Chapitre 12
- Merci d'avoir tenu tête à ta sœur pour te mettre avec moi.
- C'est normal.
Assise en tailleur sur le lit qu'elles partageaient, Finch avait attendu patiemment en scrutant une réaction chez Josie, en vain. La brune semblait simplement être à des années lumières de l'endroit où elles se trouvaient réellement, si bien que sa réponse ne donnait à sa petite-amie que l'impression d'être automatisée. Comme un mantra politiquement correct que Josie se serait répétée intérieurement, même si elle ne le pensait pas réellement. Et ce n'était d'ailleurs pas la première fois que la seconde adolescente en avait l'impression, toutefois, jusque-là, elle s'était bien gardée d'en faire part à celle qu'elle aimait, car elle avait toujours préféré se contenter de cela plutôt que de voir la vérité en face.
Mais depuis quelques semaines, et encore plus ses derniers jours avec le retour de Pénélope, Finch était forcée de se confronter à la dure réalité des choses. Comme un coup de poing qu'on lui aurait asséné sans vergogne au creux de l'estomac, l'adolescente se rendait bien compte que, malgré tout l'amour qu'elle portait à Josie, elle n'était pour cette dernière qu'une manière d'oublier son passé.
Passé dont elles ne parlaient jamais car Josie refusait de s'étaler sur ses sentiments.
- Tu sais, pendant un instant, j'ai vraiment cru que tu allais te mettre avec Penelope.
Finch n'était pas sûre que cette approche soit la meilleure qu'elle aurait pu avoir pour forcer Josie à lui parler enfin. Néanmoins, c'était la seule qu'elle avait, à cet instant.
Comme si on venait de l'électrocuter, Josie avait tressaillit sur le lit et avait aussitôt reporté son attention sur sa petite-amie, désormais pleinement connectée à la réalité. Il lui fallait tout de même quelques secondes avant qu'elle ne mesure complétement la question que venait de lui poser Finch. Et lorsque ce fut le cas, ses sourcils se froncèrent tandis que son corps tout entier se crispait, sur la défensive.
- Pourquoi est-ce que je me serais mise avec Penelope ?
- Je ne sais pas, répondit Finch d'un haussement d'épaules anodin. Vous avez passé quasiment toute l'après-midi ensemble et tu as passé le reste de la soirée à la fixer du regard, alors je me suis dit que ce n'était peut-être pas avec moi que tu voulais travailler.
Josie pinçait les lèvres. Alors comme ça, sa petite-amie avait vu ses égards visuels ? Elle aurait pourtant juré avoir été discrète. D'autant plus que ce n'était pas réellement sa faute si ses prunelles étaient systématiquement attirées par le beau et anguleux visage de Penelope. Elle ne pouvait simplement pas s'empêcher de la regarder car celle-ci s'amusait à en faire autant. Ou du moins, la Saltzman aimait y croire.
- Ne dit pas de bêtises, s'agaça Josie en secouant vivement la tête dans l'espoir vain d'être convaincante. Ce n'est pas parce que Penelope est de retour que je ne veux plus être avec toi.
Il n'y avait rien de convaincant dans les paroles vives, et un tantinet sèches, de l'aînée des jumelles. Il n'en fallait pas plus à Finch pour que l'un de ses sourcils se hausse, traduisant son état dubitatif. Qui Josie cherchait-elle réellement à convaincre en disant cela, au juste ? Était-ce sa petite-amie ou elle-même ?
- Vraiment ? S'enquit l'adolescente. Alors tu veux me faire croire que tu ne ressens plus rien pour elle alors qu'hier tu étais bouleversée quand tu me parlais de Penelope ?
La mâchoire de la fille du proviseur se serrait davantage sur ces mots, presque crachés. Elle savait que ça aurait dû la faire réagir, qu'elle aurait pleinement dû accepter ce dont elle avait déjà conscience : la vérité dans le discours que tenait Finch, mais au lieu de cela, ça ne fit que la mettre un peu plus en colère. La brune avait été son point de repère durant toute l'année alors, si elle se mettait à douter de Josie maintenant, comment celle-ci était sensée faire pour ne pas vaciller dans sa propre tourmente ? La Saltzman ne voulait pas faire face à ses problèmes et à ses sentiments car elle ne pensait pas en avoir la force.
- Je n'ai pas envie d'en parler, Finch. Est-ce que tu peux juste comprendre ça ?
- Mais c'est bien ça le problème ! S'énerva l'adolescente en se levant vivement, rapidement imitée par sa comparse. Tu ne veux jamais parler de rien !
- Ce n'est pas vrai, s'entêta Josie en secouant la tête de droite à gauche en signe de dénégation.
La colère qui irradiait le corps de Finch, pour la première fois dirigée à son égard, avait figé la brune sur place. Mais comment en vouloir à la première ? L'aînée des jumelles savait parfaitement que cette colère était justifiée, contrairement à la sienne qui n'était qu'un moyen pour elle de rejeter la faute sur quelqu'un d'autre.
- Ah ouais, vraiment ? Demanda de nouveau la plus jeune. Alors dit moi ce que tu ressens pour Penelope. Ça ne devrait pas être si compliqué pourtant !
Un silence accueillait sa requête, pourtant simple. Josie ne pouvait pas répondre. Elle ne le pouvait pas car, ce qu'elle ressentait pour son ex venue de Belgique était encore flou. Un étrange mélange compris entre l'amour, - le vrai, avec un grand A -, et la haine.
Les iris sombres de Finch tombèrent alors dans celles de Josie, tiraillées par la vague de sentiments qui l'envahissait et, cette fois, Josie avait su qu'elles avaient définitivement touché le fond. Dans les orbes marrons de sa petite-amie venait de percer de la douleur. Vive et authentique. Alors, seulement, Josie comprenait maintenant pourquoi sa mère lui répétait parfois que le silence faisait plus de mal que la vérité.
- Tu sais quoi ? S'agaça de plus belle Finch, les mots pleins d'un venin que Josie ne lui connaissait pas. Peut-être que tu ne devrais pas travailler avec moi, en fin de compte. Et peut-être même qu'on ne devrait plus sortir ensemble.
La panique que la Saltzman ressentait déjà à l'idée que son monde s'écroule, ne fit que redoubler de volume à l'entente des dernières paroles de sa petite-amie. Et cette fois, il ne lui fallait pas autant de temps que précédemment pour réagir, en arborant un air outré.
- Quoi ? Tu veux vraiment me larguer comme ça ?
Les prunelles plongées dans celles de Josie, la lueur que vit passer Finch dans son regard la confortait dans son idée, quand bien même une réelle douleur enserrait désormais sa poitrine. Josie aurait dû être peinée qu'elle puisse faire une chose pareille, de cette manière qui plus était, mais non. Le seul sentiment qui habitait Josie, à cet instant, était de la colère pure. Et cela suffisait bien pour que Finch soit sûre d'elle.
- On sait toutes les deux que c'est la meilleure décision à prendre, déclara-t-elle alors en baissant d'un ton. Tu n'as jamais guéri de son départ et je le vois, maintenant. Je ne peux pas rester avec quelqu'un qui n'est avec moi que pour combler un vide dans son cœur.
Un peu plus éberluée encore, Josie secouait vivement la tête.
- Peut-être que tu as raison, concéda-t-elle avec colère. Peut-être que nous ne sommes pas faites pour être ensemble.
Et sans attendre de réponse de la part de celle qui était désormais son ex-petite-amie, Josie avait fait volte-face et était sortie de la chambre en claquant vivement la porte derrière elle. Ce Noël était tout aussi chaotique que les autres, pensait-elle avec amertume.
