Chapitre 9
Au pas de course, Josie avait regagné le pensionnat, bouleversée. Le baiser qu'elle venait d'échanger avec Hope lui retournait toujours l'estomac tandis qu'elle ne cessait de se rappeler de la douceur de ses lèvres sur les siennes. Et peu importe à quel point elle tentait de repousser ce souvenir tout récent de ses pensées, il n'arrêtait pas de revenir la frapper de plein fouet avec un peu plus de force que la première fois.
Finch, se rappelait-elle à nouveau. Comment avait-elle pu laisser cela arriver ? Josie s'en voulait. Elle s'en voulait car, depuis le début de cette semaine, elle avait l'impression de tout faire de travers. Pire, depuis le début de sa relation avec la jeune femme, elle se sentait comme un imposteur. Elle lui cachait des choses et voilà que, maintenant, elle la trompait même presque. N'aurait-elle pas dû déceler dans les yeux de Hope ce petit quelque chose qui lui aurait indiqué son attirance pour elle ? Josie en était intimement persuadée.
En pénétrant dans le pensionnat, son regard se posait automatiquement sur Lizzie. Celle-ci, assise dans l'un des fauteuils du salon, un livre entre les mains, avait enfin cessé de se battre avec Penelope. La brune avait d'ailleurs totalement disparue de son champ de vision et, l'espace d'une microseconde, le cœur de Josie s'était serré à la possibilité que cette dernière ait pu repartir pour la Belgique. Toutefois, son petit pincement fût vite refoulé lorsque le visage de Hope s'insinuait de nouveau dans son esprit.
Telle une furie, Josie avait comblé la distance qui la séparait de sa sœur d'un pas déterminé. S'il y avait bien quelqu'un à qui elle pouvait en vouloir, c'était bien Lizzie. Après tout, rien de tout cela ne se serait passé si la blonde n'avait pas fait cette fichue blague à l'orpheline. Jamais Hope ne l'aurait embrassée si Lizzie ne mettait pas un point d'honneur à continuer la petite guerre stupide qui les opposaient depuis des années.
- Si tu cherches Finch, elle est partie courir, lui indiqua la blonde, qui avait remarqué la présence de sa sœur du coin de l'œil.
Cette annonce n'étonnait pas la jeune Saltzman. Sa petite-amie était férue de course à pied. Tous les matins, Finch se levait aux aurores pour aller se dégourdir les jambes avant que les cours ne commencent. Elle avait même essayé de convaincre Josie de l'accompagner pour qu'elles passent plus de temps ensemble mais, là encore, l'aînée des jumelles avait toujours décliné. Malgré tout l'amour qu'elle portait à l'adolescente, Josie savait qu'elles étaient bien trop différentes pour que leur relation dure éternellement.
- Pas vraiment, annonça-t-elle alors à l'intention de sa jumelle, qui relevait enfin la tête pour la toiser. C'est à toi que je voulais parler.
- A moi ? S'étonna celle-ci. Mais pourquoi ?
- Il faut que tu arrêtes d'être aussi méchante avec Hope.
La surprise qui habitait déjà les traits de la blonde se fit plus importante encore. Arrêter d'être méchante avec Hope ? Voilà qui lui semblait impossible. Et puis, pourquoi son aînée lui demandait-elle une chose pareille ? Elle qui s'était toujours accommodée de la guerre qu'elles perpétraient…
Le regard de Lizzie se plantait aussitôt dans celui de Josie et là, quelque chose se mit à serrer le cœur de la plus jeune. Car si Josie n'avait aucun secret pour elle, Lizzie mesurait dans son regard à quel point la brune souffrait en cet instant. Ses pupilles chocolat étaient devenues si ternes qu'elles en avaient perdues tout leur éclat. Encore un peu et Lizzie aurait même pu croire qu'elle faisait face à une morte.
- Oh, allez, ce n'était qu'une petite blague, s'indigna-t-elle en secouant la tête. Pas de quoi en faire tout une histoire…
- Une petite blague ?
Josie secouait la tête de droite à gauche, à la fois incrédule et en colère. Comment Lizzie pouvait-elle minimiser à ce point les choses ? Se rendait-elle seulement compte de l'impact de ses actes ? Josie n'en avait jamais été aussi peu sûre.
- Tu lui as teint les cheveux en roux !
Un soupir s'échappait de la gorge de Lizzie tandis qu'elle refermait le livre qu'elle lisait pour faire pleinement face à sa sœur.
- Oui enfin, franchement, elle est plus jolie comme ça. Avant elle était tellement quelconque…
- Non mais tu ne peux pas faire ce genre de choses, Lizzie !
Josie marquait une pause dans l'espoir, vain, de se calmer. Au lieu de cela, ses poings se serrèrent contre sa taille et elle dû se faire violence pour ne pas étrangler sa jumelle.
- Est-ce que tu te rends compte des répercussions de tes actes au moins ? Mets-toi un peu à la place des autres ! Tu aimerais qu'on te teinte les cheveux sans ta permission, sérieusement ?
- Si ça me rend plus jolie, pourquoi pas, après tout…
Un profond silence s'abattait entre les deux jeunes femmes, durant lequel les muscles de Josie se crispèrent encore davantage. En remarquant que son aînée ne comptait pas dire un mot de plus, et qu'elle se contenterait de la fixer ainsi jusqu'à ce qu'elle reprenne la parole, Lizzie se mettait réellement à réfléchir plus amplement à ce qu'elle avait fait.
Un nouveau soupir s'échappait alors de sa bouche et elle se mit à gigoter sur son fauteuil, plus mal à l'aise. Peut-être que Josie avait raison, au fond.
- D'accord, je n'aurais pas dû faire ça, admit-elle à contre cœur. Je ne voulais pas la mettre dans tous ses états, juste rigoler un peu. Je ne le referai plus.
Ce n'était pas assez, jugeait Josie en secouant la tête de plus belle. Elle refusait de se contenter de si peu alors que Lizzie lui avait fait du mal, à elle aussi. Et elle ne voulait plus prendre le risque que ça se reproduise.
- Promets-moi de la laisser tranquille et de faire des efforts pour être gentille avec elle.
- Très bien, je te le promets, se résigna Lizzie en levant les mains au ciel en signe d'abdication. C'est Noël, après tout…
La bouche de Josie s'ouvrait, prête à la remercier pour cela. Parce que même si Lizzie n'aimait pas Hope, la brune savait que sa sœur ne mentait pas et qu'elle allait vraiment y mettre du sien. Lizzie tenait toujours les promesses qu'elle lui faisait. Mais Josie n'en eût pas le temps.
Des bruits de pas dans l'escalier, derrière elle, attirèrent son attention. D'un même mouvement, les deux jumelles s'étaient mises à regarder dans la direction du bruit, pour tomber sur Penelope, qui descendait gracieusement l'escalier en se tenant à la rambarde.
Le cœur de Josie fit un bond dans sa poitrine dès lors que son regard se posait sur le visage à la peau lisse et typée hispanique de la brune venue de Belgique.
Lorsque celle-ci s'arrêtait enfin au bas de l'escalier, son fidèle sourire arrogant sur les lèvres, ses prunelles brunes plongèrent dans celles de Josie et, l'espace d'une microseconde, son rictus se fit plus tendre. Josie était définitivement sa kryptonite. Celle pour qui elle était revenue et celle pour qui elle était décidée à se battre, même si elle savait que sa fuite allait jouer en sa défaveur.
- Jojo, la salua-t-elle de nouveau, d'une voix douce. Est-ce qu'on peut discuter ?
- Pourquoi faire ? S'enquit celle-ci avec méfiance. Pour que tu me séduises et que tu me brises le cœur une nouvelle fois ?
- Josie…
Son prénom, prononcé avec tant de peine, serrait le cœur de la brune. Pourtant, elle n'avait tout de même pas envie de parler avec Penelope. Tout simplement car elle savait que, si elle le faisait, il y avait de fortes chances pour qu'elle lui pardonne tout le mal qu'elle lui avait fait. Et tout ça parce que, même si elle refusait de l'avouer à voix haute, elle savait pertinemment que son cœur appartenait toujours à Penelope.
Cette dernière osait faire un pas en avant, les yeux pétillants de tristesse, afin de se rapprocher un peu plus de son interlocutrice, dans l'espoir que sa simple proximité puisse la faire changer d'avis. Mais avant qu'elle n'ait le temps de se rapprocher totalement de l'aînée des jumelles Saltzman, Lizzie avait bondit de son fauteuil et s'était glissée entre elles, telle un parfait petit chien de garde.
- Tu es sourde ou quoi ? Ne t'approche même pas de ma sœur, Satan.
- Mêle-toi de tes affaires, rétorqua-t-elle en adressant un regard noir à la blonde, avant de se décaler pour retrouver le visuel qu'elle avait établi avec Josie. S'il te plaît, Jojo, je sais que j'ai merdé mais laisse-moi au moins m'expliquer.
Il y eu un moment de silence, durant lequel les barrières de la brune menacèrent de s'écrouler tandis qu'elle réfléchissait à ces paroles. Devait-elle accéder à la demande de Penelope ? Très certainement pas. Et pourtant, alors que ses yeux replongeaient dans ceux de l'hispanique, toute sa raison s'envolait au profit de ses sentiments pour elle. Après tous les bons moments qu'elles avaient vécus ensemble, Josie n'était pas assez forte pour ne pas lui céder ce droit à l'explication.
- D'accord, soupira-t-elle en s'octroyant un regard désapprobateur de la part de sa jumelle. Mais ça ne veut pas dire que je vais te pardonner pour autant.
Un éclair teinté de gratitude traversait le regard sombre de Penelope. Ou était-ce de l'espoir ? Josie n'en était pas vraiment sûre, et elle n'était pas non plus très sûre de vouloir le savoir, en réalité.
- Message reçu, acquiesça Penelope avec un léger sourire.
