La cuisine du manoir était relativement petite pour un bâtiment de cette taille. Longtemps, Diane – après avoir longtemps trouvé ça ridicule – passait désormais sa vie assise sur les tabourets de l'îlot central, le coude sur le marbre, la bouteille et le verre à portée de main, rassurée par l'espace restreint. Pourtant, malgré la paix toute relative que pouvait lui apporter le lieu, aujourd'hui, elle n'était d'aucune utilité.

Pour la première fois depuis des mois, Diane s'était coiffée et habillée convenablement, elle avait même fait l'effort de manger quelque chose de réellement consistant pour assumer du mieux qu'elle le pourrait ce qui se préparait ; et en attendant, elle était là, à taper du pied contre le barreau de la chaise, tendue. L'angoisse lui enserrait la gorge depuis qu'elle avait ouvert cette lettre venant de Poudlard.

A la fin de la guerre, il avait non seulement fallu tout réparer, et surtout les bâtiments, notamment l'école où s'était déroulé l'acte final. Diane avait participé un temps à la reconstruction – c'était tellement plus facile d'être là parmi les gravas que de regarder Anna dépérir chaque jour un peu plus – puis était partie quand la majorité des murs avait été remise en place. Entre temps, elle avait assisté à l'arrivée du professeur McGonagal à la tête de l'école. C'était mérité : même si Diane avait fait ses classes à Serdaigle, elle avait toujours eu énormément de respect pour la directrice des Gryffondors, et c'était d'autant plus vrai après l'avoir vu se battre durant la Grande Bataille.

C'était donc la directrice qui lui avait envoyé cette lettre. Au début, Diane avait eu du mal à y croire – pourquoi la professeure McGonagal aurait-elle voulu la contacter ? – puis elle avait regardé le sceau une nouvelle fois elle pouvait assurer avec certitude qu'il provenait de Poudlard. Alors Diane avait ouvert la lettre, l'avait lu.

La directrice était à la recherche d'un professeur de Potion. Celui qui avait repris le poste depuis la reconstruction venait de partir en retraite prématurée – apparemment, il aimait un peu trop les expériences non-conventionnelles, la dernière en date lui ayant joyeusement explosé à la figure – et c'était en catastrophe que la professeur McGonagal se tournait vers elle, après avoir essuyé plusieurs refus consécutifs. Diane n'avait même pas demandé pourquoi la directrice se tournait vers elle : les Turman étaient, depuis des générations, une famille d'éminents chercheurs, que cela soit en sortilège, métamorphose ou, plus récemment, en potion. Les parents de Diane avaient imposé leur nom dans le domaine, montant leur entreprise qui, en l'espace de quelques années, était devenue florissante si Anna n'avait pas marché dans leurs pas, Diane, elle, l'avait fait. Fut un temps, beaucoup de potionnistes voyaient en elle le nouveau génie de ce siècle.

Il n'en était plus question aujourd'hui. Mais, de toute évidence, son nom était encore suffisamment connu pour qu'on cherche à l'embaucher en tant que professeure.

Un temps, Diane avait décidé de ne pas répondre les potions, c'était terminé pour elle. Puis l'idée avait tourné dans sa tête, encore et encore elle avait fini par y réfléchir : combien gagnait un professeur à Poudlard ? La jeune femme savait que le corps enseignant logeait parfois directement dans le château – combien pouvait-on économiser sur le gite et le couvert ? Petit à petit, un plan s'était élaboré dans son esprit, presque malgré elle : il était tout à fait possible d'envisager louer le manoir un temps, au moins en partie. Cumulé à son salaire… L'avantage pouvait être considérable. C'était à réfléchir.

Oui, mais il lui faudrait reprendre les potions. Diane n'avait rien produit de ses propres mains depuis plus de deux ans – la dernière tentative s'étant soldée par un échec si cuisant qu'elle avait fini à Sainte Mangouste, non loin de la chambre de sa sœur. La jeune femme ne voulait pas reprendre les potions, ne pouvait pas. Alors elle avait laissé l'affaire durer encore plusieurs jours – une autre lettre avait été déposée à son attention à l'hôpital durant ce laps de temps, témoignant cette fois ouvertement de l'agacement croissant de la directrice – puis, finalement, Diane avait répondu. S'en était alors suivi un échange de lettre plus formel, une prise de rendez-vous. Quand elle en avait parlé à Anna, les yeux de sa sœur s'étaient brusquement illuminés comme ils ne l'avait plus fait depuis longtemps, et ça lui avait fait un choc.

Cette nouvelle avait pourtant sa part d'inconvénient : la consommation d'alcool de Diane avait encore augmenté. Elle passait ses journées à boire puis à se droguer à la potion anti-ivresse le soir avant d'aller au travail. Cependant, sa surconsommation du remède entrainait des tremblements de plus en plus handicapants et une fatigue chronique : Diane était devenue incapable de tendre un verre sans en renverser la moitié sur le bar, tant à cause de ses yeux fatigués qu'à cause de ses mains affaiblies. Son patron avait fini par la menacer de licenciement si elle n'arrangeait pas ça très vite.

L'anxiété lui serrait les tripes. Diane devait rejoindre la directrice aujourd'hui au Chaudron Baveur, pour discuter plus amplement de la proposition, et elle avait peur. Appuyée au comptoir de la cuisine, elle sentait son corps trembler, son cœur battre la chamade elle avait chaud. Diane ne voulait pas affronter le regard sévère de Minerva McGonagal. Pourtant, plus elle y pensait, plus l'image d'Anna clouée dans son lit d'hôpital s'imposait à son esprit et elle sentait l'impasse se refermer sur elle. Elle se sentait obligée d'assumer malgré l'envie désespérée qu'elle avait de se cloîtrer dans son manoir et de ne plus jamais en sortir.

Pitoyable.

Dépitée, la jeune femme quitta la cuisine. Dans le hall, elle tira de sa poche une fiole contenant un liquide grisâtre, la déboucha et but le contenu cul-sec. La potion anti-ivresse avait cet avantage de n'avoir aucun goût, et presque aucune consistance son inventeur avait tout pensé pour qu'elle soit aussi facile à consommer qu'un verre d'eau. C'était efficace, Diane devait bien le reconnaître.

Une fois le liquide consommé, elle quitta le manoir et transplana.

Le vendredi après-midi, les gens étaient moins nombreux sur le Chemin de Traverse, étrangement, et Diane aurait presque pu se sentir à l'aise. Cependant, c'était plus fort qu'elle : la foule lui donnait de l'urticaire depuis plusieurs années maintenant, aussi se dépêcha-t-elle de tracer son chemin jusqu'au pub, tête baissée. La jeune femme priait pour arriver à destination sans être reconnue.

Et, pour une fois, la chance sembla être de son côté : en quelques minutes, elle se retrouva dans l'ombre chaleureuse du Chaudron Baveur. Balayant la salle du regard, Diane repéra un immense chapeau très distingué aux motifs écossais qui perçait la foule éparse des clients, quelque part dans un coin plus intimiste du pub. Son cœur s'emballa.

Elle pouvait faire demi-tour. La porte était juste derrière elle, rien ne l'obligeait à aller plus loin. Après tout, quoi ? Si elle se débrouillait bien, elle pouvait encore tirer sur la corde – oui, mais jusqu'où ? Il faudrait bien qu'elle finisse par se résigner, les économies de ses parents ne dureraient plus bien longtemps – et quoi, alors ? Reprendre les potions ? Enseigner ? Elle n'arrivait même pas à traverser une foule sans se sentir étouffer, alors donner des cours à des classes entières d'étudiants qui la fixeraient ? Mais, après tout, une potion bien choisie et elle serait calme comme tout, impossible à perturber. Il fallait qu'elle y réfléchisse : elle avait besoin d'un nouveau travail, un travail qui payait plus – oui, mais…

- Miss Turman ?

Diane fut re-propulsée sur terre et se retrouva prise dans un regard sévère mais vieilli, un peu éteint un regard qu'elle connaissait bien mais dans lequel elle n'avait jamais vu tant de fatigue et de fantômes. La jeune femme eut envie de fuir tellement cette brusque confrontation à la vieillesse la terrifia.

La professeure McGonagal se trouvait devant elle, la dépassant de plusieurs bons centimètres et Diane se sentit soudainement toute petite, comme autrefois quand, adolescente, elle devait affronter le regard de sa professeure après une erreur de sortilège en cours de Métamorphose. Un instant, cette sensation lui fit tout oublier de sa situation actuelle et lui délia la langue.

- Bonjour, Professeure.

Sa voix était si basse et si blanche que la directrice fronça les sourcils, l'air soucieux.

- Vous vous sentez bien, Miss ?

Diane eut envie de rire tellement la question lui paraissait incongrue. Personne ne la lui avait posée depuis… très longtemps. Même Anna ne s'y risquait plus tellement la réponse était obscure.

- Oui. Ça va. Désolée, j'ai… Navrée.

La professeure McGonagal hocha la tête, son regard en disant long sur le crédit qu'elle accordait à cette réponse elle ne fit aucune remarque. Elle se contenta de lui indiquer sa table et les deux femmes finirent par s'installer face à face, en silence. Diane ne savait pas où se mettre.

- Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'obtenir un rendez-vous avec vous n'est pas chose facile.

Les hostilités étaient lancées. C'était prévisible, bien sûr : le mois d'août était déjà à moitié consommé et, d'après ses lettres, la professeure McGonagal tentait de la contacter depuis mi-juillet. Autant dire que le renvoie systématique de ses lettres avait dû passablement l'énerver. Diane ne comptait pas s'en excuser : elle réservait le même sort à tous les courriers qu'on lui envoyait. Elle n'avait plus la force de recevoir des lettres provenant de journalistes qui tentaient de s'emparer de l'histoire de sa famille pour en faire un article qui leur rapporterait gros elle n'avait plus la force non plus d'ouvrir les lettres de ses anciens amis, qui, pour certains, tentaient encore désespérément d'avoir de ses nouvelles.

- J'ai fait le tri les premiers mois, expliqua Diane. Puis j'ai laissé tomber et j'ai mis en place des barrières qui empêchaient tout contact avec le Manoir.

La directrice pinça légèrement les lèvres, l'air toujours un peu irrité, mais l'explication sembla faire mouche elle soupira.

- Je vois. Enfin, maintenant que j'ai pu vous contacter, nous allons pouvoir discuter de cette proposition. Y avez-vous réfléchi, depuis notre dernier échange ? Je sais que le délai est court pour prendre une telle décision, mais ce n'est pas faute d'avoir essayé de vous prévenir plus tôt.

Diane eut un sourire ironique. Si elle y avait réfléchi ? Elle n'avait pensé qu'à ça depuis qu'elle avait ouvert cette lettre à Sainte Mangouste. Pourtant, elle en était toujours au même point : elle n'arrivait pas à se décider. Partir ? Qui s'occuperait d'Anna ? Serait-elle seulement capable de donner des cours ? Alors quoi, rester ? Perdre cette opportunité ? Rien ne lui semblait envisageable, dans n'importe quel cas de figure. Diane aurait eu besoin de temps, mais, comme venait de le lui rappeler la professeure McGonagal, elle n'en avait pas.

Elle soupira et intercepta un serveur.

- Un Pur-Feu, s'il vous plait. Vous voulez quelque chose, professeure ?

- Un thé, merci.

Sous le regard perçant de la directrice, le serveur repartit. Diane n'osa plus regarder son interlocutrice dans les yeux.

- Je ne sais pas, professeure, répondit-elle alors. C'est difficile. Si vous avez déposé votre lettre à Sainte-Mangouste, vous devez savoir, pour Anna…

- En effet. Je suis navrée pour elle.

Il y avait une réelle affliction dans la voix de la directrice. Anna avait été une élève de sa maison, après tout… Diane se retint de dire quoi que ce soit à ce sujet.

- Son traitement est expérimental, expliqua-t-elle. Chaque semaine, ils proposent un nouvel essai, mais rien ne fonctionne. Partir à Poudlard, ça voudrait dire… être loin, ne pas pouvoir me déplacer comme je le veux et… je ne sais pas, si…

C'était si compliqué. Diane sentait tous les pours et les contres se mélanger dans sa tête, sans parvenir à réfléchir correctement. D'un côté, elle ne voulait pas – ne pouvait pas – abandonner Anna. Mais elle savait qu'elle ne pouvait pas non plus continuer à la regarder dépérir un peu plus chaque jour, ça allait finir par la tuer.

- Je comprends, répondit la directrice. Mais les professeurs de Poudlard ont des appartements privés dont la cheminée peut être reliée au réseau sur leur demande. Nous pourrions mettre cela en place, cela vous permettrait de rejoindre votre sœur quand vous le désirez. D'ailleurs, vous pouvez aussi décider de rester chez vous et rentrer chaque soir. A votre guise.

La possibilité de se connecter au réseau… ça pourrait résoudre le problème, non ? Diane n'en savait trop rien : elle avait l'impression, en envisageant d'accepter, d'abandonner Anna. Puis elle se rappelait l'air ravi de sa sœur quand elle lui avait annoncé la nouvelle, et alors tout était remis en question…

D'autant plus que, même si Diane envisageait la proposition, il n'en restait pas moins qu'elle n'était plus potionniste. Mais ça, elle ne pouvait pas le dire, n'est-ce pas ? En fait, elle refusait de le dire. Le savoir, c'était une chose le reconnaître en était une autre.

- Admettons, déclara la jeune femme en balayant le tout d'un geste de la main. Mais je ne suis pas professeure. Je n'ai jamais été formée pour ça.

- Allons, Miss. Certes, je suppose que vous n'aviez jamais envisagé d'enseigner, répondit la directrice, mais nous savons toutes les deux que la carrière que vous aviez débutée avant la guerre était autrement plus compliquée.

Le serveur arriva à cet instant avec leurs boissons. Diane se saisit immédiatement de son verre et en avala deux longues gorgées pour supporter le tournant que prenait la conversation.

- Je pense que vous avez toutes les qualités nécessaires pour enseigner. Pour ce qui est des programmes, nous avons des manuels qui vous guiderons, si vous n'avez pas le temps d'en sélectionner vous-même. Et pour ce qui est des cours en eux-mêmes, nous vous aiderons, bien sûr.

Diane but une nouvelle gorgée, sans répondre, une fois encore. La directrice avançait tous les arguments possibles pour la faire céder, et, dans d'autres circonstances, Diane aurait déjà ployé face à la facilité avec laquelle on lui offrait ce job. Mais il y avait toujours cette peur, au fond, cette angoisse qui ne la quittait pas : admettons qu'elle accepte et que, une fois sur place, elle soit incapable de donner cours ? Comment enseigner quand le simple son d'un chaudron bouillonnant pouvait provoquer une crise d'angoisse ?

Un instant, le silence s'étendit, la directrice regardant Diane avec un air indéchiffrable, impénétrable. Finalement, son ancienne professeure reprit la parole.

- Sachez que j'ai envoyé un bon nombre de lettres avant d'essayer de vous contacter. Malheureusement, les réponses ont toutes été négatives. Les professionnels n'ont pas envie d'alourdir leur carrière avec un poste de professeur qui ne leur apportera rien, et les candidatures spontanées ne proviennent souvent que de sorciers au niveau… disons… moyen, très insuffisant pour couvrir sept années complètes d'études. De plus… nombreux sont ceux à ne pas vouloir remettre les pieds à Poudlard, termina-t-elle avec un soupir.

Quelle surprise, pensa Diane. Elle-même faisait encore des cauchemars récurrents sur ce qui s'était passé entre ces murs, elle ne pouvait que comprendre. Et c'était une raison de plus pour décliner, malheureusement.

- Alors j'ai décidé de tenter le tout pour le tout avec vous. Je ne peux me permettre de démarrer une année avec un professeur manquant. Vous avez quitté Poudlard voilà onze ans maintenant, vous avez travaillé pendant presque huit ans dans l'entreprise de vos parents : vous avez l'expérience requise pour ce poste.

- J'ai déjà un travail, vous savez ?

La professeure McGonagal haussa un sourcil circonspect.

- Et quel est-il ?

Diane n'osa répondre. Pour lui dire quoi ? Qu'elle travaillait de nuit, dans un bar, à servir des gens aussi torchés qu'elle, dans la musique et la fumée des cigarettes ? Fut un temps, elle avait été promise à un brillant avenir : major de sa promotion, toutes maisons confondues, on l'avait souvent qualifiée de génie, d'étoile montante de la recherche en potions. Et puis voilà, une guerre plus tard, elle se retrouvait tout au bas de l'échelle, à l'opposé de tout ce qu'on lui avait toujours fait miroiter. Elle ne pouvait pas le dire, elle avait trop honte. Diane regretta d'avoir parlé.

- Miss, reprit la directrice, je sais que la proposition est soudaine, et je comprends votre hésitation. Mais je suis persuadée que vous avez les épaules pour. De plus, être professeur à Poudlard est une place excellente : certes, l'emploi du temps est chargé, mais vous êtes nourrie, logée, et le salaire est tout à fait convenable.

A la mention du salaire, Diane tiqua, son intérêt soudain piqué.

- Un professeur est payé combien, au juste ?

- Eh bien, le cas d'un professeur de Potion peut être particulier, répondit la directrice, prise de court. Pour les cours seuls, nous tournons autour de deux mille cinq cents galions par mois, mais cela peut être complété puisque vous pouvez également travailler en commun avec l'infirmerie, auquel cas cela fait l'objet d'une prime.

Diane termina son verre, en commanda un autre dans la foulée. Ses mains tremblaient et elle tenta de les dissimuler en les cachant sous la table. Deux mille cinq cents galions rien qu'avec les cours... C'était plus que ce qu'elle n'avait jamais envisagé, plus que ce qu'elle ne pourrait jamais gagner dans sa situation actuelle. Et ça remettait tout en question. Mais Le travail commun avec l'infirmerie… Ce serait compliqué, avec Diane qui n'avait plus touché un chaudron depuis si longtemps.

- De plus… cette année risque d'être assez particulière, ajouta la professeur McGonagal.

Le ton était hésitant et mit immédiatement Diane mal à l'aise.

- J'ai longuement échangé avec les autres écoles de magie à travers le monde, au cours de l'année qui vient de passer, et la discussion touche à sa fin. Poudlard va très probablement faire partie d'un échange interscolaire car, après trois ans recluse sur elle-même, il est temps que l'école s'ouvre à nouveau au monde. Sachez donc qu'il existe également une prime exceptionnelle qui peut être attribuée en cas d'événements, comme ce fut le cas pour l'année où Poudlard a accueilli le Tournois des Trois Sorciers, et comme ce serait le cas cette année si Poudlard faisait effectivement partie de ce programme. Le total de votre salaire pourrait alors être équivalent à trois mille cinq cents galions par mois, voire plus.

C'était trop beau pour être vrai. Une opportunité comme celle-là était-elle seulement possible ? Diane avait du mal à y croire. Elle scruta un instant la directrice, s'attendant presque à ce que cette dernière revienne sur ses paroles et ne lui annonce que tout ça n'était qu'une vaste blague, mais elle resta tout à fait sérieuse. Donc… un salaire énorme doublée d'une prime ? Même sans aider l'infirmerie, Diane pourrait rentrer dans ses frais. Au bout de quelques mois, elle aurait de quoi rembourser les dettes qui commençaient à apparaître, et, si elle se débrouillait bien, elle pourrait économiser pour anticiper sur les traitements à venir…

La tête lui tournait. La mention de tant d'argent lui faisait envisager un avenir un peu plus facile, et ça lui donnait le vertige. Elle se mettait à penser dettes payées, effacées, de quoi financer le traitement d'Anna, et pour longtemps, et de quoi mettre de côté, aussi. C'était l'occasion de partir, la raison qu'elle attendait pour prendre ses clics et ses clacs et tailler sa route, prendre l'air, enfin…

Anna. Il fallait penser à Anna. Si Diane le faisait, c'était pour elle, et uniquement pour elle, juste pour elle. Pour sa sœur, et uniquement pour elle.

- Encore une fois, je sais à quel point la proposition est pressante, reprit la directrice. Je comprendrais si vous aviez besoin de…

- C'est d'accord.

Le silence se fit à leur table l'espace d'un instant, le temps pour les deux femmes de réaliser la portée des mots prononcés. Diane tremblait de façon totalement incontrôlable, désormais. L'impression tenace de faire une erreur la tenaillait. Elle doutait d'être réellement capable de jouer les professeurs, mais elle devait essayer. Elle ne pouvait décemment pas laisser passer une telle somme d'argent.

- C'est… d'accord, répéta-t-elle, sans réelle conviction. J'accepte le poste. Si vous m'assurez les revenus que vous venez de décrire… Je ferai mon possible.

La directrice McGonagal voulut reprendre la parole, mais Diane la coupa, trop honteuse d'être si facilement corruptible et ne souhaitant pas laisser la place à une quelconque remarque sur ce fait.

- Je ne peux que vous conseiller de poursuivre vos recherches, professeure, ajouta la jeune femme en se levant. Par sécurité. Je vais faire de mon mieux, mais…

Diane ne sut pas quoi ajouter. Peut-être valait-il mieux ne rien dire, juste accepter et partir, tout simplement. Il y avait tellement de chose à prévoir, maintenant, tellement à mettre en place. Elle ne pouvait pas simplement partir, comme ça. Il fallait s'occuper du Manoir, et mettre Anna au courant, s'arranger avec les Médicomages… Par Merlin, Diane était épuisée rien que d'y penser.

La directrice se leva à son tour, ajustant son gigantesque chapeau écossais.

- Miss, j'ai toute confiance en vous.

Diane n'avait désormais plus qu'une envie : disparaître et retourner au néant d'où elle devrait bientôt définitivement ressortir. Elle hocha donc faiblement la tête, fouillant dans sa poche pour en sortir quelques galions qu'elle posa sur la table.

- C'est pour moi.

- Merci. Je vous dis donc à très bientôt, Miss Turman. Je vous enverrai une lettre dans les jours qui viennent pour vous faire parvenir les différents programmes, et faites-moi savoir rapidement si vous voulez y apporter des modifications. Il faut désormais être efficace, la rentrée approche.

Une nouvelle fois, le ventre de Diane se crispa douloureusement, et elle sentit son cœur se mettre à cogner dans sa poitrine. Elle devait partir.

- Je… Oui, d'accord. Au revoir, professeure.

- Au rev…

Diane n'attendit pas que la directrice ait fini de parler. Elle lui adressa un bref signe de tête et fendit la foule jusqu'à la sortie, se précipitant presque dans la rue. Il lui fallait de l'air, elle devait respirer. Quelque part, ailleurs, elle devait partir. En catastrophe, Diane transplana et arriva avec perte et fracas chez elle, s'étalant dans l'entrée. Elle se releva, regarda à droite, à gauche.

Il n'y avait plus personne. Juste elle, juste le silence. Un instant, la jeune femme put enfin respirer, puis ses pensées s'embrouillèrent brusquement. Elle venait d'accepter un poste de professeure à Poudlard. Dans quelques semaines, elle se retrouverait face à des dizaines et des dizaines d'élèves entre onze et dix-huit ans, à devoir leur enseigner cet art qui avait été sa fierté comme sa perte. L'angoisse la prit à la gorge, secoua son cœur. D'un coup, elle se rua dans la cuisine.

Là, sur la table, toujours à la même place, trônaient une bouteille presque pleine et un verre, vide. Il ne fallut que quelques secondes pour remédier à ça.