Mehdi la suivit en accélérant le pas. Il alpagua Antoine dans son bureau pour le prévenir que Candice était entrée en scène. Ils l'observèrent s'activer autour du tableau transparent et la sollicitèrent pour qu'elle partage son idée.
« La Chine, la Malaisie, le Bangladesh… Vraiment, vous faites pas le lien ?
- C'est les principaux pays qui fabriquent les produits textiles, répondit Antoine.
- Exactement ! C'était ça, sa solution. Importer des produits étrangers. Or, cette boutique j'y suis déjà allé deux-trois fois Bon au final j'avais rien acheté parce que c'était très moche. Enfin, on s'en fout, c'est pas la question. Mais sur les étiquettes, c'était très clairement écrit que la fabrication était française.
- Donc tu penses qu'il arnaquait les clients en mentant sur l'origine du produit ?
- Bah oui ! C'est une main-d'œuvre à bas coût, donc il était gagnant sur toute la ligne.
- Ok. On lance une perquisition de la boutique et on va inspecter l'entrepôt où il stockait le matos, affirma Antoine.
- Non… J'crois pas que ce soit une bonne idée ! Admettons que la cogérante soit en réalité au courant, ça pourrait l'alerter… Vaut mieux faire ça en douce, proposa Candice.
- Qu'est-ce que tu proposes ?, demanda Mehdi.
- Je sais pas encore… Je réfléchis et je vous tiens au courant. En attendant, on libère Vanessa, elle a rien fait. Continuez d'éplucher les comptes surtout on sait jamais. »
Ils passèrent les dernières heures de l'après-midi le nez dans les comptes pendant que Candice réfléchissait à la bonne stratégie à adopter pour s'immiscer dans la boutique. Elle termina la paperasse administrative et demanda à Antoine pour passer la soirée avec lui. Le commissaire se sentait fatigué et souffrant. Mais pour ne pas l'inquiéter, et conscient qu'elle avait besoin d'être rassurée, il accepta. Ils passèrent une soirée tranquille chez Antoine autour d'un dîner et d'une série. Candice ne quittait pas les bras de son compagnon. Il lui manquait tellement ces derniers temps… Il s'excusa pour aller dans la salle de bain prendre sa douche. Il se tint au lavabo et colla son front à son miroir, Antoine Dumas était terrifié. Il sentait sa vie lui échapper et se renfermait seul dans sa douleur. Il avala des antidouleurs, se déshabilla et fila sous la douche.
Candice avait rangé la table et était partie s'allonger dans le lit d'Antoine. Elle patientait le retour de son compagnon en consultant son téléphone. Il sortit de la salle de bain simplement vêtu d'un bas de jogging et grimpa les escaliers sous l'œil observateur de Candice qui souriait. La blonde était tellement loin d'imaginer la réalité de son mal-être. Il ôta son bas et se glissa sous les couvertures. Instantanément, elle vint se blottir dans ses bras :
« Ça m'avait manqué » chuchota-t-elle en l'embrassant sur le torse.
Antoine esquissa un bref sourire qu'il perdit rapidement lorsqu'il sentit que sa compagne amplifiait ses caresses. Candice se plaça à califourchon sur lui et déposa de doux baisers sur ses lèvres. Mais le commissaire n'était pas réceptif… Il avait tellement mal qu'il n'en avait même pas envie. Trouver une stratégie d'évitement devenait impératif.
« J'ai envie d'une petite glace…, chuchota-t-elle sensuellement à son oreille.
- Justement fallait que je te dise, la stoppa-t-il dans son élan.
- Oui ?, le fixa-t-elle les yeux pétillants.
- À propos de l'enquête, je…
- Mais t'es sérieux Antoine ?, s'écria-t-elle en se relevant.
- Bah quoi ?
- Rien !, s'énerva-t-elle en se remettant, dos à lui.
- Excuse-moi, tenta-t-il en s'approchant d'elle.
- Bonne nuit !, conclut-elle en éteignant la lampe de chevet.
- Tu fais la gueule ? » lâcha-t-il hésitant.
Candice ne lui répondit pas. Antoine embrassa son épaule en s'excusant, légèrement coupable de devoir la repousser. Malgré tout, son plan avait fonctionné. Il avait tellement peur de la décevoir que calmer son ardeur et refuser ses avances avaient été ses seules solutions. Vexée et blessée, Candice ne réagit pas à ses excuses. Elle avait hésité à prendre ses affaires et partir mais la nuit étant déjà bien avancée, elle préféra rester.
Dans la pénombre de la chambre, le silence régnait. Un silence teinté de tension et de non-dits. Conscient qu'il l'avait blessé, Antoine colla son torse contre son dos et passa sa main sous le tee-shirt qu'il lui avait prêté pour la nuit. Candice le laissa faire, se contentant de cette minime marque d'affection qu'il lui proposait.
2h00. Le commissaire ne dormait toujours pas. Cela faisait 3 nuits qu'il enchaînait les nuits blanches, rongé par l'angoisse et la souffrance. Il observa sa compagne qui dormait à poings fermés. Elle avait l'air tellement apaisé… Antoine lui réajusta sa couverture et se leva. Il se dirigea vers la cuisine où il fouilla dans un placard jusqu'à ce qu'il déniche une petite boîte blanche. Il l'ouvrit et sortit deux somnifères qu'il avala d'une traite avec un verre d'eau. Il rangea tout cela dans le placard et remonta dans sa chambre. Discrètement, il se glissa sous la couette et se blottit contre sa compagne dans l'espoir d'enfin pouvoir fermer les yeux.
7h00. Candice ouvrit la porte de sa maison. Elle avait quitté le domicile d'Antoine plus tôt, profitant qu'il dormait encore. Elle arriva dans le salon et se retrouva face à sa fille en train de petit-déjeuner :
« Bonjour ma chérie !, s'exclama-t-elle en déposant un baiser sur son front.
- T'as passé une bonne soirée ?, lui demanda sa fille les yeux rieurs.
- Je t'en pose des questions moi !
- Ça va maman. J'suis plus une gamine… Candice s'assit sur la chaise en face de sa fille et s'empara d'une tartine.
- Peut-être mais ça te regarde pas !
- Ok… Donc t'as passé une mauvaise soirée.
- J'ai pas dit ça !, affirma-t-elle sur la défensive la bouche pleine.
- Non… Mais j'suis pas bête et… j'ai très bien compris que si tu avais quitté Max, c'était pour Antoine…
Candice fixa sa fille, démasquée. Elle ne prit même pas la peine de nier.
- Mais j'ai pas envie que ça se sache, ok ? chuchota-t-elle.
- Motus et bouche cousue !, jura sa fille en mimant la fermeture sur sa bouche, Et du coup… Ça fait combien de temps ?
- Emma !
- Quoiiiii ?
- Pas de questions !
- Pffff, souffla-t-elle en débarrassant son bol. »
Candice termina son petit-déjeuner et débarrassa la table à son tour. Elle partit prendre sa douche et se changer avant de rejoindre la boutique de la victime. Elle envoya un message à Antoine pour lui dire de la rejoindre et entra :
« Bonjour !
- Bonjour Madame. Vous recherchez quelque chose en priorité ?
- Euh… Pas vraiment. Je prends le temps de regarder.
- Pas de soucis. N'hésitez pas en cas de besoin !
- Merci ! »
Candice fouina dans les rayons. Pour rendre son rôle encore plus crédible, elle s'empara de plusieurs pièces dans l'idée de les essayer. Elle se dirigea vers la vendeuse :
« Je voudrais essayer ces modèles-là.
- Pas de problèmes ! Les cabines sont au fond à gauche. Vous avez trouvé tout ce que vous vouliez ?
- Oui ! Par contre, mon mari ne devrait pas tarder. Quand il arrivera vous pourriez lui indiquer les cabines ?
- Évidemment ! »
Candice la remercia et se dirigea vers les cabines. Elle scrutait silencieusement les étiquettes lorsqu'elle entendit la voix d'Antoine. Elle passe la tête derrière le rideau et le vit arriver accompagné de la vendeuse :
« Tu m'expliques ?
- Bah, comme j'ai cru comprendre que tu ne me désirais plus. Je me suis dit qu'un peu de shopping ne ferait pas de mal !, le piqua-t-elle.
- Bon je vais peut-être vous laisser…, conclut la vendeuse en s'éclipsant.
- Candice !
- Quoi ? C'est vrai non ? Antoine souffla. Rassure-toi, je ne suis pas en sous-vêtement derrière ce rideau. J'avais trop peur que tu n'oses même pas me regarder…, renchérit-elle toujours piquante.
- À quoi tu joues ?, lâcha-t-il sèchement, agacé par les remarques de sa compagne.
- Bien ! Je vais vous prendre tout ça !, s'exclama-t-elle en sortant de la cabine. »
