Chapitre 18
Dans la chambre de Penelope, encore allongée dans le lit de cette dernière, Josie avait fondu en larmes. Le visage enfoui dans l'oreiller de la jolie brune avec qui elle avait passé la nuit, la jeune Saltzman reniflait son odeur si familière tandis qu'elle tâchait, tant bien que mal, d'étouffer ses sanglots. Pourquoi fallait-il toujours que Noël soit un tel fiasco ? Ne pouvait-elle donc pas simplement profiter de la vie qui lui restait sans avoir à se frotter ainsi à des satanées crises amoureuses ? Quant pourrait-elle enfin connaître un peu de répit ?
Josie avait vraiment pensé que ces questions seraient restées sans réponses, jusqu'à ce que la porte de la chambre ne s'ouvre doucement, dans un grincement qu'elle ne connaissait que trop bien. Sans même prendre la peine de relever la tête pour découvrir la personne qui l'importunait, l'adolescente s'était mise à étreindre un peu plus fort son oreiller, dans l'espoir que cela donne l'impression au nouveau venu qu'elle n'avait pas besoin de lui pour se réconforter. En vain. Des bruits de pas sur le parquet lui indiquait que cette manœuvre n'avait pas fonctionnée comme elle l'aurait souhaité.
- J'ai dit que je ne voulais voir personne, gratifia-t-elle l'inconnu entre deux vacillements dans sa voix.
- Je sais, répondit automatiquement une voix douce et féminine. Mais je pensais que, peut-être, tu aurais bien voulu faire une exception pour moi.
Immédiatement, le visage de Josie s'était redressé, un peu trop vivement, pour se poser sur les traits rassurants et maternels de Caroline qui lui souriait tendrement. Oui, elle pouvait bien faire une exception pour sa mère.
Sans une réponse, Josie s'était remontée en position semi-assise, faisant s'accroître le doux sourire de sa génitrice. Respectant le silence imposé par son enfant, Caroline s'était assise sur le matelas avant d'étendre ses jambes sur le lit et d'accueillir Josie contre elle, l'enlaçant de ses bras réconfortants. La blonde n'était que rarement là mais, quand c'était le cas, elle savait toujours quoi faire pour remonter le moral de sa fille aînée. Alors, elle était simplement restée ainsi durant de longues minutes, profitant de l'étreinte, jusqu'à ce que les sanglots de Josie ne se calment.
Et seulement, Caroline avait déposé un tendre baiser sur son front tout en la gardant contre elle.
- Et si tu me racontais ce qui te met dans cet état ? Tenta-t-elle délicatement. C'est une histoire de filles ?
Josie reniflait, séchant ses larmes de ses mains, tandis que la réponse à cette question lui paraissait bien trop évidente.
- C'est toujours une histoire de filles, fit-elle remarquer.
Un petit rire s'échappait de la gorge de Caroline. Bien sûr que ça l'était, pensait-elle. Elle le savait bien. Mais ça avait au moins eu pour effet de faire sourire, aussi peu soit-il, sa première fille.
- C'est vrai, acquiesça-t-elle avec amusement. Mais cette fois, ça à l'air d'être un peu plus compliqué que la fuite de Penelope. Et je ne peux pas te garantir de pouvoir t'apporter une solution à ton problème mais, si tu m'en parles, je pourrais peut-être t'aider à la trouver.
Un profond soupir s'évadait de la bouche de Josie alors qu'elle mesurait les paroles de sa mère. Elle mourrait d'envie de se confier à cette dernière, de lui expliquer à quel point tout lui paraissait si compliqué, mais la vérité, c'est que Josie ne savait même pas par où commencer. Après tout, était-ce seulement un problème qui était survenu ces derniers jours ou se voilait-elle la face depuis plusieurs mois ? Josie était prête à parier qu'au fond, la seconde réponse était la bonne.
- Je ne sais plus quoi faire, maman, avoua-t-elle après de longues secondes d'hésitation. J'ai l'impression que tout le monde a décidé de tout faire pour que ça aille de travers…
Josie marquait une pause pour remonter son regard dans celui de son aînée, y puisant la force de continuer à mettre des mots sur ce qu'elle ressentait.
- Finch m'a larguée car elle est persuadée que j'en aime une autre, Hope a décidé que ce Noël était le parfait moment pour m'embrasser et Penelope… est revenue. Elle est revenue et tout ce que j'avais enfin réussi à oublier est revenu avec elle, comme si on avait décidé de me donner un coup de poing dans le ventre.
Caroline hochait silencieusement la tête, pendue aux lèvres de son aînée avec attention.
- Je ne sais plus où j'en suis. J'ai l'impression qu'on m'a arraché le cœur, qu'on l'a divisé en trois et que si j'ai le malheur de faire le mauvais choix, alors je me perdrais moi-même.
Un nouveau soupir s'échappait de la gorge de Josie tandis qu'elle baissait piteusement la tête sur la parure de lit qui la couvrait. Cette même parure de lui dans laquelle elle avait dormi si souvent, et qui sentait encore l'odeur sucrée de Penelope.
- Hier, j'ai essayé de retrouver mon cœur, confessa-t-elle sur un ton à peine audible. Lorsque je me suis disputée avec Finch, mes pas m'ont conduites ici et j'étais persuadée que ça irait mieux. Alors j'ai couché avec Penelope.
Cette révélation, que Josie avait prononcé avec autant de peur que de honte, fit sourire Caroline. Et Josie n'en fût que plus surprise lorsqu'elle le constatait à l'aide d'une œillade furtive et gênée. Elle savait que Lizzie avait déjà abordé ce sujet avec leur mère après avoir eu sa première relation sexuelle avec son petit-ami, mais ce n'était pas quelque chose que Josie avait osé faire jusqu'à lors. Probablement car elle se sentait toujours trop pudique avec sa propre homosexualité. Très paradoxal, pensait-elle alors, en sachant pertinemment que ses parents avaient toujours su qui elle était, depuis le plus jeune âge.
- Et ça ne t'a pas aidée à te sentir mieux, devina la mère de famille sur un ton doux, détaché de tout jugement.
- En réalité… c'était magique. Je veux dire…
Josie marquait une pause, pinçant sa lèvre inférieure à la recherche des meilleurs mots à utiliser. Mais y en avait-il réellement pour parler de ce trouble qu'elle ressentait ?
- Ce n'était pas la première fois, avoua-t-elle doucement, faisant s'accroître le sourire de sa génitrice.
Ça aussi, elle le savait, pensait alors Josie, décontenancée.
- Mais c'était… différent, reprit-elle. Et je me suis sentie tellement bien… puis on s'est réveillées et je me suis rappelée qu'il n'y avait pas qu'elle et moi sur terre. Finch était là. Et Hope aussi. Et je crois que je ne me suis jamais sentie aussi mal.
Josie marquait une nouvelle pause, rivant cette fois son regard sombre dans les yeux clairs de sa mère qui l'observait avec tendresse.
- Je ne veux blesser aucune d'elle, maman. Mais je sais que si j'en choisi une, je ferais mal aux deux autres. Est-ce que ça t'est déjà arrivée ? Est-ce que tu penses qu'on peut aimer trois personnes à la fois ?
Caroline était restée silencieuse un moment, à la recherche de ce qu'elle pourrait dire et qui pourrait réellement aider sa fille à aller de l'avant. Mais la vérité était que, peu importe à quel point elle essayait de trouver une réponse, Caroline n'en avait pas.
Je ne suis pas à ta place, déclara-t-elle avec délicatesse en soutenant le regard de son enfant, et chaque relation est différente. Mais je pense que tu as parfaitement droit de les aimer, chacune à leur manière. Elles sont tellement différentes les unes que les autres…
La blonde marquait une microseconde de pause, juste le temps d'esquisser un sourire plus amusé sur une pensée personnelle, avant de redevenir un peu plus sérieuse.
- Finch est impétueuse, mais je pense qu'il s'agit du choix le plus raisonnable. Quant à Hope, elle est plus mystérieuse et, je ne devrais sûrement pas te le dire, mais Lizzie m'a confié qu'elle avait craqué sur elle…
Les yeux de Josie s'ébahirent sous la surprise, toutefois, Caroline ne lui laissait pas le temps de poser des questions qu'elle reprenait aussitôt, une lueur de tendresse dans le regard.
- Et Penelope… mon dieu, Penelope, reprenait-elle avec un sourire malicieux. Penelope est sûrement la personne qui a le meilleur jeu d'actrice que je connaisse. Si tu l'avais vue en Belgique… elle a bâti un tel rempart autour de son cœur qu'elle s'est fermée au bonheur durant des années.
Caroline marquait une nouvelle pause pour se redresser un peu plus et obliger son aînée à se séparer de son corps chaud.
- Tu sais, je ne l'aimais pas beaucoup au début. Même… pas du tout, avoua Caroline en faisant naître un sourire sur le visage de Josie.
- Je m'en souviens, acquiesça l'adolescente.
- Mais en réalité, je pense que tu es la seule personne à qui elle tient vraiment sur cette planète, et je respecte ça. Je ne peux pas parler pour Finch, ni pour Hope, car je ne les connais pas plus que cela. La relation que tu entretiens avec Penelope me fait énormément penser à celle de ton oncle Damon et de ta tante Elena. Alors, je ne pense pas qu'il y ait réellement de bon ou de mauvais choix, Josie. Mais peut-être que si tu ne sais pas dire où va ton cœur lorsque tu y réfléchis, alors tu devrais commencer à chercher la réponse dans tes actes.
Josie fronçait les sourcils, peu sûre de réellement savoir où sa mère voulait en venir.
- Que veux-tu dire ?
Caroline adressait un sourire mystérieux à son enfant avant de lui désigner l'ensemble de la pièce d'un coup de menton.
- Ouvre les yeux et regarde, Josie. Parfois, un acte vaut milles paroles.
