J'espère vraiment que ce chapitre va vous plaire, j'ai beaucoup hésité sur l'angle que j'allais prendre. J'en profite pour remercier Sakura Mercier, qui m'a aidé à faire du ménage dans ma tête.

Bonne lecture et dites-moi ce que vous en pensez !

"Avoir su que mon visage ferait la une de la Gazette à chaque moi, je n'aurais jamais acheté de miroir. J'en ai marre de voir ma face partout, c'est d'un ridicule." Hermione lance la gazette sur la table à café et s'empresse de boire une gorgée de thé, humant l'odeur de lavande qui lui faisait tant de bien.

Aujourd'hui, pourtant, rien ne semblait pouvoir l'apaiser.

"On penserait que les nouvelles auraient d'autres sujets plus intéressants à mettre en tête d'affiche". Elle sait que Mathias dit ça pour valider ce qu'elle vient tout juste de dire, mais ses paroles l'écorchent néanmoins.

Pour ce qui semblait être la vingtième fois cette semaine, elle préfère ne pas soulever, se convainquant que ce détail ne méritait pas un accrochage qui déraperait immanquablement.

Mathias, pour sa part, continue à parler sans remarquer son malaise, énumérant toutes les autres nouvelles de la journée qui sont, selon lui, "bien plus pertinentes que ton entrée de carrière comme langue-de-plomb".

Mathias s'installe sur le divan et lui fait un geste pour l'inviter à se coucher plus confortablement. Avec l'aisance d'un couple qui habite ensemble depuis près d'un an, Hermione n'a pas besoin de plus s'installer confortablement, les mollets sur les cuisses de son amoureux.

Sa tasse brûlante dans une main, elle triture le rebord de sa veste de laine, tout à coup anxieuse de voir sa carrière connue de tous. "Ce n'est même pas une nouvelle, tu as ce poste depuis trois ans ! Tout pour parler de leur héroïne glorifiée."

La gorge tout à coup sèche, Hermione se mord les joues. "Deux ans", elle porte son pouce à ses lèvres et ronge la peau autour de l'ongle, évitant le regard de Mathias. "Je n'y travaille que depuis deux ans et ça m'arrangeait que personne ne soit au courant. Maintenant, toute la communauté magique sait que je travaille dans le domaine le plus secret du monde magique. Ça n'augure rien de bon."

Mathias hoche les épaules et feint l'insouciance, mais elle voit qu'il est irrité; sa mâchoire est crispée et il s'est redressé sur le divan. Les minutes qui suivent sont silencieuses, jusqu'à ce qu'il termine son café, caresse sa cheville comme message pour qu'elle libère ses jambes et se lève. Il lui souhaite une bonne journée, lui suggère de penser à autre chose, qu'elle s'invente des horreurs pour rien et de ne pas s'inquiéter pour lui. "J'ai un ami qui nous invite au pub de son coin, je risque de rentrer tard".

Hermione reste en boule sur le divan, le visage songeur et le regarde rivé sur la couverture de la gazette. Une photo vivante d'elle l'a montre à la sortie d'un café, on peut voir Ginny dans le coin, mais elle s'est camouflé d'un chapeau qui dissimule ses longues mèches rousses. Récemment mariée à Harry, elle n'appréciait pas l'attention portée par les journalistes et s'amusait à lancer des sorts peu dangereux pour les faire fuir. Il lui arrivait parfois de ne pas vouloir jouer ce jeu et se trouvait alors des accessoires qui l'aidait à se dissimuler sans utiliser de glamour. On l'avait avertie que les effets des potions de glamour n'avaient pas été testés chez les femmes enceintes et depuis, elle n'osait plus l'utiliser.

La photo est donc centrée sur Hermione, qui parle avec passion d'un livre qu'elle avait découvert la semaine précédente. Elle n'avait même pas remarqué qu'on l'a prenait en photo, satanés sorts qui rendent les flashs silencieux ! Le titre en caractère gras lui barrait le front "Une héroïne qui aime tenir les secrets". Elle imaginait sans mal le contenu de l'article et se refusait à y prêter plus d'attention. Le paragraphe sous la photo piqua néanmoins son intérêt.

Après ce qui semble être une éternité, Hermione Granger travaille enfin ! Plusieurs se demandaient si la sorcière allait un jour trouver une carrière à la hauteur de ses ambitions. Enrichie par ses efforts durant la guerre, elle n'a pas besoin de travailler et ça se voit. Reste à voir si elle tiendra plus qu'un mois cette fois-ci. Allez en page 7 pour lire les détails du retour de la grande Hermione à une vie active en société.

L'article faisait référence à ses multiples tentatives d'emploi dans l'année suivant la bataille finale. Cette période avait été un cauchemar pour le trio. Harry semblait avoir une puce traceuse; il ne pouvait pas sortir de chez lui, même avec un glamour, sans être envahi par les journalistes et les admirateurs. Ron tentait de survivre à la mort de son frère tout en aidant George à garder la boutique Weasley & Weasley, Farces pour sorciers facétieux.

Quant à Hermione... Les journaux se sont amusés durant des mois à suivre ses moindres faits et gestes professionnels, sans se douter qu'ils en auraient tant à dire. Incapable de savoir vers où s'enligner, Hermione avait passé les 18 mois après la bataille à sauter d'un emploi à un autre. Le monde magique se plaisait à lui rappeler cette période pourtant pas si lointaine. Comme une mauvaise blague d'un oncle qui recycle ses références, son statut d'emploi a été le sujet de bien des paris.

Hermione a toutefois un souvenir bien différent de cette période. Elle étouffait, incapable de trouver ce qui l'inspirait assez. Elle cherchait en vain une activité qui l'a passionnait, mais la réalité, c'est que sa quête infernale était en fait une chasse au silence. Elle cherchait en vain une occupation qui lui permettrait de dormir la nuit.

À l'époque, elle ne pouvait pas fermer les yeux plus d'une seconde sans revoir la bataille finale. Elle peinait à ce moment-là à rester fonctionnelle, ne se nourrissant que lorsqu'elle recevait la visite d'Harry, Ron et Ginny, eux-mêmes accaparés par leurs deuils.

Une vague de fureur monte dans sa gorge à la pensée que le monde magique ne pouvait pas la laisser tranquille. Même si elle ne travaillait jamais un jour de sa vie, peut-on en revenir ? Elle n'avait plus de patience pour les rumeurs et les spéculations à son endroit. Cinq ans après la bataille finale, on croirait que les journalistes auraient d'autres choses à couvrir. Les sujets ne manquent pas en plus, rumine-t-elle en se levant pour laver sa tasse. Le monde magique avait vécu plusieurs changements depuis la chute de Voldemort et plusieurs lois étaient en cours de travail pour rendre le monde plus juste et sécurisé.

Juste à l'instant, Hermione pouvait nommer une dizaine de sujets d'articles qui méritent plus d'être en page couverture. Je devrais peut-être être journaliste. Cette pensée l'a fait sourire, se remémorant ses trois jours comme journaliste à la gazette. Elle avait si vite abandonné qu'elle oubliait souvent ce court détour de carrière.

Accoudée au comptoir de cuisine, Hermione se sent envahie par une vague de panique. Habituée par ces vagues irrégulières, elle prend le temps de respirer lentement, une main sur son visage.

Inspire.

Elle se force à penser au paysage du chalet de son enfance.

Expire.

Se remémore le sourire de son père, sa barbe, ses mains épaisses et chaudes.

Inspire.

L'odeur de forêt, de sève et de terre, surtout après la pluie.

Expire.

La vague se calme et son cœur retourne à un rythme régulier. Lorsqu'elle ouvre les yeux, elle voit par la fenêtre le petit jardin de fleurs qu'elle avait planté devant leur petite maison lorsqu'elle avait emménagé avec Mathias. À la vue de ce pavé de couleurs, elle pense à Draco.

Cette pensée est si soudaine qu'Hermione est secouée d'un violent frisson qui l'éloigne du comptoir. Les larmes aux yeux, elle s'empresse de chasser cette image, fuit les pensées associées et retourne au salon pour jeter le journal. Fuyant son propre regard qui l'a suit de la bine de recyclage, elle monte au deuxième étage pour se changer. Le reste de sa matinée fut consacré au ménage et à la préparation de sa journée de travail du lendemain, évitant au maximum de repenser à Draco, qu'elle avait malencontreusement croisé la semaine dernière.

Sa matinée se passa bien, mais à la seconde où elle s'assoit pour manger son dîner, elle revoit le visage de Draco. Elle ne l'avait pas revu depuis... depuis plusieurs années et malgré son masque indéchiffrable, elle ne peut s'empêcher de trouver qu'il semblait triste et seul, malgré la belle femme à son bras. Les larmes lui montent de nouveau aux yeux et elle en perds l'appétit. Elle prends un livre, mais ne suit pas le texte. Elle tente de cuisiner le souper, mais se trompe à deux reprise et abandonne. Elle ne pouvait pas chasser les pensées qui affluaient dans sa tête.

Comment allait-il ? Que faisait-il ?

Elle se détestait particulièrement pour l'éclat de jalousie qu'elle ressent en pensant à la magnifique créature qui accompagnait Draco au gala de bienfaisance. Une fois adressée, la jalousie prit de l'ampleur, au point de rendre Hermione envahie de colère et de frustration.

Elle savait pourtant que cette colère n'était qu'une façade. Revoir Draco l'a ramenait en arrière et ce pont vers des souvenirs doux et amères l'a faisait ressentir de la tristesse, mais aussi autre chose qu'elle ne saisissait pas.

Ce n'est que plus tard en soirée, entre deux tâches domestiques, qu'Hermione réalise ce qu'elle ressentait depuis qu'elle avait croisée Draco.

Du regret.