Pour la première fois en trois ans, Draco se réveille avant l'heure du dîner.

Confus, il se redresse, caressant le dos de la femme encore endormie à ses côtés.

Mélissa ? Mélinda ?

Il n'a pas l'habitude de se réveiller avec un tel sentiment de fatigue. Habituellement, il a le cerveau encore grisé d'alcool et une fatigue plus musculaire, mais ce matin il se sent profondément crevé.

Les yeux encore à moitié ouverts, il repousse la lourde couverture et s'étire en marchant vers la salle de bain, le pas lourd et le corps mou.

La transition dans l'autre pièce n'est pas facile. Aveuglé par la lumière du matin, il peste contre l'absence de rideaux opaques. Ébloui, il s'accroche dans un vêtement laissé au sol la veille et manque de tomber, se retenant de justesse au mur. Maudissant l'univers, il avance d'un pas et s'écrase le petit orteil contre le rebord du miroir sur pieds.

Les larmes lui montent aux yeux et d'autres jurons lui viennent en tête. Il veut prendre sa douche, mais se donne un moment pour se calmer, le front moite et le cœur pulsant dans ses oreilles. Épuisé, Draco préfère se couler un bain, se rappelant d'un mélange de sel et de plantes qui l'ont auparavant aidé à se détendre. Le robinet ouvert, il s'assoit au sol, ignorant le petit siège rarement utilisé, appréciant le contact froid du marbre contre sa peau. Les paupières entrouvertes, il regarde le mur décoré par sa mère, la texture du papier peint mis en évidence par les reflets du jeune soleil.

Une des règles strictes qu'il avait données aux elfes de maison était d'avoir toujours une fenêtre ouverte dans chaque pièce, même l'hiver. Inspirant l'air matinal, Draco entend le bruit de pas qui approchent vers la porte entrouverte. Soupirant de frustration, il tourne le visage, se préparant à refuser l'accès à la salle de bain.

Mélinda, s'il se souvient bien, apparaît dans le cadre de la porte, la robe de chambre de Draco sur les épaules et s'accote au cadre, les bras croisés devant sa poitrine nue. Sa longue chevelure châtaine trahit leurs ébats de la veille et un instant, Draco croit voir un autre visage derrière les mèches rebelles. ''Partant pour que je te rejoigne ?''

La voix de Mélinda ramène Draco au présent et une rage soudaine le prend à la gorge.

''Non. Sort.'' La jeune femme décroise ses bras, visiblement surprise par son ton.''J'ai dit SORT !'' Draco se lève, la pousse et claque la porte. Il s'appuie le front un moment, puis frappe la porte avec colère. Il entend Mélinda qui s'active à partir, le souffle saccadé et il se sent mal, mais est trop en colère pour s'en soucier.

Il se sent gonflé d'une chaleur insoutenable, les yeux secs et le crâne sur le point d'exploser. Il vide le bain d'un coup de baguette et prend à la hâte une douche qui est tout le contraire de relaxante.

Se lavant avec la presse d'une personne préoccupée, il se frotte la peau au point de la marquer. Refusant de prendre le risque de revoir les yeux qu'il pensait avoir croisés tout à l'heure, Draco ne ferme pas les yeux, acceptant comme un châtiment la brûlure du shampoing.

Lorsqu'il sort de la douche, il ne manque pas son reflet au miroir mural. Les yeux injectés de sang, on le croirait prêt à tuer. Le cou déformé par la tension dans ses épaules, il force tellement sa mâchoire que son visage en est dur à reconnaître. Sa colère décuple à la vue de son état, Draco appelle donc un elfe de maison. Il lui explique de ne pas s'inquiéter, mais de rester loin de la pièce et d'attendre le silence complet avant de venir faire le ménage. Draco attend à peine le départ de l'elfe pour lancer un des vases contre le miroir, un éclat effleurant le bras du pauvre elfe, qui fuit en panique.

Draco arrache la porte-serviette et le lance pour briser la fenêtre, hurlant contre tout, mais surtout contre elle. Une bourrasque le fouette d'une odeur florale, coupant sa montée d'agressivité. Incapable de se retenir, Draco fond en larmes, tentant de se cacher le visage contre une serviette à main, le corps secoué par ses pleurs.

La matinée s'achève avec une lenteur insupportable, Draco bougeant mécaniquement, le corps ébranlé par les pleurs.

Il n'avait pas pleuré aussi violemment depuis….

Depuis cette nuit-là

Le visage d'Hermione apparaît de nouveau, cette fois tordu de douleur.

Draco est secoué par un frisson et il s'empresse de penser à autre chose, se versant un verre de whisky pur feu.

Il a appris après la guerre que le meilleur moyen de supporter son quotidien était de diner du whisky sur un ventre vide. Légèrement nauséeuse, il cale le verre, l'habitude l'empêchant de grimacer lorsque l'alcool brûle sa langue.

Aussitôt vide, son verre est rempli par sa main tremblante, pendant que Draco lit d'un œil rapide la gazette du sorcier. Il lui faut plus d'une heure pour achever sa lecture et il réalise à la dernière page qu'il n'avait rien mémorisé. Manquant de tomber en se dirigeant vers la cuisine, il remarque la bouteille de Whisky, neuve, qu'il avait terminée en moins de deux heures.

Le nuage enveloppant son cerveau atténue son sentiment de colère et de honte, il appelle simplement un elfe pour lui demander d'envoyer une note d'absence en son nom. Aucunement en état de socialiser, il grimace en pensant a qu'il venait d'éviter. Deux ans de cirque, vivant de soir, puisant son énergie dans des potions et du whisky, gardant le moral au creux de toutes les sorcières possibles.

Résolu à annoncer cette journée terminée, Draco quitte la cuisine à 14h, rêvant au lit qui allait accueillir sa cuve pour les prochaines heures. Arrivé au corridor, un bruit de transplanage l'arrête.

Seule une personne autorisée pouvait entrer aussi facilement. Ses elfes étaient les seuls qu'il tolérait. Ses parents, par leur statut familial, pouvaient aller et venir à leur guise, mais venaient si rarement que Draco prit peur.

Et si un intrus avait su s'infiltrer ?

D'un pas gauche, Draco avant vers le large vestibule, les sourcils froncés et le corps plus tendu que jamais.

''Qu'est-ce que c'est que cette histoire d'annulation pour la soirée de lancement ? Je ne me souviens pas t'avoir permis d'abandonner tes obligations !''

Le visage blême, Draco fait face à Lucius Malfoy, qu'il n'avait pas vu en personne depuis plus d'un an.