement et suce la peau de son cou. Il écarte les jambes de chaque côté de la taille d'Erwin, comme pour lui signifier qu'il est tout à lui.

— Est-ce que tu voudrais que je le ramène ici ?

Levi se fige contre sa gorge.

— À visée… purement esthétique, continue Erwin d'une voix pensive. On le laisserait innocemment suspendu à la porte de la penderie, juste pour pouvoir l'admirer.

— De toute façon, si tu débarques avec, tu ne vas pas rester longtemps dedans, grogne Levi.

Sa main descend entre leurs deux corps, contre le ventre d'Erwin, puis s'arrête pour caresser son entrejambe à travers son pantalon. Erwin prend une inspiration saccadée.

— Oui ? demande Levi.

— Oh oui, oui… répond Erwin dans un souffle.

D'une main habile, Levi défait le bouton de son pantalon.

— Enlève ça, dit-il.

Il se lève et va chercher le lubrifiant. Erwin quitte ses vêtements et se rallonge en frissonnant, mais Levi revient au bout de quelques secondes plaquer son corps brûlant contre le sien. Il s'installe sur le canapé près de lui, s'enduit les doigts d'huile et le masturbe lentement. Erwin gémit et l'attire contre lui pour l'embrasser. Levi presse son torse contre le sien et capture sa bouche dans un baiser langoureux.

— Pourquoi je suis nu, et tu es habillé ? demande Erwin.

Levi retire sa chemise avec précipitation sans la déboutonner, en la faisant passer par-dessus sa tête. Puis il recommence à l'embrasser tout en le caressant à un rythme de plus en plus énergique. Erwin se sent durcir entre ses doigts.

— J'ai envie d'être en toi, murmure-t-il contre les lèvres de Levi.

— Ok, mais je me mets au-dessus.

Il enfourche la taille d'Erwin et se penche sur lui pour couvrir son torse de baisers. Erwin pose une main possessive sur sa cuisse ferme, puis remonte jusqu'à sa hanche. Un frisson de plaisir lui parcourt le corps quand la langue de Levi s'attaque à son téton. Il hésite à poser la main sur sa nuque pour maintenir sa bouche à cet endroit, mais décide plutôt de glisser ses doigts enduits de lubrifiant entre les fesses de Levi.

Levi gémit aussitôt contre sa poitrine. Son corps se tend contre lui. Erwin introduit deux doigts en lui et commence un petit va-et-vient. Levi délaisse son téton dans un bruit de succion.

— Tu peux en mettre plus, murmure-t-il.

— Déjà ?

— Je me suis un peu amusé tout seul, le temps que tu arrives.

— Oh.

Les images qui s'imposent à Erwin décuplent son excitation. Sa respiration s'accélère. Levi recommence à embrasser son torse. Il remue les hanches pour accompagner les mouvements d'Erwin, pour montrer à quel point il a envie de le prendre en lui.

— Embrasse-moi, exige Erwin.

Levi obéit, et Erwin le récompense en accélérant les mouvements de ses doigts. Les lèvres de Levi s'entrouvrent, ses yeux se voilent. Il pousse un gémissement sonore.

— Je vais… je vais prendre ta queue et… et tu vas glisser en moi jusqu'à ce que tu me remplisses, annonce Levi d'une voix saccadée.

Erwin n'a pas le temps de répondre. Levi se redresse, saisit sa queue dure, l'aligne avec lui-même et descend lentement autour, la tête légèrement penchée en avant et les lèvres entrouvertes. Erwin pose la main sur sa fesse et enfonce ses doigts dans son muscle à mesure que Levi se contracte autour de lui.

Une fois qu'il est complètement en lui, Levi pousse un profond soupir de soulagement. Il pose ses mains à plat sur le torse d'Erwin pour se donner un appui et commence à onduler lentement des hanches. Le souffle court, Erwin remonte sa main jusqu'à son visage et lui glisse le pouce dans la bouche. Levi se met aussitôt à le sucer sans perdre le rythme. Il est chaud et étroit autour d'Erwin. Son corps danse sur le sien avec des mouvements gracieux. Levi relève le visage pour plonger son regard dans celui du commandant pendant qu'il se baise sur lui.

Dans cette position, Erwin a tout le loisir de l'admirer. Sa silhouette fine, son visage concentré, ses muscles qui se contractent à chaque roulement langoureux de ses hanches.

— Plus vite, l'encourage Erwin.

Levi se fend d'un petit sourire, écarte les cheveux sur son front et accélère. Erwin n'a rien d'autre à faire que de le sentir le prendre en lui, que de le laisser s'empaler sur sa queue, que de le regarder se baiser jusqu'à l'orgasme.

— Tu es tellement beau, gémit-il. Ton corps… ton corps, Levi.

— Le tien est en train… de… me… ah !

Erwin retire son pouce humide de salive de sa bouche et joue avec ton téton. Levi pousse un grognement et se mord la lèvre. Sa queue rebondit contre son ventre.

— Touche-moi, gémit Levi. Erwin, s'il te plaît. Je vais…

Il ralentit le rythme de ses hanches, hors d'haleine, et ferme les yeux pour ressentir chaque centimètre d'Erwin en lui. Erwin lui pose le bout des doigts sous le menton.

— Levi. Ouvre les yeux.

Le regard de Levi se pose sur lui.

— Je t'aime. Je t'aime plus que tout.

Levi lâche un petit bruit étranglé qui ressemble à s'y méprendre à un sanglot et perd le rythme. Erwin pose la main sur sa joue, et il se laisse aussitôt aller contre, avide de la moindre caresse.

— Continue à te baiser sur ma queue.

Il lui saisit la queue et pompe vigoureusement. Levi reprend aussitôt les mouvements de ses hanches à un rythme soutenu. Son corps luit de sueur. Ses fesses claquent contre les cuisses d'Erwin avec un bruit humide. Sa tête bascule en arrière, ses sourcils se joignent. Il se cambre encore de manière à ce que la queue d'Erwin martèle le point le plus sensible en lui.

— Erwin, ah ! il s'exclame, hors d'haleine. Putain… putain…

Erwin accélère encore les mouvements de son poignet gauche. Il sait qu'il ne pourra pas y mettre cette énergie encore longtemps. Il doit cueillir Levi juste au bord de son orgasme.

— C'est bien, Levi, continue. Tu es magnifique.

Il soulève les hanches pour accompagner les mouvements de Levi, pour presser sa queue à l'intérieur de lui chaque fois qu'il descend autour. Levi lâche une flopée de jurons sonores et se penche en avant. Tout son corps sursaute à chaque coup de rein.

— Erwin... Erwin !

Il va jouir. Erwin peut le sentir. Au son désespéré sa voix, à l'humidité de sa queue, à son odeur. Il accélère encore les mouvements de son poignet.

— Levi, mon chéri...

Levi pousse un râle de jouissance et se répand sur le ventre d'Erwin. Son corps est parcouru d'un spasme et il tombe en avant en se retirant d'Erwin, haletant et gémissant.

Erwin lui enlace aussitôt la taille et lui couvre les cheveux de baisers.

— C'est bien, Levi, tout doux.

— Putain… Erwin.

— Chhh… prends le temps de t'en remettre.

Il sent la queue de Levi pulser entre leurs ventres. Levi se soulève et remonte vers son visage pour exiger un baiser. Erwin le laisse enfoncer sa langue dans sa bouche. Il ne sait pas quoi faire de sa main. Il veut la mettre sur le visage de Levi, la passer autour de sa taille, la poser sur son cul, la serrer autour de sa queue. Levi vient de jouir, et pourtant ses baisers sont avides, possessifs, désespérés. Erwin, lui, est toujours en train de bander douloureusement. Il laisse Levi le couvrir de baisers consciencieux pendant plusieurs minutes interminables, puis perd patience et se redresse d'un coup.

— Mets-toi à quatre pattes.

Levi hausse les sourcils. Erwin lui claque le cul pour lui faire comprendre qu'il le veut tout de suite.

— Tu n'as pas cru que j'allais me finir à la main, quand même ?

— Doucement, hein. Je suis encore… super sensible.

Il se met à quatre pattes et enfouit son visage contre le coussin du canapé, le cul en l'air, à la disposition d'Erwin. Le commandant se positionne derrière lui, un genou sur le canapé et l'autre pied par terre pour se donner de la stabilité. Levi est parfait, comme ça. Tout frémissant, tout offert, tout à lui. Il glisse trois doigts possessifs en lui et lui arrache un gémissement étouffé.

— À moi de t'utiliser pour jouir, dit-il.

— Vas-y, chéri. Vas-y !

Sans tergiverser, Erwin enfonce d'une traite sa queue en Levi et ne bouge plus. Celui-ci prend une profonde inspiration.

— Baise-moi, Erwin, gémit-il.

— Laisse… laisse-moi profiter de toi, Levi. Tu es… tu es tellement confortable, et… et serré.

Par réflexe ou volontairement, Levi se serre encore autour de sa queue et lui coupe le souffle. Erwin pose la main sur la chute de ses reins, se retire presque entièrement et replonge en lui. Il le baise comme ça, avec des mouvements amples et sonores, et joint ses gémissements aux glapissements de Levi.

— Tu sais que tu es incroyable, comme ça, Levi ? Tout docile, à prendre ma queue encore et encore jusqu'à ce que...

Il grogne et accélère. Son bassin claque contre le cul rebondi de Levi.

— Donne-moi tes mains.

Il lui croise les mains dans le dos et les bloque avec la sienne.

— Je te rêve la nuit dans cette position, je rêve que je te prends sauvagement et que je me vide dans t-

— Fais-le ! s'écrie Levi, désespéré. Jouis en moi !

— C'est ce que tu veux ?

— Oui ! S'il te plaît, Erwin ! Je veux te sentir te vider en moi !

Erwin sent une chaleur aveuglante lui monter à la tête. Son corps entier se tend. Chaque gémissement de Levi fait monter le plaisir en lui. Il donne un… deux… trois… coups de rein tellement puissants que Levi manque de partir en avant. Au quatrième, la boule de chaleur explose en lui. Il vient comme ça, profondément enfoncé dans Levi, son bassin pressé contre ses fesses. Levi s'effondre sur le canapé et Erwin s'écroule sur lui.

Il reste plusieurs minutes silencieux à profiter de la sensation du corps de Levi sous lui, baigné de sueur et de plaisir. Il ne se retire que quand Levi se met à remuer pour lui faire comprendre qu'il veut bouger.

Erwin est trop hébété pour faire un pas, alors c'est Levi qui titube jusqu'à la salle de bain pour aller chercher de quoi les essuyer. Quand il a fini, il se glisse entre Erwin et le dossier du canapé et les recouvre d'une épaisse couverture. Puis il passe ses bras autour d'Erwin. Le feu brûle encore dans la cheminée. Ils ont chaud et ils baignent dans la béatitude qui succède à leurs orgasmes. Levi enfouit son visage contre lui. Erwin glisse ses doigts dans ses cheveux et lui répète à voix basse qu'il l'aime, et il croit profondément en chaque mot qu'il prononce.

Il les répète encore, juste au cas où le temps qu'il leur reste ensemble serait compté.