Aria a reçu le rapport d'Elie dès que la navette est retournée au vaisseau : mission accomplie sans accroc, rapport complet au retour, pas de pertes, ordres respectés à la lettre. Ce premier rapport qu'elle reçoit d'Elie la fait rire, minimaliste mais couvrant tout ce qui est nécessaire. Elle devra lui dire de trouver quelqu'un dans son équipe pour faire quelque chose d'un peu mieux que ça pour son équipe du renseignement. Pour le moment, elle attend une vieille amie au loft, et ce qu'elle doit lui montrer l'inquiète. Et Aria n'aime pas être inquiète. Elle entend la porte s'ouvrir, Bray et son invitée sont arrivés. Elle remercie le butarien d'un hochement de tête et salue son invitée d'une longue accolade.

« Aria, cela faisait bien longtemps. Pourquoi ne nous voyions nous plus, déjà ?

- Quand j'étais malvenue à la Citadelle, tu y avais tes quartiers, quand je m'y suis réfugiée, tu avais déménagée, et entre temps, va savoir, j'ai oublié.

- Toujours les belles paroles, Aria… Comment vas-tu, et comment va ce monde que tu te bâtis ?

- Je vais toujours bien, la conquête plaît à mon teint. Et mon monde, il s'embellit chaque jour. Et toi, chère amie ? Comment est ce coin de Thessia où tu t'es installée ?

- Thessia est en ruines et les Matriarches ne maîtrisent plus rien. Mais les jeunes travaillent dur et l'espoir reste solide, alors ça va. Je me doute que tu ne m'as pas fait venir pour parler de mondanités. Ça avait l'air sérieux, quand tu m'as appelée.

- Ça l'est, Sha'ira. Une de mes… amies a un problème et je ne le comprends pas. Je voudrais te partager une mémoire, si tu veux bien, que tu vois ce que j'ai vu.

- Bien sûr, à ton service, Aria. »

Les deux asaris s'installent côte à côte sur le canapé et Sha'ira, du bout des doigts, saisit la main de la reine d'Oméga, qui concentre son énergie sur Elie, ce qu'elle a vu ce soir là dans son esprit, sur le sol de sa cuisine. Les esprits des deux Matriarches s'unissent, dans un partage mémoriel, factuel, professionnel, pour Sha'ira. Mais quand elle sort de l'union, un peu brusquement, hâtivement, la favorite ne peut empêcher un tremblement.

« Qui est cette personne, Aria ? Est-elle encore capable ne serait-ce que de fonctionner ?

- C'est une de mes mercenaires. Et elle va très bien, là elle est en mission.

- Vraiment ? Mais comment ? Il ne faut plus jamais que tu t'unisses à elle, Aria, cette tempête, ces yeux. Ce n'est pas naturel.

- Sha'ira, je me suis unie à elle, avant et après ce moment, et c'était totalement différent, c'était comme toutes les autres unions, naturel. Cette union, dans ma cuisine, c'est comme si je l'avais faite avec une personne que je n'avais jamais connue. Comment est-ce possible ?

- Ce que tu dis me fait penser à ce que m'a dit une de mes acolytes, avant la guerre. Elle avait ce client régulier, un humain. Un jour, il est arrivé, anxieux, déconnecté. Elle l'a détendue, elle l'a crue en tout cas. Elle a engagé l'union, a trouvé des landes désolées et froides, inconnues. A eu peur. S'est retirée. L'homme est resté prostré un moment, puis il est parti. Cet homme, nous l'avons appris bien plus tard, au plus fort de la guerre, était endoctriné, Aria. C'est pour ça que je te dis, arrête de t'unir à cette personne. C'est dangereux. Qui sait à quoi tu pourrais exposer ton esprit ?

- Endoctrinée ? Elie ? C'est impossible. Les endoctrinés sont tous morts en deux semaines, après la guerre. Elle ne devrait pas être en vie si c'était le cas. Elle est… Non. Son esprit est clair. Elle a des traumatismes mais…

- Aria. Je vois que tu tiens à elle. Présente-la-moi, et je ferai mon possible pour vous aider, d'accord ?

- Ce n'est pas ça. Elle est un atout pour Oméga, se défend la pirate.

- D'accord, Aria, si tu le dis, dit Sha'ira en peinant à cacher un petit sourire face à ce mensonge ridicule.

- Elle ne rentre pas avant demain matin. Je nous commande à dîner ?

- Volontiers. »

Deux vieilles amies, Matriarches témoins de temps ancestraux, se retrouvent à parler une fois de plus d'une guerre qu'elles ont vu, une de trop.