CHAPITRE 21
Novembre 2020
Le 5 novembre débuta le deuxième confinement en Grande-Bretagne. Anna avait commencé à rencontrer Isobel Crawley une fois par semaine, comme Mary le lui avait conseillé, et elle se sentait bien avec cette femme d'un certain âge. Elle était aimable, ne jugeait pas, et avait cette capacité à mettre les gens à l'aise. Avec son aide, Anna commençait à comprendre ce qui n'allait pas chez elle, et pourquoi elle réagissait comme elle le faisait. Cela serait probablement un long chemin pour arriver à évoquer tous ses problèmes, mais elle avait bon espoir d'y arriver. Le confinement ne changea pas grand-chose à la vie d'Anna, puisque l'école de Timmy restait ouverte jusqu'à nouvel ordre. Il restait cependant le problème du risque de contamination des Carson. Mary, qui allait de mieux en mieux, et avait à disposition une nounou à domicile à plein temps, avait proposé à Anna de prendre Timmy de nouveau quand elle en aurait besoin, les nuits et les week-ends. Anna avait fini par accepter, puisqu'il lui semblait que le fait qu'elle rapporte le virus chez les Crawley était moins important que de le rapporter aux Carson. Les Carson furent très déçus de devoir à nouveau éviter leur fille et petit-fils adoptifs, mais ils comprenaient la logique d'Anna. Anna n'avait pas tenté de contacter John depuis le jour de leur rupture, et lui non plus ne l'avait pas contactée. Bien sûr, il lui manquait toujours tous les jours, et la réciproque était bien entendu vraie également. La guerre qui se jouait à l'intérieur d'Anna était toujours indécise, mais après quelques séances de thérapie, la balance commençait doucement à pencher dans l'autre sens, et elle se surprenait parfois à réfléchir à le rappeler.
Au travail, les choses allaient de mal en pis. De nouveaux lits de soins intensifs avaient dû être ouverts chaque semaine au cours du mois précédent. Les membres du personnel tombaient comme des mouches, malgré toutes les précautions qu'ils prenaient. Gwen avait déjà été testée positive, mais elle n'avait pas manqué le travail, car ses symptômes avaient été très légers. Daisy avait également été malade, et avait dû rester au lit une semaine pour cause de forte fièvre. Elle était maintenant guérie et de retour dans le service. Ed, le collègue médecin d'Anna, Phyllis et Anna elle-même comptaient parmi ceux qui n'avaient pas encore été touchés. Même Thomas Barrow avait été malade, et bien que ses symptômes n'aient pas été trop sévères, il n'avait toujours pas récupéré le goût et l'odorat, ce qui le rendait très grincheux. Anna avait dû admettre dans son service de réanimation un des chirurgiens de l'hôpital, et un infirmier d'âge mûr. Heureusement, les deux s'étaient rapidement améliorés, et avaient pu repartir en service conventionnel quelques jours plus tard.
Environ un mois après la rupture, Anna quitta le travail un matin avec un léger mal de tête. La garde avait été difficile et épuisante, alors elle n'y prêta pas vraiment attention. Elle se mit au lit, en réglant son alarme sur midi et demi, comme d'habitude. Et pourtant elle se réveilla avec des vertiges à trois heures, sans avoir entendu le réveil. Le mal de tête était toujours là lorsqu'elle se leva puis se dépêcha de s'habiller pour aller chercher Timmy à l'école. Elle eut du mal, cet après-midi-là, à se concentrer sur ce que disait son fils et ce qu'ils faisaient. Elle se sentait si fatiguée qu'elle décida d'aller se coucher en même temps que Timmy, vers huit heures et demie. Elle se traîna jusqu'à l'hôpital le lendemain, le trajet depuis chez elle lui paraissant deux fois plus long que d'habitude. Quand elle entra dans la salle de repos, Phyllis l'observa d'un air suspicieux :
- Anna, ça va ?
- Pas génial…, avoua-t-elle. J'ai passé une sale nuit, je suis fatiguée.
- Oui, fatiguée, et bien rouge aussi. Laisse-moi prendre ta température.
Phyllis attrapa un thermomètre sur le chariot des infirmières, et l'approcha de la tempe d'Anna. L'alarme bipa trois fois, ce qui indiquait une forte température.
- Et voilà, tu as de la fièvre. Va te faire tester, dépêche-toi.
La cadre se tourna vers Ed, qui terminait la garde de nuit :
- Ed, ça t'ennuie de rester un moment pendant qu'Anna descend au labo ?
- Pas de souci, vas-y Anna.
Anna soupira et se dirigea vers l'ascenseur. Elle avait l'habitude de prendre les escaliers, mais ce jour-là elle ne s'en sentait pas la force.
De retour en réanimation après avoir passé le test, Anna insista pour prendre sa garde, après avoir avalé un gramme de paracétamol. Elle parvint à tenir jusqu'à la moitié de son tour, quand elle vit soudain le couloir tourner autour d'elle, et Khadija dut lui saisir le bras pour l'empêcher de tomber.
- Anna ?, demanda l'étudiante d'un ton inquiet.
- Ouais, je crois que je ne me sens pas trop bien.
- Tu devrais rentrer chez toi Anna, insista Gwen. Tu n'es pas en état de travailler.
- Je crois que tu as raison.
Anna marcha jusqu'au bureau de Phyllis, les jambes en coton.
- Phyllis, je crois que tu vas devoir me trouver un remplaçant. Je ne suis pas bien.
- Ah, dit la cadre infirmière. Je me demandais combien de temps il te faudrait pour l'admettre. J'ai déjà appelé Dr Lewis, il est prêt à venir prendre la garde.
Anna pouffa, malgré son état plus que médiocre.
- Il faut croire que tu me connais mieux que moi-même, Phyllis. Merci.
Une heure plus tard, Anna avait récupéré Timmy à l'école pendant sa pause déjeuner, et informé son institutrice qu'elle le garderait à la maison jusqu'à réception de son résultat de test, et plus si le test revenait positif. Une fois à la maison, elle se prépara un thé chaud, et ils se blottirent tous les deux sous une couverture. Anna alluma la télé, et laissa Timmy regarder des cartoons. Elle envoya un message à Mary pour l'informer de la situation, et qu'elle ne lui amènerait pas Timmy si vraiment elle avait attrapé le Covid. Elle espérait qu'il n'avait encore contaminé personne, que ce soit à l'école ou chez Mary, ou Esther. Elle se souvint soudainement d'Esther, qui était censée récupérer Timmy à l'école cet après-midi-là. Elle l'informa rapidement de ne pas venir. Puis elle se laissa aller à somnoler sur le canapé, à côté de Timmy, en portant un masque. Plus tard dans l'après-midi, elle fut réveillée en sursaut par la sonnerie de son téléphone, annonçant un SMS. La télévision était toujours allumée, mais Timmy s'était mis à jouer avec ses Lego. Elle attrapa son téléphone et vit que c'était le laboratoire qui lui envoyait son résultat.
« Détection du Sars-Cov2 par PCR : positif »
- Et merde, bougonna Anna dans sa barbe.
Sa tête bourdonnait toujours et elle commençait à avoir des courbatures. Elle transmit les résultats à Mary, et aux Carson. Elsie la rappela dans les minutes qui suivirent, toute compatissante, et profondément désolée de ne rien pouvoir faire pour l'aider. Elle proposa même de prendre Timmy malgré le risque, afin qu'Anna puisse se reposer, mais bien entendu, Anna refusa. Puis Mary appela également, et proposa la même chose, mais Anna préférait qu'ils s'isolent ensemble. C'était plus sûr, et elle n'aurait qu'à s'occuper de Timmy malgré sa maladie. Après tout, il était un enfant plutôt simple. Si les choses ne s'aggravaient pas trop, elle devrait y arriver. Enfin elle appela Phyllis, pour l'informer qu'elle allait devoir la remplacer pour quelques jours au moins.
En effet, Anna arriva à gérer pendant les quarante-huit heures suivantes. Les maux de tête et les courbatures restaient bien présents, mais supportables, et elle parvint à faire à manger, jouer avec Timmy, lui faire prendre sa douche etc. Mais quand elle se réveilla le matin du troisième jour, elle sut immédiatement que les choses allaient être plus compliquées. Elle brûlait de fièvre, avait l'impression que sa tête allait exploser à tout moment, et tout son corps était douloureux, comme si chaque muscle était piqué par des aiguilles vaudous. Elle avait commencé à tousser la nuit précédente, et bien qu'elle ne se sente pas essoufflée, chaque respiration prise lui brûlait les poumons comme de l'acide. À chaque fois qu'elle toussait, elle avait l'impression que sa trachée partait en lambeaux. Avant d'essayer de se lever, elle attrapa le paquet de paracétamol qui traînait sur sa table de chevet et en avala un avec une gorgée d'eau, en grimaçant de douleur. Elle espérait que cela allait atténuer un peu les symptômes, car sinon, elle redoutait la journée qui s'annonçait avec Timmy. Il avait beau être facile, il n'en restait pas moins un enfant qui avait besoin de surveillance. Il ne pouvait pas être laissé livré à lui-même toute la journée pendant que sa mère tentait de dormir.
Pendant qu'elle lui versait un bol de céréales avec du lait, et tentait d'avaler un peu de thé, Mary vint aux nouvelles par SMS. Anna lui répondit honnêtement que son état s'était aggravé, mais déclina une nouvelle fois son offre de venir récupérer l'enfant. Elle apporta le bol à Timmy, et alluma la télévision.
- Tu vas regarder un peu la télé mon chéri, et maman va retourner un moment au lit, d'accord ?
- OK, dit Timmy, qui à cet instant était tout simplement ravi d'avoir le droit de regarder la télévision beaucoup plus que d'habitude.
- Si tu as besoin de quelque chose, ou si quelque chose ne va pas, tu viens me voir dans ma chambre, OK ?
- OK, répéta le garçon.
Anna retourna dans sa chambre, s'enroula dans une couverture et se laissa retomber dans un sommeil agité.
Quand elle reprit conscience, gémissant à cause des douleurs diffuses qui traversaient tout son corps, et sur lesquelles le médicament semblait n'avoir eu que peu d'effet, elle vérifia rapidement son réveil, et paniqua quand elle comprit qu'elle avait dormi pendant trois heures. Elle s'inquiéta immédiatement de ce que Timmy avait pu faire seul pendant trois heures. Elle n'entendait plus le son de la télévision. En fait, l'appartement était complètement silencieux. Son inquiétude grandit, et elle grimaça en se forçant à s'asseoir au bord de son lit. Elle attrapa sa robe de chambre et se leva prudemment, en attendant un instant que le vertige se dissipe et lui permette d'aller plus loin. Elle sortit de sa chambre et rejoint le salon, et le trouva vide.
- Timmy ?, appela-t-elle.
Elle n'eut aucune réponse. Elle vérifia sa chambre et la salle de bain, qui étaient tout aussi vides. La panique commença à l'envahir pour de bon, et elle retourna au salon. Il n'y avait aucun message sur son téléphone. La porte de l'appartement était normalement fermée. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux, lorsque son regard s'arrêta sur une feuille de papier posée sur la table de la cuisine. Elle s'approcha et vit qu'il s'agissait d'un mot écrit à la main, qui disait :
« Ne t'inquiète pas, Timmy est avec moi, on est sortis faire des courses. J »
Anna expira lentement et attendit que son cœur ralentisse. Puis elle relut le mot. « J »…
John ? Elle ne connaissait personne d'autre qui aurait pu signer d'un J. Pourquoi diable était-il venu et comment avait-il su ? Elle frissonna et remarqua soudain qu'il faisait assez froid dans l'appartement. Elle regarda autour d'elle et vit que la fenêtre du salon était ouverte. Elle ne l'avait pas ouverte elle-même, et en conclut donc que John avait dû l'ouvrir avant de sortir. Elle alla la fermer, et mit la bouilloire à chauffer. Elle savait pourquoi il l'avait ouverte, c'était plutôt une bonne idée de faire entrer de l'air frais dans l'appartement, mais elle avait vraiment trop froid. Quand le thé fut prêt, elle s'assit à la table de la cuisine, et le but lentement, en attendant qu'ils reviennent.
Environ dix minutes plus tard, elle sursauta en entendant la clé tourner dans la serrure. John entra, portant un masque FFP2, tenant un sac de courses dans une main, et faisant entrer Timmy de l'autre. Il retira son manteau et le pendit sur les patères, puis aida Timmy à retirer le sien et ses chaussures.
- C'est bien, dit-il à voix basse. Maintenant, tu peux aller jouer pendant que je range tout ça au frigo.
- OK, dit le garçon.
Alors qu'il parcourait le couloir, Timmy aperçut sa mère assise sans la cuisine, et s'exclama :
- Maman ! Tu es réveillée !
Il courut vers elle et l'entoura de ses petits bras.
- Oui, mon cœur, mais tu ne devrais pas venir si près de moi, tu sais. J'ai le virus.
Elle se leva et attrapa rapidement un masque, et l'ajusta sur son visage avant que John n'entre dans la pièce. Elle alla également rouvrir la fenêtre. John entra dans la cuisine, et posa le sac de courses sur la table, en lui souriant.
- Comment te sens-tu Anna ?, demanda-t-il d'un voix douce, pleine d'inquiétude.
Elle se frotta les yeux, et soupira avant de répondre :
- Vraiment pas top…
- Je suis désolé d'entendre ça, dit-il, tout en rangeant les course au frigo.
Quand il ferma le frigo, et se tourna vers elle, Anna demanda :
- John. Pourquoi es-tu là ? Je veux dire, comment ?…
- Ah, oui, ça. Mary m'a appelé. Elle m'a dit que tu étais très malade et que tu avais besoin d'aide avec Timmy. Elle m'a donné son jeu de clés de ton appartement.
- Oh.
Anna ressentit un mélange d'agacement et de gratitude envers Mary à cet instant. Elle regarda John droit dans les yeux, et répéta :
- Mais, pourquoi ?
John lui rendit son regard perçant, et répondit :
- Tu sais pourquoi. Tu avais besoin d'aide. Ton amie m'a dit que tu avais besoin de quelqu'un pour t'aider à prendre soin de ton fils, et pour prendre soin de toi aussi. Alors je suis venu.
Le cœur d'Anna se serra dans sa poitrine et elle sentit ses yeux picoter. Il était venu, simplement, après la façon dont elle l'avait traité la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Elle renifla et dit d'une voix tremblante :
- Eh bien… Merci. Je te suis très reconnaissante.
Il lui répondit d'un sourire, ou du moins c'est ce qu'Anna en déduit, puisque sa bouche était cachée par le FFP2. Elle fut soudain secouée par une intense quinte de toux, au point que les larmes finirent par couler sur ses joues.
- Tu es sûre que ça va aller ?, demanda John, l'inquiétude audible dans sa voix. Tu ne crois pas que tu devrais te faire examiner par un autre médecin ? On pourrait appeler Sybil ?
- Non, non, ça va aller. Mes symptômes sont pénibles, mais pas dangereux. J'ai un oxymètre dans ma chambre, je surveille ma saturation plusieurs fois par jour.
- Oh, d'accord. Si tu es sûre. Peut-être que tu devrais retourner te coucher alors. Je vais m'occuper de Timmy.
- Mais… et ton travail ?, demanda-t-elle.
- Quelle que soit la comptabilité que j'ai à faire, je peux la faire d'ici depuis mon portable. En plus, je te rappelle que c'est ma cheffe qui m'a envoyé ici, alors elle serait mal placée pour râler que je suis en retard dans mon travail… Je resterai aussi longtemps que tu auras besoin de quelqu'un. Enfin, si tu veux bien de moi, ajouta-t-il après quelques secondes de silence.
- Je n'ai pas de chambre à t'offrir, souligna Anna.
- Je dormirai sur le canapé. Ne t'inquiète pas pour moi.
Anna sourit faiblement.
- Je ne sais pas pourquoi tu fais tout ça pour moi.
- Bien sûr que si, tu le sais. Parce que je tiens à toi. Et à Timmy aussi.
- Merci. Encore.
- Retourne te coucher, dit-il, en la poussant vers sa chambre.
Anna passa le reste de la journée et la plus grande partie de la suivant mi-endormie, mi-éveillée, à tourner encore et encore dans son lit, toujours en proie à des maux de tête intenses, des courbatures et cette toux déchirante. Cependant sa saturation resta toujours stable. Plusieurs fois par jour, elle remerciait le ciel en silence pour la présence de John auprès de Timmy, parce qu'elle avait du mal à se lever assez longtemps pour aller aux toilettes et boire un peu de thé. Elle n'avait quasiment rien mangé les deux jours précédents. Alors qu'elle s'était de nouveau rendormie, l'après-midi du deuxième jour, John proposa à Timmy :
- Est-ce que ça te dirait qu'on prépare une petite surprise pour ta maman ?
- Ouais !, répondit le garçon avec excitation. Quelle surprise ?
- De la musique, dit John mystérieusement. Mais il faut qu'on sorte au parc pour le faire.
- Pourquoi ?
- D'abord, il faut que je chante, et je ne peux pas le faire avec le masque, mais je ne peux pas enlever le masque ici. Et si on le fait ici, elle risque de l'entendre avant qu'on n'ait terminé. Donc, moi je dis, on va mettre nos manteaux et nos chaussures, on va aller récupérer la guitare dans ma voiture, et on va au parc. D'accord ?
- D'accord !
Vingt minutes plus tard, John et Timmy étaient installés sur un banc dans un coin désert du parc. John apprécia la liberté de respirer hors de ce satané masque. Il donna son téléphone à Timmy, et lui expliqua comment le filmer pendant qu'il jouait et chantait. Ils durent recommencer plusieurs fois, entre les aboiements d'un chien sur la chanson, et Timmy qui laissa tomber le téléphone pendant l'enregistrement, mais au bout d'un moment, ils obtinrent un résultat qu'il trouvèrent tous deux acceptable.
- Maintenant on l'envoie à maman ?, demanda Timmy.
- Bien sûr, répliqua John avec un sourire satisfait. Est-ce qu'on est les meilleurs, ou non ?
- On est les meilleurs !
Ils firent mine de se taper dans les mains, avant que John ne s'occupe d'envoyer la vidéo à Anna.
Dans son lit, Anna était allongée mais éveillée depuis un petit moment quand elle entendit sonner la notification sur son téléphone. Elle l'attrapa et lança la vidéo. Elle déduit du cadrage hasardeux que Timmy tenait le téléphone pendant que John chantait la chanson de U2 :
« Tough
You think you've got the stuff
You're telling me and anyone
You're hard enough
You don't have to put up a fight
You don't have to always be right
Let me take some of the punches
For you tonight
Listen to me now
I need to let you know
You don't have to go it alone
And it's you when I look in the mirror
And it's you when I don't pick up the phone
Sometimes you can't make it on your own
We fight all the time
You and I, that's alright
We're the same soul
I don't need, I don't need to hear you say
That if we weren't so alike
You'd like me a whole lot more
Listen to me now
I need to let you know
You don't have to go it alone
And it's you when I look in the mirror
And it's you when I don't pick up the phone
Sometimes you can't make it on your own
I know that we don't talk
I'm sick of it all
Can you hear me when I sing?
You're the reason I sing
You're the reason why the opera is in me
Hey now
Still got to let you know
A house doesn't make a home
Don't leave me here alone
And it's you when I look in the mirror
And it's you that makes it hard to let go
Sometimes you can't make it on your own
Sometimes you can't make it
Best you can do, is to fake it
Sometimes you can't make it on your own »
Les yeux d'Anna se remplirent de larmes au cours de la chanson, et elles finirent par couler sur ses joues quand elle rit en même temps, en entendant la voix de Timmy se joindre à celle de John sur le dernier refrain. Il n'avait pas retenu toutes les paroles, mais il chantait clairement la phrase « Sometimes you can't make it on your own ». La complicité était évidente entre John et son fils, et cela fit battre son cœur. A cet instant précis, le barrage craqua dans son cœur, et elle comprit qu'elle devait donner une chance à cet homme en particulier.
Quand les garçons furent rentrés de leur sortie au parc, Anna les remercia pour la jolie chanson, mais elle attendit que Timmy soit couché, plus tard dans la soirée, pour rejoindre John au salon. Ils s'assirent, tous deux masqués, à chaque extrémité du canapé.
- Alors, commença Anna. Tu m'as fait pleurer avec cette chanson, tu sais. C'était magnifique.
- Je le pense, tu sais, répliqua-t-il. Tu n'es pas obligée de tout faire toute seule. J'aimerais encaisser certains coups pour toi, si tu me laissais faire.
Anna sourit.
- Pour commencer, je voudrais te présenter mes excuses pour la façon dont je t'ai traité, tu sais, ce jour-là. J'étais terrifiée, et je me suis laissée envahir par cette peur. S'il te plaît, pardonne-moi ?
- Il n'y a rien à pardonner.
- Oh, si. J'ai été cruelle avec toi. Je vois une psy, tu sais. Pour essayer de comprendre et maîtriser cette peur. Elle m'aide beaucoup. Je n'ai pas tout résolu bien sûr, mais je pense que je suis sur le bon chemin.
- Je suis ravi d'apprendre ça.
- Donc… si tu veux bien me donner une deuxième chance… peut-être qu'on pourrait recommencer au début ?
Une étincelle de joie brilla dans les yeux de John à ces mots.
- J'en serais très heureux.
- Mais on devra y aller très lentement.
John vint s'asseoir un peu plus près d'Anna, et pris sa main dans la sienne. Son pouce caressa tendrement le dos de sa main. Elle pensa au côté non hygiénique de ce geste, mais la sensation était si douce qu'elle ne put pas trouver la force de retirer sa main.
- Tu ne devrais pas me toucher, tu sais, prévint-elle.
- J'irai me laver les mains, dit-il en souriant.
- Alors, continua-t-elle, tu es d'accord pour faire les choses lentement ? Environ radicalement l'inverse de ce qu'on avait fait jusqu'à présent ?
Il opina et répondit :
- Je serai patient. Je peux tout encaisser. Sauf que tu t'en ailles de nouveau.
Elle baissa les yeux, rougissant, un peu honteuse.
- Non, soupira-t-elle. Tu vas devoir me supporter maintenant. Pour de bon.
