Dans le loft, les deux femmes qui l'occupent discutent de choses et d'autres. Aria peut voir que l'humaine devient impatiente. Elle sourit. C'est le milieu de la nuit, temps d'Oméga. Le moment préféré, pour Shepard, de marcher, de faire quelque chose, de se battre… Ou autre. Tant que l'activité implique son corps. Aria se lève et ce mouvement surprend l'humaine, qui la suit des yeux. La main de l'asari va à nouveau se poser près de la joue du spectre quand elle dit :

« J'ai un rendez-vous. Et vous aussi. Bray va venir vous chercher d'ici trente minutes. Soyez prête et armée, il y a un problème que vous devez régler tous les deux dans le système Parnitha, il vous expliquera tout.

- Dans l'espace asari ? Demande Shepard, incrédule.

- Ho, spectre, vous ignorez la portée véritable de mon empire, dit Aria, un sourire carnassier aux lèvres.

- Je vois ça, Madame, je vois ça.

L'admiration non feinte, non forcée, purement naturelle et par là naïve de l'humaine touche Aria plus profondément qu'elle ne le voudrait, ou l'admettrait. Et cela met encore à rude épreuve sa détermination à attendre le lendemain pour réclamer son du.

- Bien. A plus tard, Shepard, et ne faites rien que je ne ferai pas, quand vous serez là-bas. »

Un dernier regard au Commandant, qui semble briller d'une aura de puissance à l'idée du combat qui arrive, donne à Aria tout le nécessaire pour l'imagination dont elle devra faire preuve, cette nuit, dans son lit. Elle lance un datapad au spectre puis s'en va. Dedans, Shepard voit un code d'activation pour un placard sécurisé dans une des chambres du loft. A l'intérieur, elle trouve des bottes, une veste en cuir renforcé, de quel animal, Shepard n'en a aucune idée, et son chapeau. Comment Aria… Elle rentre dans mon appart, maintenant… D'un côté, c'est le sien… Et puis merde, qu'elle fasse ce qui lui chante… Shepard s'habille. L'ensemble, les vêtements d'Aria, son chapeau, ses armes, son œil gris. Elle n'est plus Shepard, définitivement. Elle est Elie Whelps, mercenaire d'Aria. Et son sourire, à son reflet, lui dit que ça lui plaît.

Elle se dirige dans la cuisine, récupère sur le chemin les flacons de pilules qu'elle range bien à l'abri sur elle, puis fouille, à la recherche d'un alcool fort. Elle trouve son bonheur en la présence d'un très bon rhum butarien, qui n'a de rhum que le nom, est beaucoup plus fort, beaucoup plus corsé. Elle boit en attendant Bray. Elle s'impatiente puis décide, quand les douleurs deviennent intolérables, de prendre une pilule noire. Et puis, allez, c'est parti aussi pour la rouge. Son œil crépite d'impatience et d'appréhension en même temps. Quand Bray arrive enfin, la pilule noire a étouffé toutes les douleurs, sans un bruit, et la pilule rouge est en train de créer un feu à l'arrière du crâne d'Elie. Quand elle ouvre au butarien, il semble surpris par son look mais se reprend vite. Il récupère quelque chose dans la maison puis ils partent tous deux vers les docks. Elle retrouve, rhum à la main, le même petit vaisseau turien, le même pilote galarien que pour la mission d'hier, ou de tout à l'heure, à cet instant, Whelps est incapable de se situer dans l'espace temps. Elle sourit comme quelqu'un de fou. Un sourire dangereux, se dit Bray, qui décide de ne pas trop lui parler pendant le voyage. Il lui explique vite fait les détails de la mission : un simple ménage au sein d'un groupe de mercenaires asari qui ont cru qu'elles pouvaient baiser Aria. Le fait qu'elles soient toutes des biotiques plutôt efficaces explique la présence de Bray avec la mercenaire.

Elie décide de prendre la pilule jaune, puisqu'ils en ont pour plusieurs heures avant d'atteindre le système. Quelques minutes plus tard, le feu qui crépitait derrière ses yeux s'est apaisé, c'est maintenant un vrombissement. Elle ressent la même sensation de dérive qu'avec l'Hallex, et elle adore ça. Elle regarde le bouclier du vaisseau briller de bleu et se retrouve fascinée par cette couleur. Elle se dissout dans l'observation du néant entre ses yeux et c'est vraiment parfait.

A Oméga, Miranda vient de recevoir une alerte sur le flux de données de Shepard. Elle ouvre le lien. C'est une vidéo en léger différé. Elle voit Shepard marcher tranquillement, quoiqu'en boitant un peu, avec le butarien dont Miranda ne retrouve pas le nom. Mais ce n'est pas ça qui est 1important. Non, ce qui attire le regard de l'ex- agent, d'abord, c'est le visage du spectre. Sur ses lèvres, un sourire maniaque, que Miranda n'a jamais vu sur Shepard, et son œil rouge brille tellement qu'il en dérègle un peu les capteurs de la caméra de surveillance qui la filme. Dans la main du spectre, une bouteille. Et ses habits. La touche d'Aria est tellement visible. Comme si elle l'avait marquée. Ce qu'elle voit là, ça la terrifie, ça l'angoisse, ça la remplit d'une haine incroyable que même son père n'avait pas réussi à créer en elle. Ce qu'elle voit là, ce n'est plus du tout Shepard. Et tout son être hurle : Ça y est, Liara, on l'a vraiment perdue !

Comme si l'asari l'avait entendue, elle lui envoie un message court : « sujet en direction de Parnitha, pas de changement de plan, HEA*Toméga 2300 ». Elle aurait voulu que Liara, je ne sais pas, réagisse. Elle a du voir la vidéo, ça a du lui faire quelque chose… Et au lieu de ça, elle rédige une putain de missive. Et Miranda est abandonnée, là, seule, échouée dans cet endroit qu'elle abhorre. Alors elle compte les heures. Liara sera là dans vingt-deux heures. Vingt deux heures de solitude. Elle pense au message de Liara, pourquoi Aria envoie Shepard en espace asari ? Quelle mission dangereuse et stupide pour un intérêt qui n'est jamais le tien vas-tu faire encore, Shepard, ou est-ce Elie ? Elle se plonge, pour essayer de comprendre, dans le flux de données sur Aria et voit les premières images de Shepard et Aria ensemble. Shepard est couverte du sang de multiples espèces, semble blessée et boite un peu en arrière d'Aria, le regard vide, fixé nulle part. Aria l'observe, comme un prédateur sa proie, jusqu'à ce qu'elle monte dans le véhicule. Et direction le loft, où tout a semble-t-il changé.

Quand Miranda pense au loft, à ce qui s'y est probablement produit, ses poings se contractent et ses biotiques s'échappent doucement au-dessus de sa peau. Accepter la relation de Liara et Shepard a été difficile mais normale pour Miranda. Elle a vu l'asari quand elle chassait le corps du spectre à travers les Terminus. Elle savait ce qu'il y avait, et elle est quand même tombée. Aucun regret, quoiqu'il en soit. Shepard lui a montrée qu'on pouvait être aimé, tout simplement, tout doucement, tendrement. Le spectre a toujours été honnête, concernant Liara, concernant l'avenir. Et Miranda a accepté. Elle voulait plus de tendresse, plus d'acceptation, un peu de cette passion qui brûlait le Commandant et tous ceux qui l'entourait. Et elle donnait, en excès, comme pour tout. Que cette passion soit ternie par Aria, utilisée… Mais qu'est-ce qu'on en sait en fait ? Peut-être qu'il n'y a pas de manipulation et que Shepard a juste décidé de tout larguer parce qu'elle en avait marre, parce qu'elle se dit qu'elle en a fait assez pour les autres et que maintenant ce ne sera que pour sa gueule ! Mais c'est tellement pas Shepard… Oui mais c'est peut-être Whelps.

Dans le vaisseau turien, en route vers l'espace asari, Bray observe Whelps. Il sait que c'est Shepard. Et n'en a rien à foutre, personnellement. Mais il ne comprend pas comment Shepard a pu devenir… ça. Une mercenaire à l'œil sadique et au sourire fou. Il était avec l'équipe de nettoyage quand ils ont récupéré le vaisseau des pirates dont elle s'est occupé il y a peu. Il a vu le carnage. Qu'un seul être humain ait pu faire ça est impressionnant. Et inquiétant. Il pense qu'Aria joue avec le feu avec cette fille. Et à trop jouer, on se brûle. Mais bon, c'est un soldat, alors il se tait et obéit.

Elie sent que les effets de la pilule jaune se dissipent. Elle regarde l'heure et décide de ne pas en reprendre une. Cinq heures d'oubli, c'est parfait. Ils devraient arriver d'ici une demi-heure. Elle essaie de se rappeler si Aria a dit qu'il ne fallait pas trop en prendre et décide que si elle ne s'en souvient pas, c'est que non. Elle pioche une pilule noire, une rouge et les fait passer avec une longue rasade de rhum. Elle se sent comme un krogan au rite de passage, ivre d'envie de violence, de sexe, des deux en même temps.

Quand ils arrivent en orbite de la planète, ils étudient les plans du camp des asari. Whelps dessine dans sa tête les trajectoires probables des patrouilles, comme elle les organiserait elle, visualise les points où se trouveront probablement les tourelles, et la première cible à abattre. Le centre de contrôle, en bas à gauche du point d'entrée. Ils établissent leur stratégie, Bray et elle, puis fondent sur leur proie.

A l'intérieur du bâtiment, qui était rempli de doux papotages en asari, de rires, de flirt, de rivalité, le premier pas d'Elie est un pas de titan. Dès que le sas s'est ouvert, elle a envoyé deux grenades de lévitation détonées par une nova sur une barricade de trois gardes qui fumaient des cigarettes en plaisantant. Le résultat : un nuage biotique vite remplacé par le sang et les entrailles. Bray a ri, de ce rire guttural de butarien qu'elle n'aime pas. Mais elle n'a rien contre lui, alors elle rit aussi. Elle aime bien travailler avec lui, elle le décide à cet instant. Le carnage a continué. Ils ont nettoyé la base en quarante-cinq minutes. Dix-sept asaris. Leur sang redécore les murs du camp, maintenant. Bray indique les coordonnées pour un pillage, et ils redécollent. Elie, les vêtements couverts de sang bleu, rayonne. Elle a ressenti pendant le combat, une puissance jamais égalée auparavant. Et les biotiques, ils léchaient son corps comme une langue de femme. Plusieurs fois, après une charge ou une nova, elle a cru qu'elle allait jouir, tellement le plaisir était intense. Elle veut ça, tous les jours, pour le reste de sa vie. Elle ne le savait pas, mais elle en crevait d'envie. Et là, elle doit se retenir de se masturber car Bray la regarde déjà bizarrement et elle craint de choquer sa petite âme de butarien. Les butariens ont-ils une âme ? Vous avez cinq heures…

Elle prend une pilule jaune pour calmer sa libido débordante. Elle en venait même à imaginer coucher avec le galarien… Ou pire, le butarien. Non, elle n'en est pas encore là. Quand la pilule jaune s'installe entre ses oreilles, elle lâche un soupir relaxé et disparaît dans l'oubli, doucement porté par le vent des supernovas et des trous noirs. C'est la voix de Bray, des heures plus tard, qui lui dit qu'ils sont arrivés à Oméga. Son sourire est si grand que le chat du Cheshire en serait jaloux.

Pendant la pilule jaune, elle a imaginé ce qui l'attend. Elle a imaginé Aria. Pour la première fois. Et elle a décidé qu'elle ne voulait plus imaginer. Alors, une pilule rouge avalée, elle sort du vaisseau, sourit comme une maniaque et marche fièrement sur Oméga.

1*Heure Estimée d'Arrivée