Chapitre 16 : Le sentier des croisements
Je mis pied à terre en même temps que mon coach, qui voulait évaluer la gravité de la situation. Je saisissais les rênes de son cheval avant qu'il ne s'avance face au garçon aux cheveux somptueux qui semblait s'être blessé à la jambe. Je n'avais pas répondu à la taquinerie de Satori, mon attention avait toute suite était accaparée par le brun tout proche de moi comme la puissance gravitationnelle d'un trou noir, réduisant le monde autour de moi à néant. Un étrange sentiment de joie était en train de se diffuser dans chaque recoin de mon corps, m'obligeant à lui sourire quand ses yeux olive entraient en contact avec moi. Je me sentais niasse, et profondément stupide. Sentiment qui se multipliait à chaque seconde que ce contact durait. Cette façon que nous avions tout les deux de se regarder avec une insistance frôlant l'indécence, était quelque chose de nouveau pour moi. Jamais je n'avais autant pris plaisir à fixer une personne du regard et jamais quelqu'un ne m'avait regardé comme lui le faisait. Il n'y avait là rien de charnel, juste l'impression d'être importante, d'être la chose qui arrivait à le séparer du monde réel. Comme lui l'était pour moi. J'aurais peut-être dû me sentir gênée, ou intimidée, mais cela produisait l'effet contraire. Plus ces échanges silencieux avaient lieux, plus une part de moi perdait de sa résistance, et plus ces sensations nouvelles augmentaient. J'avais envie de percer le mystère, de forcer le marbre de son visage à se fissurer, l'argile de ses émotions stoïques à s'effriter.
Mais au final, dans quel but ? Pourquoi voulais-je tout ça ? N'étais-je pas simplement en train de répondre à des désirs primitifs que quémandait de mon corps ? En train de tendre l'oreille vers mon cœur ? Au lieu de la raison ? Pourquoi, inlassablement, me sentais-je attirée par lui ? Et d'ailleurs, pourquoi lui ? Pourquoi mon corps semblait réagir ainsi uniquement qu'avec lui ? Qu'avait-il fait ? Qu'est ce qui s'était passé ? Ne devait-il pas être juste un fantasme au départ ?
Si, il ne devait être que cela, rien de plus qu'un garçon tout à fait mon genre sur lequel je pouvais m'autoriser à rêver, satisfaisant ainsi mes pensées inavouables, car rien n'était censé nous destiner. Nos mondes ne devaient pas se croiser aussi souvent que cela s'était produit. Mon chemin semblait venir à chaque fois à sa rencontre, mettant en branle tous mes calculs, écrasant à chaque fois ma raison, prenant davantage l'ascendant sur mon cœur.
J'avais tant de questions et si peu de réponses, cela en devenait une pénible habitude. La seule que j'avais, c'était qu'engager une histoire d'amour ne pourrait que nous faire du mal, à tous les deux, car le temps qu'il me restait ici était compté. Ça serait une histoire avait une date de péremption, avec une fin préméditée, daté comme le calendrier maya. Et quand bien même, il faudrait avant tout que les sentiments soient réciproques, or, Ushijima ne laissait rien transparaître dans ce sens, comme n'importe quoi d'autres de toute façon. Je devais me forcer à remettre mon cœur dans le droit chemin, à oublier ce crush à sens unique, à le bannir. Mais comment ?
Je détournai avec réticence mon regard de lui, c'était déjà une étape. Éviter ses pupilles attractives et délicieuses me semblait déjà être un bon début. Puisque je venais d'avouer que nos regards étaient une source de ma défaillance, je devais commencer par cela. Je portais alors attention au monde qui s'ouvrait à nouveau face à moi. Mon coach avait posé un genou à terre face au garçon que je pris bien plus de temps à observer avec satisfaction. Il était vraiment très beau. Ses cheveux chocolat étaient un appel à vouloir y glisser sa main pour en découvrir sa douceur, ses yeux de la même couleur étaient pétillants et aguicheurs. Les traits de son visage était synonyme de perfection, je n'y voyais aucune trace qui pouvait gâcher sa peau lisse et laiteuse qui ne demandait qu'à être caresser. Il semblait tout droit sorti d'un magazine de mode, et les quelques rayons du soleil qui arrivaient à se faufiler à travers la barrière des feuilles des arbres centenaires ne faisaient qu'embellir sa personne, lui donnant un côté prince charmant. Mais quand bien même il était beaucoup plus séduisant qu'Ushijima, mon cœur l'ignorait royalement.
Mon attirance pour le champion n'était pas que physique alors ?
Encore et toujours une nouvelle question sans réponse.
Il ne faisait pas plus attention à l'adulte qui examinait l'étendue de sa blessure, son regard était posé sur moi et Ushijima. Avait-il vu l'intensité de notre échange muet ? Peut-être bien, je ne pensais pas que cela puisse être discret, ou alors, je surestimais les choses. Mais j'en doutais, ses yeux mordorés étaient plissés, comme s'il essayait de comprendre ce qui nous reliait. Mais il ne trouvera rien, car moi-même je n'avais aucune réponse, aucun mot à juxtaposer pour nous définir, nous n'étions même pas amis. Puis, il prit plus de temps pour me regarder, s'attardant longuement à étudier mon corps, commençant par le bas, jusqu'à s'ancrer dans mes yeux. Ce n'était pas un regard lourd de sous-entendus ou porté par les braises du jugement, non il semblait simplement curieux, comme s'il découvrait une nouveauté et qu'il prenait son temps pour l'analyser.
Un autre garçon portant un uniforme sportif identique, était debout à côté de lui. C'était un grand brun, les cheveux en bataille, mettant en garde toutes mains qui voudraient les toucher tellement ses pointes semblaient être capable de blesser juste en les effleurant. Et il n'y avait pas que ses cheveux qui étaient dissuasifs, l'expression, presque revêche de son visage, était un grand et lumineux warning. Sa posture, bras croisés sur son torse, semblaient être guidés par la colère qu'il avait du mal à contenir.
- Pourquoi t'as fait le con comme ça !? Le gronda l'homme énervé d'une voix bourrue.
Ses sourcils étaient tellement froncés par l'agacement qu'ils étaient à deux doigts de fusionner. Son beau camarade leva la tête vers lui avec une mine offusquée, digne d'une diva.
- Mais Iwa-chan ! Je n'ai pas fait exprès ! Il y avait une guêpe qui s'était trop approché de moi, j'ai eu peur ! Lui répondit-il d'une voix comparable à celle d'un enfant qui se justifiait devant ses parents.
- Mais t'avais juste à l'ignorer et elle serait parti espèce de sombre merde ! Jura son interlocuteur en grinçant des dents.
Le beau garçon eut un mouvement de recul en posant sa main sur son torse, arborant un air outragé cette fois-ci. Il pourrait remporter un oscar pour ce jeu d'acteur de qualité, mais qui pour autant, semblait tout à fait naturel chez lui.
- T'imagines si elle m'avait piqué le visage !? Hors de question de devenir moche ! En plus j'ai entendu dire que ça faisait très mal !
Le brun était bien parti pour lui frapper la tête, mais se retenu au dernier moment, faisant volte-face en vociférant une insulte plus forte encore, comme étant son ultime solution pour évacuer son ardeur, mais en vain.
- Tiens, c'est bizarre que tu te retiennes, quoi que, je ne vais pas m'en plaindre, ajouta le beau garçon en posant son index sur sa joue avant de sourire de façon innocente.
- J'frappe pas les handicapés, lui asséna son camarade énervé en tournant son visage vers lui, à s'en tordre le cou car il voulait rester dos à lui.
- C'est méchant ça Iwa-chan ! Pleurnicha le blessé.
- Un peu de sérieux messieurs s'il vous plaît, les repris mon coach, tout en souriant, sûrement amusé du duo assez loufoque qui nous faisaient face.
Je devais dire que moi-même je n'avais pu m'empêcher de sourire à cette scène, on aurait dit un vieux couple en train de se chamailler, il fallait dire que c'était cocasse.
- Mais qui êtes-vous d'ailleurs ? Questionna le beau garçon en orientant son visage vers le seul adulte présent parmi nous.
- Je suis le coach équestre de Shiratorizawa, soulève un peu ta cheville s'il te plaît.
Entre temps, Satori s'approcha de moi et d'Ushijima, je me faisais violence pour garder mon regard fixé dans celui de Satori. Et c'était bien plus dur que ce que je croyais, comme si j'étais un aimant et qu'Ushijima était la force magnétique, ne faisant que m'appeler à lui.
- On dirais qu'on est destiné à se croiser sur ce sentier aujourd'hui, Prudence-chan, minauda-t-il amusé.
- En effet, lui répondis-je.
Mon camarade de classe pencha la tête sur le côté en fronçant ses fins sourcils. Bien sûr qu'il sentait quelque chose, avec son instinct hors nomes, c'était probablement impossible de le duper. Fallait dire que le fixer avec exagération n'était pas non plus des plus discret qu'il soit, j'avais même l'impression de cligner bien plus souvent des yeux. C'était ridicule, pourquoi cela me semblait-il être un effort incommensurable de ne juste pas regarder Ushijima ?
- Quelque chose ne va pas ? Questionna-t-il intrigué.
- Si, si, je vais très bien même, répondis-je légèrement tendue et un poil trop rapidement.
- On ne dirais pas, pourquoi tu- se stoppa-t-il alors que son visage prit une expression comme s'il venait de comprendre quelque chose. Ohh je vois, c'est intéressant, reprit-il de manière plus douce avec un étrange sourire, presque carnassier sur ses lèvres.
Je grimaçai, bien sûr qu'il avait compris le bougre. Et son sourire ne me disait rien qui vaille, au contraire. Je devais trouver un autre sujet à lui mettre sous la dent avant que des plans diaboliques ne sortent de sa tête et que j'en paye les conséquences. Celui de la vieille m'avait déjà donné une bonne leçon sur l'étendue de ses capacités à échafauder des ruses.
- Qu'est-ce qui se passe au juste ? Demandais-je en ignorant son visage conspirateur.
- Oikawa est tombé à cause d'un insecte, me répondit Ushijima.
Le timbre de sa voix grave et profonde était un plaisir pour mes oreilles, je me sentais à nouveau directement happée par lui. Pourquoi diable étais-je si faible ? Ma volonté était en train de dépérir à petit feu quand mes yeux rencontrèrent encore une fois les siens. Ses éclats vert olive étaient un appel à la gourmandise, et malgré son air impassible, sa peau légèrement plus foncée que celle de Satori, j'avais envie de la découvrir sous la paume de ma main. J'avais envie de glisser mes doigts le long de son cou, et de tracer le chemin de la sculpture de muscle qu'était son corps.
- J'espère que ce n'est rien de grave, répondis-je alors qu'à cet instant précis, je n'en avais strictement rien à faire de « Monsieur Prince Charmant » et de sa patte folle.
Une bulle était en train de se former une seconde fois, le monde semblait disparaître et de se remodeler pour ne voir qu'Ushijima. Comment faisait-il pour avoir un tel effet sur moi ? En avait-il conscience au moins ? Et encore une fois, mes lèvres esquissèrent un sourire alors qu'il me répondit par un simple hochement de tête. Satori mit un coup de coude à Ushijima qui celui-ci lui adressa un rapide coup d'œil avant de reporter son attention sur moi.
- Bon, j'vous laisse discuter, j'veux savoir si Oikawa va finir unijambiste ou pas, ricana Satori en étirant son sourire pourvu de belles dents blanches.
- Ne me porte pas malheur le stalkeur ! S'insurgea le dénommé Oikawa qui avait parfaitement entendu la pique qui lui était directement destiné.
Je n'étais pas sûr de comprendre ce que voulait dire son coup de coude, ni même s'il avait une réelle signification à vrai dire. Cependant, Ushijima semblait se racler la gorge pour attirer de nouveau mon attention vers lui. L'expression toujours aussi naturellement neutre de son visage ne me laissais pas le moyen de deviner quoi que ce soit.
- Je voudrais te parler, De Villiers, me dit-il.
La seconde suivant ce fut une cacophonie innommable dans ma tête. Toute suite des multitudes de possibilités était en train de se créer en divers scénarios digne d'un jeu de Rôle Play. Bien évidemment, j'imaginais toute suite des choses portées vers la romance, comme une déclaration par exemple, même si je savais cela totalement impossible pour des raisons plus qu'évidente. Mais ça avait eu la peine de me rendre un petit peu stressé par ce qu'il voulait me dire. J'étais à la fois tendue et impatiente.
- Je t'écoutes, Ushijima-san.
Je le savais pertinemment. Pas de déclaration d'amour, ma vie n'était pas un shojo, et mon interlocuteur ne semblait pas du tout être du genre romantique, mais allez savoir pourquoi mon imagination ne faisait que tourner autour de ça ? Pourquoi avais-je envie de l'entendre me dire qu'il était attiré par moi ?
Je me fatigue avec mes inepties.
- Peut-on devenir amis ?
Sa question me désarçonnait légèrement. Alors que j'étais en train de me dire que je devais l'éviter quelques minutes plus tôt, lui me demandait que l'on devienne officiellement plus proche. L'idée me plaisait beaucoup, mais cela était une nouvelle preuve que les choses ne se passaient vraiment pas comme je l'avais prévu à l'origine. D'une certaine manière, j'étais à la fois contente qu'il me voit comme une amie alors qu'il semblait n'être proche que de Satori, j'avais comme un sentiment de fierté qui venait flatter mon égo, ayant la sensation d'être spéciale à ses yeux. Mais j'étais aussi déçue, plus précisément, mon cœur l'était, lui qui aspirait à une relation plus intime que de la simple amitié. Je devais ignorer ce petit bout d'organe pour tenter de faire disparaître ce sentiment. Peut-être que si je me répétais constamment que nous n'étions qu'ami, cela calmerai-t-il ses pulsions avec le temps ?
J'allais lui répondre oui, parce que je me sentais incapable de lui dire non quoi que je puisse bien en penser. Parce que ce sentiment de joie était sincère, et que peut-être, cette amitié pourrait devenir au finale une barrière pour combattre cette affection grandissante que j'éprouvais pour lui. Ou au contraire, aggraver le cas. Quoi qu'il advienne, j'avais envie de découvrir qui était réellement Ushijima Wakatoshi. Et c'était enfin le moment de mettre un mot sur notre relation, chose que je m'étais demandée quelques minutes auparavant. C'était une première réponse à mes nombreuses questions.
- Prudence, on va le faire monter sur ton cheval, entendis-je mon coach m'appeler.
Je tournai aussitôt mon visage vers lui, un peu perdue de la situation qui m'avait totalement échappé. Le monde avait continué de tourner en dehors de ma bulle.
- Oui ? Quoi ? Je- comment ? Balbutiais-je l'esprit complétement à la dérive.
- Ce jeune homme, sur ton cheval, repris mon coach légèrement suspicieux de mon comportement anormal.
Vu ma tête ahurie, il esquissa un petit sourire railleur avant de reprendre.
- Sa cheville est juste enflée, ce n'est rien de grave, juste, il ne faut pas qu'il pose le pied au sol pour le reste de la journée, mais il reste au moins 5 kilomètres pour rejoindre le lycée, et donc, ils sont bien chanceux de croiser notre route.
- Oui, je comprends, il va monter Drogon et je le tiendrai à pied, dis-je en comprenant que c'était à moi de marcher 5 km alors que mes muscles étaient déjà en souffrance.
J'avais vraiment l'impression de perdre au moins la moitié de mes capacités intellectuelles dès que j'étais proche d'Ushijima. Ça m'agaçait un peu, j'avais la sensation de passer pour une demeurée. Il était évident que personne n'allait porter ce garçon sur son dos puisque nous avions des chevaux à disposition. Il était impossible de le faire grimper sur un cheval appartenant au lycée, pour une question d'assurance. Seul ceux ayant remplis un formulaire avait une autorisation. Or, étant propriétaire, j'avais mon propre contrat d'assurance pour Drogon qui possédait une clause de protection si je faisais monter des cavaliers occasionnels en cas d'accident. Au prix que déboursais mon père, il y avait même plutôt intérêt d'avoir ce genre de chose qui couvrait cette éventualité.
- Je vais aller prévenir vos coachs et préparer un peu de glace pour sa cheville, je te laisse t'en occuper, mais fait bien attention, m'informa-il en remontant sur son cheval.
- Oui coach, répondis-je.
Il défit son casque et me le donna avant de s'éloigner au galop, me faisant totalement confiance pour rapatrier le volleyeur blessé en toute sécurité. Le ricanement de Satori m'interpella et je tournai ma tête vers lui pour le voir avec une moue moqueuse en regardant Oikawa, prêt à dégainer une réplique provocatrice digne de lui.
- Je me demande si tu vas arriver à destination vivant en montant sur le cheval de l'enfer, pouffa-t-il.
J'avais qu'une envie, c'était de lui coller une petite tape à l'arrière de son crâne, mais j'avais toujours les rênes de Drogon dans mes mains. Il l'aurait bien mérité ce charlatan ! Je lui avais pourtant déjà dit ce matin de ne plus avoir ce genre de propos dégradant sur mon bébé à quatre pattes. J'étais même prête à encourager mon cheval dans ses activités à son encontre s'il continuait ainsi.
À ce même instant, d'autres volleyeurs arrivaient en courant, la sueur luisant sur leur corps et le souffle court. Je reconnaissais sans problème les joueurs de notre équipe, mais aucunement les nouvelles têtes qui les accompagnaient, appartenant sans nul doute à l'équipe d'Aoba Johsai.
- Oh, Oikawa ça va ? Questionna un de ses camarades.
S'en suivi des explications qui déclenchaient instantanément des plaisanteries venant autant de Shiratorizawa, que d'Aoba Johsai, ce qui avait réussi à remettre de l'huile sur le moteur de la colère du brun aux traits agressifs. C'était toujours aussi drôle à observer, mais à vrai dire, j'étais un peu plus accaparée par la question que m'avait posé Ushijima avant d'être interrompus. Je ne lui avais pas répondu, et je ne savais pas vraiment pourquoi, mais j'étais gênée de lui répondre devant tous ces inconnus. Pourtant c'était juste une demande d'ami. À cette pensée, un gloussement discret s'échappa de mes lèvres, j'avais l'impression de redevenir une enfant qui demandait à d'autres gamins du même âge si nous étions copains ou pas. Alors qu'aujourd'hui encore, c'était tout à fait mon genre de poser cette question, parce que j'aimais que les choses soient dites sans détour, et jamais je n'en avais ressenti la sensation d'être une gamine, contrairement à maintenant.
- Ravis d'avoir fait ta connaissance Oikawa-san, j'espère que t'as bien profité de ta vie, lui dit Semi d'un ton taquin, les bras croisés sur sa poitrine, embringué lui aussi à s'amuser de la situation du jeune garçon.
- Vous commencez à me faire peur avec ce cheval, je refuse de monter dessus ! Finit par dire le blessé.
Là. Ça devenait subitement mon problème. Parce qu'on m'avait confié la tâche de le ramener et parce qu'il était tout à fait hors de question que quelqu'un se casse le dos à le porter à cause de leurs maudites blagues qui me faisait d'un coup moins rire. Je fourrai les rênes de Drogon dans les mains d'Ushijima sans attendre son consentement. J'étais déjà prête à ignorer toutes remarques désobligeantes que m'avait déjà servi ses coéquipiers, mais contre toute attente, il ne broncha pas, et rien d'offensant ne sortit de sa bouche. Il ne semblait même pas perturbé de la manœuvre, l'acceptant sans sourciller. Sa réaction me fit plaisir, il n'avait pas peur de Drogon, contrairement aux autres.
- Ne les écoutes pas, il est gentil, dis-je en m'approchant d'Oikawa avec un sourire que j'espérais rassurant.
J'entendis l'équipe de Shiratorizawa tousser pour montrer à quel point ils n'étaient pas en accord avec ce que je venais de dire. Mais je les ignorais. Je voulais rentrer. J'avais mal aux cuisses, mal aux fesses et mal au dos. Et si je devais encore parcourir 5km à pied, je voulais le faire maintenant. Puis par-dessus tout, je voulais trouver un moment pour répondre à Ushijima sans spectateur, même si j'étais certaine que leur présence ne dérangeait absolument pas le champion, puisqu'il m'avait posé sa question à portée d'ouïe de tout le monde. Mais j'avais envie d'égoïstement partager ce petit moment qu'avec lui. J'en faisais tout un foin, alors qu'il fallait juste que je réponde un simple oui.
- Essaye le casque, continuais-je.
Je lui tendis le casque que mon coach m'avait donné avant de partir sans lui laisser une occasion de riposter. Cependant, il baissa les yeux sur l'objet en retroussant ses lèvres d'une grimace, un peu dégouté.
- Pas question de mettre ça, ça va aplatir mes cheveux.
- Merde Oikawa, met ce putain de casque qu'on bouge de là ! Gronda son ami ce qui me fit sursauter.
- Pas question ! Répliqua-t-il comme un enfant.
Dans un mouvement brusque, le surnommé Iwa-chan, m'arracha le casque des mains et le posa sans aucune délicatesse sur la tête d'Oikawa. Ce qui eut pour effet d'imposer un silence de plomb pendant que tout le monde regardait la diva, qui en était bouche-bée, avant d'en rire à gorge déployée pour certains, tel que Satori.
- Excuse-le, me dit « Iwa-chan » d'un ton beaucoup plus doux en se tournant vers moi.
Je n'osais pas vraiment répondre, j'avais moi-même peur de dire un mot qui pourrait provoquer une autre réaction féroce de sa part. Alors je lui souris timidement en hochant simplement la tête. Je demandai à Oikawa de régler la sangle à sa taille et de bien fermer la boucle. Mais comme si l'univers avait décidé de mettre que des embûches sur son processus de rapatriement, je voyais les doigts du jeune homme avoir des difficultés à s'approprier le mécanisme de réglage.
- Laisse-moi faire, dis-je en m'accroupissant devant lui pour être un peu près à sa hauteur.
Mes doigts viennent gentiment chasser les siens qui s'agitaient sous son menton. Il m'offrit aucune résistance et se laissa faire sans réaction particulière au début. Puis, après avoir jeté un coup d'œil à la volé derrière moi, un étrange sourire prit soudainement forme sur ses lèvres. Sourire que j'aurais qualifié comme provocateur, mais je n'avais rien fait qui pourrait justifier une telle réaction.
Mais alors que j'avais fini ma tâche et que j'étais certaine d'avoir réglé sa protection correctement, il saisit mes mains dans les siennes avant d'avoir le temps de les éloigner de lui. Elles étaient chaudes et rugueuses. Et grandes, il les enveloppait tel un cocon chaleureux dans l'éventail de ses longs doigts.
- J'ai peur, je ne suis jamais monté à cheval, se plaignit-il dans une mimique adorable.
Ses pouces venaient maintenant caresser mes poignets un peu trop sensuellement à mon goût alors que mes mains étaient toujours prisonnières des siennes.
- Aide-moi s'il te plaît, dit-il en changeant totalement d'attitude, devenant aussi doux que le toucher de ses doigts sur ma peau.
Je ne savais pas trop comment réagir. Cela ne pouvait pas être de la drague alors qu'il était en train de chouiner les secondes précédentes, et puis il ne connaissait même pas mon nom, c'était beaucoup trop étrange. Non, je pensais plus qu'il essayait de m'amadouer en usant de ses charmes pour acquérir mon aide, comme il venait de le formuler. Ça me fit sourire, il savait qu'il était beau et il n'avait pas peur de s'en servir à son avantage. Mais j'étais une occidentale, un détail important quand il était question d'interactions sociales. S'il devait arriver facilement à faire naître des rougeurs sur les joues de jeunes filles, ce n'était pas mon cas, mon cœur ne s'affolait même pas. Mais s'il avait vraiment peur, je ne voulais par risquer qu'il réagisse comme avec l'insecte volant qui avait causé sa chute une fois à dos de cheval.
- D'accord, je vais monter avec toi, lui répondis-je.
Sans hésitation, mais d'un mouvement lentement calculé, je retirai une de mes mains de son emprise pour la poser au-dessus de la sienne, tout en guettant sa réaction. S'il était surpris au début, cela ne dura qu'une brève seconde, avant de reprendre un sourire mi amusé, mi-enjôleur. Dans mon cas, c'était plus pour le rassurer, ce qui me fit un peu douter de la véracité de ses propos.
Malheureusement, je ne pouvais pas me permettre de remettre sa parole en question, et puis ça m'arrangeait, j'évitais ainsi de marcher. Au détriment de Drogon. Je me promis mentalement de lui offrir des bonbons en rentrant pour le récompenser du futur effort qu'il allait fournir à devoir porter deux humains sur son dos.
- Qui veut l'aider à monter ? Questionnais-je en regardant son équipe plutôt que celle de Shiratorizawa.
Le garçon au airs agressifs s'avança vers moi en se portant volontaire.
- Je vais le faire.
- Très bien, je vais te montrer comment l'aider, lui dis-je en l'intimant de se rapprocher de Drogon.
Je lui expliquai avec des gestes en plus des mots à comment procéder pour faire monter son ami sans le blesser davantage une fois que je serai moi-même de nouveau installée sur mon cheval qui patientait gentiment. Deux autres de leurs camarades passaient leur bras sous les aisselles d'Oikawa qui critiquaient leur brutalité alors que je mis pied à l'étrier afin de me hisser sur la selle. Je tendis la main vers Ushijima qui n'avait pas bougé de son poste et gardait les rênes de Drogon dans ses mains sans me quitter des yeux. Nos regards s'entrechoquèrent encore, et cette attraction affriolante ne semblait toujours pas perdre de son intensité. Il comprit toute suite ce que je voulais et il s'approcha davantage de moi pour refaire passer les lanières en cuir par-dessus la tête de mon cheval et de me rendre le contrôle. J'aurais voulu profiter d'un contact de sa peau avec la mienne, mais je me disais que ce n'était pas plus mal de ne pas y avoir goûté, et que c'était peut-être une chose que je devrais éventuellement aussi éviter à l'avenir.
L'approche d'Oikawa porté par ses coéquipiers nous forçait à rompre notre échange visuel à contre cœur. Je tendis mon bras vers le beau brun qui n'hésita pas un instant à s'en saisir d'une prise ferme. Ses yeux mordorés luisaient d'une lueur que je n'arrivais pas à déchiffrer, comme s'il avait quelque chose en tête et que j'étais la pièce maîtresse de son plan, ce qui me laissa dubitative. « Iwa-chan » dont je ne connaissais toujours pas le vrai nom, créa un appui stable en emmêlant ses doigts afin qu'Oikawa puisse y poser son genou et lui faire la courte échelle. La seconde suivant il se hissa à son tour et s'installa derrière moi sans aucune difficulté. Drogon réagit un peu au poids supplémentaire qui venait de se poser inhabituellement sur son dos. Le beau volleyeurs, surpris et peu confiant, enroula soudainement ses bras autour de ma taille au roulement des muscles de Drogon sous lui en laissant échapper un léger gémissement de peur.
- Non je veux descendre c'est sûr que je vais tomber ! Dit-il la voix angoissée.
- Non, reste accroché comme ça et tout se passera bien d'accord ? Tentais-je de le rassurer.
Je montais à cheval depuis trop longtemps pour me souvenir de la sensation de mes premières fois, mais j'étais consciente que c'était surprenant et pas facile de trouver l'équilibre alors qu'on pouvait sentir le mouvement des muscles de l'animal sous nos cuisses. Cela lui était doublement difficile puisqu'il n'avait pas les étriers comme appuis pour ses pieds. De ce fait, si s'accrocher à moi comme un naufragé sur une boue de sauvetage pouvait l'aider, j'étais prête à supporter cette pression un peu trop brute qu'il exerçait sur mon corps.
- Mais c'est avec plaisir que je vais continuer à te tenir comme ça, me dit-il avec le sourire, presque charmeur.
La seconde d'avant il avait peur, et maintenant il jouait les tombeurs. C'était un drôle de personnage ce Oikawa.
