Liara essaie de méditer. Son esprit est incapable de se concentrer sur quoique ce soit depuis qu'elle est arrivée à Oméga. Non, c'est faux. C'est depuis qu'elle a vu les derniers flux de données de Shepard et Aria. Elle sent que son cerveau pourrait se briser, entre les deux forces incommensurables qui s'y battent à mort, entre le désespoir et la haine. Et la haine commence a montré ses muscles. Shepard. L'objet de sa haine. De son amour. De son désespoir. Comment un seul être peut déclencher tant d'émotions différentes en une seule personne ? Quand elle l'a vue dans les habits d'Aria, elle l'aurait écorchée vive. Aria avec. Elle rêve de violence et elle sait que ce n'est pas sain. C'est pour ça qu'elle a hésité à venir. Hésité à tendre un voile sur cette situation, prétendre que ce n'était pas vrai, essayer d'oublier, continuer à reconstruire, se reconstruire. Bâtir l'avenir. Seule. Mais Shepard ne l'aurait pas abandonner. La vraie Shepard. Alors en sa mémoire, elle va lutter. Et s'il faut écorcher la moitié d'Oméga pour parvenir à Eléanor, Liara le fera.

Elle regarde le flux de données d'Aria. La louve est sortie de son antre. Et semble se diriger vers Shepard. Bien, si elles sont occupées toutes les deux, ça leur laisse du temps pour s'organiser. Elle frémit après avoir pensé de la sorte. L'obscurité se rapproche de son cœur. Si elle ne fait pas attention, elle peut tout perdre. Alors elle retente les respirations, les visualisations. L'herbe grasse de la forêt, le vent dans les feuilles, les planches de la cabane qui craquent, le soleil qui descend doucement, les oiseaux qui chantent au loin, une main qui rassure… Dans une chambre miteuse d'Oméga, Liara voyage pour se sauver, elle, son âme et tout ce qui compte.

Elie ne se rappelle pas être rentrée à l'appartement. Elle a marché, dans le néant, et après l'obscurité l'a prise. Tant pis. Elle se lève et voit que dans le placard près du lit, beaucoup de nouvelles affaires se sont installées. Elle hausse les épaules, choisit une tenue, prend ses armes et son chapeau. Un arrêt à la cuisine, petit-déjeuner du chef, barres protéinées, eau, whisky, pilule noire et pilule rouge, et c'est parti. Elle s'arrête de marcher quand elle entend les portes de l'ascenseur, sur le palier, se refermer, une main sur son pistolet, elle attend, en silence. Quand la porte s'ouvre, elle braque l'intrus.

« Elie, quand on me braque, il faut avoir l'intention de tirer, dit Aria, très calmement, en passant devant la mercenaire.

- Pardon, Aria. Je… Je ne savais pas que vous étiez sensée venir. On avait parlé de ça ?

- Non. Je t'emmène avec moi aujourd'hui. Un rendez-vous, à Freedom's Progress. Bray et les autres ont un autre projet.

- Oh. Bien. Je suis prête. Juste une question, avant de partir ?

- Fais vite, ce n'est pas à côté.

- Merci. Pourquoi ne pas m'avoir dit que Miranda était sur Oméga ?

- Si je te l'avais dit, ça aurait changé quoi, Elie ?

Bonne question, Aria...

- Je ne sais pas…

- Tu m'as demandée de t'aider à disparaître, c'est ce que je fais. Tu es libre d'aller lui parler si ça te chante, dit Aria, feignant le dédain, cachant au mieux sa nervosité.

C'est logique. Elle ne fait que m'aider. Elle tient sa part du marché. C'est tout.

- Non, ce n'est pas nécessaire. Je… Merci, Aria, de m'aider. C'est rare.

- Toujours, Elie. Tu peux compter sur moi », répond la pirate, jouissant intérieurement d'une nouvelle petite victoire.

Elles sortent toutes deux de l'immeuble et Aria les conduit au même petit vaisseau turien. A l'intérieur, Elie se pose contre le hublot alors que la pirate discute avec le pilote. C'est une main saisissant son menton qui interrompt sa contemplation. La main tourne son visage et elle se retrouve tout près des lèvres d'Aria. Elle veut les embrasser mais a compris cette règle, elle ne prend pas, elle reçoit. Et sa patience est récompensée quand l'asari l'embrasse violemment, encore plus que les autres fois, lui mord la lèvre inférieure jusqu'au sang, ce qui la fait gémir entre les lèvres de la pirate. Cette dernière interrompt le baiser pour scruter le visage de sa mercenaire. Sa morsure a fait coulé le sang en une fine ligne pourpre qui excite Aria plus que ça ne le devrait.

Elie voit le regard d'Aria se concentrer sur le sang qui coule de sa lèvre. Elle sort sa langue, doucement, et lèche le liquide pourpre. Elle voit dans les yeux de la reine d'Oméga un éclat de désir sauvage et se retient difficilement de sourire. Aria lui tient toujours le visage. Souffle contre souffle, elles laissent leurs biotiques communiquer. Elie sent que si ça continue, elle ne pourra plus résister, elle fera une erreur. Elle est persuadée que c'est ce que veut Aria. C'est un test. De volonté. D'endurance dans la frustration et le contrôle de soi. Mais le test est pour les deux. Esquissant un sourire, elle continue de lécher le sang qui a coulé de ses lèvres, s'enivrant de puissance quand elle voit l'effet qu'elle peut avoir sur une puissante Matriarche. L'idée la fait sourire grandement et c'est l'erreur de trop. En un instant, une main parcourue de biotiques encercle son cou, et serre, de plus en plus fort, jusqu'à ce que respirer soit un peu douloureux. Elie garde ses yeux dans ceux d'Aria. Elle frémit un instant à l'idée des yeux bleus. Aria a du le sentir car elle relâche un peu la pression.

La pirate dépose alors un baiser sur ses lèvres, si doux et tendre que le contraste entre la main qui étrangle et le si doux contact des lèvres magnifie tout. La pirate ferme les yeux un court instant, puis les rouvre, noirs comme l'obsidienne. Elie sent immédiatement Aria dans sa tête, elle s'invite, les portes étaient entrouvertes. La mercenaire sent les biotiques autour d'elles. Pendant qu'Aria fait un petit tour dans sa tête, Elie se concentre sur les flammes d'énergie noire. Enfin, à travers l'union, elle entend Aria dire « Mienne », d'une voix gutturale, possessive, une voix de maître. Et d'un coup, elle se retrouve seule à nouveau dans son cerveau brisé. Et est confuse de sentir qu'elle se sent à la fois soulagée et solitaire. Aria la ramène à la réalité, sa voix tout contre son oreille.

« Tes murs sont élevés et solides, mais la base est fracturée. Quand je le voudrais, j'entrerai. Compris, Elie ?

- Oui, Madame.

- Bien. Je ne t'ai jamais demandé, où as-tu appris à maîtriser tes biotiques ? C'est rare, les humains de ton niveau. Enfin, à part dans ton ancienne équipe, dit-elle en la repoussant légèrement contre la coque du vaisseau, le corps de la Matriarche bougeant tout doucement contre le sien.

- A Marseille, dans le gang, on avait un krogan, un biotique. Il m'a appris la base. Ensuite, pour passer les N, on s'est entraîné avec deux commandos asari. J'étais très assidue à cet entraînement.

- Évidemment… Je savais qu'une commando t'avait enseigné certaines choses. Leurs noms ?

- Elles sont mortes, à quoi bon ?

- Parce que je les demande, humaine, gronde Aria.

- Elina T'Kari et Mala Ver.

- Mala Ver… Comment une mercenaire esclavagiste s'est retrouvée embauchée par l'Alliance ?

- C'est ce qu'ils se sont demandés aussi. Ils m'ont envoyée la tuer, après ma graduation N7.

Cette affirmation fait rire Aria. Elle a connu cette asari, et l'aurait bien tuée elle-même.

- Et cette Elina, tu l'as tuée, aussi ?

- Non. Enfin.. Si. Mais ce n'était pas un combat.

Aria note la difficulté de la mercenaire à parler de ce sujet. Cela ne lui donne que plus envie de savoir.

- C'était quoi alors, parle, je le demande, exige-t-elle, le regard fixé sur l'œil rouge d'Elie, qui pulse de colère en un instant.

- Elle était à Torfan, parmi les esclaves. La plupart étaient déjà morts ou piégés. Les butariens savaient qu'Elina avait aidé l'Alliance, alors elle a eu droit à un traitement spécial. Si spécial qu'elle m'a demandée d'abréger ses souffrances. J'ai accepté.

- Tu as bien fait. Si ils lui ont fait ce que je crois, elle n'était plus asari, de toute façon. J'ai hâte de percer tes murs. La violence dans ton passé, quand je m'unis à toi, je la sens qui me lèche », en disant ça, Aria se rapproche de la mercenaire et lèche doucement sa joue gauche, parcourant la cicatrice.

« Si vous demandez, je vous ouvre, Madame.

Cette phrase vaut le retour de la main qui étrangle. Aria, toujours la langue parcourant le visage de sa mercenaire, dit, d'une voix basse et menaçante :

- Règle n°2 : je ne demande pas, je prends. Tu donnes si tu veux mais n'attend pas de reconnaissance. Compris ?

- Oui, Madame. »

Si l'arrivée n'était pas prévue dans si peu de temps, Aria aurait pris l'humaine, là contre la coque. Sa soumission combinée à son esprit puissant, est une chose incroyablement excitante pour la pirate, qui a rarement, trop rarement, rencontré ce genre de personnalité. Elle s'écarte, avant de céder comme une demoiselle, ses biotiques toujours en feu. Elle laisse échapper un léger grognement de frustration qui élicite un sourire de vainqueur chez Elie, que la Matriarche manque, heureusement.

Elles arrivent au point de rendez-vous. C'est un rendez-vous d'affaire, une simple signature de contrat mais Elie ne comprend pas pourquoi, de tous les lieux dans la galaxie, ils ont choisi celui-ci. La colonie est un cimetière. Hantée par les victimes des Récolteurs. Aria lui explique que l'acheteur est un notable d'une colonie de la Travée de l'Attique qui veut lancer un trafic de matériel de marché noir. Et qu'il a choisi le lieu quand elle a choisi la date. Elles arrivent au spatioport abandonné.

Elles avancent et Elie profite de l'air frais, d'un air vrai. En entendant Aria pouffer, elle l'interroge. Aria lui répond qu'elle est belle quand elle respire l'air vrai… Le compliment est fort, dans son unicité. Elie sait qu'elle plaît physiquement à Aria, mais la pirate ne le dira jamais. Alors elle chérit ce compliment, rougit et baisse la tête, ce qui encourage Aria à rire un peu plus tout en marmonnant à propos de la jeunesse et des humains.

Arrivées au lieu de rendez-vous, Aria lui dit d'aller vérifier la salle de réunion et les pièces adjacentes, ce qu'elle s'empresse de faire, méthodiquement. Elle fait signe à Aria que tout est bon et la pirate lui ordonne d'attendre dehors. Elie s'installe contre un mur, avale une pilule rouge et une noire, fume une cigarette, et attend calmement en observant les nuages.