Chapitre 25

Dans sa chambre, Penelope fixait son reflet dans le grand miroir qui trônait dans un coin de la pièce. Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis que Josie avait reçu sa greffe de moelle osseuse et, ce jour-là n'était pas un jour comme les autres. Penelope y plaçait tellement d'importance que toute sa confiance en elle s'était envolée, la laissant pantelante et incertaine tandis qu'elle se toisait, vêtue de cet élégante combinaison noire, féminine et très formelle, incapable de se trouver séduisante. Et pourtant, son narcissisme n'était un secret pour personne : Penelope se trouvait toujours canon, en toutes circonstances. Mais pas aujourd'hui.

Aujourd'hui, elle avait simplement l'impression d'être étrangement quelconque.

- Est-ce que tout va bien ? S'élevait une voix dans son dos, familière et rassurante.

Pendant une fraction de seconde, cette intervention avait détourné son attention de son reflet. A travers le miroir, les prunelles de Penelope avaient quitté son image, remontant jusqu'à la silhouette qui se tenait derrière elle et un fin sourire était apparu sur ses lèvres. Ses mains, qui tenaient le tissu noir des manches sur ses épaules, dans une vaine tentative de les ajuster davantage, retombaient mollement le long de son corps.

- Oui, ça va.

- Alors pourquoi est-ce que tu tires une tête de constipée ? T'as pas réussi à chier ce matin ou quoi ?

Très délicat, pensait l'hispanique, dont le regard se perdait aussitôt dans celui de son interlocutrice. Un court silence s'installait entre elles mais, contrairement à ce qui les avait déjà opposées, il n'y avait aucune tension dans l'air, cette fois. Et comme la brune au teint basané l'avait déjà démontré à maintes reprises par le passé, Penelope constatait à nouveau que Finch n'était pas dupe.

Un profond soupir quittait alors la gorge de l'hispanique tandis que ses orbes chocolats se remettaient à détailler sa tenue avec perplexité.

- On dirait que je m'apprête à aller à un enterrement, confessa Penelope.

Finch haussait un sourcil tout aussi perplexe que l'expression de son amie. Ce n'était pas vraiment l'impression que lui renvoyait sa camarade en cet instant, mais Finch la comprenait. Elle n'était pas certaine d'être capable de penser autrement si elle se retrouvait dans la position de l'hispanique.

Toutefois, si elle était sûre d'une chose, c'était que Penelope ne laisserait personne indifférent, ce soir. C'est pourquoi, délicatement, elle avait osé combler la distance qui la séparait de son amie et avait posé ses deux mains sur ses épaules. La petite-amie de Josie était tellement crispée qu'elle aurait pu faire de la concurrence à un balai, pensait-elle en plongeant ses prunelles au fond de celles de Penelope, à travers le reflet du miroir.

- Tu es splendide, assura Finch avec honnêteté. N'en doute jamais.

Elle marquait une courte pause, revêtant soudainement cet air espiègle que l'hispanique avait appris à apprécier.

- Et puis même si tu étais moche et que tu venais de tomber dans une benne à ordures, Josie te trouverait toujours magnifique. Parce qu'elle t'aime. C'est le principal. Donc arrêtes de réfléchir et de te fixer comme ça, sinon tu vas finir par prendre racine dans le plancher.

Les dernières reproches de Finch, pleines d'humour, étaient parvenues à faire naître un sourire amusé sur les lèvres de Penelope. Le silence reprenait ses droits dans la pièce, alors que les deux adolescentes restaient un instant immobiles. Elles en avaient fait du chemin, pensaient-elles en se scrutant mutuellement. Où était passé l'époque, pas si lointaine d'ailleurs, où leur seul but était de s'étriper ?

Une chose était sûre : Penelope ne regrettait pas ce changement de dynamique dans leur relation. Car malgré tout, s'il y avait bien une personne qui savait trouver les bons mots pour la rassurer, hormis Josie, c'était bien Finch. Une douce ironie, se disait-elle en faisant volte-face pour toiser sa camarade autrement qu'à travers la glace du miroir.

- Merci, déclara-t-elle, surprenant son interlocutrice, qui fronçant automatiquement les sourcils.

- Merci ? Mais de quoi ?

- De tout ça, expliqua l'hispanique en ouvrant les bras pour la désigner. D'être là. Je crois bien que je n'avais jamais eu d'amie avant toi.

Les deux extrémités de la bouche de Finch se soulevèrent, formant un petit rictus malicieux. Quelque chose lui soufflait qu'elle avait plutôt intérêt à profiter de ce moment car il était certain qu'elle n'entendrait pas Penelope la remercier à nouveau de si tôt.

- Ouais ben faut croire que je me suis rendu compte que tu n'étais pas si mauvaise malgré tout, répondit-elle en s'éloignant de son interlocutrice pour récupérer délicatement la petite chaîne en or orné d'un élégant pendentif sur la coiffeuse, à quelques pas. Et puis au fond, je ne perds pas vraiment au change.

Doucement, la brune vint se placer dans le dos de Penelope et, lorsque celle-ci soulevait instinctivement sa chevelure de jais, Finch prenait soin de lui attacher le collier autour du cou dans des gestes presque tendres.

- Tu aboies beaucoup mais tu ne mords pas, terminait-elle.

- Comme toi, en réalité.

- Ouais, c'est vrai, avoua Finch en haussant les épaules dans un geste désinvolte.

Comme elle l'avait déjà fait, quelques minutes plus tôt, la jeune femme posait ses mains sur les épaules de Penelope et la détaillait de haut en bas durant un court instant. Alors, son sourire malicieux se transformait en un air bien plus approbateur tandis qu'elle hochait la tête avec contentement. Penelope était parfaite.

- Combien de temps nous reste-t-il ? S'enquit cette dernière, dont l'anxiété ne faisait que croître à mesure qu'elle se rapprochait du moment fatidique où elle devait rejoindre Josie en haut des marches du grand escalier principal.

- Quelques minutes, répondit la seconde après avoir jeté un coup d'œil à sa montre. Et si tu profitais de ce temps pour m'en dire plus sur ce fameux bal des débutantes ? Vous êtes tous tellement sur les nerfs que j'ai l'impression qu'on va tous mourir si Josie ne gagne pas.

Cette remarque arrachait un sourire à la jeune Park. Il était vrai que cette compétition ne consistait pas en une question de vie ou de mort, mais elles le vivaient comme tel.

- Disons que c'est symbolique, déclara Penelope avec énormément de sérieux. La dernière fois que Josie y a participé, elle a saccagé la compétition pour qu'Hope puisse gagner et je me suis envolée pour la Belgique. C'est pour ça qu'elle doit gagner aujourd'hui. Pour prendre sa revanche.