Elie a du s'endormir car la voix d'Aria, qui l'appelle de l'intérieur, la fait sursauter. Elle se rue vers la salle de réunion et trouve la reine d'Oméga, les deux mains sur la table, le visage près de celui de l'homme assis en face d'elle. Elle observe le garde. Elle peut le tuer en, disons neuf secondes. LA mercenaire observe le langage corporel de l'asari. Quand elle voit sa main droite se redresser un tout petit peu et faire un signe de commando, Elie jaillit. Sa charge brise la cage thoracique du garde et un coup de son pistolet lourd finit le travail. Elle entend Aria rire un peu derrière elle. Elle se retourne et la voit toujours dans la même position. L'homme, lui, tremble terriblement. Aria interrompt l'observation de Whelps en lui demandant :
« Humaine, qu'advient-il des gens qui essaient de baiser Aria ?
- Je les tue pour elle, Madame, dit-elle un grand sourire aux lèvres, exaltée par la violence.
- Cet individu devant nous a essayé de me baiser. J'ai l'humeur généreuse. Ne le tue pas, mais ne te retiens pas non plus, Elie.
- A vos ordres, Madame. »
Cela fait des années qu'Elie n'a pas torturé d'humains. Quelque chose vrille un peu en elle. Elle se retourne un instant, prend une pilule rouge, puis redonne toute son attention à sa victime. Il est toujours assis sur son fauteuil. Elle le tourne, pour qu'il lui fasse bien face. Sors sa dague. Observe son visage. Son visage est rouge, il transpire. Il est comme les autres. Un porc. Vas-y. De la pointe de la lame, elle déchire ses vêtements. Dévoile un torse un peu gras, un peu poilu. Elle ne prend pas son temps, ce n'est pas une quête d'information. Elle plante le couteau en haut du torse, à gauche, enfonce un peu, et trace une belle ligne droite jusqu'à l'autre épaule. Blessure non mortelle, Elie le sait, elle l'a déjà eue. Ensuite, elle compte les côtes, et dès qu'elle sent le point qu'elle cherche, enfonce la lame. Pas d'organe touché. Elle sent le regard d'Aria derrière elle, ses biotiques qui crépitent. Elle continue plus bas, décide d'enlever un peu de gras, sur les côtés de l'homme. Pendant tout ce temps, il hurle, mais Elie s'en fout, c'est devenu un bruit de fond. Elle écoute les biotiques d'Aria, juste contre son dos maintenant, leur fluctuation quand elle inflige une douleur. Les pics quand la lame perce, les vagues quand le sang jaillit. Elie ne se rend pas compte immédiatement qu'Aria a glissé une de ses mains dans son pantalon, entre ses cuisses, et la masturbe pendant qu'elle perce, coupe, taille et sent les biotiques si puissants la pénétrer et elle sent Aria s'unir à elle, son esprit plein de luxure et de violence envahit son cerveau et elle jouit, la mercenaire, d'un orgasme violent, explosif, entraînant avec elle la pirate alors que leur victime s'effondre, évanouie, à leurs pieds.
Aria retire ses doigts et la mercenaire manque tomber en avant, l'orgasme si puissant que ses jambes ne tiennent plus. La pirate l'attire contre elle et elles glissent contre le mur, assises dans le sang de l'homme qu'elles viennent de torturer jusqu'à la jouissance. Quelque chose de sombre commence à entourer le cœur de Shepard et Elie, même si elle ne sait pas ce que sait, l'accueille. Elle sent la respiration d'Aria, tout contre elle revenir à la normale. Aria la pousse un peu, colle ses lèvres contre son oreille et lui murmure : « Je suis si fière que tu sois mienne. » Et cette phrase, le souffle et le corps d'Aria contre sa peau, les biotiques encore crépitant, font jouir encore une fois la mercenaire. Aria, derrière elle, sourit, satisfaite, un peu surprise par la force de l'orgasme qu'elles ont partagé, mais qui est-elle pour se plaindre ?
Au bout de quelques minutes, elles se relèvent. Elie a la tête qui tourne et n'a pas encore réussi à retrouver son souffle. Aria voit ça et l'aide à tenir droit, regardant dans ses yeux, évaluant la santé de sa mercenaire. Encore une minute, elle murmure qu'elle va mieux et toutes les deux quittent cette planète. A savoir si l'homme, par terre, se réveillera avent de se vider de son sang, c'est une autre affaire.
Liara a eu du mal à trouver l'entrée du petit abri où son contact a déposé le colis. Quand elle la trouve, elle sort son pistolet et avance. Dans la petite pièce, une faible lampe éclaire une chaise où se trouve attaché un jeune humain, du nom d'Anthony Clayton, originaire d'une petite colonie de la Travée de l'Attique, marchand d'esclave par intermittence avec les butariens et surtout dealer sur les docks d'Oméga. Le contact a fait un excellent boulot.
Liara sourit, d'un des sourires froids qu'elle a acquis lors des deux ans où Shepard n'était pas là. L'homme la suit des yeux, encore souriant. Liara sait que ça ne va pas durer. Elle a déjà fait ça. A un des mercenaires qui ont volé le corps de Shepard sur la planète glacée où elle devait reposer. A un agent du Courtier de l'ombre qui avait négocié avec les Récolteurs au dessus du corps de sa femme. Là, elle va torturer celui qui l'a brisée. Elle sait qu'elle ne devrait pas céder, mais c'est ça, où plonger entièrement dans la noirceur. Juste l'orteil, plutôt que d'y être jusqu'au cou. Ça ne changera rien, Shepard ne sera toujours qu'un fantôme brisé à la frontière de la démence. Mais la fin n'est pas le but, ici. Les moyens sont cathartiques.
Elle s'approche de la chaise, et l'homme la fixe. Elle s'approche, sans un mot. Sort la dague de chasseresse de sa ceinture, se repaît de la vue des deux lames qui s'entrecroisent. L'homme fixe le couteau dès qu'il s'agite autour de lui. Doucement, comme une enfant curieuse, Liara baisse la pointe et pique dans la joue, juste sous l'œil gauche de l'homme, suffisamment fort pour que la lame aille toucher l'os. L'homme crie. Elle tranche immédiatement ses lèvres avant de lui arracher son t-shirt et de le lui nouer contre la bouche. Elle pratique le long du cou, autour des tétons, du nombril, jusqu'à l'aine, des micro-coupures, profondes, très courtes, douloureuses. Puis elle se baisse, pour que sa bouche soit près de l'oreille de l'humain. Et là, elle dit : « Pense à la mercenaire à l'œil gris. » L'homme la regarde, ne semble pas comprendre. « Je te dis de penser, très fort, à la mercenaire à l'œil gris, car je vais entrer dans ton esprit, et chercher les mémoires que tu as d'elle. Soit tu m'aides, et c'est rapide, soit non, et je ravage ton cerveau et te laisse en vie, légume pourrissant. Compris ? » L'homme hoche la tête plusieurs fois. Il n'a pas compris que quoiqu'il arrive sa mort est prévue aujourd'hui.
Liara enlève un gant, doucement, appuie sur la tempe de l'homme le bout de ses doigts, puis entre dans son esprit. La peur lui a fait ouvrir toutes ses portes et les souvenirs de la mercenaire sont à disposition. Le Courtier de l'ombre ne peut s'empêcher de fouiner dans les données gratuites, mémorise l'utile, jette le reste. Quand elle ressort, l'homme est encore plus terrorisé qu'avant. Il a senti les émotions crues de l'asari, la haine, le dégoût, la violence… Liara, elle, pleure doucement. Elle a vu cet homme profiter de la faiblesse physique et mentale de sa compagne, de sa femme, qui semblait si perdue, si terrifiée, si seule dans ce coin de cargo, recroquevillée dans sa douleur. Elle a senti cet homme sourire quand il a vu qu'elle attrapait l'hameçon, le profit rapide, un client régulier pour trois semaines, un mois peut-être, après, comme il disait à son amie turienne, « c'est de la viande à varren ».
Elle sèche ses larmes, remet son gant, et repart, enfant curieux, avec sa dague, à tester des endroits où la planter. Elle a lu quelque part que l'arrière des chevilles, c'est très douloureux. Elle tranche. Vu comme il remue, ce doit être le cas. Et puis, à un moment, elle fatigue. Tranche la carotide, comme Shepard le ferait. Sort de l'abri, dit à son contact de nettoyer. Il est temps de retrouver Miranda et de récupérer Shepard.
Sur le chemin, elle repère une silhouette familière. Quand elle se rend compte de qui il s'agit, son pouls s'accélère. Shepard, un sourire étrange aux lèvres, des marques de morsures dans le cou, et du sang pourpre partout sur ses vêtements. Et elle se balade, tranquillement. Son œil rouge luit et Liara pense tout de suite à l'œil des Moissonneurs. Kelly a mentionné, comme cause possible de dissociation, l'endoctrinement… Et si Shepard, lentement, devenait le dernier Moissonneur ? A cette idée, Liara sent la nausée monter. Elle se cache, soulève son casque, vomit la bile de son estomac vide. Reprend sa marche lente derrière la femme qu'elle aime. Derrière son corps, en tout cas, corps couvert de sang, marqué par une autre qu'elle, brisé en multiples endroits. Alors qu'elle se perd dans la contemplation de ce corps qui n'est plus sien, elle ne s'aperçoit pas qu'il a arrêté de marcher, car Shepard a senti la traque. A quelques mètres seulement d'elle, Liara s'arrête totalement, prise de court, paniquée. C'est trop tard. Shepard se retourne, saisit la mercenaire asari en casque qui la suivait et la plaque contre un mur. D'un grognement, elle dit :
« Tu es qui et tu travailles pour qui ?
Liara reste sans voix. Si proche d'elle et en même temps à des années-lumières. Liara ne ressent rien de ce qu'elle devrait trouver entre elles. Celle qu'elle voit là, elle ne la connaît pas. Et elle est terrifiante. La mercenaire. Le monstre. Et le monstre la frappe contre le mur, deux fois, si fort que la vision de Liara vacille. Elle tente de moduler sa voix, ne cherche pas à empêcher les tremblements et dit :
- Je suis désolée, j'étais… Vous avez un si beau corps, j'étais derrière, et je me suis perdue dans mes pensées… JE me suis pas rendue compte que je vous suivais… Désolée. »
Mensonge de demoiselle. Liara retient son souffle, les yeux fermés. Elle ne veut plus voir ce visage familier et étranger. Terrifiée par cet individu qui a pris la place de son amour. Le mensonge semble passer, la mercenaire jette Liara par terre, sans ménagement ni tendresse et repart comme auparavant, même rythme lent et régulier. L'asari ne sait pas combien de temps elle reste par terre. A lutter contre la nausée. Les larmes. La vie. Elle se relève comme un automate. Tout le monde autour se fout complètement des sanglots qu'ils entendent émaner de son casque. Elle marche doucement, trébuche souvent. Et arrive enfin à l'hôtel.
Quand elle entre dans la chambre, Miranda se réveille. Ses yeux s'écarquillent quand elle voit l'état de l'armure de Liara, Du sang pourpre. Partout. Quelle ironie qu'elle et Shepard, aujourd'hui, se soient apparemment adonnées à la même activité… Miranda va pour poser une question mais un doigt ganté l'en empêche. Après la douche, grogne Liara, et elle disparaît dans la salle de bain, non sans d'abord abandonner son armure et ses armes derrière.
Quand Miranda voit la dague, elle devine. Elle hésite un peu sur la victime mais parierait sur Clayton. Elle attend patiemment que le Courtier de l'ombre, sorte. Lui explique. Mais dans la salle de bain, sous le jet, Liara en profite pour pleurer encore, se vider, s'assécher. Elle en a marre de pleurer. C'est sensé être un temps de paix, de reconstruction, de création. Elle devrait être avec son père, aider à la réhabilitation du domaine des T'Soni. Établir durablement le réseau du Courtier de l'ombre. Préparer tout pour l'avenir. Et elle est là. Dans un vieil hôtel, avec Lawson, à chercher comment récupérer la femme qui l'a quittée pour finir droguée à Oméga.
Elle sort, finalement, drainée, vidée. Quand elle rejoint Miranda, cette dernière est raisonnable et attend qu'elle commence à s'expliquer. Liara se racle la gorge, et commence :
« Avant que tu dises quoique ce soit, je n'ai jamais été en danger, je n'ai pas grillé ma couverture et… J'ai vu Shepard. De très près.
- Quoi ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Merde… tu n'es pas sensée éviter ça, justement ?
- C'était… Après. J'étais distraite et je l'ai vue, et je me suis mise à la suivre, à l'observer. Ce n'était pas vraiment Shepard. Tu sais…
- C'est-à-dire ?
- Elle a compris que je la suivais. Elle m'a interrogée, en quelque sorte. Juste grogner une question. Je n'ai rien ressenti. Je l'ai regardée dans les yeux. J'ai regardé son œil, les expressions de son visage, son sourire. Rien n'était Eléanor, Miranda, c'était juste une personne terrifiante qui hante son corps et j'ai peur de ne jamais retrouver ma femme. J'ai peur de cette personne. Elle est extrêmement dangereuse, Miranda, et aux mains d'Aria…
- Qu'est-ce que tu veux dire ? Je n'aime pas ton cheminement, Liara…
- Ce que je dis c'est que si nous échouons, il faudra peut-être nous résoudre à…
- Non. Tais-toi. Je t'interdis de dire ça. Tu ne peux pas décemment penser qu'on… Non, on va y arriver. On a toute une équipe avec nous. On trouvera un moyen. Ne baisse pas les bras et ne redis plus jamais ça ou…
- Ou quoi, Miranda ? Tu sais, au fond de toi, que j'ai raison. Qu'Aria, avec un soldat de la puissance de Shepard, stratégique, de commandement, biotique, sera inarrêtable.
- Je déteste quand tu es froide comme ça. Je te déteste. Je déteste…
Liara voit enfin la détresse qui a envahi Miranda. Elle s'approche et la prend dans ses bras, la réconfortant doucement. Après un moment, un peu plus calme, Liara reprend, toujours contre l'épaule de Miranda :
- Clayton est mort.
- Je sais, murmure Miranda. Appelle-moi, quand tu tueras Aria. Je veux être là…
- J'aimerais bien. Mais Aria est un adversaire redoutable. Il se peut que tu ne sois déjà plus là quand je commencerai à peine à bouger mes pions…
- Ho… Les jeux asaris… La dague est belle.
- Merci. C'était à ma mère.
- Que veulent dire les mots gravés sur le manche ?
- Tu es trop près.
- Humour asari ?
- Humour de chasseresse. Merci d'être là, Miranda. Sans toi…
- Si l'ami de mon ami est mon ami… Tu sais ce que tu es pour moi, Liara. »
Les joues de Liara s'assombrissent tandis qu'elle serre plus fort l'humaine dans ses bras. Et elles restent là, deux puissantes femmes, unies par un amour aussi puissant qu'elles pour une femme qui se dissout lentement dans les vents stellaires du système Sahrabarik.
