Chapitre 13 : Dire les choses.
Le ciel était sombre, les nuages grisonnants étaient menaçants, ce n'était plus qu'une question de minutes avant que la pluie ne tombe. J'observai la voûte céleste en marchant vers l'écurie en ce début de semaine, pensant qu'il serait plus prudent de faire notre cours d'aujourd'hui à couvert. Bien que cela ne m'aurait pas dérangé de finir sous l'eau car j'adorais la pluie, je la trouvais apaisante et agréable, comme tout ce qui avait attrait avec de l'eau. À se demander pourquoi je n'avais pas choisi la natation comme passion, bien que si je n'aurais pas découvert l'équitation, ça aurait été certainement ce que j'aurais fait. Je m'étais toujours dit que dans une autre vie, j'avais dû être un poisson.
Les vibrations de mon téléphone dans la poche de ma jupe me sortirent de ma contemplation du ciel. Je le saisis et vis un appel entrant de Mina.
- Allô ?
- Meuuuuf, t'avais raison ! Beugla-t-elle en anglais.
Je ne m'offusquais pas du manque de politesse, notre amitié était au-delàs de ça depuis bien longtemps déjà, c'était même presque rare de se dire bonjour au téléphone, car en temps normal, nous nous saluions avec un câlin et une bise. Et si quelque chose n'allait pas, nous en discutions directement, car nous n'avions que très peu de secret l'une pour l'autre. Du coup, le célèbre « salut, ça va » était quasi inexistant entre nous.
- À propos de quoi ? Répondis-je dans la même langue.
Étant donné que nous avions étés obligées de communiquer en anglais lors de notre première rencontre à cause de la barrière de la langue, cela arrivait régulièrement qu'au lieu de se parler en japonais, nous utilisions encore l'anglais, parfois c'était même un mix des deux. C'était aussi une habitude prise à KAIS, car quand de nouveaux élèves rejoignaient les rangs de l'établissement, c'était rare qu'ils avaient déjà la pratique de la langue japonaise, c'était aussi pour cela, que les cours étaient dispensés en anglais la plupart du temps.
- Fait pas la nana genre « j'ai toujours raison », dit-elle en utilisant un ton très aigu pour illustrer ses derniers mots.
- Si c'est moi que tu imites, c'est très vexant, ronchonnais-je faussement, n'étant pas du tout affectée par cette taquinerie.
- Ohh ma pauvre, tu vas pleurer ? Dit-elle d'un ton taquin.
- C'est le ciel qui va pleurer pour moi vu le temps qu'il fait ici, mais soit, en quoi avais-je raison ?
Elle soupira un peu trop fort, ce qui eut pour effet de faire un son assez désagréable au téléphone.
- J'ai appelé pour réserver un carré V.I.P dans le club super branché que je te disais samedi pour l'anniversaire de Rino, est ils sont refusés.
- Laisse-moi deviner : parce qu'on est mineurs.
Elle grommela quelque chose en allemand, certainement une insulte pas très sympathique à mon égard, avant de me confirmer que c'était belle et bien pour cette raison.
- Ce n'est pas faute de te l'avoir dit, on n'est pas comme dans la série « Élite » ou « Gossip Girl » ici. C'est le Japon, le pays le plus intransigeant sur le respect des règles.
- Oui bah qui ne tente rien, n'a rien ! Au moins maintenant on est sûr ! Dit-elle d'un ton un peu agacé, à cause de sa fierté car elle n'aimait pas avoir tort.
Je riais, un peu moqueuse, prête à dire le fameux « Écoute-moi la prochaine fois puisque j'ai toujours raison », mais elle m'interrompit avant que je n'ouvre la bouche. Comme si elle avait deviné les mots que j'étais sur le point de prononcer et qu'elle ne voulait absolument pas les entendre, son orgueil ne le supporterai pas.
- Tu vas faire quoi par rapport à ce que t'as dit ton père ? Reprit-elle d'un ton sérieux après avoir toussoté pour éclaircir sa voix.
Mon humeur sombra comme le ciel au-dessus de ma tête à l'entente de sa question. Lors du repas de dimanche midi avec mon père et mes amis, qui étaient venus manger avec moi avant d'être obligé de reprendre la route pour Miyagi, mon père m'avait posé une question qui m'avait sournoisement prise au dépourvue :
« Quand est-ce que tu vas inviter un de tes nouveaux amis de ton lycée ? ».
J'en avais raté ma bouchée et je m'étais salie. Ce qui avait fait rire mes anciens camarades de classe, qui eux, étaient parfaitement au courant de ma situation et du fait que je n'avais pas d'amis, enfin quasi pas. Tendo Satori était celui qui se rapprochait le plus d'en être un. J'avais donc éludé la question en baratinant la chose, jouant sur le fait qu'avec la différence culturelle, c'était un peu plus compliqué, mais qu'il y avait bien des personnes avec qui je discutais, pensant aux membres du club de volley et à Kira à ce moment-là. J'avais cru avoir fait une belle pirouette pour m'échapper à ce piège soudainement tendu par mon père, mais malheureusement, il s'était définitivement bien refermé autour de moi. Mon paternel était plus expérimenté que moi dans ce domaine puisque cela était au cœur de son métier, et j'avais été bien bête de croire que je pouvais le berner, car il m'avait ensuite rétorqué :
« Invite quelqu'un pour l'anniversaire de Saturino, ça te laisse du temps pour savoir si tes amis sont « officiellement » tes amis. Bien sûr, il ou elle pourra rester le week-end à la maison. »
Immédiatement, cela avait signé mon échec et mat.
- Je ne sais pas, j'avais pensé à la fille que j'entraîne à mon club, répondis-je un peu dépitée.
- La petite naïve là ? Elle va claquer avec nous, je ne pense pas qu'elle se sentira à l'aise, surtout avec Rino, il va vouloir la bouffer toute crue.
Je soupirai, Mina avait parfaitement raison. Kira était trop réservée et timide pour pouvoir s'entendre avec ma bande de sauvageons qui n'avait aucune pratique des mœurs sociales japonaises. Et l'argument le plus incontestable était que Saturino aurait, sans doute, charmé la demoiselle avec ses intentions perverses. Il était clair et net qu'il ne devait absolument pas souiller la pureté de l'âme de cette jeune fille innocente avec ses obscénités.
J'aurais pu parier tout le patrimoine de ma famille qu'il n'aurait pas su résister à la tentation et de vouloir déflorer Kira, car Saturino Vallejos était ce qu'on pouvait appeler de manière grossière : Un charo, un chacal, un chien de la casse, un briseur de fiak, tout ce que vous voulez. Le pire dans tout ça, c'est qu'il avait le loisir de pouvoir choisir des filles pour satisfaire sa libido insatiable, car il était très populaire, grâce à sa beauté principalement. Et c'était à juste titre, ce garçon semblait tout droit sorti des mains d'un artiste grecque, tellement il avait des traits appétissants à regarder.
Cela pourrait effectivement dégrader ma relation avec elle et je préférais l'éviter, vu que nous étions dans le même club.
- Pourquoi pas le rouquemoute chelou ? Celui de ta classe avec qui tu t'entends bien là, me souviens plus de son nom.
- Tendo Satori, lui répondis-je pour l'aider face à son trou de mémoire.
- Ouais, lui, invite-le, j'suis sûr qu'il survivra avec nous.
Tendo serait effectivement à même à pouvoir s'adapter au choc culturel. Il était beaucoup moins réservé que Kira et j'étais presque sûr qu'il était comme un caméléon, qu'il pouvait s'adapter à toutes types de situations et de personnes. La preuve, il avait réussi à être le meilleur ami de Ushijima Wakatoshi, le mec le plus taciturne qu'il m'avait été permis de rencontrer.
Inviter Tendo était la meilleure de mes options, mais cela voulait dire qu'il me fallait avant tout lui parler. Mettre officiellement une étiquette sur notre amitié en premier plan. Cela pouvait paraître stupide de vouloir absolument dire les choses, que cela se voyait à notre comportement que nous étions amis. Mais j'avais appris, grâce ou à cause de la politique, que tout ce qui n'était pas clairement formulé, ne voulait justement rien dire, n'engageait rien.
Les apparences sont trompeuses, et les non-dits souvent mensongers.
J'allais prendre l'intersection à côté du bâtiment qui abritait les salles pour les clubs, la dernière ligne droite pour atteindre l'écurie. Je scrutai à nouveau le ciel qui devenait plus ténébreux de minutes en minutes, étant certainement à deux doigts de laisser la pluie s'abattre sur terre. Je baissai les yeux juste à temps pour tomber face à face avec Ushijima. Sans le percuter cette fois-ci, pour le plus grand bonheur de ma longévité. Il était en tenue de sport, il venait sans doute de sortir du vestiaire alloué à son club et devait se rendre au gymnase pour son entraînement quotidien.
- Ushijima-san, dis-je en inclinant légèrement la tête.
- Genre tu veux inviter Ushiwaka !? Fait-le toute suite meuf ! Crit Mina dans mes oreilles à travers le combiné, ne sachant pas du tout que ce n'était pas une proposition, mais que je saluais simplement le champion en face de moi.
- De Villiers, répondit-il en me fixant un peu plus intensément que d'habitude depuis que je lui avais embrassé la joue jeudi dernier.
- Mais non, c'est juste que je viens de le croiser alors calme-toi, répondis-je un peu énervée, toujours en anglais, à Mina qui continuait à s'égosiller.
Le grand brun fronça les sourcils sans pour autant dire quelque chose.
- Excuse-moi Ushijima-san, je répondais à une amie, lui expliquais-je en agitant un peu mon téléphone pour lui faire comprendre que j'étais en conversation téléphonique.
Il hocha la tête, pour me confirmer qu'il avait compris, étant toujours si peu expressif avec des mots.
- Bien, je ne vais pas te déranger plus longtemps et je vais te laisser aller t'entraîner, lui dis-je en souriant amicalement.
- Tu ne me dérange pas, me répondit-il presque instantanément. Tu peux venir avec moi si tu le veux.
Ushijima était un garçon que je qualifierai de brute. Dans le sens où il était d'une franchise sans détour, pouvant heurter n'importe quelle sensibilité. Il possédait une voix grave et profonde qui arrivait à s'infiltrer de force à travers les pores ma peau, une apparence imposante me donnant l'impression d'être soumise et un regard écrasant dans lequel je voudrais bien m'y nouer. La première fois que je l'avais rencontré, sa voix et son physique m'avait intimidé, aujourd'hui, c'était sa franchise et ses orbes olive qui me submergeaient.
- Oh My God, entendis-je Mina dans mon téléphone qui avait certainement entendu les paroles de Ushijima. Ça sent presque le date ça ! Dis oui toute suite ! T'as même pas le droit de refuser !
Le fait d'entendre Mina hurler dans mon oreille une seconde fois, m'aida à ne pas rester complètement figée sous ces paroles qui étaient si directes, et qui pourtant laissaient tellement de place à différentes interprétations possible.
- J'aurais bien accepté mais … aujourd'hui c'est un cours avec le coach dans mon club, donc je ne peux pas rater mon entraînement, répondis-je avec toutes les difficultés du monde pour ne pas bégayer et ne pas paraître stupide.
- On s'en fou de ton cours de poney, fonce flirter avec Ushiwaka, commenta encore une fois Mina à l'autre bout du fil.
Je l'ignorai, reculant même le téléphone de mon oreille, elle était en train de m'embrouiller l'esprit déjà tourmenté par le brun qui me faisait face.
- Je vois, bon entraînement alors, me répondit-il avec un hochement de tête.
- De même, répondis-je encore une fois incapable de décrocher mon regard du sien.
Il me contourna pour reprendre sa route sans se retourner, ce qui n'était pas mon cas. Mes yeux le suivaient et restaient plantés dans son dos, tout en rapprochant mon téléphone de mon oreille. J'admirais sa démarche virile et confiante, me disant qu'il devait être magnifique à regarder sous cette couche de vêtement.
- Prudence, est-ce que tu te rends compte que tu viens de mettre un vent à Ushijima Wakatoshi ? Tu t'es crue pour Beyoncé ou quoi ? Certes ce n'est pas le plus BG du monde, mais c'est Ushiwaka ! Dit Mina d'un ton réprobateur, presque en colère.
Rare étaient les fois où ma meilleure amie utilisait mon prénom, quand elle le faisait c'était soit pour s'embrouiller, soit parce que j'avais fait ou dit une connerie. Seulement, là, je ne voyais pas en quoi c'était une connerie.
- On ne dit pas cours de poney, mais d'équitation déjà, commençais-je pour corriger l'affront qu'elle avait dit quelques minutes plus tôt. Et arrête de t'imaginer des choses, ça ne veut rien dire, c'est juste de la polite-
- Ose-me dire que c'est par politesse et je débarque à Sendai ce soir même, me coupa-t-elle.
Le pire, c'était qu'elle en était capable, alors pour éviter de chauffer la bête, je ne dis rien de plus, et repris rapidement ma route vers mon club en sentant une gouttelette tomber sur mon nez.
- Je n'en reviens pas, dit-elle en soupirant. Tu lui as mis un râteau pour ton club de poney, reprit-elle exaspérée.
- D'équitation, corrigeais-je à nouveau.
- Ouais, ouais, je sais, tu as de l'ambition dans ce domaine et c'est toute à ton honneur, mais t'avais une perche pour flirter avec ce mec, t'as perdu ton cerveau en route ou quoi ?
Cette conversation commençait à me saouler, car parmi le peu de secret que je gardais pour moi, le concours avec le club de volley en faisant partit. Notamment les papillons qui avaient mis sens dessus-dessous mes intestins au moment où j'avais posé mes lèvres sur la joue du brun et du sentiment euphorique qui m'avait envahi comme une collégienne amoureuse l'instant suivant, me forçant à fuir par peur que cela se voit sur mon visage. Et surtout, parce que j'avais ressenti la terrible envie d'enrouler mes bras autour de son cou et de recommencer encore et encore, voir même de l'embrasser et ainsi goûter à ses lèvres. Je n'étais pas prête à l'avouer, car il était fort possible que j'avais un crush pour Ushijima, et tant que je ne le disait pas, je pouvais nier tout ce que j'étais en train de commencer à ressentir, que j'avais encore la possibilité d'y mettre un terme.
- Ou alors, il y a quelque chose que tu ne me dis pas, reprit Mina d'une voix songeuse.
Je devais étouffer la flamme avant qu'elle ne jette de l'huile dessus tout en restant le plus naturel possible afin d'éviter d'éveiller davantage de soupçons de sa part.
- Tu es fatigante tu sais ? Je veux juste m'entraîner et ne pas perdre mon temps à regarder des gens jouer à la balle, c'est tout, dis-je alors que j'avais, au contraire, appréciée les regarder jouer quand j'avais assisté à leur match amical.
- Ce n'est pas très gentil de dire ça comme si tu comparais ce sport à une balle qu'on lance à un chien.
- Tu sais très bien que ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, c'est juste que le volley ne m'intéresse pas, ce qui m'intéresse moi, c'est l'équitation, et justement je viens d'arriver à l'écurie, donc je vais te laisser et faire ce que j'ai prévue de faire depuis le début.
- Hum ok, je te laisse faire ton cours poney.
- Ce n'est pas du po-
- Mais ne crois pas un seul instant que j'vais lâcher l'affaire.
Elle coupa la communication sur cette dernière phrase. Je soupirai en regardant mon téléphone, entendant enfin la pluie marteler le toit de l'écurie. Dieu seul savait que j'aimais Mina comme une sœur, mais elle allait encore foutre le bordel dans des affaires qui ne la concernaient pas, car c'était une experte dans ce domaine, et pour ça, je la détestais. Si je lui disais ce qui c'était passé la semaine dernière, elle en ferait un cinéma, et me frapperai certainement pour vouloir autant étouffer les choses naissantes que je commençais à éprouver envers Ushijima. Mais c'était ma volonté, je devais éteindre la petite flammèche avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'elle fasse plus de mal qu'autre chose en devenant un grand brasier incontrôlable.
L'amour ce n'était pas pour les gens qui ne restaient jamais au même endroit, et sur ce sujet, Mina et moi étions en totale désaccord. Quand bien même elle était impulsive, vulgaire et très directe, elle croyait en l'amour, elle était romantique. Alors que moi, j'étais pragmatique. L'amour c'était éphémère et destructeur à mes yeux, quelque chose que l'on devrait éviter pour ne pas souffrir inutilement, surtout avec notre génération, qui tissait et brisait des liens plus facilement et sans aucun remord, que nos aînés.
J'entrai dans le vestiaire des filles et changeai de tenue, personne n'était encore arrivé. Mais en sortant de la pièce, la porte du bureau de la présidente était entre-ouverte, ce qui n'était pas le cas à mon arrivé. Curieuse, je toquai avant de pousser le battant pour apercevoir Seikyoo relever la tête d'un tas de feuille disposé devant elle.
- Ah bonjour Prudence, aujourd'hui je ne pourrais pas participer avec vous au cours, Kondo-senseï m'a demandé de lui rendre les comptes du mois d'Avril la semaine prochaine avant les fériés, et je dois voir aussi quel cheval à besoin de refaire son ferrage pour la visite mensuelle du maréchal-ferrant prévue ce jeudi.
Elle parlait vite, et sa voix était un peu plus aigüe que d'habitude, signe qu'elle se sentait stressée et oppressée par la soudaine surcharge de travail qui venait de lui tomber dessus.
- D'ailleurs, Drogon a-t-il besoin de changer ses fers ?
- Non, cela a été fait avant qu'il n'arrive ici, donc ça sera certainement pour le mois prochain.
- Bien, merci, dit-elle en replongeant dans sa paperasse.
- En parlant de Jeudi, dis-je pour attirer son attention.
- Oui ? S'enquit-elle en levant une seconde fois la tête.
- Le club prévoit-il quelque chose pour la Golden Week ?
Elle cligna des yeux, laissant un silence s'installer pendant quelques secondes avant de poser son stylo et d'enfin, apporter une réponse à ma question.
- Non, chacun rentre chez soi, le club ne programme pas d'activité pour les jours fériés.
Je pinçai les lèvres, même si je m'en étais douté. Je n'avais pas encore su déterminer pourquoi ce club semblait être mal vu, les membres étaient tous sauf méchants et étranges, bien au contraire. Les chevaux étaient loin d'être de canailles difficiles à monter et le matériel était propre et en bon état. Du coup, je n'arrivais pas à comprendre ce qui le rendais si peu populaire.
- Du coup, cela pose-t-il un problème si je veux rester jeudi et vendredi pour m'exercer ?
Elle pinça ses lèvres et semblait réfléchir sérieusement à la question en croisant les bras sur sa poitrine, laissant son buste s'adosser à sa chaise.
- Je crois que oui, même si rien ne t'interdit officiellement de rester, ce n'est pas très prudent de monter seule.
Elle n'avait pas tort, quand bien même j'étais confiante dans mes capacités et que je n'envisageais pas de faire des folies, un accident peut vite arriver. Même si je gardais pour moi le nombre de fois où j'ai monté seule, que ce soit pour m'entraîner ou pour partir en balade.
- Je serai présente jeudi matin pour la venue du maréchal-ferrant, mais je ne compte pas rester pour plus que cette raison, et je ne suis pas vraiment d'avis de te laisser seule.
J'étais un peu déçue, j'aurais voulu entendre le contraire, mais je ne voulais pas aller contre son avis, parce qu'elle avait parfaitement raison au fond. Cependant, j'avais envie de m'entraîner encore plus pour être prête pour les qualifications en septembre, et la Golden Week était l'occasion parfaite.
- Je comprends, répondis-je en hochant la tête, prête à faire demi-tour pour aller chercher Drogon dans le pré et le préparer pour le cours.
- De Villiers, m'appela la présidente alors que j'allais sortir. Assis-toi, continua-t-elle quand je me retournais vers elle.
Intriguée par sa demande, je m'exécutai, un peu sur mes gardes, reconnaissant son regard inquisiteur qui brillait dans ses pupilles vertes.
- Pourquoi tu veux autant t'entraîner alors que tu as déjà un excellent niveau ? Demanda-t-elle de but en blanc.
Vu son attitude, elle devait déjà avoir une petite idée sur mes intentions, mais elle voulait certainement en avoir la certitude, et l'entendre de ma bouche.
- Et bien, je voulais en parler un peu plus tard parce que je viens d'arriver dans le club et que je n'ai pas l'intention de m'imposer, mais j'ai de l'ambition, dis-je pour d'abord mettre en place le contexte de la situation.
- Viens en aux faits, exigea-t-elle, avec son ton autoritaire.
- Je voudrais représenter Shiratorizawa pour les qualifications préfectorales.
Nous nous regardâmes dans les yeux pendant des secondes qui devaient frôler la minute. Ce qui en devenait un peu gênant, j'attendais une réaction de sa part et elle restait simplement figée à me fixer, jaugeant certainement ma précédente déclaration, pesant intérieurement le pour et le contraire.
- D'accord, dit-elle simplement en saisissant son stylo et en baissant la tête dans ses papiers.
C'était à mon tour de me figer. C'était tout ? Simplement un « d'accord » ? Sans plus de question ? Sans en discuter ?
- Tu es d'accord pour que je nous représente ?
- Oui, tu es la seule qui en a les compétences parmi nous, répondit-elle en griffonnant sur sa paperasse.
- Mais tu ne m'autorise toujours pas pour rester jeudi et vendredi ?
Pour la troisième fois durant cette conversation, elle leva à nouveau la tête, son regard dévia quelques secondes vers l'extérieur, certainement parce que des membres devait commencer à arriver.
- Quand bien même si c'est pour t'entraîner pour le concours inter-lycée, je ne t'y autorise pas si tu es toute seule.
La réponse était claire, je n'allais pas insister davantage, prête à dégainer mon téléphone une fois que je serai sorti de son bureau pour prévenir Mina que finalement, je serai bien là pour toute la Golden Week.
- Jeudi et vendredi je suis disponible pour te donner un cours, dit une voix masculine dans mon dos.
Je tournai la tête pour apercevoir le coach, les bras croisés sur son torse, à l'embrassure de la porte.
- Ça fait trois ans que Shiratorizawa n'a plus proposer de cavalier au concours inter-lycée, et en tant qu'ancien étudiant et champion de cette école, c'est de mon devoir d'encourager la relève, donc, s'il faut juste quelqu'un pour te superviser, je suis disponible, dit-il en souriant.
- Bien, voilà qui est réglé, je t'autorise à monter jeudi et vendredi, maintenant, sortez s'il vous plaît, vous me déconcentrez dans mon travail, conclut Seikyoo
- Oui madame, répondis-je en cœur avec le coach.
