A quelques années-lumières de cet hôtel, Shepard prépare son assaut. Lors de l'approche du vaisseau ennemi, elle étudie le modèle, télécharge les plans, et décide que l'attaque frontale, par le sas, est la meilleure option avec ce type d'appareil et vu qu'elle est seule. Elle accroche quelques grenades aveuglantes à sa ceinture, son pistolet dans son étui et garde son fusil à pompe en main. Maintenant, tout ne réside qu'entre les mains du pilote. Il doit immobiliser le vaisseau ennemi et baisser ses boucliers et ensuite très rapidement lancer la procédure d'abordage. Mais comme Whelps le pensait, Aria ne s'entoure que des meilleurs et c'est fait d'une main de maître. Le galarien n'est peut-être pas très amical, mais il sait faire son job.

Whelps attend au sas, le Hallex envoie dans son corps de grandes décharges d'excitation. Un beau mariage avec l'adrénaline. Quand le sas s'ouvre, Shepard a déjà commencé à lancer deux grenades aveuglantes, de part et d'autres de la salle qu'elle sait se trouver là. Juste après la déflagration, elle tire sur les deux humains qui sont à droite tout en chargeant le turien qui était à gauche. En une minute et demi, Shepard a envahi le vaisseau. Mais un des humains a été chanceux et maintenant elle a un trou de belle taille en haut de l'épaule gauche. Mais ça ne la ralentit pas, bien au contraire. Cela décuple sa rage, et en dix minutes, elle a annihilé jusqu'au dernier des membres d'équipage. Qu'ils supplient, qu'ils soient désarmés. Peu importe. Les ordres sont les ordres. Du sang de toutes les couleurs décorent désormais le vaisseau. Le pilote galarien est venu pour programmer un auto-pilote jusqu'à Oméga, absolument pas gêné par l'amoncellement de cadavres, de sang et d'organes, dans les couloirs.

Shepard retourne dans le vaisseau d'Aria et sent enfin la douleur. La douleur habituelle, insupportable de ses anciennes blessures, et puis cette nouvelle douleur, encore à gauche. Elle perd du sang, encore, malgré le médigel. Sa veste est bousillée. Au lieu de faire un effort pour se soigner, elle s'assoit, boit une grande rasade de whisky, prend sa dose d'Hallex et fixe l'éternité de l'espace. Aucune pensée ne l'assaille, aucune envie. Elle se sent dériver et cette sensation est juste satisfaisante. Ni bonne ni mauvaise. C'est une sensation. Elle existe. Shepard la tourne et la retourne, et n'y voit aucun défaut, aucun problème. Et elle continue donc de dériver doucement. Jusqu'à ce qu'ils atteignent Oméga. Quand le navire tremble au moment où la rampe s'y fixe, Shepard se lève et sort du vaisseau, le regard vide et si loin dans son monde qu'elle pourrait marcher n'importe où, sur une mine, droit vers le vide, sans hésiter ni ralentir une seconde.

Pour le reste du monde, le Commandant semble marcher nonchalamment, son arme à la main, du sang séché sur ses vêtements. Elle avance doucement vers l'Afterlife, elle sait qu'elle doit débriefer la mission avec Aria. Mais elle ne sait pas quoi dire. Elle ne se rappelle pas vraiment ce qu'elle a fait, dans l'espace, il y a quelques heures. La mission est un succès, oui, mais à part ça… Les portes s'ouvrent devant elle quand elle arrive à la boîte de nuit. Elle salue Kalena d'un hochement de tête et monte directement voir Aria. Elle trouve la pirate assise sur son canapé, l'air satisfait, un petit sourire aux lèvres. Shepard est trop défoncée pour voir la nervosité qui habite Aria, que l'on peut détecter par le pied qu'elle balance légèrement, ses doigts qui tapotent son verre un peu trop souvent. Lawson est encore dans la station. Shepard a été encore une fois beaucoup trop efficace.

Shepard sent le regard de l'asari sur son corps. Elle voit sur le visage de la reine d'Oméga une forme de satisfaction jusqu'à ce que son regard se pose sur l'épaule gauche du soldat. D'un coup, en camouflant un petit sourire, Aria est debout et s'avance près du spectre. Alors, qu'elle pose une de ses mains sur la blessure, elle lui dit :

« Shepard, bien joué, encore une fois. Mais vous êtes blessée. Qu'allons-nous faire de vous, soldat ?

- Je n'en sais rien, milady, que suggérez-vous ? Répond Whelps, un sourire aux lèvres, les yeux fixés sur la main bleue qui caresse doucement son épaule.

- Venez Shepard, ce n'est pas parce que vous avez vaincu la mort deux fois que vous pouvez risquer une infection, dit Aria en posant son autre main sur l'autre épaule de l'humaine.

- A vos ordres, madame. »

Ces mots, dit si simplement, dans la bouche de cette femme, ont le don d'exciter Aria au plus haut point. Ça et la petite dose d'Hallex qu'elle a prise avant que le spectre n'arrive. Elle pousse délicatement Shepard vers les escaliers et elles se dirigent toutes les deux vers la sortie. Lorsque l'humaine se retourne pour faire un signe à l'asari derrière le comptoir, Aria l'imite et lance tellement d'animosité dans son regard que la barman la ressent presque physiquement. Aria est possessive avec ses jouets. Cela a toujours été le cas.

En sortant, elle fait un signe à ses hommes, qui prennent les devants. Dehors, un véhicule les attend juste à la gauche de l'établissement. Shepard, encore largement sous l'effet du Hallex suit simplement Aria et monte à ses côtés. Dans le véhicule, elle observe la pirate. Elle se rend compte que c'est la première fois qu'elle la voit piloter. Son air concentré la rend belle. Aria sent le regard de Shepard sur elle et tourne son visage un instant. Ce qu'elle voit sur le visage du spectre lui fait naître un sourire carnassier. La jeune femme était perdu dans la contemplation de la bouche de la pirate, souriante, un éclat de désir dans son œil rouge.

Aria ralentit quand elle arrive à sa destination. Un loft, quasiment au plus haut de la station. Extrêmement bien défendu et décoré avec raffinement. Ce n'est que l'un de ses appartements sur Oméga. Mais c'est son préféré. Et il est parfait pour ce qu'elle compte faire à Shepard aujourd'hui. La blessure a été l'excuse parfaite pour l'emmener ici, la soustraire à la ville et à cette femme fouineuse. Quand les deux femmes entrent dans le loft, l'humaine laisse échapper un léger sifflement à la vue du logement.

« Wow, Aria, je n'ai jamais rien vu de tel. C'est très beau. Mais pourquoi sommes-nous ici ? Je croyais que vous m'emmeniez quelque part où on me soignerait ? Dit-elle, lentement, les mots se formant encore un peu difficilement.

- C'est le cas. Asseyez-vous sur le canapé… Non, à la réflexion, suivez-moi, vous avez besoin d'une douche et de vêtements propres.

- Mais… J'aurais pu le faire chez moi… Je veux dire… à l'autre appartement…

- Shepard, salle-de-bain, douche, maintenant, réplique Aria, jouant la perte de patience, sachant très bien que le spectre lui a abandonnée tout contrôle il y a déjà quelques jours.

- D'accord, madame. »

La pirate lui fait signe d'entrer dans la salle de bain puis va chercher des vêtements pour l'humaine. Elle a juste ce qu'il lui faut. Quand elle retourne vers la salle de bain, elle entend l'eau couler. Un léger sourire aux lèvres, elle entre, pose les affaires à côté de la douche et prend un instant pour observer la jeune femme qui ne semble pas l'avoir entendue. Le dos de Shepard est constellé de cicatrices, notamment de ces étranges cicatrices qui semblent écarter la peau du spectre et laissent voir en dessous le brillant orange des implants cybernétiques. A la base du cou, Shepard a une large cicatrice horizontale, assez récente, et Aria imagine que lors d'une explosion, le choc a fait pénétrer l'armure du spectre dans sa peau. La pirate déglutit difficilement, imaginant le genre de douleur que ça peut infliger. Son dos est toujours musclé, alors qu'elle n'a jamais vu Shepard faire de l'exercice. Peut-être dans l'appartement? Possible. Ses fesses sont rondes et semblent fermes, Aria se retient d'y toucher. Pas encore. Elle n'est pas encore prête. Sa jambe droite est musclée, magnifiquement formée, pour une humaine mais sa jambe gauche… Des morceaux semblent manquer. Comment marche-t-elle sur ce membre. Elle est décharnée, couverte de cicatrices. Oui, la guerre a pris beaucoup à cette personne. Et tu vas lui prendre tout le reste, pense Aria. Elle secoue la tête, comme on le ferait à un enfant déraisonnable. Aria n'est pas faible. Elle prend ce qu'elle veut. Et depuis que Shepard est revenue sur cette station, elle est devenue ce qu'elle veut.

Avant que Shepard ne finisse sa douche, Aria sort et décide de leur servir des verres, avant de préparer un kit de soin. Elle pose le tout sur la table basse qui a vue sur les profondeurs de l'espace. Elle aime cette vue, en bas, Oméga dans toute sa splendeur, et là, juste au bout de ses doigts, l'immensité du néant. Elle se perd dans la contemplation de l'éternité et sursaute légèrement quand elle entend des pas. Shepard sort de la salle de bain, le jean et le tee-shirt qu'Aria lui a prêtée s'ajustant parfaitement sur son corps. Aria sourit à la vue. Shepard est là, tête baissée, dans ses habits à elle, prête à suivre ses ordres. Et les possibilités l'excitent au plus haut point. Mais quelque chose agace Aria. Elle voit que Shepard a encore pris de l'Hallex. Il va falloir faire quelque chose avant que sa consommation insensée ne la transforme en zombie. Aucun intérêt de ne posséder que l'ombre de cette femme. Le spectre observe le grand salon puis semble se rappeler quelque chose. Elle repart dans la salle-de-bain pour en ressortir quelques secondes après avec son arme bien installée contre sa cuisse. Pieds nus, en t-shirt, mais l'arme à portée de main, cette vision fait rire Aria, ce qui surprend Shepard.

« Quoi ? Qu'est-ce qui est drôle ? Demande-t-elle.

- Vous, Shepard. Vous êtes pieds-nus, vous sortez de la douche, et la première chose qui vous vient à l'esprit c'est de vous armer ?

- Dit comme ça… Mais je ne suis jamais désarmé. Même sur le Normandy… En vingt ans, je n'ai passé que trois jours, peut-être quatre sans arme. Éveillée, en tout cas, bredouille le soldat.

- Et c'était quand ça ? Il a du en falloir beaucoup pour que ça arrive… lui dit Aria, tout en lui indiquant de s'asseoir sur un des fauteuils. Le soldat obéit.

- Quand… Quand je me suis réveillée, après la guerre. Je n'avais pas d'argent, sinon j'aurais acheté une arme immédiatement. Sans arme, c'est comme être nue. Et à y réfléchir, je préférerais être nue et armée qu'habillée et les mains vides.

Cette réflexion et la légère confusion sur le visage de Shepard provoque un nouveau rire d'Aria. Et Shepard se rend compte qu'elle aime entendre ce rire. Et le provoquer. Aria plonge ses yeux dans ceux de l'humaine et poursuit :

- J'avoue que j'aimerais bien voir ça ! Enfin bref, je vais soigner votre plaie. Servez-vous, sur la table, c'est du whisky qui a deux-cent-quinze ans, Shepard, il vient de votre Europe.

- Deux-cent-quinze ans… Je n'ai jamais rien bu d'aussi vieux. Je suppose que ce n'est pas si rare pour les asaris ?

Aria est passée derrière le spectre et a juste posé sa main sur son épaule quand elle croise son regard. Une véritable curiosité brille dans l'œil du soldat, mais il y a aussi autre chose… Un soupçon de désir.

- Vous supposez bien, humaine. Certains des nectars les plus délectables de Thessia datent d'il y a plus de mille ans. Je crois que ça ressemble légèrement à votre miel, mais avec des effets bien plus… Divertissants.

La pirate doit se concentrer et nettoyer la plaie. Ses mains ont tendance à plus vouloir caresser que soigner et la peau du soldat est si chaude, si douce. Heureusement que Shepard ne la regarde plus, perdue dans la contemplation du breuvage dans son verre. Sinon elle verrai une Aria au regard et au sourire carnassier à l'idée de ce qu'elle pourrait faire avec ces mains sur cette peau.

- Il est incroyablement bon, dit Shepard après avoir goûté le whisky. Et vous disiez… Quel genre de propriétés ont ces nectars de mille ans ?

Encore ce visage tourné vers la reine d'Oméga, encore cette curiosité simple et naturelle qui rend le soldat plus jeune. Aria lui sourit tendrement puis termine le soin. A regret, elle abandonne la peau de Shepard et va s'asseoir sur le fauteuil à côté d'elle, étendant ses longues jambes jusqu'en dessous de la table basse, le mouvement capturant le regard du spectre, pour son plus grand plaisir.

- Si je vous le disais, vous finiriez par avoir une idée fausse des asaris. Enfin, pas vraiment fausse, mais qui validerait certains stéréotypes sur notre race.

- Aria, allons, je connais les asaris ! Depuis le temps… Qu'est-ce que vous avez toutes avec les stéréotypes sur vous ? Moi je m'en fous si un alien pense que je suis obstinée, violente et irréfléchie ! Lance Shepard en riant doucement. Aria note que c'est la première fois depuis son arrivée à Oméga qu'elle rit en sa présence.

- C'est parce que vous l'êtes Shepard, obstinée, violente et irréfléchie. Mais au moins, vous n'êtes pas vulgaire ! Le problème avec les stéréotypes concernant ma race, c'est qu'ils nous montrent souvent comme de vulgaires putains utilisant le sexe pour acquérir le pouvoir.

- Et ce n'est pas le cas ? Comment Tevos est devenue conseillère ? Je connais un courtier en information qui m'a fait lire des choses dont vous n'avez pas idée, Aria…

- Voyez-vous ça ? Ce courtier aurait du mieux vous éduquer vis-à-vis des asaris et moins abreuver votre haine des politiciens. Tevos est très douée dans ce qu'elle fait, et du sexe a pu être impliqué dans son ascension, mais pas seulement. Elle lit très bien les gens, elle excelle en géopolitique et pourrait rivaliser avec vous en stratégie parfois…

- Et elle ment, comme les matriarches de votre Conseil de merde à Thessia. Comme tous les politiciens de cette putain de galaxie, crache Shepard, soudain enragée par une idée dans sa tête, un souvenir. Le souvenir d'une défaite. Thessia.

- Calmez-vous, Shepard. Vous ressemblez à une petite fille privée de dessert. Les politiciens sont des cons, oui, mais ça ne veut pas dire que vous avez le droit de cracher votre venin dans ma demeure, dit Aria, le plus calmement possible.

Ce qu'elle vient de voir, dans l'œil de Shepard, cet éclat de haine et de violence, la montée en puissance de cette lumière rouge si angoissante parfois, même pour Aria, a envoyé des frissons le long de la colonne de l'asari. Elle savait qu'elle ne voulait pas avoir Shepard comme ennemie, elle était redoutable. Mais là, dans son état proche de la folie, elle devient une arme de destruction massive. Et Aria veut cette arme. Elle veut tout.

- Désolée. Certains sujets ont tendance… Ont tendance à me rendre un peu nerveuse. Puis-je me resservir du whisky ? Demande doucement Shepard, les yeux baissés, honteuse de s'être emportée sans raison.

- Bien sûre, servez-vous. Je comprends, Shepard. En parlant de nervosité, vous me permettez une question très directe ? Demande Aria et voyant l'acquiescement hésitant de l'autre femme, elle continue Pourquoi consommez vous autant de Hallex ? Pour quelle raison ?

Encore une fois, un flash de colère, léger, mais bien visible.

- Parce que je le désire ? Tout simplement. Pourquoi , quel est le problème, Aria, éclairez-moi ? Demande-t-elle en tentant de régner sur sa colère, froide et tapie juste en bas de son estomac.

- Le problème, spectre, c'est qu'un zombie ne peut plus travailler. Et quand un zombie ne peut plus travailler, il perd son logement, sa drogue, sa dignité. Il perd tout. C'est ce que vous voulez devenir Shepard ? Si vous me dites ce que vous recherchez dans le Hallex, je suis sûre que je peux vous procurer des produits de meilleure qualité avec bien moins d'effets secondaires. Réfléchissez-y, j'ai un appel à passer. »

Aria déglutit lentement, sourit et se lève, laissant le spectre seul face à l'espace. Elle a vu son regard, ces flashs de violence. C'est excitant tout autant que terrifiant. Elle n'est vraiment pas encore prête à relâcher tout le contrôle. Mais cela viendra, surtout si elle accepte et qu'elle laisse Aria la fournir en drogues, plutôt que cet humain ridicule.

Shepard reste prostrée un moment, le regard dans le vide entre le fauteuil où était Aria et la table basse. Elle ne veut pas devenir un zombie. Mais se faire fournir par Aria. Lui laisser toutes les ficelles. Les crédits, le logement, la drogue. Elle ne deviendrait pas un zombie mais certainement un pantin. Mais elle se souvient aussi des suppliques d'Alia. La crevette lui manque. Si elle change de drogues, peut-être qu'elle pourra la revoir ? Et être moins seule.

Les hommes d'Aria lui ont indiqué que cette maudite Miranda était toujours à l'hôtel, avec la gamine de Cerberus. Elle a presque envie d'ordonner leur meurtre, mais l'ex de Shepard est une puissante biotique, ça demanderait beaucoup d'hommes et d'efforts, et ça soulèverait des tas de questions. Il ne manquerait plus que d'attirer l'attention d'un spectre en ce moment et c'est certainement ce qui arriverait si un membre du Normandy disparaissait ou mourait à Oméga. Le Conseil est tenu en laisse pour le moment, par le biais de Tevos, mais il ne faut pas risquer sa chance.

Quand elle revient dans le salon, elle trouve Shepard légèrement agitée, l'air prêt à fuir ou à se battre, ou les deux. Elle réfléchit rapidement à ce qu'elle peut faire pour changer l'humeur du spectre. Ses prochains mouvements doivent être très précis, pour ne pas défaire tout ce qui a déjà été accompli. Alors elle s'approche doucement du soldat qui semble plongée dans une immense réflexion, qui ressemble presque à une bataille, et avance doucement une de ses mains vers son visage. Elle s'arrête tout près du menton de Shepard, l'effleurant à peine. Ce geste sort l'autre femme de sa torpeur et elle lance toute son attention dans les yeux d'Aria. Il y a tellement de déférence, de respect dans l'attitude de Shepard quand elle fait ça que Aria recule légèrement, prise de court par la force des émotions de l'humaine, et de sa volonté de tout montrer, simplement. L'asari ne trouve pas ses mots, pendant un instant. Elle se perd dans la contemplation de ce visage qui lui est offert à lire sans ornement. Cette femme a confiance en moi, pense Aria. Et Aria frémit à cette pensée.

« Shepard, ne pensez jamais que je vous juge, ou que je veux vous amener à faire ce que vous ne désirez pas. Je vous apporte juste la solution à quelque chose qui ne va pas tarder à être un problème. Est-ce que vous me croyez ? Demande Aria, doucement, ses yeux sombres captivés par le regard rougeoyant de l'humaine.

- Je pense que oui, Aria. Je veux bien que vous vous renseigniez. Il me faut un anti-douleur, très puissant, et quelque chose pour me vider la tête. Pour ne plus penser. Si vous me trouvez ça, j'arrêterai le Hallex. Merci, Aria, répond-elle, le menton doucement posé sur la main de l'asari.

- Pas de problème, Shepard. Considérez cela comme un premier acte d'amitié, entendu ?

- Ça me convient. On fait comme ça. »

Alors que le silence retombe doucement entre les deux femmes, Aria se trouve encore debout, tout près de l'humaine, assise sous elle, ses doigts caressant doucement son menton et sa joue, d'un mouvement très léger, presque inconscient. Presque. Aria sait beaucoup de choses. Et observer est sa compétence la plus aiguisée. Il y a plusieurs mois de cela, elle était au Purgatory, sur la Citadelle, et avait passer trois heures à regarder le jeu de tendresse entre T'Soni et Shepard. Elle s'était vite rendu compte que l'asari faisait ce geste pour calmer la spectre, dès qu'un sujet sensible semblait être abordé. Aria a juste emmagasiné cette information, comme des milliers, des millions d'autres, dans sa longue vie de prédatrice. Juste au cas où.

Une dernière caresse sur la joue de Shepard, puis Aria retire sa main. Elle note le léger mouvement de l'humaine, comme pour la retenir, avec satisfaction. Elle tourne doucement autour d'elle pour lui faire face et lui dit :

« Depuis quand n'avez vous pas mangé un repas terrien, Shepard ?

L'intéressée semble surprise par la question puis dit, simplement :

- Depuis ma dernière perm avant d'être éjectée dans l'espace, pourquoi ça ?

- Je connais un humain qui tient un petit restaurant un peu plus bas. Il a une dette envers moi, on pourrait se faire livrer un repas…

- Qui n'a pas de dette envers vous ici-bas, Aria ?

La question, si simple, si franche, fait rire la pirate.

- En effet. J'aime qu'on me rappelle mon pouvoir, spectre. Alors qu'en dites-vous ?

- D'accord. Et qui n'aime pas qu'on lui rappelle son pouvoir ?

- Vous. Vous auriez pu être la femme la plus puissante de la galaxie, et au lieu de ça, vous venez ici et devenez ma mercenaire.

Aria a choisi chaque mot avec précision. A bien insisté quand elle a dit « ma mercenaire ». Et se réjouit de l'effet que ça a sur l'humaine. Elle voit d'abord de la colère, normal, puis de la confusion, logique et enfin une forme d'acceptation. Pour Aria, Shepard vient d'accepter de lui appartenir. Et rien ne donne plus envie à l'asari de jouir que cette idée. Si elle était une demoiselle, elle se serait jetée sur l'autre femme et l'aurait ravagée sans tarder. Mais elle est une Matriarche, elle joue pour plus qu'un instant de sexe sauvage.

- Dit de cette façon… Vous n'avez pas tort. Qu'est-ce que ça dit de moi, hein ?

- Que vous êtes sage parfois. Tout ce pouvoir entre les mains d'une humaine obstinée, violente et irréfléchie et les Moissonneurs auraient été un entraînement face au carnage que vous auriez crée... »

Les deux femmes se mettent à rire doucement, un tout petit instant et Aria se trouve dans la délicate et irritante situation ou elle se rend compte qu'elle aimerait faire rire Shepard plus souvent. Légèrement décontenancée par cette découverte, elle explique à l'humaine qu'elle va appeler le restaurateur et s'excuse. Shepard se retrouve à regarder l'immensité de l'espace qui est montré derrière la vitre. Un instant, elle ressent le début de la panique qu'elle ressent habituellement lorsqu'elle revit son expérience résolument traumatique dans l'espace. Une gorgée de vieux whisky permet de recentrer son esprit, et pour tout assurer, un Hallex. Elle ne veut pas penser. Elle passe un bon moment, là, avec Aria, un moment simple et si doux. Le premier moment normal qu'elle passe depuis… Depuis qu'elle était allée voir Liara, à Hagalaz, juste avant la mission à Bahak. Plus d'un an. Son esprit se vide. Elle a eu peur, un instant, mais elle ne sait plus pourquoi. Elle entend la voix de la reine d'Oméga derrière, riche et puissante. Un pur instant, elle se demande à quoi ressemble un murmure d'Aria au creux de l'oreille. Et puis son esprit s'évade dans les grandeurs du système Sahrabarik.