Candice retourna dans l'openspace et s'excusa auprès de ses collègues. Ces derniers tentaient de rentrer en contact avec les fournisseurs d'Arnaud Jouarre. Ils passèrent quelques heures au téléphone, ce qui leur permit d'affirmer que depuis 2010 le gérant était en affaire avec eux. Cependant, d'après ses relevés, tout n'était pas forcément déclaré… Il fallait maintenant prévenir le commissaire de ces avancées et lui demander l'autorisation pour convoquer la cogérante. Candice décida de s'en charger. Elle quitta la grande pièce et entra dans le bureau d'Antoine :
« J'aimerais confronter la cogérante. Est-ce qu'on peut attendre les résultats d'analyses que j'ai lancés et la convoquer ? Enfin, si bien sûr tu me suis toujours…
- Si t'es sûre de toi, ok ! »
L'ambiance était si froide entre eux. Candice acquiesça pour le remercier et tourna les talons vers la sortie. Elle attrapa la poignée de la porte puis la relâcha. Elle fit volte-face et s'approcha doucement du bureau d'Antoine :
« Je suis désolée pour hier soir et… pour tout à l'heure aussi. J'aurais pas dû te parler comme ça. »
Antoine était surpris que Candice vienne s'excuser d'elle-même. Il la connaissait si têtue et bornée. Touché, il lâcha son stylo sur le bureau et la regarde tendrement.
« C'est moi qui suis désolé. Je sais que j'suis difficile à vivre en ce moment et que c'est pas facile pour toi…, déclara-t-il en se levant. »
Antoine contourna son bureau pour s'approcher de sa partenaire. Il l'observa fixement. Elle avait les larmes aux yeux. Elle rompit la faible distance qui les séparait et se jeta dans ses bras. Elle l'enserra par la taille et plongea sa tête dans son cou.
« Désolée de m'être emportée tout à l'heure, chuchota-t-elle à son oreille.
- C'est rien… déclara-t-il en caressant son dos, les yeux fermés.
- J'aime pas quand on est fâchés, renchérit-elle doucement.
En réponse Antoine déposa un baiser sur sa joue. Candice se remit face à lui.
- Euh… Je t'aurais bien proposé qu'on passe la soirée ensemble pour me faire pardonner mais… J'ai Suzanne à la maison.
- C'est pas grave. Je comprends ! Puis une petite soirée avec ta fille ça ne pourra que te faire du bien…
- J'espère !, répondit-il en souriant.
- Tu dors toujours mal ?
- Ouais… Je sais pas, je dois être angoissé, ça doit être ça.
- Hum… Bon, je vais rejoindre l'équipe. Y a encore plein de paperasses à faire.
- Ok ! À tout à l'heure.
- À tout à l'heure, conclut-elle en l'embrassant furtivement avant de quitter la pièce. »
Apaisée par ce début de réconciliation, Candice mit de côté son histoire avec Antoine pour se replonger dans l'enquête. Nathalie ne tarda pas à arriver avec les résultats d'analyses.
« T'avais raison Candice ! J'ai retrouvé des traces d'Éthoxylates de nonylphénols en surnombre.
- Des traces de quoi ?, demanda Val.
- D'Éthoxylates de nonylphénols. C'est un produit toxique qu'on retrouve surtout dans les produits textiles.
- C'est censé être interdit en Europe ça…, affirma Candice.
- Donc, ça veut dire que Jouarre contournait les réglementations européennes ?, interrogea Mehdi.
- Exactement !, affirma Nathalie, Depuis 2003, l'Union européenne a interdit l'utilisation de ce produit. Elle impose normalement un taux maximal de 0,1%, mais… vu les résultats, il respectait pas du tout ça.
- Quand vous dites toxiques, c'est-à-dire ?
- C'est bien connu pour être un perturbateur endocrinien, notamment pour engendrer des problèmes hormonaux, voire de fertilité dans certains cas.
- Peut-être que y a certains clients qui ont développé ces problèmes ?, proposa Val.
- C'est possible… Si certaines femmes n'utilisaient que ces sous-vêtements, ça pourrait être envisageable. En attendant, on va convoquer la cogérante pour demain. Je comprends pas qu'elle soit totalement ignorante de la situation, affirma Candice.
- Bon. Je vais remplir mes conclusions et je tape le rapport pour le remettre à Antoine, déclara Nathalie en sortant de la pièce avant d'être interpellée par Candice.
- Oui Candice ?
- Je me disais… Comme ce soir je suis toute seule, je t'aurais bien payé un verre pour te remercier pour tout à l'heure.
- Vendu !
- Parfait !, affirma Candice en souriant à sa collègue. »
Candice demanda à Antoine de les rejoindre dans l'openspace pour lui expliquer les dernières avancées. Il s'excusa à nouveau auprès de Candice d'avoir été obtus sur sa théorie et précisa qu'il allait convoquer la cogérante pour le lendemain. Il les félicita et quitta la pièce pour retourner dans son bureau.
20h30. Installé à une table vue sur mer, Antoine attendait l'arrivée de Stéphanie. Celle-ci lui avait proposé de se voir plus tôt dans la journée. Il avait accepté en prenant soin de ne pas en parler à Candice pour ne pas l'alerter davantage. L'infirmière ne tarda pas à pointer le bout du nez, vêtue d'une robe plutôt sobre. L'apercevant, Antoine se leva et la salua. Ils commandèrent l'apéritif et discutèrent autour d'un verre.
« Donc t'es commissaire maintenant ?, souligna la brune particulièrement admirative.
- Et ouais ! Ça fait bientôt deux ans maintenant…
- Le terrain c'était plus trop ton truc ?
- Bah tu me connais. Quand on était jeunes, je faisais le con… Toujours dans l'action. Mais je crois qu'en murissant fallait que je change, que j'évolue.
- Je comprends… C'est vrai que moi à part infirmière, je vois pas ce que je pourrais bien faire d'autre !
- Mais d'ailleurs c'est incroyable qu'on ne se soit jamais croisés avant !
- C'est vrai… Enfin, j'aurais préféré ne pas te recroiser dans ces circonstances, annonça-t-elle compatissante.
- Ouais…
Antoine baissa la tête.
- C'est pas trop dur à gérer au quotidien ?, tenta-t-elle.
- Ça va, enfin, sauf quand je fais une crise quoi. Sinon je tiens le coup. J'ai un autre rendez-vous demain…
- Oui puis tu dois être soutenu. Entre ta fille, ta femme, tes collègues… Il ne répondit pas et baissa la tête à nouveau, Attend… Me dis pas que tu leur a rien dit ? Mais Antoine t'es complètement inconscient ou quoi ?
- Oh ! Eh ! Ça va. J'ai pas envie de les inquiéter, c'est tout. Puis j'ai pas envie que tout le commissariat me prenne en pitié. J'ai un rang à tenir moi.
- Non mais tes collègues d'accord. Mais ta famille quoi…
- Ça va… Suzanne à trois ans, elle comprendrait pas. Et puis je suis pas marié, je suis séparé.
- C'est vrai que t'étais plutôt du genre volage à l'époque… Aux soirées étudiantes ça y allait… Antoine rigola.
- J'étais jeune quoi. Puis t'étais pas mieux que moi non plus je te signale.
- C'est vrai qu'on a pu s'éclater tous les deux ! J'espère que t'es plus comme ça maintenant…
- Oh non ! Depuis que j'ai rencontré Candice je suis sage comme une image, vois-tu.
- C'est la mère de ta fille ?
- Non c'est ma compagne. Et ma collègue accessoirement…
- Aaaaaah ! Laisse-moi deviner, c'est la blonde qu'était avec toi la dernière fois ?
- C'est ça !
- Oh ça c'est bof comme idée. Mélanger perso et pro… J'ai déjà essayé et je recommencerai pas…
- Ah bah c'est pas facile tous les jours, ça c'est sûr.
- Et donc tu lui as rien dit ?
- Non… Je la connais, si je lui dis elle va s'inquiéter et j'ai pas envie…
- Mais elle est aussi là pour te soutenir tu sais ? Tu devrais lui en parler, vraiment !
- Mais peut-être que ça va s'arranger… J'vais pas l'inquiéter pour rien… Déjà que si elle savait que j'étais au restau avec toi elle me tuerait… »
Antoine ne croyait pas si bien dire… Candice qui se promenait avec Nathalie ne perdait pas une miette de la scène qu'elle observait.
