Aria est ennuyée. Et ce n'est jamais une bonne nouvelle quand elle est ennuyée. Des choses ne tournent pas rond dans sa station et elle n'arrive pas à voir où est le problème. Ses petites mains sont inutiles, encore pire que d'habitudes, ses yeux sont aveugles, et son soldat d'élite est en errance droguée au milieu de la ville. Non pas qu'elle ait besoin d'elle. Mais Aria commence à s'habituer à sa présence près d'elle. Au vrombissement de ses biotiques. Et aujourd'hui, elle a vécu quelque chose d'absolument mémorable. Pour une Matriarche, c'est un exploit. Elle n'avait jamais eu un orgasme pareil, mêlant violence et plaisir, aussi intensément, avec un alien. Alors oui, peut-être qu'Elie lui manque un peu. Mais il faut qu'elle se dégourdisse un peu les jambes. Et les gens doivent la voir comme ça. Ensanglantée, mais puissante. Prête à écraser n'importe qui.
Elle sait déjà que Bray et le pilote aiment beaucoup travailler avec elle.
La prochaine étape, c'est de la présenter à l'équipe entière. Et leur donner de l'action. Qu'elle conquiert le leadership sur le terrain, comme elle fait toujours si bien. Elle aura son commandement, solide. A partir de là, elle pourra penser à l'expansion. Elle a des pions partout, depuis la fin de la guerre. Dommage qu'elle ne puisse pas utiliser le nom de Shepard. Tant pis… Elie est plus intéressante.
Un problème lui revient. Qui a parlé de Miranda à Shepard ? Ce n'est pas Kelly, ses yeux et ses oreilles n'ont rien signalé. Ce n'est pas le médecin. Après la visite d'Elie, il ne trahira jamais Aria. Il ne reste plus alors que la gamine. Ania, Malia, un truc comme ça. Aria se retrouve face à un dilemme. Si elle touche à cette gamine et qu'Elie l'apprend, que va-t-il se passer ? Ce serait le test de loyauté ultime. Mais il est peut-être encore trop tôt pour ça. Non. Elle va juste envoyer un message à cette jeune fille. Elle demandera à Anto d'envoyer quelqu'un pour lui faire comprendre qu'on ne parle pas de Shepard. Il n'y a plus qu'Elie.
Elle allait partir quand elle voit un message de ses oreilles… Il est vieux. Une source audio. Elie et la gamine, tient donc. Et Elie qui brise leur première règle. C'est l'heure de convoquer. Qu'elle apprenne une nouvelle leçon. Elle envoie un message à Whelps, la convoquant immédiatement. En même temps, elle va dans la salle de surveillance et demande à ses agents de repérer la mercenaire. Elle n'est pas loin. Elle vient de recevoir le message. Elle va arriver.
Aria déteste être ennuyée. Et déteste quand quelqu'un brise une règle qu'elle a instaurée. Elie va prendre double, tant pis. Cela lui apprendra. Alors qu'elle continue de maugréer dans sa tête, elle sent que la mercenaire est arrivée. Elle reste de dos, un instant. Elle sent les biotiques de l'humaine, en sourdine, tout bas, comme inquiets car ils ne sentent pas les siens. Elle se retourne enfin, évalue la mercenaire. Elle rayonne de force et d'énergie superflue.
Aria lui fait signe d'approcher. Elie obéit immédiatement, tête baissée, le regard fixé sur les yeux de la pirate. Cette dernière tourne autour d'Elie, jusqu'à se trouver dans son dos. Elle respire contre sa nuque, doucement. Elle sent le corps de l'humaine qui frémit. Elle appuie sa poitrine, un instant contre son dos. Elle la sent s'alanguir au contact. Continue, profite, tu vas souffrir après. Elle recule à nouveau. Observe le fessier si bien formé, le dos musclé, le cou marqué. Et sans prévenir, donne un violent coup de genou à l'arrière de celui de la mercenaire, en même temps que ses mains appuient sur ses épaules. En quelques secondes, la Sauveuse de la Galaxie est à genoux devant Aria. De sa voix la plus autoritaire, elle ordonne :
« Enlève le haut.
- Oui, Madame.
- Tu ne parles que si je le demande. Tu as brisé la première règle, Elie. C'est l'heure de la punition. Règle n°3 : la punition n'a rien de juste, ni de proportionnelle. Elle se prend quand elle se prend. Compris ? Parle.
- Oui Madame.
- Bien. »
Elle caresse le dos nu constellée de cicatrices, du bout des doigts, puis s'éloigne un peu. Elle maîtrise cette punition. Elle en jouit, parfois, même. Du bout de ses doigts, elle prépare ses biotiques. Elle voit qu'Elie se tend. Bonne fille. Elle a compris. Un mouvement de poignet et elle génère un lasso de pure énergie biotique. Elle observe le dos nu, à genoux, à sa merci. Elle inspire et frappe. Une fois. Elle voit Elie tendre ses avant-bras devant elle, serrer les poings. Elle inspire à nouveau. Frappe, deux fois. Les brûlures se croisent au milieu des omoplates. Elle hésite. Inspire encore. Trois fois. Elle se rapproche, se baisse, pose une main, possessive sur le visage de la mercenaire qui tremble et serre les dents, essaie de ne pas hurler. Les brûlures biotiques sont redoutables. La pirate ferme les yeux un court instant, les rouvre, noirs de jais. Elle pénètre l'esprit d'Elie et se repaît de la douleur, de la colère, de la force pure que la mercenaire convoque pour ne pas hurler. Aria est impressionnée. Malgré la douleur, les barrières sont toujours là. Elles s'affaiblissent, elle peut sentir les failles, les souvenirs qui s'échappent. Avant de quitter l'union, comme une tradition, un murmure : « Mienne ».
Aria se relève et observe Elie. On peut lire la colère sur son visage. Elle doit bouillir dans sa cage thoracique. Aria lui offre un sourire. Elie penche la tête d'un côté, puis de l'autre, puis offre à la reine d'Oméga son sourire le plus maniaque. Et un bref instant, Aria tremble. Car avec ce sourire, la lumière, dans son œil devient presque aveuglante. Et après ce flash, ce qui reste derrière, c'est une colère froide, comme un feu biotique. Aria se demande, une seule fois, si elle n'a pas commis une erreur. Mais la mercenaire, malgré son allure psychotique reste à genou, tête un peu baissée, à demi nue. Soumise. « Debout, rhabille-toi, et va-t'en. » Son ordre donné, Aria retourne vers la salle de surveillance, sans un regard en arrière. Elle sait qu'elle va être obéi. Aria, au centre d'Oméga, est ennuyée et ne sait pas pourquoi. Et elle déteste être ennuyée. Et ne pas savoir.
