Chapitre 16

Penelope n'en revenait pas. Elle s'était fait virer. Elle. De sa propre chambre ! Elle en avait un goût amer dans la bouche. Néanmoins, puisqu'il s'agissait de Josie, l'adolescente n'avait pas protesté plus que cela et avait obtempéré, rejoignant avec le cœur gros, les entrailles de la cuisine du pensionnat.

La bouche pâteuse du venin qu'elle avait craché sur Finch, Penelope ressentait le besoin de boire quelque chose. Sans attendre, elle s'était donc dirigée vers le lavabo et s'était servi un verre d'eau du robinet. Elle n'aimait pas le goût qu'elle avait mais il n'y avait que ça à boire, dans ce pensionnat. Elle en regrettait presque celui de Belgique, doté de distributeurs de soda.

Un soupir s'échappait de sa gorge tandis qu'elle s'appuyait désormais contre le lavabo, scrutant les quatre murs de la cuisine comme s'ils avaient un intérêt quelconque. Tout était calme et elle appréciait ça. Lizzie et Hope avait empêché Finch de la suivre, la laissant ainsi se retrouver à nouveau seule avec sa propre solitude. Personne ne cherchait jamais à la suivre, en général, se rappelait-elle, tout le monde la fuyait.

Pourquoi ? Etait-elle à ce point si horrible ? Se demandait-elle alors en se resservant de l'eau pour la seconde fois. Penelope n'avait jamais voulu passer pour une méchante. Mais il fallait croire que c'était ce qu'elle était, ou du moins, ce qu'elle devenait, dès que sa route croisait celle de la famille Saltzman.

Penelope se pensait réellement sortie de cette affaire de dispute lorsqu'elle s'était ainsi réfugiée dans la cuisine. Lizzie et Hope allait s'occuper de Finch et l'hispanique aurait forcément le temps de réfléchir à ses paroles et à la tournure de sa relation avec Josie. Elle le croyait dur comme fer. Mais la vie lui rappelait bien vite que tout ne pouvait pas se terminer avec autant d'apaisement lorsque la porte de la cuisine s'ouvrait sur une Finch furieuse. Rien n'était donc terminé.

Un profond soupir quittait la gorge de Penelope tandis que la seconde adolescente s'arrêtait face à elle, les poings serrés et les prunelles transies de colère. Se faire rembarrer une fois ne lui avait donc pas suffit ? S'indignait intérieurement la Park. Il fallait qu'elle recommence ?

- Tu es vraiment le diable, en réalité, avait commencé Finch sur un ton sec. Tu sais, jusqu'à aujourd'hui je n'avais jamais cru les gens lorsqu'ils parlaient de toi en t'appelant Satan. Je me disais que si Josie avait pu sortir avec toi, alors c'est que tu devais être quelqu'un de bien et qu'ils exagéraient tous, mais non, en fait. Tu es pire que ce qu'ils disent.

Finch désignait le verre de Penelope d'un coup de menton, un rictus crispé sur le visage.

- J'espère que tu t'étrangleras avec.

Penelope ne savait pas dire ce qui lui avait vraiment pris, à cet instant-là. Tout ce qu'elle savait en revanche, c'était qu'en parfaite adéquation avec sa colère, sa main s'était retrouvée propulsée vers l'avant dans un mouvement habile du poignet. Et la seconde suivante, le visage de Finch se tordait d'une grimace tandis que tout l'eau contenu dans le verre de Penelope venait de s'écraser contre sa figure. La scène aurait sans aucun doute été hilarante pour l'adolescente venue de Belgique si sa colère n'avait pas été soudainement ravivée.

- Le jour où je m'étranglerai avec quelque chose, ce ne sera certainement pas de l'eau. Plutôt ton sang.

Ce nouvel affront fût ravageur dans l'esprit de Finch. Sans attendre, l'adolescente s'était jetée sur le premier objet croisant sa route, à savoir, un magnifique pichet d'eau en verre, vide, et l'avais immédiatement jeté en direction de Penelope. Cette dernière, déjà sur la défensive, avait vu le coup venir et avait réussi à se pencher vivement pour éviter de le recevoir en pleine tête. Mais ce n'était que le début d'un combat cinglant.

- Je vais te tuer, salope ! Assura Finch en s'emparant d'un ustensile de pâtisserie, cette fois.

- Oh mais quel compliment sortant de ta bouche, tu m'en vois flattée.

Alors qu'elle esquivait une nouvelle attaque de la part de l'ex-petite-amie de Josie, l'attention de Penelope fût attirée par quelque chose de brillant, sur sa droite. Se mettant à tourner autour de la table derrière laquelle elle était, obligeant ainsi Finch à faire de même, la jeune femme venue de Belgique continuait de tâcher à éviter d'être assommée par des objets de plus en plus gros.

C'est alors que, enfin, elle était parvenue à faire le tour de la cuisine pour récupérer la seule chose qui l'importait réellement : un plat en argent, parfait pour servir de bouclier. Parce qu'après tout, Penelope savait qu'elle aurait parfaitement pu riposter en se mettant à lancer des choses, elle aussi, mais contre tout ce que tout le monde avait toujours pu croire jusque-là, elle n'avait jamais été une fervente adepte de la violence physique. Elle préférait de loin ces petites joutes verbales.

Un souffle de vent vint subitement frôler son oreille, lui indiquant qu'elle n'avait pas réussi à parer correctement l'un des coups de Finch. Mais lorsqu'elle jetait un furtif coup d'œil pour voir ce qui venait ainsi de la frôler, son sang se glaçait immédiatement dans ses veines. C'était un couteau. Un gros couteau de cuisine ! Quelques millimètres de plus et elle aurait pu être en train de se vider de son sang au beau milieu de cette cuisine digne d'une cantinière.

Penelope aimait le danger, certes, mais avec pas mal de limites. Et se faire embrocher ne faisait pas vraiment partie de son projet de vie idéal. Peut-être était-il temps de recommencer à faire ce qu'elle faisait le mieux, finalement. Parler.

- Est-ce que Josie t'a dit pourquoi j'étais partie, au moins ?

Cette mince tentative n'avait pas servi à grand-chose. Finch était bien trop aveuglée par sa colère pour écouter pleinement ce que Penelope cherchait à lui dire. Alors, tandis que cette dernière bloquait une nouvelle attaque de spatule, cette fois, elle décidait d'opter pour quelque chose qui, elle le savait, ferait forcément réagir son assaillante.

- Peut-être que toi tu es assez forte pour faire face à sa mort, mais moi je ne l'étais pas !

Penelope avait eu raison. Cette réplique avait eu l'effet escompté sur la plus jeune d'elles deux, qui s'était aussitôt figée en la fixant, armée d'une poêle, les sourcils froncés.

- Mais de quoi est-ce que tu parles, encore ?

- Alors elle ne te l'a pas dit, en déduisait Penelope dans un soupir mêlé de peine et de soulagement.

Finch secouait vivement la tête de droite à gauche, incapable de comprendre de quoi la brune voulait lui parler. Mais en tout cas, cela avait attiré son attention et, si c'était une ruse, Finch devait avouer que c'était bien trouvé.

- Josie est malade, Finch, annonça Penelope sur un ton un peu trop délicat, mais sincère.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

L'adolescente, tenant toujours fermement sa poêle, refusait de croire un traitre de mots de ce que lui disait son homologue. Pourquoi aurait-elle dû le faire ? Depuis le temps qu'elle partageait la vie de Josie, celle-ci aurait dû le lui dire, non ?

- Elle est malade, répéta Penelope en osant baisser son plat faisant office de bouclier pour regarder Finch avec plus d'insistance. Il y a de grandes chances pour qu'elle ne vive pas assez longtemps pour voir ses vingt-cinq ans…

Penelope marquait une pause pour jeter un coup d'œil à ses chaussures, veillant du mieux qu'elle pouvait à ne pas laisser couler les larmes qui lui montaient furieusement aux joues.

- C'est pour ça que je me suis enfuie, expliqua-t-elle. Parce que j'avais peur. Je suis sûre que tu peux comprendre ça.

- Tu mens !

Finch refusait d'y croire. Elle ne voulait pas que ce soit vrai. Pourtant, avant qu'elle n'ait le temps de s'énerver un peu plus encore et de se remettre à jeter des ustensiles au visage de Penelope, une voix bourrue, teintée de tristesse, s'élevait dans son dos.

- Elle ne te ment pas, Finch, déclara Alaric depuis l'embrasure de la porte menant au salon. Il ne reste sûrement que quelques années à Josie si on ne trouve pas un moyen de la guérir…