Chapitre 2 : Différence attractive.


J'écoutai le cours avec attention, je n'étais pas un génie ou pourvu d'un QI qui pourrait faciliter n'importe quel apprentissage, alors je me devais d'être sérieuse en classe, de prendre des notes et de les relire une fois la journée achevée. Je n'aimais pas particulièrement les cours en général, car de mon point de vue, tout dépendait du professeur et de sa façon d'enseigner, mais ce n'était pas une étape qu'il fallait négliger. Depuis toute petite, j'étais soumise à des leçons en dehors de mes heures scolaires, leçon pour apprendre à bien se tenir lors d'événement lié au travail de mon père comme des rencontres diplomatiques, ou avec des membres du gouvernement. Leçon de langues étrangères, leçon d'équitation, leçon de droit au vu de mon statut, de communication et bien d'autre encore. Alors au lieu de subir, je m'y étais adaptée, car je savais qu'un jour je n'aurais plus à étudier. Aujourd'hui, je pouvais effacer une bonne partie de ces leçons de ma liste, me laissant que celles d'équitation, de self-défense et de langue. Je devais finir d'apprendre à parler l'espagnol et le russe. Cependant, mon programme se trouvait chamboulé avec mon intégration à l'internat, je n'avais pas encore trouvé un moyen de m'organiser, espérant quand même avoir un peu de tranquillité le week-end quand je devrais rentrer à l'Ambassade.

J'étais arrivée à Shiratorizawa hier soir, j'avais eu à peine le temps de poser mes valises dans ma chambre et de m'installer après un entretien avec le directeur, qu'il était déjà l'heure de se coucher selon le règlement du dortoir qu'on m'avait laissé en évidence sur mon bureau. Je n'avais pas vraiment eu le temps de faire connaissance avec ma nouvelle colocataire vu qu'elle était revenue pile à l'heure du couvre-feu.

Beaucoup de chose me trottait dans la tête, organiser mon emploi du temps, m'inscrire au club équestre, m'entretenir avec le professeur en supervision des box pour la venue de Drogon, et si ma colocataire était une morue ou non. Tout cela m'avait déconcentré, et c'était seulement quand la sonnerie, annonciatrice de la pause déjeuner, retentit que je m'éveillai au monde qui m'entourait. Ce n'était pas gagné si j'étais déjà distraite à mon premier jour de classe.

- Si tu souhaites te joindre à nous, tu es la bienvenue, De Villiers-san, me dit la petite brune qui m'avait confronté quelques heures avant.

- Quelle généreuse proposition de ta part ... Commençai-je à dire avec un sourire hypocrite avant de poser la main sur ma poitrine en tirant un air confus. Excuse-moi, je ne connais pas ton nom au vu que nous ne nous sommes pas présentés.

Son faux sourire tressauta, visiblement pas très heureuse de la tournure de ma phrase qui pointait son impolitesse, prouvant ainsi devant notre classe son manque de respect flagrant envers ma personne. Pouvais-je déjà comptabiliser un second point ? C'était presque un jeu d'enfant dit donc.

- Oh, j'étais tellement impatiente de discuter avec toi que j'en est oubliée mes bonnes manières, je m'appelle Eira Kusanagi et j'aimerai beaucoup apprendre à te connaître, repris-t-elle habilement d'une voix douce cachant le couteau qu'elle venait subtilement de me mettre sous la gorge.

Si je refusais sa proposition de manger avec elle, je passerais pour la méchante, j'avais vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Eira avait remporté le point en m'obligeant à devoir partager mon repas avec elle.

- Je serai ravie de déjeuner en ta compagnie, de plus je n'ai pas encore pris mes repères dans cette école, fis-je en la suivant de bon grès, mal grès.

- Je peux être ton guide si tu as du temps à m'accorder.

J'avais envie de la trucider, elle n'était pas si mauvaise cette Eira, rien qu'avec son nom je ne l'aimais pas de toute manière. Elle était petite, comparé à moi et mon mètre soixante-dix, brune, cheveux longs, des yeux marrons classiques, mais un très joli visage. J'étais sûre que c'était elle la fille populaire de l'école. Cela pourrait expliquer pourquoi elle avait cherché à m'intimider en premier plan, voulant certainement asseoir son territoire. Et maintenant que sa première approche avait lamentablement échoué, elle était passée par une autre tactique bien plus vicelarde : Gratter l'amitié. Seulement, autant l'une que l'autre, nous savions très bien sur quel pied danser. Cette mascarade était juste un théâtre à ciel ouvert. Je ne comprenais pas pourquoi elle semblait vouloir autant y mettre un point d'honneur à me soumettre face à sa suprématie. Pour une européenne, je n'étais pas particulièrement belle, j'étais dans les standards : Blonde, des cheveux longs et ondulés, mon visage n'était ni laid, ni magnifique. Mais j'étais victime d'une pathologie oculaire congénitale sans conséquence sur ma santé, l'hétérochromie ou plus communément appelée, les yeux vairons. Un œil bleu, un œil vert.

Je pouvais me mêler dans une foule à Paris sans attirer le regard sur moi, mais au Japon, j'étais comme un fruit exotique. On avait envie de croquer dedans.

- Je ne peux définitivement pas abuser de ta générosité et de ton temps, répondis-je alors que nous progressâmes dans un dédale de couloir que je mémorisais pour ne plus jamais à devoir faire ce trajet avec cette fille.

- D'accord, mais si jamais tu as besoin d'aide, n'hésite pas à faire appel à moi, dit-elle sachant très bien qu'elle aurait perdu si elle avait insisté.

Tout le reste du trajet aller, le repas et le retour en classe, s'était constitué de joute verbale assassine emmitouflé dans de belles paroles. J'en avais presque mal aux joues à avoir autant dû sourire de façon si forcée. Mais au moins, une chose était claire comme de l'eau de roche, elle me détestait, ses petites sbires me détestaient, et je la détestais tout autant. Un vrai bonheur. J'espérai que j'étais tombée simplement sur la fille populaire et jolie, un peu tyrannique, de l'école et que le reste des élèves seraient différents. J'avais envie de me faire des amis et de vivre pleinement mes deux années de lycée avant d'entrer en étude supérieure. De plus, je n'aimais pas la solitude après avoir frôler la noirceur de la dépression, j'avais ce besoin d'être en contact avec quelqu'un. Ce qui était assez difficile vu que j'avais souvent déménagé à cause de la fonction de mon père. C'était déjà miraculeux qu'il ait conservé son poste au Japon, car en temps normal, les ambassadeurs étaient remplacés tous les trois, quatre ans. Or, on était déjà dans la quatrième année consécutive de son mandat et pas une seule annonce du gouvernent français avait été déclaré pour un éventuel changement de poste. Ma foi, je pouvais que m'en réjouir, je n'avais pas envie de partir du Japon, encore moins maintenant que j'étais ici.

En retournant dans notre salle, je portais mon regard sur le garçon qui était assis derrière moi en classe. Il avait ses deux coudes posés sur sa table, sa tête sur ses mains, un sourire étrange étirait ses fines lèvres et ses yeux grands semblaient empli de malice. Il avait curieusement attiré mon regard sur lui, par ses traits particuliers et ses cheveux rouges. Cependant, il avait quelque chose d'intimidant, bien plus que le troupeau de mouton qui m'avait encerclé au matin. C'était déstabilisant, alors je rompis le contact visuel, ne voulant pas le fixer plus longtemps que la politesse ne l'exigeait. Je m'installai à ma place en ignorant son existence.

Encore quelqu'un de bizarre.

Je pris note des devoirs qui nous avaient étés confiés avant de ranger mes affaires dans mon sac. La première chose que je devais m'occuper, c'était de m'inscrire au club, mais pour cela, je devais trouver la salle des professeurs, ce qui n'était pas gagné. Cette académie était immense, et ma foi, j'avais fait la maligne quand j'avais assuré à la secrétaire de mon père, qui avait géré mon inscription, que je n'avais pas besoin de plan, que j'allais forcément vite m'habituer une fois sur place. Elle aurait dû préciser que ces lieux se calculaient en hectares.

Je soupirai en sortant de ma salle de classe, la logique devrait faire en sorte que le bureau des professeurs se situe dans le même bâtiment que celui des élèves non ? Je me stoppai devant l'escalier, ne sachant pas si je devais monter au descendre. Plusieurs élèves passaient à côté de moi, ne pouvant s'empêcher de me regarder avec insistance, c'était gênant.

- Tu as un problème ? Questionna une fille aux cheveux noirs qui était dans ma classe.

Elle ne paraissait pas particulièrement méchante, mais son visage était froid et fermé, donnant clairement pas envie d'engager une quelconque conversation avec elle.

- Je souhaiterai m'inscrire à un club, mais je ne sais pas où est le bureau des professeurs.

Elle hocha la tête, comprenant ma demande en me scrutant du regard, elle me jugeait aussi, et sans discrétion.

- Ce n'est pas dans ce bâtiment, tu dois sortir, prendre l'allée à droite et tu trouveras un panneau pour t'indiquer la suite du chemin.

Je n'avais guère eu le temps de la remercier qu'elle partit aussitôt une fois son explication donnée. Comme si j'avais déjà bien assez gaspillé de son temps et qu'elle ne voulait pas m'accorder une seconde de plus. Bien. Entre Eira qui cherchait absolument l'embrouille et elle qui se croyait mieux que les autres, je commençais à douter de la mentalité qui régnait en ces lieux. Mais stop, je ne devais pas me hâter à tous les cataloguer comme étant des abrutis fini et indésirables, il y avait encore de l'espoir, d'autres personnes à rencontrer. Ce n'était que le premier jour après tout.

Je suivis les instructions qui m'avait été donné et sortis du bâtiment. Plusieurs élèves circulaient, certains en uniforme scolaire, d'autre déjà en tenue de sport, se rendant certainement à leur club. Je devais peut-être être la seule deuxième année sans club vu que ce choix était imposé en première année. Bien sûr il était autorisé de changer de club en cours d'année d'après le règlement, mais cela se faisait uniquement avec un accord entre les deux présidents des clubs concernés. Mais je n'avais guère à faire de cette information, pour rien au monde je choisirai autre chose que l'équitation. J'étais ici quasiment que pour ça.

Ne faisant plus confiance à ma logique désastreuse, je suivis les panneaux en entrant dans un bâtiment plus petit que celui qui regroupait les salles dédiées aux deuxièmes années. Oui, car pendant cette petite balade improvisée, en scrutant méticuleusement les panneaux, je m'étais rendue compte que chaque tranche d'année avait son propre bâtiment, mais qui était reliée aux autres par un long couloir de verre suspendu. Autant dire que ce lycée avait un style de folie.

Un professeur, d'un certain âge, m'ouvrit la porte quand je toquais une fois arrivée à ma destination.

- Bonjour, veuillez m'excuser du dérangement, mais je souhaiterai m'inscrire à un club, m'annonçais-je.

Je le vis cligner des yeux plusieurs fois, certainement surpris par mes traits peu communs dans ces couloirs.

- Entre donc, me répondit-il en se décalant et m'invitant à entrer.

La salle ressemblait à n'importe quelle salle de professeurs que j'avais pu voir dans les manga, rien de transcendant, sauf peut-être qu'elle était plutôt grande et assez bien agencée.

- Tu es Prudence De Villiers c'est ça ? Demanda-t-il en se dirigeant vers son bureau.

- C'est exact Monsieur.

- Tu es française ?

- Oui Monsieur.

Je gardai une attitude neutre et polie mais ça me soûlait. Comme s'il ne le savait pas déjà. Au vu de mon statut, j'étais pratiquement certaine que la secrétaire de mon père ou son premier conseiller s'était chargé de faire connaître mon existence auprès du corps enseignant. Surtout pour certains détails qui étaient important de communiquer et d'organiser avec la direction. Et que donc, tous les professeurs avaient eu ma fiche entre leurs mains. Le directeur me l'avait lui-même confirmé hier soir pendant notre entretien privé. Il m'avait chaleureusement accueilli, à la limite de me sortir le tapis rouge, et avait repris avec moi les aspects particuliers qui me concernait. Des trucs barbant comme le protocole mis en place en cas d'extraction par la sécurité intérieure si je me trouvais menacé pour x ou y raison que ce soit politique ou non. Ce genre de chose par exemple. Même si ce n'était jamais arrivé de toute manière. En revanche, l'attitude du directeur comme si j'étais la reine de Saba m'avait fait comprendre que je devais être la progéniture du plus gros poisson de l'école. Enfin, on m'avait assuré une certaine discrétion de mon statut auprès des autres élèves, ce qui m'enlevait une épine de pied. Mes origines attisaient déjà assez de regard et de murmure à mon encontre.

- En tout cas, même si tu as un accent, tu parles très bien japonais.

Je souris, faussement, comme on m'avait si bien appris à le faire. Lui aussi j'avais envie de le trucider ce vieux crouton. Encore une fois, c'était écrit sur ma fiche de renseignement que je vivais au Japon depuis quatre ans, que je parlais plusieurs langues. Donc ce commentaire était franchement mal placé, voir même un peu raciste. Comme si ceux qui n'étaient pas nés au japon ou qui ne ressemblaient pas à un asiatique, c'était un miracle de savoir parler correctement leur langue. Ça m'énervait. Mais ce n'était pas la première fois que j'entendais cette remarque désagréable.

- Merci, me contentais-je de dire pour rester politiquement correcte.

- Tu veux rejoindre quel club ? Enchaîna le professeur en sortant une fiche d'inscription d'une bannette posée sur son bureau.

- Le club d'équitation, répondis-je avec un vrai sourire cette fois.

Il me tendit la feuille.

- C'est peu commun, ils ne sont pas nombreux dans ce club.

Je me contentai de remplir les champs requis en mettant un point d'honneur à ignorer sa remarque et de lui rendre le papier.

- Je m'occupe du club de volley, c'est Kondo-senseï qui se charge du club d'équitation, il devrait bientôt arriver, tu peux patienter à son bureau juste ici.

Je m'inclinai pour le remercier et m'exécutai en prenant place sur le siège de bureau. Des professeurs entraient et sortaient, ne pouvait restreindre leur curiosité à me regarder. J'étais habituée depuis quatre ans à subir leur insistance, mais c'était ce que je trouvai de plus répugnant. D'avoir pris cette habitude, comme si c'était normal de dévisager les gens dès qu'ils croissaient quelqu'un de différent. C'était la mentalité de ce pays, la société leur apprenait dès le plus jeune âge qu'il fallait rentrer dans des cases et que c'était mal vu de vouloir être différent des autres. Alors c'était le comble d'être totalement différent physiquement parlant. Les japonais adoraient les étrangers, ils étaient plus gentils, plus attentionnés et à s'intéressaient sincèrement à eux, cela leur donnait même une certaine popularité, mais, à leurs yeux, ils resteraient toujours des "gaijins", des étrangers.

- Mademoiselle ?

Je levais mes yeux vers un homme qui semblait porter une quarantaine d'année, des cheveux noirs et court, des lunettes posées sur son nez.

- Kondo-senseï ?

- Oui, tu es Prudence De Villiers c'est ça ? Questionna-t-il avec un sourire presque charmeur.

- Oui, je suis ici car je viens de m'inscrire au club d'équitation.

- Oh, d'accord, répondit-il, le ton chargé soudainement d'ennui.

- J'aimerai m'entretenir avec vous pour certaines choses concernant le club, si vous avez du temps à m'accorder, répondis-je un peu surprise de son attitude changeante.

- Et bien je n'ai pas vraiment le choix vu que je gère aussi ce club.

Je fronçai les sourcils, me retrouvant devant une personne qui n'avait pas l'air très satisfaite de ça, comme s'il avait été contraint de gérer ce club.

- Je gère aussi le club de basket, mais je vais répondre à tes questions, continua-t-il en prenant une chaise d'un autre bureau pour me faire face. Je pense que la présidente du club serait plus apte si tu veux mon avis, mais je t'écoute.

Je compris très bien le message. Il ne s'y intéressait pas du tout, sur le papier il le supervisait, mais la réalité était tout autre, il n'en avait strictement rien à foutre. Alors autant ne pas perdre mon temps avec quelqu'un qui n'avait aucune réponse à m'apporter. Cependant, je savais pertinemment que pour le rapatriement de Drogon, je devais passer par lui pour les formulaires administratifs.

- Je voudrais discuter de la possibilité à mettre mon cheval en pension à l'écurie de l'académie.

Il me regarda quelques secondes en clignant des yeux.

- Ah ! Euh, oui, ça devrait être possible, il faut juste que je vois si on a un box de libre pour l'accueillir et dresser un devis pour la location et l'entretien, dit-il pas très sûr de ses propos.

- Bien, je demanderai à la secrétaire de mon père de se mettre en lien avec vous pour les détails alors ?

- Oui, évidement, répondit-il un crispant un peu les épaules à l'évocation d'un membre du corps diplomatique français.

- J'aimerai que cela puisse se faire rapidement, je ne veux pas monter un autre cheval que le mien.

En réalité, qu'importe le cheval, je serai heureuse de le monter. J'aimais les tous chevaux, et pas seulement le mien. Je voulais juste lui mettre la pression en profitant de ma position et utilisant les mots de façon à ce qu'il ait l'impression que les conséquences seraient graves s'il ne s'y attelait pas rapidement. C'était comme un peu ma manière de venger ce club qui méritait autant de droit et d'attention que n'importe quel autre.

- Bien sûr, cela va de soi, je vais m'en occuper toute suite. Si tu as d'autres questions, je t'invite à rencontrer la présidente du club, Seikyoo Mori, c'est une troisième année et elle doit être à l'écurie à cette heure-ci.

- Très bien, je m'en remets à vous alors, dis-je en me levant et en m'inclinant avant de quitter la pièce.

Mais une fois la porte formée, je bugeai sur place : Elle est où l'écurie ?


Hola ~

Alors, je n'ai pas une grande connaissance du protocole ou de la façon que peut vivre la fille d'un ambassadeur, du coup, j'y vais un peu au doigt mouillé, en espérant que ca colle bien. Voilà voilà.