- L'invitation -

24 Novembre 2003

Harry Potter était tranquillement assis derrière sa machine à écrire, plongé dans ses pensées, comme souvent, quand un bruit sourd contre le verre de sa baie vitrée le fit relever la tête.

La chouette était minuscule et semblait frigorifiée. Le temps était loin d'être clément depuis quelque temps et les météorolomages prévoyaient encore du gris, de la pluie, de la neige et même des grêlons pour encore quelques semaines.

Le sorcier ôta ses lunettes et se frotta machinalement les yeux avant d'aller ouvrir à la pauvre bête. Elle voleta autour de lui, battant rapidement ses courtes ailes, comme pour le saluer, avant de se poser sur le bureau, le temps que Harry referme la fenêtre pour empêcher l'air frais d'envahir la pièce.

- Bonjour, toi! souri-t-il en caressant le col de l'animal.

Il n'avait jamais eu à cœur de s'offrir un autre hibou, malgré l'insistance de ses amis. Le décès de sa chouette Hedwige, pendant la guerre, était encore bien ancrée en lui. Cependant, l'affection qu'il avait eu pour elle, il la partageait avec tous les hiboux qui passaient par chez lui. Ils repartaient tous avec un nombre de miam'hibou impressionnant, et des caresses.

Lorsque le volatile lui tendit la patte pour qu'il daigne enfin récupérer son courrier, Harry obtempéra et détacha la missive, en le remerciant d'une friandise.

Le Sauveur du monde sorcier, comme l'appelait les journaux, fronça les sourcils en distinguant l'emblème de la célèbre école de sorcellerie, Poudlard. En se demandant ce que pouvait bien lui vouloir Minerva McGonagall, il se réinstalla dans son siège et décacheta la lettre.

...

Cher Monsieur Potter,

J'ai l'immense honneur de vous convier au tout premier gala de charité de Noël. Il se déroulera le soir du 24 Décembre, à Poudlard!

Comme depuis plusieurs années maintenant, le château est désert en cette période de fête.

Comme le veux l'esprit de Noël, il s'agit d'une période où chacun de nous essayons de faire preuve de gentillesse, de sincérité, d'indulgence, de don de soi et de générosité.

La mise en place de ce Gala était alors une évidence!

Cette année, pour l'inauguration de cet évènement, tous les fonds récoltés seront reversés à l'institut de recherche de Sainte Mangouste afin de leur permettre de tout mettre en œuvre pour sauver des vies humaines.

Le buffet varié saura ravir chacun d'entre vous et des animations, dont la représentation exclusive des "Wizzards Metalica", seront prévues tout au long de la soirée!

En espérant vous voir nombreux,

Minerva McGonagall, et l'équipe professorale de Poudlard.

...

- Et bien, ça pour une surprise! murmura le jeune homme.

Avant même qu'il puisse faire quoi que ce soit d'autre, les flammes de sa cheminée se verdirent et l'instant suivant, ses deux meilleurs amis lui firent face.

Hermione était habillée de son tablier de cuisine, sa spatule en bois encore à la main, et Ron agitait furieusement une lettre similaire -à priori- sous son nez.

- Tu as reçu l'invitation, toi aussi?

Harry se mit à rigoler en comprenant, sans trop de mal, vu la tête que faisait son amie, que Ronald Weasley, prit dans son excitation, avait entrainé sa femme à sa suite sans même la prévenir.

- Bonjour à toi aussi, Ron!

- Euh.. oui, eut bon ton de rougir le roux. Bonjour Harry... Alors?

- Excuse nous de débarquer ainsi, mais tu le connais... dès la fin de sa lecture, il ne tenait plus en place... expliqua Hermione, cachant un sourire.

- Tu m'étonnes! Il va retrouver les plats des elfes de maison de Poudlard, alors je peux comprendre! rit franchement le brun.

Ron les toisa tour à tour, puis, croisa les bras contre son torse, visiblement vexé.

- J'aime manger, ok? Mais ma vie ne se résume pas à ça, vous savez?

- Ah bon?

- Harry! le réprimanda la seule femme de la pièce. On plaisante, Ron, tu le sais bien?

Le jeune homme fit mine de leur en vouloir encore un peu, sous le regard encore hilare de Harry, jusqu'à ce que sa femme lui délicatement un baiser sur la joue. A ce moment là, un sourire éblouissant éclaira son visage, et Harry pensa que ces deux meilleurs étaient tout simplement beaux ensemble.

Malgré leur cinq ans de relation et presque un an de mariage, ils se comportaient encore comme deux adolescent découvrant que leur coup de cœur était réciproque.

Après la bataille de Poudlard, il y avait eu comme un flottement entre eux. Le baiser qu'ils avaient partagé était dans chacune de leur mémoire, mais ils se sont tous les deux demandé s'il ne s'agissait pas simplement de l'euphorie du moment. Alors, comme les deux idiots qu'ils étaient -Ron, plus que Hermione, évidement-, ils se sont mis à s'éviter comme la peste.

Deux semaines avaient duré ainsi. Lorsque Hermione avait annoncée qu'elle allait en Australie, tenter de rendre la mémoire à ses parents, qu'elle avait oubliettés pour leur protection, Ron avait soudain quitté la pièce, laissant la tablée Weasley s'interroger sur son comportement.

Etonnement, ce fut Fleur qui décida que c'en était assez. Elle s'était levé et avait couru à la suite du rouquin. Quand ils sont rentrés, Ron avait annoncé qu'il accompagnerait Hermione, pour sa sécurité, avait-il ajouté en bafouillant adorablement. Et que c'était non négociable.

Deux mois après leur départ, ce fut un couple uni et inséparable qui s'était présenté dans le salon de Molly et Arthur Weasley. Fleur avait eu un sourire ravi et était très fière d'elle. Elle avait été remerciée par Ron, et par toute la tribu de rouquins. Molly Weasley l'avait même prise dans ses bras. Ce fut cet évènement qui, semble t-il, avait supprimé définitivement l'hostilité que la matriarche ressentait encore envers la jeune française.

- Tu vas y aller, hein? s'inquiéta soudainement Ron, le regard fixé sur le brun.

Ce dernier soupira imperceptiblement. Même Hermione avait plissé les yeux, attendant sa réponse. Il était vrai qu'il refusait de se rendre à tout évènement public depuis sa victoire sur Vous-Savez-Qui. La première année, il avait été invité à de nombreuses conférences, de nombreux interviews, à toutes les fêtes et cérémonies d'hommage organisées par le ministère.

Au début, il s'y était rendu, pensant qu'il s'agissait, là encore, de son devoir envers le peuple sorcier d'Angleterre. Mais la pression médiatique et politique lui avait vite donné le tournis, l'oppressant de plus en plus, l'obligeant à ressasser ce qui s'était passé encore et toujours. Tout le monde voulait avoir sa version des faits et qu'importe qu'il l'avait déjà donnée aux aurors, à la Gazette et au Chicanneur, ce que voulaient les gens étaient de l'entendre le leur dire de vive voix.

En voyant son état après chaque passage au ministère, Georges lui avait ordonné de ne plus s'y rendre. Il lui avait fait comprendre qu'il ne leur devait plus rien, qu'il en avait assez fait. Alors, malgré les invitation incessantes, les sollicitations du Ministre lui-même, Harry avait répondu négativement. Ce fut plutôt salvateur pour le brun, qui s'était senti respirer à nouveau, lui donnant la possibilité d'avancer, enfin!

Les seuls fois où il s'était donné la peine de se déplacer, cela avait été pour plaider à nouveau la cause de Severus Snape, héro de l'ombre, et de ses camarades de classe serpentards qui, comme lui, n'avaient jamais eu le droit de choisir. Si pour son professeur de potion, il savait que cela avait eu du bon -l'homme avait reçu la Médaille de Merlin à titre posthume-, pour ses camarades, mis à part le fait qu'ils n'avaient pas été jetés en prison, il n'avait jamais su si ses interventions avaient servi.

- Oui, Ron, fini t-il par répondre. Je vais y aller. Tu sais bien que j'ai toujours adoré Poudlard.

- Ah ouf! Enfin... je veux dire que je suis content que tu veuilles bien sortir un peu pour une fois...

- Ron!

L'injonction d'Hermione fit taire spontanément son mari, dont le teint prit un joli rosé qui jura considérablement avec la couleur de ses cheveux. Hermione leva les yeux devant le manque de tact légendaire de son mari.

Si ne plus se rendre nul part lui avait fait du bien, ses amis, qui s'y rendaient toujours, en son nom, parfois, s'inquiétait de son isolement. Car évidement, outre ces soirées, les seuls sorties qu'il faisait se limitaient à quelques courses sur le chemin de Traverse et les visites chez sa famille de cœur. De leur point de vue, Harry était devenu un ermite, âme solitaire, se cloitrant chez lui, accroché à sa machine à écrire, seul objet auquel il tenait vraiment après sa baguette, et ce depuis quatre années maintenant…

- C'est pas ce que je voulais dire, s'excusa t-il rapidement, mais Harry le coupa d'un signe de de tête.

- Si, Ron. Mais tu as raison de le penser. Je suis conscient que que je ne sors pas beaucoup, mais je vous ai déjà expliqué pourquoi. Si c'est difficile à comprendre pour toi, c'est simplement parce que nous sommes différents toi et moi.

- Tu n'as pas besoin de te justifier Harry, affirma Hermione. On sait que ce que tu as vécu est bien différent de ce que nous, nous avons vécu. C'est normal. Mais on est tout de même inquiets pour toi, tu vois?

- Ouais, mec! Depuis combien de temps tu n'es pas sorti boire un verre? Où depuis combien de temps tu n'as pas vu quelqu'un d'autre que nous?

- Mais je vais bien! les rassura le brun. Et pour répondre à ta question, Ron, je vois toute ta famille chaque weekend et je vais chez Androméda quasiment tous les trois jours!

- Quand j'ai dit "nous", je pensais pas qu'à moi et Hermione, et tu le sais très bien. Mis à part la famille, tu vois qui?

- Des tas de gens!

Hermione haussa un sourcil, l'air de dire : "Ah oui? Et qui dis-moi?", alors Harry se senti obligé d'ajouter.

- L'autre jour, je suis allé déjeuner avec Dean et Seamus!

- Mais c'était il y au moins trois mois! s'écria presque Ron.

- Ouais, bon, peut-être... Pourquoi faudrait-il que je vois des gens au juste?

- Parce qu'avoir une vie sociale est importante pour l'épanouissement personnel? proposa Hermione.

- Je suis très épanoui, merci bien, Hermione.

- J'en doute pas une seconde... s'exclama t-elle, ironique.

La jeune femme soupira. Elle savait que cette discussion ne mènerait à rien. Ca n'était qu'à peine la vingtième fois qu'ils l'avaient, après tout!

- Passons, concéda t-elle. Je trouve que le professeur McGonagall a eu une excellente idée, et je suis ravie de savoir que tu seras parmi nous, Harry!

L'ancien gryffondor gratifia son amie d'un signe de tête. Il sentait bien qu'elle aurait voulu ajouter encore quelque chose, mais il la remerciait de ne pas insister.

- Je me demande bien qui d'autre elle a invité? se questionna Ron, tout haut.

- Je suppose que plusieurs de nos anciens camarades de classe auront été conviés, réfléchit Harry.

- Vous pensez qu'il y aura aussi les Serpentard?

- Pour ma part, je l'espère, en un sens...

- Mais Hermione? Tu te vois dîner en face de Malfoy ou même Parkinson? fit Ron, une moue horrifiée sur le visage.

- Ron, la guerre est loin derrière nous maintenant, répliqua Harry, presque froidement. S'ils ont été invités, j'espère aussi les voir présents.

Face aux réactions de ses deux amis, le cadet des Weasley préféra se taire. Après tout, il savait bien combien ils s'étaient battus pour aider certains serpentard après la guerre. A ce moment, il ne l'avait pas très bien compris, mais plus tard, quand enfin Harry s'était senti apaisé, il s'était dit que peut-être, oui peut-être, que leurs anciens camarades ne méritaient pas vraiment ce que la justice sorcière leur avait infligé...