Disclaimer : les personnages et lieux mentionnés ici sont bien entendu issus de l'imagination de Pierre Bottero, et non pas de la mienne !
Après l'attaque
Edwin avait remonté le col de sa veste pour masquer les estafilades sanglantes qu'avaient laissé les griffes du tigre des prairies. L'incident allait rester secret, comme le souhaitait Ellana. Cette dernière agissait d'ailleurs comme si de rien n'était, plaisantant tranquillement avec Bjorn, sans lui adresser le moindre regard.
Edwin se demanda un instant s'il n'avait pas rêvé l'attaque du tigre, Ewilan qui s'était agrippée à lui par réflexe, l'empêchant de tirer son sabre, et enfin Ellana, surgissant de nulle part et déversant sa volonté sur le félin grâce à ses extraordinaires capacités. Il passa sa main dans son cou et senti les griffures sur lesquelles il laissa distraitement glisser ses doigts, preuves que tout cela était bien réel. Il commençait à apercevoir l'étendue des pouvoirs de la marchombre et se demandait quels autres secrets elle dissimulait.
Il y avait autre chose, pensa-t-il. Quand le tigre s'était éloigné, ils avaient eu un moment, durant lequel elle avait posé la main sur son épaule et il avait tendu le bras vers elle. S'il devait être tout à fait honnête avec lui même, la finalité de son geste aurait été de lui effleurer le visage. La joue. Les lèvres.
Ewilan les avait ramenés à la réalité, et Ellana avait pris l'incident à la légère. Il en était incapable.
Il avait compris depuis plusieurs semaines maintenant que sa rencontre avec la jeune femme l'avait bouleversé. Dans ses moments de faiblesse, il lui arrivait de s'avouer qu'il était irrémédiablement amoureux d'Ellana. La plupart du temps, il essayait tout simplement de ne pas y penser et d'ignorer les messages que lui envoyaient son corps et son cerveau. Il mettait un point d'honneur à ne rien laisser paraître, et à rester concentré sur sa mission. Il avait l'impression de plutôt bien y parvenir.
Mais l'attaque du tigre avait réveillé un espoir qu'il n'avait même pas osé considérer jusque là : il avait cru lire dans les yeux de la marchombre la même émotion qui l'étreignait. Une réciprocité. Une possibilité.
Ces sentiments qu'il tentait de réprimer, il commençait à en saisir la force et la beauté.
Il sentait un feu s'allumer en lui.
Salim, qui s'était assis à côté du maître d'armes, lui passa une assiette du ragoût concocté par Duom et Edwin mangea sans appétit, écoutant les conversations de ses amis sans y prendre part, son regard se posant sur Ellana plus qu'il ne l'aurait voulu. Heureusement qu'il avait confié à Maniel le premier tour de garde, car il aurait été bien incapable de prêter attention aux bruits et mouvements autour d'eux.
Il faisait froid, et tous se rapprochèrent du feu lorsque leur repas fut terminé, pour se réchauffer une dernière fois auprès des flammes avant de se glisser dans les tentes glacées.
Ellana disparut dans celle qu'elle partageait avec Ewilan sans avoir adressé la parole au maître d'armes. Il alla se coucher à son tour, s'emmitouflant dans sa couverture même si, de tous les membres de leur compagnie, il était celui qui souffrait le moins du froid. Son enfance dans les Marches du Nord et les années de guerre aux Frontières de Glace l'avaient endurci de ce coté là.
Contrairement à ce qu'il imaginait, il s'endormit aussitôt et son sommeil fut lourd et sans rêves. Il fut réveillé par une main sur son épaule, qui le secouait doucement.
-Edwin, c'est à toi.
C'était Ellana. Elle chuchotait pour ne pas réveiller Salim qui ronflait à ses côtés. Il acquiesça et attrapa le fourreau de son sabre, avant de se dégager de sa couverture et de la suivre hors de la tente, qu'il referma sans faire de bruit.
L'aube commençait à percer. Le ciel s'éclaircissait à l'est, et le sol et la végétation avaient gelé pendant la nuit, faisant craquer l'herbe sous ses pas.
La jeune femme s'était attelée à ranimer le feu. Edwin passa son sabre entre ses épaules, fit un tour rapide du campement pour vérifier que tout était tranquille, et en profita pour faire quelques étirements. Il alla ensuite s'asseoir près des flammes, tendant ses mains devant lui pour les réchauffer.
Ellana, munie de sa couverture, vint s'installer près du feu. De la buée s'échappa de sa bouche quand elle parla.
- Ça t'embête si je termine ma nuit ici ? Je suis frigorifiée.
Le maître d'armes ne répondit pas mais se dirigea vers sa tente, qu'il entrouvrit brièvement. Il attrapa sa propre couverture et la tendit à Ellana avant de retourner s'asseoir. Il ne put réprimer son sourire lorsqu'elle soupira de contentement en s'enveloppant dans l'épais tissu.
- Encore chaude, en plus ! S'exclama-t-elle en s'allongeant, le visage tourné vers les flammes.
Edwin la regarda fermer les yeux, tandis que le silence retombait sur le campement. Ellana s'endormit rapidement, et le Frontalier monta la garde bercé par le bruit de sa respiration, laissant régulièrement son regard s'égarer sur les joues rosies par le froid et les lèvres légèrement entrouvertes de la jeune femme.
Ce n'était pas un feu qui s'était allumé en lui.
C'était un brasier.
