Disclaimer : les personnages et lieux mentionnés ici sont bien entendu issus de l'imagination de Pierre Bottero, et non pas de la mienne !

Au palais

Ils avaient travaillé presque sans interruption pendant deux jours. Quand il fermait les yeux, Edwin voyait encore les contours des cartes sur lesquels il s'était penché avec Sil'Afian, tentant d'établir une stratégie pour leur périple vers Al-Poll et pour piéger les armées Raïs. Lorsque l'Empereur lui proposa une pause au soleil, sur la terrasse de ses appartements, Edwin accepta volontiers.

Ewilan était partie explorer Al-Jeit en compagnie de Salim, Ellana et Chiam, et ses autres compagnons de voyage vaquaient à leurs occupations. Il pouvait profiter d'un moment de détente en compagnie de son vieil ami.

On leur servit un repas simple mais délicieux, accompagné d'une bouteille d'un vin rouge fruité que les deux hommes dégustèrent avec gourmandise. Le soleil brillait, une brise légère soufflait et ils avaient une belle vue sur la ville et sur les allées-venues de la cour centrale du palais. Edwin se sentait détendu.

- Il faudra quand même que tu m'expliques comment tu fais, lança Sil'Afian en reposant ses couverts et en s'adossant à sa chaise. Tu pars en mission d'ambassadeur en Pays Faël et tu te débrouilles pour revenir quelques semaines plus tard non seulement avec un prince Faël, mais également Ewilan Gil'Sayan.

Edwin rit.

- Pour Ewilan, j'admets que je suis assez fier de moi. Mais si Chiam Vite est venu jusqu'à Al-Jeit, ce n'est pas de mon fait. C'est Ellana qui s'est chargée de le défier pour le coincer dans un engagement dont il n'a pas pu se défaire, même si je la soupçonne un peu d'avoir agi ainsi pour me rendre service.

Sil'Afian attrapa son verre de vin et sourit à son ami.

- Ah oui, la fameuse Ellana Caldin. D'après mes sources, elle est très réputée parmi les marchombres.

Surpris, Edwin leva un sourcil interrogateur vers l'Empereur. Il n'avait pas précisé à Sil'Afian qu'Ellana était une marchombre, respectant l'engagement qu'il avait pris envers elle.

- Son maître m'a rendu plusieurs services il y a quelques années, continua-t-il en répondant à la question silencieuse d'Edwin. Elle aussi aide l'Empire régulièrement en accompagnant des convois ou en transmettant des messages pour moi. Je ne suis pas étonnée qu'elle ait réussi à se greffer sur la quête d'Ewilan, malgré… Comment disais-tu l'autre jour? Son «manque de discipline»?

Edwin but une gorgée de vin avant de répondre, repensant à la manière dont Ewilan s'était confrontée à lui, et aux réactions d'Artis et Ellana lorsqu'il avait dû leur demander leur aide pour retrouver la jeune fille.

- Ellana est effectivement indisciplinée, impulsive et entêtée...

Sil'Afian s'esclaffa, mais voyant que le Frontalier n'était pas allé au bout de sa pensée, il le laissa poursuivre.

- Mais c'est une excellente combattante, et elle se débrouille magnifiquement bien avec un arc. Surtout, je n'ai jamais vu quelqu'un grimper comme elle, avec une telle agilité… Elle connaît d'innombrables histoires et les conte avec talent, ce qui rend sa compagnie agréable notamment lors des bivouacs, et je pense que c'est une personnalité essentielle à la cohésion du groupe, malgré son humour et son cynisme et...

Edwin s'interrompit en constatant l'air goguenard que son ami posait sur lui.

- On dirait qu'il n'y a pas que les falaises des Dentelles Vives qu'Ellana a conquis, mon vieux frère. Je ne t'ai jamais entendu parler comme ça d'une femme, et encore moins avec cet air rêveur! Mais en plus de toutes les qualités que tu viens de me lister, tu as oublié de préciser qu'elle est particulièrement jolie…

- Tu te méprends complètement, rétorqua Edwin d'un sec. Ellana est certes une jeune femme très séduisante…

- Séduisante hein, reprit Sil'Afian en faisant un clin d'oeil à son maître d'armes.

-… Mais je ne ressens rien de plus qu'un profond respect et une amitié sincère à son regard, insista Edwin en haussant le ton, ignorant la dernière intervention de l'Empereur.

Ce dernier n'insista pas et leva les mains pour signifier qu'il abandonnait. Edwin, considérant que l'affaire était close, reprit une gorgée de vin et laissa son regard couler sur la beauté d'Al-Jeit et du palais.

Au fond de lui, il savait qu'il venait de mentir à Sil'Afian, mais il n'était pas encore en mesure de l'admettre ni de mettre des mots sur ce qu'il ressentait vraiment envers la jeune femme. Dès leur rencontre, il s'était senti attiré par la marchombre, par son regard et son physique avenant, mais aussi par l'éclat qu'elle dégageait, la vivacité presque sauvage qui s'échappait d'elle. Régulièrement, il se surprenait à la chercher du regard, se délectant de la beauté de ses gestes ou des sourires éclatants qu'elle adressait parfois à lui ou à un membre du groupe. Il aimait sa compagnie et se sentait suffisamment à l'aise avec elle pour discuter de longues heures, lui qui n'était pas du genre à bavarder.

Il avait remarqué qu'elle semblait aussi apprécier ces moments, lorsque leurs compagnons allaient dormir et qu'ils restaient tous les deux, et qu'elle s'asseyait souvent à ses côtés lors des repas. Mais elle était proche de tous les membres de leur compagnie, à l'exception d'Artis avec qui elle gardait ses distances, aussi ne se faisait-il pas d'idées quand aux éventuels sentiments qu'elle aurait pu nourrir à son égard.

Sans compter qu'il était plus âgé qu'elle, de presque quinze ans. Non vraiment, il n'avait aucun espoir à se faire.

Des éclats de rire retentirent soudain dans la cour en contrebas de la terrasse, et Edwin sortit de sa rêverie. Il reconnu Ewilan qui riait aux éclats tandis que Salim effectuait une série de pirouettes sur le bord de la grande fontaine blanche. Chiam, qui se tenait avec Ellana à côté des adolescents, dit quelque chose à la marchombre en désignant le jeune homme: celui-ci se hissa aussitôt en équilibre sur ses mains, ses longues tresses sombres effleurant le sol. Alors Ellana s'avança d'un pas et, d'un geste aussi léger qu'une pichenette, fit basculer sans ménagement Salim dans la fontaine. Les rires redoublèrent alors que le jeune homme tentait d'attirer Ewilan à sa suite dans la l'eau.

- Quand on parle du loup, lança Sil'Afian en regardant les quatre amis.

Ellana, se sentant observée, avait levé la tête et repérant Edwin et l'Empereur, leur adressa un signe de main discret. Edwin y répondit en souriant, inconscient du regard bienveillant que lui lançait son ami.

- Je suis profondément heureux pour toi, Edwin.

Ce dernier fit semblant de ne pas avoir entendu.