CHAPITRE 17

Septembre 2020

Anna relut le message plusieurs fois, jusqu'à ce qu'elle réalise finalement. Puis elle composa le numéro de Mary :

- Oui, Mary, salut.

- Salut Anna, dit Mary d'un voix fatiguée.

- Alors, comment va ta mère ?

- Elle a des symptômes grippaux assez forts depuis hier. Forte migraine, courbatures, forte fièvre. Elle vomit beaucoup aussi. Elle n'a pas l'air d'avoir de difficultés à respirer, pour le moment en tout cas, mais elle n'est vraiment pas bien.

- Et ton père ?

- Rien. Il se fait tester demain.

- D'accord. Quand est-ce que tu les as vus pour la dernière fois, tous les deux ?

- Maman, il y a trois jours, deux jours avant qu'elle tombe malade. Papa, avant-hier. On devait se voir hier aussi, mais comme maman était malade, il n'est pas venu.

- Et tu portais un masque quand tu les as vus ?

- La plupart du temps. Sauf quand on a bu le thé avec papa, mais on était assis assez loin l'un de l'autre.

Anna fronça les sourcils.

- Bon, espérons que ce sera suffisant. Comment va Sybil ?

- Physiquement, ça va. Mais elle s'en veut tellement, elle pense que tout est de sa faute.

- La pauvre. Je vais l'appeler . Et toi… bon. On ne peut pas changer le passé, donc espérons juste que tu ne l'as pas attrapé.

- Ouais.

- Et essaie de t'isoler au maximum de Matthew et George, en attendant de savoir.

- D'accord. Je te tiens au courant.

- Merci. Bonne chance. Salut Mary.

Anna raccrocha et se frotta les yeux nerveusement. Elle était inquiète pour Mary, qui, étant en fin de grossesse, était relativement à risque. Et pour Cora, qui était en bonne santé, mais âgée de plus de cinquante ans, et donc fragile aussi. L'idée de devoir suivre les développements à distance sans pouvoir rien y faire la remplissait d'un sentiment d'impuissance très pénible. Puis elle pensa à John. Elle lui envoya aussitôt un texto :

« Hé, John, tu sais que Cora est malade ? »

Il répondit rapidement :

« Oui, je sais, et Robert m'a dit qu'il se faisait tester demain. Ne t'inquiète par pour moi par contre, je n'ai pas vu Cora de toute la semaine dernière, et à chaque fois que j'ai vu Robert, on était masqués tous les deux. »

Anna sourit, voyant que John avait anticipé ses questions, et y avait répondu avant qu'elle n'ait eu besoin de les poser.

« D'accord. Soit prudent quand même. Fais-toi tester si tu as les moindres symptômes, même légers »

« C'est promis »

« Est-ce que ça signifie qu'on ne peut pas se voir pour le moment ? », ajouta-til.

« J'en ai bien peur »

Sa réponse fut un émoji qui pleurait.

Ensuite, Anna appela Sybil :

- Salut Sybil, comment tu te sens, copine ?

La première réponse de Sybil fut un long soupir.

- Furieuse contre moi-même, voilà comment je me sens ! Je n'arrive pas à croire que j'ai été assez stupide pour laisser ce truc contaminer toute ma famille ! Pffff ! Je me ficherais des baffes je te jure !

- Attends, Sybil, ne sois pas si dure avec toi-même, ma chérie. Personne n'est parfait.

- Si je n'avais pas demandé à maman de venir garder les enfants le week-end dernier, rien de tout ça ne serait arrivé !

- Mais tu ne pouvais pas faire autrement, puisque vous deviez tous les deux travailler… Ce n'est pas comme si tu l'avais fait par plaisir ! Ça fait six mois maintenant, on ne pas espérer rester enfermé dans une bulle aussi longtemps !

- Tu as raison, c'est juste…

La voix de Sybil craqua à l'autre bout de la ligne, et Anna compris qu'elle pleurait.

- J'ai tellement peur pour maman… et pour Mary. Tu te rappelles cette femme enceinte qu'on a toutes les deux prise en charge en avril dernier…

Anna sentit qu'elle allait bientôt se mettre à pleurer aussi, car elle se souvenait parfaitement bien de la patiente à laquelle Sybil faisait allusion. Les choses s'étaient mal terminées. Elle repoussa l'idée et tenta de paraître rassurante pour son amie :

- Allez, Sybs, ça va aller. C'était un cas extrême, tu le sais aussi bien que moi. Mary va bien, et elle ne va probablement même pas l'attraper.

- Oh Anna, s'il leur arrive quelque chose, à elle ou à maman, ou même à papa, je ne me le pardonnerai jamais.

- Chut maintenant. Tu fais de ton mieux. Arrête de te flageller ! Combien de temps tu dois encore rester isolée ?

- Quatre jours. Je suis contente de pouvoir travailler au moins, ça m'aide un peu à penser à autre chose. Je deviendrais folle si je devais moisir dans cette chambre 24h/24 et 7j/7.

- Je peux comprendre ça, répondit Anna avec un petit rire.

- Merci d'avoir appelé, en tout cas.

- De rien. Je prendrai de tes nouvelles plus tard. Salut Sybs.

x x x x

Ne pouvant voir ni Mary, ni John, Anna trouva le temps très long au cours de la semaine suivante. Elle envoyait des SMS plusieurs fois par jour pour avoir des nouvelles de chaque protagoniste. Sybil termina son isolement en n'ayant eu rien de pire qu'un léger rhume. Tom, de façon improbable, ne l'attrapa pas. Une semaine après son résultat positif, Cora souffrait toujours d'une forte fièvre, de maux de tête intenses, et de douleurs thoraciques, mais pas de symptômes respiratoires. Son médecin traitant l'avait examinée plusieurs fois, et pensait qu'il n'y avait malheureusement rien de plus à faire que d'attendre que cela passe tout seul. Robert avait été testé positif également, mais restait asymptomatique. Selon Mary, son problème principal était d'être fou d'inquiétude pour son épouse. Quatre jours après lui avoir parlé pour la dernière fois, Anna était en train de préparer le dîner pour Timmy et elle-même, quand elle reçut un texto de son amie. Elle s'essuya les mains sur un torchon, avant d'aller vérifier son téléphone.

« Anna. Je ne sens plus aucune odeur. C'est très bizarre. »

Anna ferma brièvement les yeux, et de frustration, envoya un coup de pied dans le mur.

- Merde !, s'exclama-t-elle.

En soupirant, elle répondit :

« Tu t'es fait tester ? Tu as d'autres symptômes ? »

Timmy arriva depuis le salon, en demandant :

- Qu'est-ce qu'il y a maman ? Pourquoi tu cries ?

Anna lui caressa les cheveux nerveusement.

- C'est rien mon chéri.

- Maman, on peut inviter George ?

- Euh, non, pas maintenant mon cœur, parce que la maman de George est malade. Il a peut-être le virus.

- Oh. Est-ce qu'il va mourir ?, demanda-t-il avec candeur.

- Mon dieu, non ! Ne t'inquiète pas Timmy, George va très bien. Il ne va rien lui arriver du tout.

- D'accord.

Alors qu'elle tentait de rassurer son fils sur son copain, sa poitrine se serra pour sa propre amie. Elle tenta de se concentrer sur le fait de ne pas faire brûler le dîner, quand la réponse de Mary arriva :

« Je vais y aller demain. Pas d'autre symptôme pour le moment, sauf peut-être un très léger mal de tête. »

« OK, tiens-moi au courant, stp. Matthew et George vont bien ? »

« Oui, rien à signaler pour le moment »

« OK, tant mieux »

x x x x

Anna était au travail deux jours plus tard quand Mary lui transmit son résultat positif. Alors c'était officiel, plus moyen de nier l'évidence. Son amie, enceinte de sept mois et demie, avait le Covid. Anna se cacha quelques minutes dans le bureau médical, le temps de contrôler ses larmes d'anxiété. Elle tenta de se raisonner. Bien sûr, la grossesse était un facteur de risque, mais ça ne signifiait pas que les choses allaient forcément mal tourner pour Mary. Plein de femmes enceintes s'en sortaient tout à fait bien. Elle inspira et expira lentement pour calmer son cœur qui s'était emballé, et retourna travailler.

Quatre jours sans histoire suivirent. Mary n'allait pas plus mal, mais Cora avait encore du mal à s'en sortir. La fièvre se calmait un peu, mais la fatigue, les maux de tête, et les douleurs thoraciques étaient toujours bien présentes. Robert semblait devoir passer au travers sans manifester aucun symptôme. Dix jours avaient passé depuis le test positif de Robert, et John ne montrait toujours aucun signe de maladie. En accord avec Anna, ils décidèrent donc qu'ils pouvaient de nouveau se voir. Malheureusement, depuis le mois précédent, il était de nouveau interdit de se réunir en intérieur, donc ils ne pouvaient se voir de façon intime, à moins de braver la loi, ou de faire cela en extérieur… Aucune des deux solutions ne semblait les attirer outre-mesure, donc ils avaient dû se résoudre à être de nouveau amis « non-amants », depuis quelques semaines, ce qui était assez frustrant pour tous les deux. Ce jour-là, ils avaient prévu de se retrouver pour prendre un déjeuner à emporter au parc. Après avoir récupéré leur commande auprès du restaurant indien favori d'Anna, ils allèrent s'installer sur un banc. Alors qu'ils ouvraient les cartons de nourriture, John dit :

- Cora passe un sale moment, apparemment ? Robert a passé la semaine dernière à se ronger les sangs. C'est normal que ça dure aussi longtemps ? Ça fait plus de dix jours maintenait, et elle commence à peine à aller un peu mieux…

- Ça peut être tellement différent d'une personne à une autre, ça rend fou. Et aucun moyen de prédire pour qui ça va dégénérer ou pas. C'est vraiment la loterie. Pour certains ça dure près de deux semaines, et encore, certains gardent même des symptômes pendant plusieurs semaines, voire mois… On commence à voir des gens qui ont des douleurs dans la poitrine, ou un essoufflement, ou même de la fatigue pendant des mois après avoir été infectés.

- Eh bien. J'espère qu'elle ira vite mieux.

- Oui, espérons.

- Et… Mary ?

- Bon, ça a l'air d'aller, à ce jour, en tout cas. J'espère vraiment que rien de pire ne va se passer.

John tourna rapidement la tête vers elle quand il sentit le tremblement dans sa voix. Il lui demanda doucement :

- Tu es inquiète pour elle ? C'est plus grave pour les femmes enceintes ?

- Ça peut. C'est un facteur de risque.

Des larmes brillaient sur ses cils. John lui serra l'épaule.

- Allez, je suis sûre qu'elle va bien s'en sortir.

- Et depuis quand tu lis l'avenir ?, demanda-t-elle un peu sèchement.

- Désolé, c'était un vœu pieux, admit-il. Tu sais, d'habitude je te proposerais de t'emmener dans la chambre et de faire de mon mieux pour t'aider à oublier tout ça pour un moment, ajouta-t-il en haussant les sourcils de manière suggestive.

Elle pouffa.

- Et je te suivrais probablement et on passerait un très bon moment. Malheureusement c'est interdit… A moins que tu ne veuilles faire ça derrière un buisson dans le parc ?

- Hum, non, cet endroit est un peu trop peuplé à mon goût. J'aimerais mieux ne pas terminer ma journée au commissariat.

Anna rit.

- Mais, continua-t-il, je connais des endroits plus… isolés, si besoin était.

- M. Bates, est-ce que tu suggères, ce que je pense que tu suggères ?

- Juste pour dire, ma voiture est juste là-bas, et je connais les bois de Downton comme ma poche.

Anna reposa sa boîte d'indien, et fixa John droit dans les yeux. Leurs regards restèrent accrochés l'un à l'autre pendant quelques secondes, puis Anna rompit l'échange et murmura :

- OK, allons-y.

Ils ramassèrent leurs affaires rapidement et rejoignirent la voiture de John en toute hâte. Ils roulèrent en silence pendant environ un quart d'heure, jusqu'à ce que John gare sa voiture sur le bord d'un chemin de terre qui s'enfonçait dans la forêt qui entourait le domaine de Downton.

- On y est, Mlle Smith, dit-il. Sauf si vous avez changé d'avis ?

- Je n'ai pas changé d'avis, répondit-elle, bien qu'un peu rougie.

- Très bien.

Ils sortirent de la voiture, et John récupéra une grande couverture dans le coffre. Il lui tendit la main, et dit :

- Si vous voulez bien me suivre…

Elle sourit et prit la main offerte, et ils s'enfoncèrent plus avant dans les bois. Après quelques minutes de marche, John la guida au pied d'une petite butée de terre, et s'arrêta:

- Je pense qu'on sera bien ici.

Anna regarda autour d'elle avec méfiance :

- Tu es sûre que personne ne peut nous trouver ?

- Assez certain, sourit-il. Ou est-ce que tu te dégonfles ?

- Non, non…

John étala la couverture au sol, et la désigna d'un mouvement de main :

- Si madame veut bien me faire l'honneur…

Ils s'assirent tous deux sur la couverture. Anna affichait une mine plutôt timide, et John lui demanda :

- Ça va ? Tu ne veux pas le faire ? Il n'y a aucun problème si tu ne veux pas.

- Non, j'en ai envie, c'est juste… Je crois que je n'ai jamais fait ça en extérieur, je me sens… exposée, conclut-elle, avec un petit rire embarrassé. Je suis contente d'avoir choisi de porter une jupe et une chemise aujourd'hui, et pas un pantalon. Comme ça au moins je n'ai pas besoin de tout retirer.

- Malin, approuva John, en laissant son doigt se promener le long de l'encolure de sa chemise, en descendant dans son décolleté, jusqu'à rencontrer le premier bouton, qu'il défit. J'aime les chemises et les jupes, dit-il avec un regard coquin.

Ce furent les derniers mots prononcés pendant un certain temps, alors qu'ils se concentraient complètement sur une activité différente du bavardage. Après l'avoir aidée à se défaire quelque peu de ses vêtements, John la poussa doucement en position allongée, et elle oublia très vite leur situation extérieure, ainsi que ses peurs.

Quelque temps plus tard, alors qu'ils étaient allongés côté à côte, admirant des morceaux de ciel bleu à travers les branches des arbres, Anna soupira de contentement :

- Tu avais raison, les endorphines sont très efficaces pour combattre l'anxiété… Je n'ai pas pensé à Mary pendant tout ce temps.

- Mais j'espère bien, dit-il. Ça m'inquiéterai un peu si tu pensais à ton amie pendant qu'on fait ça !

Ils rirent tous les deux.

- Merci John, dit-elle. Tu es mon meilleur anxiolytique. Meilleur que les cachets.

- Je suis flatté, dit-il, en s'inclinant vers elle.

Anna regarda rapidement sa montre, et dit :

- On devrait rentrer quand même, je dois récupérer Timmy à l'école dans une heure.

x x x x

Une heure plus tard, Anna avait dit au revoir à John et attendait devant la porte de l'école pour récupérer Timmy et le raccompagner à la maison. Ils venaient d'entrer dans leur appartement, et Anna préparait le goûter de son fils, quand son téléphone sonna. Elle fut surprise et plus qu'un peu inquiète de voir s'afficher le numéro de Matthew. Ils se parlaient rarement directement au téléphone.

- Oui, Matthew, allô ?

- Anna, Mary ne va pas bien, je ne sais pas si je dois l'emmener à l'hôpital ou pas, je me demandais si tu pourrais passer ?

- Euh, oui qu'est-ce qui se passe ?

- Elle a beaucoup de fièvre depuis hier soir, et là elle est de plus en plus essoufflée.

Le sang d'Anna se glaça, et elle se força à conserver son calme.

- D'accord, laisse-moi attraper mon sac médical et déposer Timmy chez les Carson et j'arrive.

Elle raccrocha rapidement et appela Timmy :

- Timmy s'il te plaît, remet tes chaussures, je t'emmène chez Tante Elsie et Oncle Charles.

- Pourquoi maman ?, demanda le garçon.

- Il faut que j'aille voir Mary, elle est malade.

Environ une demi-heure plus tard, Anna garait son vélo en hâte devant la maison des Crawley. Avant de sonner à la porte, elle prit un masque FFP2 de son sac et l'ajusta sur son visage. Bientôt Matthew lui ouvrit la porte. Il portait un masque chirurgical et ses cheveux blonds étaient en désordre. Ses yeux étaient rouges d'inquiétude.

- Anna, Dieu merci, entre vite.

Alors qu'il la menait au salon, elle aperçut Mary, assise sur une chaise, légèrement penchée en avant, ses coudes posés sur la table. Sa respiration était rapide et superficielle et elle semblait épuisée. Anna laissa tomber son sac par terre et lorsque ses yeux rencontrèrent ceux de Mary, elle sut que les choses allaient mal.

- Mary, ça va aller, je suis là. Tu peux me parler ? Depuis quand tu es mal comme ça ?

Son amie tenta de lui répondre entre ses respirations difficiles, et on aurait pu croire qu'elle venait de terminer un marathon.

- Ça allait… pas trop mal… jusqu'à… hier soir… C'est de pire… en pire…

- Ça s'aggrave petit à petit depuis ce matin, ajouta Matthew.

Anna chercha dans son sac son oxymètre, et l'installa au doigt de Mary.

- Est-ce que… le bébé…, commença Mary.

- Chut, Mary, ne parle pas. Garde tes forces.

Anna regarda l'oxymètre, qui affichait 85 %.

- OK, tu as besoin d'oxygène Mary. Matthew, appelle le 999 et demande une ambulance. Et ouvre les fenêtres s'il te plaît.

Alors que Matthew composait le numéro, elle se retourna vers Mary :

- Le bébé va aller très bien, Mary, mais on doit t'emmener à l'hôpital, tu as besoin de plus d'oxygène.

Quelques minutes plus tard, Matthew revint vers Anna, l'air très inquiet. Il lui montra le téléphone :

- Ils disent qu'il n'y a pas d'ambulance disponible avant au moins une heure…

- Elle ne peut pas attendre aussi longtemps ! Passe-moi ce téléphone.

Elle saisit le téléphone et annonça avec autorité :

- Bonjour, Dr Smith, je suis réanimatrice au Royal. J'ai une femme de 33 ans, 34 semaines de grossesse, Covid positive, en détresse respiratoire aiguë, il me faut une ambulance immédiatement !

- J'entends bien docteur, répondit l'opérateur, mais je suis vraiment navré, toutes nos ambulances sont sorties à l'heure actuelle. Je mets votre patiente tout en haut de la liste d'attente.

- Bon, elle ne peut pas attendre une heure, on va l'emmener directement !

Elle raccrocha et lança le téléphone à Matthew.

- Sors ta voiture, on va l'emmener, on ne peut pas se permettre de perdre une heure à attendre une ambulance.

- OK.

Quand Matthew eut garé la voiture devant la porte de la maison, Anna et lui aidèrent Mary à s'y installer. Anna s'assit à l'arrière à côté de son amie pendant que Matthew prenait le volant.

- Fais attention Matthew, prévint Anna. On n'a pas besoin d'avoir un accident de voiture en plus du reste.

Elle se tourna vers Mary et lui prit la main, murmurant des mots rassurants à son oreille pendant que son amie luttait pour respirer. Dix minutes plus tard, ils étaient garés devant l'entrée des urgences. Matthew courut récupérer un fauteuil roulant, et ils poussèrent rapidement Mary à l'intérieur du bâtiment. L'infirmière de tri leva la tête en les entendant arriver. Anna la connaissait du temps où elle avait travaillé aux urgences en tant qu'étudiante.

- Salut Sandra, dit-elle précipitamment, voilà mon amie Mary Crawley, elle est enceinte de 34 semaines, et Covid positive. SDRA depuis ce matin, et saturation à 85 %.

- OK, dit Sandra. Je l'emmène à l'unité Covid aiguë tout de suite.

- Occupez-vous bien d'elle !

- Bien sûr, c'est promis, répondit l'infirmière alors qu'elle s'éloignait pour emmener Mary à l'intérieur.

Matthew commença à la suivre, mais l'infirmière l'arrêta d'un air désolé.

- Je suis navré, monsieur, pas de visiteurs autorisés. Si vous voulez bien laisser vos coordonnées à l'accueil, nous vous appellerons dès qu'il y aura du nouveau.

- Mais…, essaya Matthew.

Anna posa une main sur son bras :

- Matthew, tu ne peux pas aller avec elle.

- Laissez-moi lui dire au revoir au moins, dit-il en courant après l'infirmière.

Elle s'arrêta brièvement pour le laisser parler à Mary. Il prit sa main dans la sienne et lui parla doucement :

- Mary ma chérie, je t'aime. Ça va aller. Tu vas vite aller mieux.

Alors que l'infirmière emmenait Mary, Anna et Matthew se retrouvèrent seuls dans l'entrée des urgences. Matthew chercha le regard d'Anna, et lui demanda, l'angoisse audible dans sa voix :

- Ça va aller, Anna ? Dis-moi que ça va aller.

- Je…, hésita-t-elle. Je ne sais pas Matthew. Je suis désolée…

Matthew cacha son visage dans ses mains, avec un léger gémissement. Anna murmura de nouveau, en posant une main sur son bras en sympathie :

- Je suis désolée…

Leurs masques étaient trempés de larmes lorsqu'ils ressortirent du bâtiment.