Mai 2020

Le début du mois de mai apporta un peu de répit sur le front du Covid. Le nombre de nouvelles admissions et de décès diminuait lentement, et le gouvernement parlait de relâcher les règles du confinement. Le 10 mai, il fut de nouveau autorisé de se réunir en extérieur. Anna était au travail quand la nouvelle fut annoncée, mais dès qu'elle rentra chez elle ce soir-là, elle vit que Mary l'avait appelée à ce sujet. Elle la rappela illico.

- Salut Mary, bonsoir.

- Salut Anna ! Alors, quand est-ce qu'on se voit ? Tu es libre demain ? Où veux-tu qu'on se retrouve ?

Anna sourit à l'enthousiasme de son amie. Elle n'avait pas du tout réfléchi à tout cela, et se sentit un peu prise de court, mais elle était très impatiente de finalement revoir son amie, et plus encore, son fils. Des larmes lui montèrent aux yeux à l'idée de serrer Timmy contre elle, ce qu'elle n'avait pas pu faire depuis près de deux mois.

- Euh, je ne sais pas, laisse-moi réfléchir, dit-elle.

Elle fut très déçue quand elle réalisa qu'elle travaillait toute la journée le lendemain. Elle allait devoir attendre encore un jour de plus pour revoir son petit garçon.

- Merde, je bosse demain. Mais après-demain ?

- Pas de problème. Tu veux venir à Downton ? Ils prévoient du beau temps, on pourra déjeuner sur la terrasse.

- D'accord.

L'idée d'un long trajet en vélo jusqu'à Downton la remplit de joie. Elle n'avait pas pu faire de sortie en vélo depuis si longtemps, et cela lui manquait énormément.

- Et… tu as des nouvelles de ta nounou ?, demanda Mary. Les écoles ne vont pas rouvrir avant quelques semaines apparemment, donc, je ne sais pas, que veux-tu faire de Timmy ?

- Je… je n'ai vraiment pas eu le temps d'y réfléchir encore. J'aimerais vraiment pouvoir le reprendre, il me manque tellement. Je vais appeler Esther, voir si elle veut bien revenir.

- Donc, tu la reprends, après le coup qu'elle t'a fait ?

- Ben, elle est bien avec Timmy, et au final, je n'ai vraiment ni le temps ni l'énergie de chercher quelqu'un d'autre, alors si elle veut bien, je la reprend.

- OK. Bon, écoute, nous on sera ravis de garder Timmy aussi longtemps qu'il le faudra, George et lui sont comme des frères maintenant, mais je sais que tu lui manques beaucoup aussi. Ça serait bien qu'il puisse rentrer chez lui. Je pense qu'on va retourner chez nous aussi, d'ici une semaine. Le confinement avec mes parents, c'était sympa au début, mais je pense qu'on a épuisé les sujets de conversation, si tu vois ce que je veux dire. J'ai hâte d'avoir un peu plus d'intimité avec Matthew… Donc, quand on sera rentrés à la maison, peut-être qu'on peut essayer de mettre en place une sorte de système hybride. Esther peut le garder en journée, et quand tu seras de nuit ou de week-end, tu nous le ramènes ? Tu peux l'amener chez nous, c'est plus près que Downton. A moins que tu ne préfères qu'il retourne chez les Carson, comme avant ?

- Hmm, je ne sais pas. Je sais qu'il leur manque beaucoup, et qu'ils seraient ravis de le récupérer, mais j'ai tellement peur de leur rapporter la maladie… Je ne sais pas, écoute, laisse-moi un peu de temps, que j'y réfléchisse, que je parle à Esther, et on en rediscute après-demain ?

- Parfait.

- Merci Mary. On se voit mardi ?

- On se voit mardi. Bonne nuit.

- Bonne nuit.

x x x x

Anna était si excitée le mardi matin, à l'idée d'enfin voir Timmy, qu'elle se réveilla juste avant six heures du matin, sans l'aide d'aucun réveil. Elle soupira après son cerveau, qui avait ressenti le besoin de se réveiller alors qu'elle ne pouvait raisonnablement pas débarquer à Downton à cette heure matinale, aussi pressée soit-elle d'embrasser enfin son fils. Elle allait devoir attendre encore au moins trois heures… Elle abandonna rapidement l'espoir de se rendormir, car elle était trop fébrile. Elle se leva plutôt, passa quarante-cinq minutes sur son vélo d'appartement, puis se doucha, et pris le temps de déguster un petit-déjeuner calme et équilibré tout en parcourant les réseaux sociaux et en lisant quelques articles de presse en ligne. Quand elle eut fini, il n'était pas encore huit heures. Elle décida de passer un peu de temps au piano. Elle feuilleta son tas de plus en plus épais de partitions, hésitant sur laquelle choisir. Ses yeux croisèrent la Sonate au Clair de Lune. Elle l'avait imprimé, mais n'avait encore jamais essayé de la jouer. Elle inspira profondément, et décida de tenter. Ses mains restèrent immobiles sur les touches pendant un instant, avant qu'elle ne parvienne à commencer à jouer. Elle n'avait joué que la première ligne, et déjà son cœur battait la chamade, et elle avait l'impression qu'il allait faire exploser sa poitrine. Ses mains commencèrent à trembler, et son front à transpirer. Elle s'arrêta brusquement, et balaya les feuilles de côté, marmonnant « Merde ! » dans sa barbe. Elle se leva et fit trois fois le tour de son salon, tentant désespérément de calmer son cœur et sa respiration, avant de ramasser les papiers par terre, pour ensuite les cacher au dessous de la pile. De toute évidence, elle n'était pas prête. Elle chercha autre chose, et un léger sourire apparut sur ses lèvres quand elle fit son choix. « The Skye Boat Song », cela au moins ne ferait ressurgir aucun mauvais souvenir. Anna et John avait terminé la première saison d'Outlander, et en étaient presque à la fin de la seconde. La bataille de Culloden menaçait les deux héros, et il y aurait forcément des cœurs brisés. Un jour, Anna s'était trouvée en train de fredonner la chanson du générique en se brossant les cheveux, et avait eu l'idée de chercher si la partition était disponible en ligne. Elle installa les deux pages en face d'elle et débuta, chantant en même temps qu'elle jouait :

« Sing me a song, of a lass that is gone,

Say, could that lass be I…

Merry of soul, she sailed on a day,

Over the sea, to Skye

Billow and breeze, islands and seas

Mountains of rain, and sun

All that was good, all that was fair

All that was me, is gone... »

Le sourire s'attarda sur ses lèvres quand elle eut fini. Elle recommença, après avoir déclenché l'enregistrement de son téléphone. Quand elle fut satisfaite de son travail, elle l'envoya à John.

« Salut John ! J'avais tellement hâte de voir Timmy enfin aujourd'hui, qui je me suis réveillée aux aurores. (Crois-moi, ceci est un évènement exceptionnel en ce qui me concerne. Je ne suis PAS du matin…) J'avais plein de temps avant de partir à Downton, alors j'ai passé un peu de temps au piano. Que penses-tu de ma dernière performance ? »

Puis elle se leva et commença enfin à se préparer pour rouler jusqu'à Downton Abbey.

Le matin était frais et lumineux et Anna sentait une énergie joyeuse couler dans ses veines. Quand elle aperçut enfin l'imposante silhouette de Downton Abbey, après près d'une demi-heure de trajet en vélo, son cœur battit plus fort que par le simple exercice physique. Elle poursuivit son chemin le long de la longue allée de gravier, jusqu'à la grande pelouse qui faisait face au manoir. Elle vit au loin que Timmy et George étaient à l'extérieur, en train de jouer au ballon avec Matthew, pendant qu'Isis le labrador courait autour d'eux en aboyant joyeusement. Les larmes brouillèrent sa vision alors qu'elle descendait de son vélo et le laissait tomber à terre. Matthew l'aperçut avant Timmy, occupé qu'il était à courir derrière le ballon.

- Eh, Timmy, regarde qui est là !

Le petit garçon se retourna et hurla de joie :

- Maman !

La mère et le fils coururent l'un vers l'autre et Timmy se jeta dans les bras d'Anna de toutes ses forces. Anna tomba à genoux dans l'herbe, enserrant son fils comme si sa vie en dépendait, ses épaules secouées par les sanglots qu'elle avait retenus pendant de si longues semaines.

- Oh Timmy, mon amour, répétait-elle sans fin, en l'embrassant partout sur le visage.

Quand il sentit l'humidité sur ses joues, Timmy se détacha un peu des bras de sa mère, et la regarda, inquiet :

- Pourquoi tu pleures, maman ? Tu es triste ?

Anna rit à travers ses larmes :

- Non, Timmy, je pleure parce que je suis si heureuse de te revoir ! J'étais triste quand tu étais loin de moi, et maintenant je suis très heureuse d'être avec toi.

- Oh, d'accord, dit le garçon, en se blottissant de nouveau dans les bras de sa mère.

Le ton de sa voix semblait indiquer qu'il trouvait les adultes assez étranges, à pleurer quand ils étaient contents. Enfin, Anna réussit à se relever, et salua George et Matthew. Isis tournait autour d'elle, à la recherche de caresses.

- Bonjour Matthew, comment vas-tu ?

- Ça va, merci. Et toi ? Mary m'a raconté que c'était la folie à l'hôpital.

- Oui. Bon. Je suis ravie d'être là aujourd'hui, on va se concentrer là-dessus. Mary va bien ?

- Ça va, mais elle est encore un peu malade le matin, alors j'ai emmené les garçons dehors pendant qu'elle se reposait un peu.

- Oh, c'est pénible. Elle a dépassé le premier trimestre pourtant, non ?

- Oui.

- J'espère qu'elle se sentira vite mieux.

- On retourne à la maison ? Je vais lui dire que tu es là.

Anna prit un masque dans son sac et le mit avant de s'approcher de Matthew. Elle l'aurait mis plus tôt, si Timmy ne l'avait pas prise par surprise. Tous les quatre marchèrent tranquillement vers la résidence privée des Crawley. Depuis que Downton Abbey avait été transformé en lieu de visite touristique, de nombreuses années plus tôt, la famille Crawley s'était fait construire une maison plus petite, à quelques cinq minutes de marche du manoir. Plus petite, en comparaison avec le château, car en réalité pour le commun des mortels, c'était déjà une très grande maison. La balade sous le soleil matinal était très agréable, et Matthew et Anna bavardèrent amicalement, pendant que les garçons trottinaient autour d'eux. La main de Timmy était solidement accrochée à celle d'Anna, qui poussait son vélo de l'autre main. Quand ils arrivèrent à Crawley House, il trouvèrent Cora Crawley dans le jardin privé, en train de tailler ses rosiers. La plus âgée des dames Crawley avait pris la suite de feue sa belle-mère, en ce qui concernait l'art de soigner les roses. Elle se leva et sourit lorsqu'elle vit le petit groupe s'approcher.

- Bonjour Anna, dit-elle avec un grand sourire, quel plaisir de te voir ici ! Je viendrais bien t'embrasser, mais je crois que c'est plutôt déconseillé ces temps-ci… Sans parler que je suis couverte de terre.

Anna rit.

- Bonjour Cora. Je suis ravie de vous voir également. Mais oui, en effet, il vaut mieux rester à bonne distance.

- Installe-toi sur les chaises de jardin !, dit Cora avec son éternel accent américain, en désignant le confortable mobilier de jardin qui chauffait au soleil.

- Merci.

Anna s'installa dans un fauteuil, et Timmy grimpa immédiatement sur ses genoux, et vint blottir silencieusement sa tête au creux de son cou.

- Tu veux boire quelque chose Anna ?, demanda Matthew. Tu dois avoir chaud après tout ce vélo.

- Oh, oui, merci, un peu d'eau ça ira très bien.

Quelques minutes plus tard, Mary apparut sur la terrasse, apportant un plateau avec des verres et une bouteille.

- Anna, salut, je suis tellement contente de te voir !

- Salut Mary, moi aussi !

- Il faudra excuser Matthew, il a une réunion Zoom avec un client. Et mon père travaille aussi. Je crois qu'il a prévu de parler à John ce matin.

- Pas de souci.

- Ils nous rejoindront pour déjeuner.

Les trois femmes prirent place sur les fauteuils de jardin et bavardèrent en profitant du soleil printanier. Mary raconta à Anna sa première échographie de grossesse. Anna fut heureuse d'apprendre que tout allait bien pour le bébé. Cora posa à Anna quelques questions sur l'hôpital, mais Anna resta assez évasive dans ses réponses. Les gens qui n'étaient pas en première ligne ne pouvaient pas vraiment comprendre ce que c'était, et tant mieux pour eux, pensait-elle. Elle ne voyait pas trop l'intérêt d'expliquer aux gens ce que ça faisait d'être la dernière personne qu'un patient mourant verrait jamais, de recevoir ses derniers mots, et de voir la peur dans ses yeux. Alors elle orienta la conversation sur le sujet de la vie confinée à Downton, comment George et Timmy étaient devenus très proches, et ce qu'ils avaient fait ces deux derniers mois. Cora et Mary se firent un plaisir de lui raconter les moindres détails de la vie des deux enfants.

- Oh, et Timmy, dit Mary, tu te souviens de la surprise pour maman ?

- Oui Tante Mary ! J'ai appris quelque chose de nouveau, et je veux te montrer maman !

- On montrera à maman après le déjeuner, d'accord ?

- Oh, waouh, j'ai hâte de voir ça, dit Anna, souriant à son fils. Je me demande bien ce que ça peut être !

- Tu verras tout à l'heure maman !

- Oh, et Anna, tu as pu réfléchir à ce qu'on a discuté la dernière fois ? Matthew et moi avons décidé de rentrer chez nous le week-end prochain.

- D'accord. Bon, la bonne nouvelle, c'est que comme les cas diminuent, mon unité Covid va fermer à la fin de la semaine, donc je retourne faire de la réa classique.

- Oh, c'est super, dit Cora.

- Oui, je suis vraiment contente, ça me manque beaucoup de voir autre chose… Et j'ai parlé à Esther, elle est d'accord pour revenir. Donc, j'ai pensé, si tu es d'accord Mary, la semaine prochaine, Timmy pourrait alterner entre chez toi et Esther, et la semaine suivante il pourra retourner chez les Carson, jusqu'à ce que les écoles rouvrent. Je préfère attendre une semaine après la fin de mes gardes Covid, pour être à peu près sûre de ne pas l'avoir attrapé.

- Ça me semble parfait, dit Mary. Vraiment, il ne nous ennuie pas, il est très mignon.

- Je suis ravie de l'entendre. Je suis de nuit vendredi soir, après ça mon week-end est libre, donc je peux récupérer Timmy samedi. Comme ça Matthew et toi pourrez passer un week-end tranquille chez vous. Oh, je sais, je pourrais prendre George aussi pour le week-end, comme ça vous pourrez avoir un peu de temps tranquille sans enfant ? Comme remerciement de ma part ?

- Oh, pourquoi pas… Je dois dire qu'un peu de calme ne serait pas de refus…, sourit Mary. Qu'en dis-tu George ? Tu veux aller dormir chez Anna avec Timmy samedi soir ?

- Ouais !, cria le blondinet.

- Eh bien c'est arrangé ! Je te les amènerai tous les deux samedi. Deux heures, ça te va ?

- Parfait. Oh, ça sera tellement bien d'avoir de nouveau de la vie dans mon appartement !

Après avoir déjeuné avec Robert, Cora, Mary, Matthew et les deux garçons, assise au bout de la table de jardin, à bonne distance des autres, Anna se tourna vers Timmy et lui demanda :

- Alors, Timmy, qu'est-ce que tu voulais me montrer ?

- Oh, oui, c'est vrai, j'avais oublié, dit Mary. Timmy, tu viens avec moi te préparer ?

- Oui ! Maman, tu attends ici.

Le garçon sauta de sa chaise et suivit Mary, disparaissant au coin de la maison, vers le garage des Crawley. Anna regarda curieusement les autres, qui firent des mines innocentes. Elle n'eut pas à attendre bien longtemps toutefois, car Timmy revint, fièrement perché sur le vélo de George, pédalant sans aide. Il envoya à sa mère un sourire radieux depuis dessous le gros casque de vélo, et Anna sentit son cœur fondre et ses yeux se mouiller d'un seul coup. Timmy fit trois fois le tour du jardin, avant de s'arrêter en douceur devant sa mère.

- Oh Timmy ! Bravo mon chéri, je suis tellement fière de toi !

- T'as vu maman ? Maintenant je peux avoir mon propre vélo quand on va se promener le long de la rivière ?

- Eh oui, tu es un grand garçon maintenant ! Oh mon dieu, qu'avez-vous fait de mon bébé, ajouta-t-elle, en regardant Mary et Matthew, à mi-chemin entre rires et pleurs.

- Ah, oui, désolé, rit Matthew, mais quand il a vu George, il a absolument tenu à essayer aussi, et il y est arrivé super vite ! C'est bien le fils de sa mère, il doit y avoir un truc dans vos gènes ! On a failli t'envoyer une vidéo, et puis on s'est dit que ça serait encore mieux que tu le voies toi-même.

Anna se pencha pour prendre Timmy dans ses bras :

- Oh je suis si fière, mon grand garçon qui fait du vélo !

x x x x

L'après-midi tirait à sa fin, et Anna se préparait à regret à rentrer chez elle, une fois encore sans Timmy. Il y eut un petit drame quand le garçon comprit que sa mère allait repartir sans lui.

- Mais je veux rentrer avec toi maman, pleura l'enfant. Je peux rouler avec toi !

Anna résista de son mieux à l'envie de pleurer avec lui. Elle s'accroupit face à lui, et le prit dans ses bras.

- Je sais mon cœur, et moi aussi je voudrais. Mais le chemin est trop long pour un garçon de quatre ans… Et maman doit aller au travail demain, et il n'y aura personne à la maison pour s'occuper de toi. Esther n'est pas encore revenue. Mais très bientôt, tu reviendras à la maison. Tu vois, aujourd'hui on est mardi, et toi tu rentres samedi. C'est dans quatre jours. Encore quatre dodos avec Mary et Matthew, et ensuite tu rentres à la maison. Et on passera un chouette week-end avec George, juste nous trois. D'accord ? On mangera des pizzas, et des glaces !

Le garçon renifla, et regarda Anna :

- Tu promets ?

- Oui, je promets. Mais s'il te plaît, ne pleure pas. Ça sera bientôt fini.

Anna serra Timmy contre son cœur quelques instants, jusqu'à ce que les pleurs s'arrêtent. Quand elle se releva enfin, elle laissa échapper un soupir, en se tournant vers Mary.

- Tu sais, ces dernières semaines, j'ai souvent pensé à ces parents qui ont envoyé leurs enfants à la campagne pendant le Blitz. Je peux te dire maintenant, j'ai de la peine pour eux. Et en plus il n'y avait ni téléphones, ni textos, ni visio…

Mary rit doucement.

- Oui, je vois ce que tu veux dire. Bon, eh bien, à samedi.

- Ouep. Merci Mary, vraiment.

Mary secoua sa main en dénégation.

- Tu sais que tu aurais fait pareil pour moi, si la situation était inversée.

- Bien sûr que je le ferais. Allez, à bientôt.

Anna regarda vers la terrasse où Cora lisait. Matthew et Robert étaient déjà retournés travailler.

- Au revoir Cora !

- Au revoir Anna ! Prend soin de toi !

Après un dernier câlin à Timmy, Anna monta son vélo et s'en alla. Quand elle fut hors de vue, elle laissa finalement ses larmes couler librement, et elle dut rapidement s'arrêter sur le bord de la route de campagne, pour s'essuyer les yeux. Ça ne serait pas malin de rouler avec la vision toute floue.

x x x x

Quand elle arriva chez elle, Anna se sentait encore assez déprimée d'avoir dû laisser son fils là-bas. Mais elle se secoua, et tenta de se concentrer sur le bon côté, à savoir qu'il serait de retour pour de bon dans quatre petits jours. Elle pouvait tenir encore quatre jours, puisqu'elle avait déjà supporté près de deux mois… Elle s'effondra sur son canapé, et sortit son téléphone. Elle vit qu'elle avait une notification Whatsapp. John avait répondu à son envoi de l'enregistrement du morceau de piano. Elle avait complètement oublié tout ça, avec la journée qu'elle avait passée.

« Salut Anna, sympa de trouver ce magnifique morceau sur mon Whatsapp à mon réveil. C'est la première fois que je t'entend chanter, et je dois dire que tu as une très belle voix ! Superbe interprétation de la Skye Boat Song ! »

Elle sourit à son compliment. Bien qu'elle ait pratiqué le piano pendant des années dans son enfance, elle n'avait jamais pris de cours de chant. Elle chantait juste, mais il était évident dans l'enregistrement qu'elle n'était pas une chanteuse entraînée. Elle se dit que John n'était pas très objectif dans son appréciation. Malgré tout, c'était agréable de recevoir des commentaires bienveillants. Elle avait été habituée à ne recevoir que des critiques.

« Merci ! Désolée de répondre si tard, mais j'ai passé toute la journée à Downton avec les Crawley et Timmy »

Elle commença à inspecter son frigo à la recherche d'une idée pour le dîner, quand John répondit.

« Oh, chouette. Tu as dû être si contente de revoir ton petit bonhomme ! »

« Tellement ! Et ça a été si dur de le laisser là-bas ce soir. Mais la bonne nouvelle, c'est que je le récupère samedi ! J'ai tellement hâte !

« Super ! Tu dois être soulagée !

« Oh oui vraiment… Ces deux mois m'ont paru une éternité »

« Je pense que n'importe qui sera d'accord avec toi là-dessus. Même moi, qui ne suis pas franchement quelqu'un de sociable, je meurs d'envie de pouvoir sortir de chez moi et voir de vrais gens »

« Eh, en parlant de ça, on pourrait peut-être se voir ce week-end ? J'aurai George et Timmy tout le week-end, on va probablement sortir se balader au parc si le temps est beau, si tu veux nous retrouver là-bas... »

A l'autre bout du fil, John eut soudain très chaud. Est-ce que cette charmante, jolie et intelligente jeune femme était en train de l'inviter à sortir avec elle ? Il chassa ces idées illico. Une balade dans le parc avec deux jeunes enfants pouvait difficilement passer pour un rendez-vous amoureux. Mais quel que soit le contexte, une chance de la voir et de lui parler face à face semblait trop belle pour ne pas en profiter…

« Ça serait super. Dis-moi dimanche quand et où tu veux qu'on se retrouve »

« OK, cool. On se termine la deuxième saison d'Outlander ce soir ?

« D'accord »

« J'ai tellement peur de ce qui va se passer… Tu crois que la rébellion a une chance ? »

« L'Histoire ne semble pas franchement de leur côté... »