Chapitre 20

L'atmosphère s'était considérablement allégée au sein de l'école Salvatore. Une tasse de chocolat chaud entre les mains, Caroline observait, depuis sa place assise sur le canapé, à côté de son mari, la scène joyeuse et familiale qui s'offrait à ses yeux. Assise en tailleur sur le tapis du salon, encadrée par Finch et Hope, Lizzie contait l'une de ses nombreuses histoires qui mettaient en scène les étourderies de sa sœur aînée.

A quelques centimètres de l'endroit où elles s'étaient étendues, Josie avait pris place sur l'accoudoir du second fauteuil de la pièce sur lequel Penelope était assise, comme à son habitude. L'hispanique avait toujours adoré ce fauteuil et personne ne savait vraiment pourquoi. Mais cela importait peu, à cet instant, puisque la seule chose à laquelle tout le monde donnait de la tête était l'histoire de Lizzie. Une main posée sur le genou de Penelope, que cette dernière s'empressait de saisir pour venir entrelacer leurs doigts, Josie pinçait les lèvres avant de secouer la tête de droite à gauche en signe de négation.

- Ça ne s'est pas du tout passé comme ça, coupait-elle sa sœur, en s'en attirant un regard noir.

- Bien sûr que si.

- Mais pas du tout. C'est Dana qui a couru vers moi pour me plaquer, pas moi qui lui ai lancé le ballon. Franchement, tu m'as regardée ? Si je n'avais pas essayé de faire cette passe à Kaleb, je me serais brisée sous son poids.

Lizzie levait un sourcil dubitatif, peu convaincue par les dires de son aînée. Peut-être que c'était ce qu'il s'était réellement passé lors de ce match de foot, la blonde ne s'en souvenait plus vraiment à vrai dire, mais sa version était tout de même plus intéressante que celle de Josie, il fallait l'avouer.

- Mouais, toujours est-il qu'on a perdu contre ce pauvre lycée public à cause de toi.

- Dis celle qui, si j'ai bien compris, est restée sur le banc de touche car elle avait un petit mal de ventre, rétorqua Penelope en offrant un sourire mesquin à la cadette des Saltzman.

Une expression outrée sur le visage, Lizzie avait regardé chacune des personnes présentes dans l'espoir de trouver du soutien quelque part. Peine perdue, pensait-elle, tandis qu'elle voyait l'ensemble de sa petite famille se retenir de rire.

- Non mais pourquoi il fallait que tu la choisisses, celle-là ? S'indigna-t-elle à l'intention de Josie dont le sourire s'était agrandi. Tu ne pouvais pas juste lui briser le cœur et la renvoyer en Belgique par le premier avion ?

Serrant la main de Josie au creux de la sienne, le sourire de Penelope se fit plus mesquin encore. Elle se délectait déjà de pouvoir recommencer à mener la vie dure à la blonde. Car au fond, si l'absence de Josie l'avait mise aussi à mal durant son séjour en Europe, l'hispanique devait avouer que les piques qu'elle avait l'habitude d'échanger avec Lizzie lui avaient manquées également.

- Je suis là, maintenant, et il va falloir t'y faire, ma grande.

- Ça suffit, les réprimanda gentiment Caroline avant que sa fille cadette ne renchérisse. Et si vous nous présentiez plutôt vos décorations, qu'on mette fin à ce petit concours d'ingéniosité ?

- Très bonne idée, concéda Alaric.

Sans se faire prier davantage, les cinq adolescentes s'étaient levées d'un même mouvement et avaient couru jusque leurs chambres pour revenir, quelques minutes plus tard, les bras chargés de leurs décorations. Et à première vue, il était assez difficile de dire exactement de quoi il s'agissait avant que chacune d'entre elles ne reprenne position sur les confortables canapés du salon. Lizzie et Hope échangeaient des œillades entendues, déjà persuadées qu'elles allaient gagner ce concours tant elles s'étaient données du mal pour mener à bien leur projet, tandis que Penelope et Josie, elles, semblaient plus sur la réserve. Et pour cause, il fallait bien dire qu'elles n'avaient pas beaucoup travaillé, cette nuit-là. Puis il y avait Finch qui regardait chacune de ses concurrentes avec anxiété. Elle qui était sensée travailler avec Josie s'était tout de même retrouver à devoir effectuer le travail toute seule, et Dieu seul savait à quel point elle manquait toujours d'inspiration et d'originalité.

Alors, qui nous présente sa décoration en première ? S'enquit Caroline avec enthousiasme.

Mais elle n'était pas communicative, malheureusement. Un silence s'abattait aussitôt sur l'assemblée de jeunes femmes, jusqu'à ce que, finalement, après un regard tacite échangé avec sa partenaire, Josie ne décide de se lever, incitant sa petite-amie à faire de même.

Délicatement, Penelope avait posé la décoration sur la table basse, au centre de leur cercle de fauteuils et de canapés, et tous les regards s'étaient rivés dessus. Nerveusement, Josie était venue passer sa main dans sa nuque, dans l'attente que quelqu'un dise enfin quelque chose, mais au plus elle attendait, et au plus le temps lui semblait interminable.

- Qu'est-ce que c'est, au juste ? Osa demander Hope, prononçant tout haut les mots que tout le monde pensait tout bas.

- En fait… commença Josie en soupirant longuement, incertaine, c'est…

- On ne sait pas trop ce que c'est, avoua Penelope sur le ton de l'évidence en observant la tour branquignolante ornée de rouge et de vert qui menaçait de s'effondrer sur la table. On voulait faire une espèce de chaussette mais on n'a pas vraiment eu le temps donc on a fait… quelque chose.

Caroline haussait un sourcil dubitatif. Evidemment que sa fille et Penelope n'avait pas eu le temps de travailler sur leur projet puisqu'elles avaient passé la nuit à s'envoyer en l'air. Mais si cette immondice devait ressembler à un objet quelconque, il était clair que c'était loin d'être une chaussette de Noël.

- Peut-être que si on y mettait le feu, ça ferait une sacrée bonne bougie, tenta Lizzie sur le ton de la plaisanterie.

La matriarche de la famille Saltzman lui adressait aussitôt un regard lourd de reproches, quand bien même cette remarque était amusante.

- Puisque ça te fait rire, et si tu nous montrais ton travail ? Demanda la blonde à sa cadette.

Un franc sourire éclairait immédiatement le visage de Lizzie. Oui, elle pouvait sans aucun doute présenter son chef d'œuvre maintenant que le pire était passé. D'une main dans le dos de Hope, la jeune Saltzman invitait sa nouvelle amie à se lever et, après avoir poussé le semblant de bougie de sa sœur, elle avait commencé à disposer sa décoration sur la table.

Après deux bonnes minutes d'installation, le duo Saltzman/Mikaelson s'était écarté, laissant les yeux de leurs camarades et jurés découvrir avec surprise une petite crèche de Noël. Mais il ne s'agissait pas de n'importe quelle crèche, non. Chaque personnage de la Bible avait été réinventé et resculpté à la terre cuite, avant d'être peint pour représenter chacun d'entre eux. Et cette fois, aucune explication ne fut nécessaire, ce qui enchantait bien Lizzie et Hope.

- Il y a une précision dans les détails qui est surprenante, annonça Caroline, qui s'était penchée afin de mieux observer les figurines.

- J'ai fait le décor et Hope a fait les personnages, expliqua Lizzie après un échange de sourire entendu avec sa camarade.

- Impressionnant, acquiesça à son tour Alaric, avant de se tourner vers leur dernière concurrente. Et toi, Finch ? Qu'est-ce que tu as fait ?

Un léger soupir s'échappait de la gorge de l'adolescente. Devait-elle vraiment présenter sa décoration ? Elle n'avait aucune chance face à Lizzie et Hope. Pourtant, lorsqu'elle vit tous les regards braqués sur sa personne, elle n'eût d'autre choix que de se lever et de récupérer son œuvre, cachée derrière elle.

Lorsque celle-ci éteignait le dernier emplacement libre sur la table, les sourcils de ses compatriotes se froncèrent autant qu'ils se haussèrent sous l'étonnement. Tel un petit cadre fait de cartons, Finch avait confectionné le logo de leur école, en relief, et entre chacun de ses pans de cartons, l'adolescente avait disséminés, ça et là, de nombreuses photos de l'année qu'ils avaient tous vécus ensemble. Au-delà de leur petite famille, il y avait aussi tout leurs amis, des photos des différentes classes d'élèves et de petites boules de Noël. Plus que festive, cette décoration était personnelle.

- Je me suis dit que, puisque c'était une décoration pour l'école, chacun des pensionnaires devraient pouvoir se retrouver dedans, en la voyant. Alors j'ai récupéré des photos un peu partout et je les aie collées toutes ensembles. Parce que ce pensionnat…

Finch marquait une pause, prenant soin de trouver les bons mots avant de continuer.

- Parce que ce pensionnat, ce n'est pas juste une école. Pour beaucoup d'entre nous, c'est une seconde chance. C'est une famille.

A l'image de sa femme, Alaric hochait la tête. Au moins l'une d'entre elles avaient compris ce qu'il tâchait de leur inculquer tout au long de l'année. Dans un échange de regard tacite avec Caroline, il se levait et tendait sa main à l'étudiante pour que celle-ci la lui serre.

- Félicitations, Finch. C'est exactement ce qu'on voulait.

- J'ai… j'ai gagné ? Bredouilla-t-elle, les yeux ronds d'étonnement.

- Oui, approuva Caroline avec un sourire. Bravo.