Chapitre 21
Les résultats du concours de décorations avaient rapidement laissé place à l'ouverture des cadeaux. Et au fond, c'était le moment qu'ils avaient tous le plus attendu durant ces fêtes de Noël.
Depuis ce même fauteuil qu'elle n'avait quasiment pas quitté de la matinée, Penelope observait silencieusement la scène qui se déroulait devant elle. Cela faisait déjà une bonne quinzaine de minutes que les cadeaux s'échangeaient, tous plus beaux les uns que les autres. Tellement beaux d'ailleurs, que même Lizzie et Hope, qui s'étaient renfrognées de ne pas avoir gagner le concours, avaient finalement troqués leurs airs vexés contre des expressions joyeuses et touchées.
Seule Penelope n'en recevait aucun. Et elle aurait presque pu en être jalouse si elle ne s'en était pas douté. En revenant ainsi à l'improviste, il était évident que personne n'avait anticipé sa présence. Et au fond, même si elle était forcément un peu déçue de ne pas pouvoir partager l'engouement des autres, elle était tout de même satisfaite de voir le sourire ravi qui habillait les lèvres fines de Josie. La voir heureuse était tout ce qui comptait vraiment pour l'hispanique. Alors, elle aurait pu rester là, à observer cette scène en boucle, que ça lui aurait convenu.
- On attaque les derniers cadeaux, leur indiqua Caroline en se saisissant des deux derniers paquets.
D'un rapide coup d'œil, la mère de famille retournait le cadeau le plus massif et son sourire se fit plus grand alors qu'elle distinguait l'écriture de sa fille cadette sur l'emballage. Lizzie s'était appliquée pour écrire ces quatre petites lettres de sa plus belle courbe manuscrite. S'en était d'autant plus adorable, pensait Caroline en tendant le paquet vers la jeune femme aux côtés de son enfant à la tignasse blonde.
- Hope, l'interpella-t-elle avec bienveillance, c'est pour toi.
La dénommée eut un sursaut de surprise alors qu'elle reportait à son tour son regard sur le long paquet parfaitement emballé. Elle avait déjà été gâtée, cette année, raison pour laquelle l'adolescente ne s'attendait pas à avoir le droit à un nouveau présent.
Toutefois, l'orpheline ne se fit pas prier pour s'en saisir. Si on souhaitait lui offrir quelque chose, alors, elle le prenait avec plaisir, peu importe de quoi il s'agissait. Elle qui était restée enfermée dans sa solitude pendant si longtemps avait bien des années de fêtes à rattraper.
Lorsqu'à son tour, ces yeux se posaient sur la belle écriture de Lizzie, qu'elle connaissait par cœur car, même si elle ne le l'avouerait pas à voix haute, elle passait son temps à l'observer écrire en classe, le cœur de Hope se serrait agréablement dans sa poitrine. Furtivement, elle jetait un rapide coup d'œil à sa voisine, dont les joues s'étaient légèrement teintées de rose face au regard insistant que lui portait sa mère, et, délicatement, Hope s'était attelée à déballer son cadeau en prenant garde à ne pas en abîmer l'emballage.
Quelle ne fut alors pas sa surprise lorsque ses yeux découvraient, avec lenteur, un magnifique cadre sculpté dans ce qu'elle devinait être du chêne rouge. Son arbre préféré.
Ses doigts fins parcouraient instinctivement les bords, comme si elle ressentait le besoin de les dessiner pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas. Les moulures, faites à la main, manquaient parfois d'un peu de rigueur et pouvaient s'avérer hésitantes, mais ça n'en rajoutait que plus de charme. Et au sommet du cadre se dessinait dans le bois, les quatre lettres de son prénom, élégamment vernies pour les rendre plus luisantes que le reste.
Mais ce qui fit bondir le cœur de Hope dans sa poitrine ne fut pas cette attention, déjà plus que touchante, à son égard. Non. Il s'agissait des deux photos en format paysage qui trônaient, l'une en dessous de l'autre, dans l'alignement parfait de son prénom.
Sur la première, qu'elle connaissait déjà par cœur, était mise en scène la parfaite famille qu'elle avait un jour formé avec ses défunts parents. Klaus, son père, et Hayley, sa mère, la tenait chacun par un bras tandis que la petite fille innocente d'une dizaine d'années qu'elle était, à l'époque, riait aux éclats.
Puis, sur la deuxième, un autre tableau, tout aussi joyeux néanmoins, se dépeignait. Et Hope se souvenait de ce jour comme s'il s'était produit la veille. Il s'agissait là d'une photo que Penelope avait prise, deux ans plus tôt, lorsqu'elle était encore en couple avec Josie. Le soleil brillait, haut dans le ciel. Il s'agissait d'une belle journée. L'heure avancée de l'après-midi signait la fin de leur escapade près de lac, dans l'enceinte du pensionnat, et Alaric avait insisté pour que tout le monde l'aide à ranger le petit pique-nique qu'ils n'avaient pas entièrement fini. Caroline, elle, avait forcé son mari à relever la tête alors qu'elle s'était positionnée près de lui, accompagnée de Lizzie, Josie et Hope, à la demande particulière de Penelope. Oui, c'était une très belle journée. Probablement l'une des seules dont le souvenir était agréable, pensait Hope, puisque cette journée était celle où était né l'espoir que, peut-être, ils pourraient former une vraie famille un jour.
Hope ne savait pas combien de temps elle était restée ainsi, à se remémorer ces puissants souvenirs mais, lorsqu'elle revint enfin au présent, des larmes s'étaient mises à couler le long de ses joues. Près d'elle, Lizzie avait osé poser tendrement une main sur son avant-bras afin d'attirer son regard dans le sien. Hope s'empressait aussitôt de lui rendre le sourire que la blonde lui offrait avant de venir chasser ses larmes d'un revers de sa main libre.
- Je sais que nous ne sommes pas vraiment parties du bon pied, commença Lizzie sur un ton sincère, mais je voulais que tu saches que, même si je n'ai pas toujours été d'accord avec ça, tu fais partie de la famille, Hope.
Lizzie marquait une pause. Juste le temps pour elle de plonger son regard dans celui de la rousse, encore vitreux des sanglots qui menaçaient de la saisir.
- Tu n'es peut-être pas une Saltzman d'un point de vue biologique, reprit-elle avec un peu plus d'humour, mais tu es de la famille. Comme Penelope, même si ça me coûte de l'admettre.
- Ai-je bien entendu ? Railla aussitôt celle-ci en se saisissant de son téléphone portable. Attends, répète que je t'enregistre.
- Va te faire foutre, Satan.
La capacité que pouvait avoir Lizzie de passer d'une humeur à l'autre fit exploser de rire l'ensemble des personnes présentes dans la pièce. Elles n'étaient pas encore toutes sur la même longueur d'ondes, mais ça viendrait, se réjouissait intérieurement Caroline.
- Merci, déclara Hope.
Avant que Lizzie n'ait le temps de penser à répondre quoi que ce soit, Hope l'avait attirée contre elle dans une étreinte reconnaissante. Ainsi, il fallut quelques secondes à la blonde avant qu'elle ne comprenne vraiment ce qui se passait et que ses muscles ne se détendent. Toutefois, ce fut tout de même assez rapide pour qu'elle réussisse à rendre le câlin à son initiatrice, humant par la même occasion son odeur vanillé qui lui retournait l'estomac.
Lizzie aurait pu s'éterniser dans cette position, profitant de cet instant si, soudainement, un cri ne s'était pas fait entendre dans le salon. Toutes les attentions focalisées sur ce rapprochement entre les deux adolescentes furent déviées sur Penelope, qui se levait précipitamment de son fauteuil pour laisser Josie s'étaler dessus, roulée en boule.
Se tenant le ventre à l'aide de ses deux bras, l'aînée des jumelles Saltzman se tordait littéralement de douleur et, sur le moment, personne ne sut réellement quoi faire. Lizzie s'était tétanisée, au même titre que Finch, les yeux rivés sur la brune tandis que Penelope, elle, s'était jetée à genoux, sans savoir quoi faire de plus. Et finalement, ce fut Alaric, dégainant son téléphone portable, qui avait débloqué la situation en s'empressant d'appeler les pompiers.
Mais au plus les minutes passaient, et au plus la douleur que Josie ressentait dans son corps tout entier, semblait redoubler d'intensité...
