Contribution : Isa'ralia Faradien


#7 - Précipice

Propre, séchée et reposée, elle était fin prête à faire face aux conséquences de son mensonge. Celles-ci vinrent à elle sous la forme des bruits de pas de Lydia entrant dans sa cellule. Elle se tint droite et impassible.

- Mauvais choix, commenta platement la Tante.

- Je ne vous dirai jamais où elles sont, affirma-t-elle d'une voix maîtrisée.

- Des paroles courageuses, Dejoseph, mais… ce ne sont que des paroles.

Deux gardes vinrent la saisir pour la relever et la mener dans le couloir sombrement rouge. Leurs pas les menèrent dans un ascenseur, qui referma ses portes sur la forme brune de Lydia, restée un peu plus loin.

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Lorsqu'elles se rouvrirent à destination, les gardes la poussèrent hors de la cage, directement sous une pluie battante. Il faisait nuit, mais elle eut l'intuition qu'ils se trouvaient sur le toit du bâtiment où ils la retenaient captive.

La pluie était glaciale, et seuls quelques projecteurs lui permettaient de voir où elle mettait les pieds. Elle se laissa conduire dans cet environnement hostile, jusqu'à apercevoir quelque chose qui la figea d'horreur.

Sur le bord du toit, deux autres prisonnières étaient menottées, dos au précipice.

Elle secoua frénétiquement la tête, incapable de penser. Personne ne devait payer pour son silence et ses mensonges. Personne ! Comme l'avait si bien dit Lydia, elle était seule responsable de cette situation !

Les gardes la poussèrent en avant et elle se dirigea vers les deux otages. Elle put voir leurs larmes malgré la pluie qui les martelait, elles aussi.

- Tu ne te déroberas point, lâcha la voix du Lieutenant à sa gauche, ni ne tricheras, ni ne mentiras. Car je suis l'Éternel, ton Dieu.

Il se tenait debout à côté des prisonnières, et elle lui jeta un regard alarmé.

- Wow, quelle nuit mouvementée ! s'exclama-t-il en retirant ses lunettes pour les essuyer.

Il s'approcha d'elle, mettant son horrible visage souriant à sa hauteur.

- Alors ? insista-t-il. Où sont les Servantes ?

- June, appela l'une des deux prisonnières. Ne leur dis rien.

Mais elle ne pouvait pas… ne rien faire… les laisser mourir, pour rien

Le Lieutenant vit volte-face et marcha d'un pas assuré vers celle qui venait de s'exprimer. Il tendit le bras et la poussa dans le vide sans la moindre hésitation. Les cris de terreur de cette femme retentirent dans la nuit pluvieuse.

Elle n'y tint plus. Elle tira sur ses liens, une expression d'horreur gravée sur son visage. Pourquoi ? Pourquoi n'avait-elle pas pu tenir sa langue ?...

La seconde prisonnière gémit de crainte. Le Lieutenant revint vers elle et l'attrapa par l'épaule pour la mener à cette dernière otage.

- Tu peux la sauver, susurra-t-il.

Il tendit l'autre bras vers l'inconnue.

- Vas-y, viens, demanda-t-il. Approche, n'aie pas peur. Tout va bien.

Celle-ci descendit du rebord du toit, les yeux clos d'appréhension.

- C'est bien, la félicita-t-il.

La prisonnière rouvrit les yeux, et leurs regards se croisèrent. Deux femmes, au destin lié par les circonstances tragiques.

- Alors, reprit le Lieutenant. Dis-moi où elles sont.

Elle s'approcha de cette femme et lui prit les mains. Elle colla son front au sien, dans un geste de réconfort. Elle s'éloigna ensuite et planta son regard dans le sien. Il y avait plus dans leurs yeux que ce qu'elles avaient le droit d'énoncer.

- June, fit simplement l'otage.

Tout en sachant que ce simple nom la condamnait.

Et ce fut le cas en une fraction de seconde. Le Lieutenant la jeta elle aussi dans le vide.

- Quel dommage, commenta-t-il.

C'était comme si son cœur se fendait en deux. Elle tomba à genoux. Bon sang, elle n'était pas une cause pour laquelle on se sacrifiait volontairement ! Elle n'avait su que profiter d'une rare opportunité pour faire le bien : sauver des enfants et tenter de mettre à l'abri des Servantes. Elle devait en assumer seule la responsabilité…

Le Lieutenant posa une main rassurante sur sa tête, comme si elle n'était qu'une enfant.

- Je t'en prie, ne mens plus jamais, la fustigea-t-il comme si elle avait volé des bonbons.

Elle ne pouvait que fixer l'horizon devant elle. Vide. Tout comme son âme, si elle y réfléchissait bien. Les sanglots la prirent aux tripes.