Hello !

J'espère que vous allez bien. Voici le chapitre 4, publié assez rapidement lui aussi.

Je carbure en ce moment ; entre cette fanfiction, mon projet de duologie steampunk que je travaille dans l'ombre, et la préparation du nouveau concours lancé par la plateforme Fyctia, je ne sais plus où donner de la tête. Mais à la fois, je suis ravie de consacrer un peu de temps à cet écrit qui me permet de retomber en adolescence (trop vite passée et révolue... outch).

En vérité, je profite d'avoir un peu plus de liberté, ces temps-ci, pour avancer sur mes projets d'écriture, n'ayant pas encore de classe à charge depuis la rentrée scolaire... Ainsi sont les joies d'être professeure titulaire sur zone de remplacement... Faute d'élèves en face de soi, on se réconforte comme l'on peut.

Rien ne dit qu'une fois le service repris, je serai aussi régulière... Seul le temps nous le dira. Serait-ce un nouveau challenge à me lancer ? ;-)

Je vous souhaite une bonne lecture !

Disclaimer : l'univers de Harry Potter, créé par J.K. Rowling, ne m'appartient toujours pas. Seuls les personnages OC sont tout droit sortis de mon imagination fluctuante.


Chapitre IV

« Nous l'avons toujours été : emprisonnées depuis notre naissance. C'est une chance que cela soit dans une prison dorée. » Anastasiya Karkaroff


Assise à même le sol, le dos et la tête appuyés contre la brique froide de la tour d'astronomie, Victoire soupira de bien-être. Une brise fraîche fit voleter quelques mèches de ses longs cheveux laissés lâches, lui chatouillant le menton. Elle resserra autour d'elle les pans de sa cape, qu'elle avait pensé à emporter avec elle en début de soirée. Malgré le fait que le mois de septembre ne faisait que débuter, le temps se montrait généralement plus frais à Poudlard que chez elle, en France, et ce soir-là ne faisait pas exception à la règle, d'épais nuages couvrant le ciel sombre. Aucune étoile n'était visible ; la Serpentard entreprit de repérer la lune, cachée derrière un amas de nuées dans le ciel nocturne. Une faible lueur en émanait, témoin de la présence de l'astre qui éclairait communément les cieux. Comme la jeune fille avait hâte de reprendre les cours d'Astronomie !

Des pas trainants résonnèrent dans les escaliers de pierre qui menaient au sommet de la tour. Le visage rouge et essoufflé d'Anastasiya apparut, tandis que la préfète de Serpentard laissait tomber sa propre cape sur le sol. Elle lança un « Assurdiato » d'un coup de baguette, avant de s'écrouler aux côtés de son amie qui l'avait attendu.

« Par Merlin, Nastya, on dirait que tu viens d'effectuer quinze tours du terrain de Quidditch en courant ! Pouffa Victoire en la voyant.

- Très drôle, Duchesne. Ce n'est pas autour du terrain, que je viens de courir, figure-toi, mais à travers tout le château... Et devine après qui ? maugréa la russe. »

Le roulement de « -r » plus que prononcé qui accompagnait ses propos manifestait un énervement des plus palpables. Il ne fallut qu'une poignée de secondes de réflexion à Victoire avant de trouver la réponse.

« Black et Potter ? demanda-t-elle avec évidence.

- Qui d'autre...

- Et ? Les as-tu coincés, cette fois-ci ?

- Bien sûr que non ! J'ignore comment font ces deux-là, mais ils sont littéralement invisibles !

- Comment peux-tu être certaine qu'il s'agissait d'eux, si tu ne les vois pas ? interrogea Victoire, amusée.

- Cesse de te moquer de moi ! s'indigna la préfète. C'est très simple : si ni moi ni Rusard ne parvenons à coincer un individu qui se promène hors des dortoirs en pleine nuit, il s'agit forcément de Black ou de Potter. Ou des deux. »

Le raisonnement fit redoubler les rires de Victoire, sous l'air désespéré de son amie qui n'était pas prise au sérieux.

« J'ai une autre preuve, s'enquit Anastasiya. Lupin était mon binôme de ronde, ce soir.

- Voilà qui devient plus concret ! Et donc ? Il les aurait encore couverts, selon toi ?

- Evidemment, puisque c'est lui qui sillonnait les couloirs en courant comme un dératé, prétendant entendre un bruit à droite, puis à gauche ! On aurait dit une boussole humaine complètement détraquée !

- A-Attends, s-stop ! souffla Victoire entre deux éclats de rire. Es-tu en train de me dire que tu as suivi Remus Lupin à travers tout Poudlard alors qu'il tentait de t'éloigner de ses deux copains ?

- Arrête de rire !

- Nastya, c'est tellement drôle ! Comment as-tu pu être aussi crédule ? »

Anastasiya soupira une énième fois, laissant retomber son dos contre le mur. Elle appuya sa tête contre l'épaule de son amie, attendant que cette dernière calme son hilarité. Victoire lui saisit la main, puis repris la parole après plusieurs secondes de silence.

« Merci, Ana. Cela faisait un moment que je n'avais pas autant ri. Cela fait tellement de bien.

- Rire à mes dépens, hein... Il n'y a pas de quoi.

- Crois-tu que nous pourrons encore rire ainsi, sur des sujets aussi bêtes et enfantins, lorsque nous sortiront diplômées de cette école ? »

La mélancolie étreignit tout à coup le cœur de Victoire, dont les paroles les plongèrent dans un nouveau silence. Anastasiya lui serra la main en retour.

« Pourquoi demandes-tu cela, Vi' ? Qu'est-ce qui te fait douter ?

- Je l'ignore, avoua Victoire. Depuis l'officialisation de mes fiançailles auprès de la famille Black, je me sens comme... prise au piège.

- Tu l'étais déjà. Nous l'avons toujours été : emprisonnées depuis notre naissance. Une chance pour nous que cela soit dans une prison dorée. »

Victoire médita un instant les paroles de son amie. Elle ne savait dire si la russe critiquait ou acceptait la situation à laquelle elle serait, à son tour, bientôt confrontée.

« J'ai peur, murmura Victoire. Non : je suis terrifiée. Je ne sais plus ce que je suis censée faire.

- Ce que l'on attend de toi, répondit simplement Anastasiya. Oublie tes cauchemars, et va vers Regulus. Cela ne devrait pas être trop difficile, étant donné que vous vous côtoyiez régulièrement durant votre enfance. »

Victoire inspira profondément à cette pensée. Cela faisait des années qu'elle n'avait plus réellement adressé la parole à Regulus Black. La dernière fois devait remonter à son arrivée à Poudlard, au cours de leur deuxième année, lorsqu'elle l'avait gentiment envoyé balader. Il n'avait plus jamais esquissé le moindre pas ou geste à son égard par la suite, ayant visiblement bien retenu la leçon et s'abstenant de l'approcher de trop près.

« Que s'est-il passé pour que tu l'évites à ce point ?

- Il a trahi ma confiance, répondit vaguement Victoire. Et je ne sais pas si je pourrai de nouveau la lui accorder.

- Vi', cela s'est passé il y a quatre ans. Ne crois-tu pas que c'est un peu puéril, de garder rancune pour une querelle d'enfant ?

- Et s'il venait à me trahir une nouvelle fois ?

- Alors, je serai à tes côtés pour jouer les harpies vengeresses et lui briser son joli nez. Je peux aussi me charger de lui couper les c-...

- Oui, bon, d'accord, j'ai compris, Nastya ! la coupa nette la blonde, aussi gênée qu'amusée. Et toi, alors ? Que faisais-tu, tout l'été, pour m'envoyer si peu de lettres ? Et que faisait Igor chez vous ? Je pensais qu'il avait définitivement quitté le manoir Karkaroff pendant notre quatrième année.

- C'est... compliqué, répondit Anastasiya en reportant son attention vers le ciel nocturne. Il est revenu pour présenter à Père et Mère ses nouvelles activités. »

La voix tremblante d'Anastasiya alerta Victoire, qui se redressa pour lui lancer un regard interrogateur. La russe ne détourna pas un instant les yeux du ciel sombre.

« Igor l'a rejoint » bredouilla la brune. Elle essuya une larme traitresse qui coulait le long de sa joue, les yeux perdus dans le vague, inexpressifs.

« Qui ? l'encouragea Victoire en lui serrant l'épaule.

- Le Seigneur des Ténèbres, souffla-t-elle. Igor porte la marque. Je l'ai vue. »

Anastasiya vrilla ses yeux noirs et larmoyants dans ceux de sa plus proche amie, rendus plus clairs encore par la lueur de la lune qui brillait à présent au-dessus de la tour d'astronomie.

« Je... Il m'a dit qu'il n'y avait pas plus grand honneur que servir celui qui sera très bientôt le plus grand sorcier de tous les temps. Il prétend que sa cause est bonne, qu'il agit pour le bien de la société sorcière. Que la mixité des sangs que met en valeur le Ministère ne fera que conduire les vraies familles sorcières droit à leur perte. Que quelqu'un doit empêcher cela.

- Et toi, Nastya ? Qu'en penses-tu ? »

La terreur nettement visible d'Anastasiya atteignit de plein fouet Victoire, qui regrettait presque sa question face à l'état dans lequel se retrouvait son amie. En plusieurs années d'amitié et de résidence dans les mêmes dortoirs, jamais elle ne l'avait vue aussi vulnérable.

« Je n'en sais rien, admit-elle. Mais Igor m'effraye. Je ne comprends pas ce qui lui arrive ; il parle et agit comme... une espèce de fanatique. Il a même tenu à m'enseigner la legilimancie !

- La quoi ?

- Legilimancie. C'est une technique qui permet de voir dans l'esprit d'une personne. Pour avoir accès à ses pensées, même les plus intimes. Ses souvenirs. Ses émotions. Ses peurs.

- C'est effroyable, murmura Victoire, horrifiée par l'existence d'une telle pratique. Cela relève du voyeurisme...

- Et comment ! dit Anastasiya en reniflant. Il a dû pénétrer mon esprit à maintes reprises pour m'en faire comprendre le fonctionnement. J'ai eu l'impression qu'on violait mon intimité... c'était horrible. Et j'aurais préféré ne pas avoir à fouiller son esprit en retour. Si tu savais, Vi'... Je crois que le peu que j'y ai vu changera à jamais mon regard sur lui. »

Victoire abattit les derniers murs que les deux jeunes filles avaient érigé durant des années. Pour la première fois depuis leur rencontre et le début de leur amitié, elle prit Anastasiya dans ses bras. Elle la serra fort, à l'en étouffer, étreinte d'un soutien aussi indicible qu'indéfectible à laquelle la russe répondit avec la même force, ne parvenant plus à s'arrêter de pleurer. « Tout ira bien », dit la française, sans qu'elle ne sût laquelle des deux elle cherchait le plus à rassurer. « Tu n'es pas seule. Sois forte, et tout ira pour le mieux... »


Une chaleur insoutenable emplissait la salle de Potions. Des gouttes de sueur perlaient sur le front de Victoire, qu'elle essuya du revers de la manche de son chemisier. Elle lâcha un soupir dépité tandis qu'Ella Lawrence, la Gryffondor qui lui servait de partenaire, se penchait sur le chaudron, la mine déconfite et le nez plissé de dégoût.

Lawrence, à l'allure habituellement si impeccable et raffinée, avait l'uniforme couvert de taches brunâtres et gémissait de frustration à l'idée de garder sur elle cette infâme odeur de foie de chauve-souris. Elle leva des yeux implorants vers Victoire, la grimace déformant son joli minois, puis s'apitoya sur son sort de plus belle.

« Pourquoi tu m'as confié cette abominable tâche ?! gémit-elle, tentant de ne pas respirer l'immonde odeur.

- Et qu'aurais-tu fait d'autre ? demanda la Serpentard en ajoutant une poignée d'orties déshydratées dans leur chaudron.

- J'aurais pu me charger de la concoction de la potion ! Ce n'est pas si difficile, d'ajouter des ingrédients un par un en suivant le manuel puis de touiller ! »

Victoire ne prit pas la peine de répondre, se contentant de lever les yeux au ciel et de se concentrer sur leur potion. Mélanger trois fois dans le sens des aiguilles d'une montre. Ajouter 4 mesures de racines de guimauve. Laisser bouillir dix minutes, puis ajouter 2 mesures de foie de chauve-souris. Si Ella Lawrence était une fille sociable et plutôt sympathique, ses manières l'agaçaient.

La française entreprit de l'aider dans son labeur, qui consistait à présent à découper en fines lamelles les champignons vénéneux sauteurs. Elle devait avouer que s'occuper précédemment du foie de chauve-souris nauséabond et du mucus de veracrasse n'était pas des plus agréables, mais elle ne pouvait pas tout faire à la place de Lawrence. D'autant plus que la Gryffondor n'était pas des plus compétentes dans le domaine des Potions, contrairement à Anastasiya ou à Ophelia avec qui elle aurait aimé faire équipe. Il aurait été tellement plus simple et ingénieux de choisir comme binôme de travail les personnes les plus douées dans la matière, à savoir Anastasiya et Regulus, concernant les sixièmes années. Victoire aurait été certaine de terminer avec un Optimal. Mais le professeur Slughorn avait eu l'idée fabuleuse - selon lui - de choisir les binômes pour davantage de mixité entre les différentes maisons. Ce fut ainsi qu'elle s'était retrouvée en compagnie d'Ella Lawrence, tandis qu'Anastasiya faisait équipe avec un Serdaigle qui semblait bien plus compétent, et qu'Ophelia travaillait avec une étudiante de Poufsouffle optimiste et enjouée qui suivait à la lettre tout ce qu'elle lui recommandait.

Victoire soupira à nouveau. Au départ, le choix ne l'avait pas vraiment gênée, puisque la Gryffondor ne la dérangeait pas plus que cela. Mais la voir à présent travailler avec autant de mauvaises grâces et l'entendre geindre à tout va lui donnait l'irrépressible envie de vider le pot de veracrasse dans ses cheveux sans une seule once de remords.

Alors qu'elle s'apprêtait à jeter les foies de chauve-souris dans le chaudron, la couleur étrangement rouge sang de la potion l'interpella. Depuis quand était-elle censée avoir cette couleur ? Elle jeta un coup d'œil à la paillasse de Lawrence, de laquelle les champignons avaient disparu.

« Par Merlin, Lawrence ! Il fallait ajouter le foie avant les champignons sauteurs ! s'écria Victoire avant de se saisir nerveusement la tête entre les mains. Je te l'ai répété je ne sais combien de fois !

- Avant ou après, cela ne doit pas changer grand-chose ! répliqua la Gryffondor sur le même ton.

- Tu viens de me dire il y a quelques minutes que ce n'était pas si difficile de suivre un manuel, Miss Evidence ! Mais as-tu seulement lu la page, avant de faire n'importe quoi ?!

- Je crois bien que vous avez raté une étape dans votre potion, déclara une voix navrée derrière elles. »

Les deux étudiantes se retournèrent pour faire face au Professeur Slughorn, qui affichait un petit sourire compatissant.

« Vous n'aurez malheureusement pas le temps de recommencer ; il vous faut tenter de rattraper celle-ci, Mesdemoiselles. Bonne chance ! »

Le ton léger employé par le professeur Slughorn acheva d'excéder Victoire, qui jeta une œillade courroucée à sa partenaire. Cette dernière paraissait visiblement plus inquiète pour l'état de sa robe et de ses cheveux maculés de bavures que pour celle de leur potion, qu'elle venait de lamentablement saccager. Lawrence attira ainsi l'attention des autres élèves, narquois, notamment des Serpentard qui étaient les plus nombreux à avoir fait le choix de poursuivre les cours de Potions. Personne ne comprenait la raison pour laquelle cette fille avait décidé de poursuivre cet enseignement, Victoire la première alors qu'elle en faisait les frais. La Serpentard redoutait le pire. Et si Slughorn la laissait en binôme avec elle jusqu'à la fin de l'année ? Et si elle devait se la coltiner pour les ASPIC de septième année, Lawrence s'évertuant à poursuivre une matière qu'elle n'appréciait pas et dans laquelle elle était médiocre ? Oh, misère... Faites qu'elle et le vieux fou retrouvent la raison.

S'apprêtant à poursuivre avec découragement, Victoire s'arrêta net lorsqu'un morceau de papier voleta devant elle. Le sort de lévitation qui l'avait emporté jusqu'à sa paillasse s'estompa et elle le déplia, levant ensuite la tête pour voir qui en était l'expéditeur. Elle croisa le regard indéchiffrable de Regulus Black.

Sur le parchemin était indiqué de quelle façon rattraper la préparation sans aboutir à un résultat désastreux, et la blonde le remercia intérieurement. Elle repensa aux paroles d'Anastasiya, quelques jours plus tôt, en haut de la tour d'astronomie : « Ne crois-tu pas que c'est un peu puéril, de garder rancune pour une querelle d'enfant ? »


La journée de cours venait de se terminer lorsque Victoire quitta la salle de Potions pour rejoindre la salle commune de Serpentard, non loin dans les cachots. Elle avait croisé son petit frère au détour d'un couloir, ce dernier attendant devant la réserve de Slughorn avec Bilius Weasley, l'un de ses nouveaux amis de Gryffondor. Il avait baissé les yeux à son passage, comme l'aurait fait n'importe quel élève plus jeune qu'elle par intimidation. Cette simple réaction lui serra le cœur. Elle espérait qu'il ne s'était pas déjà créé des ennuis, à traîner avec un traitre-à-son-sang. D'autant plus que de ce qu'elle avait pu observer, Bilius Weasley ne semblait pas en reste pour se faire remarquer.

Désapprobatrice, Victoire s'empressa d'entrer dans son dortoir et de filer sous la douche. Le jet brûlant lui fouetta la peau tandis qu'elle soupirait d'aise. Cette sensation de chaleur qui irradiait son corps était exactement ce dont elle avait tant besoin. Elle leva la tête vers le pommeau de douche et ferma les yeux, profitant pleinement de l'eau qui coulait sur son visage. Tentant de faire le vide dans son esprit, elle essaya d'oublier les pensées parasites qui la minaient ; en vain. Son frère la désespérait, et ce n'était malheureusement que le début des ennuis pour lui, comme pour elle. Elle aurait aimé profiter de sa rencontre dans le couloir pour lui parler, mais il refusait à chaque fois de lui adresser la parole en public comme en privé, jugeant qu'elle lui faisait honte, à surveiller ses faits et gestes, et que le rouquin de Weasley qui l'accompagnait était en droit d'assister à leurs conversations. Victoire réfléchit. Weasley lui avait déjà mis en tête, en l'espace de quelques malheureux jours, des idées saugrenues et surtout dangereuses vis-à-vis de son statut. Elle allait devoir rattraper les pots cassés, si jamais cela évoluait. La sécurité de son frère lui importait plus que tout, et elle préférait lui éviter les mêmes souffrances que celles qu'elle avait endurées avant de retourner sur « le droit chemin », comme disaient si bien leurs parents.

Depuis son enfance, elle se sentait en décalage par rapport aux autres sorciers de sang-pur, bien qu'elle essayait de faire en sorte que son père soit fier d'elle au moins une fois dans sa vie. Mais concernant Edouard, elle devait redoubler d'attention : si elle était la plus âgée, elle restait une fille de surcroît. Elle ne représentait donc pas grand intérêt vis-à-vis aux yeux des Duchesne, excepté la possibilité d'une alliance prestigieuse et lucrative pour une autre famille de renom. Edouard, bien que son cadet, était l'unique fils et donc l'espoir de perpétuer le nom ainsi que la descendance des Duchesne. Il ne pouvait pas se permettre de jouer avec leur avenir sous prétexte qu'il n'avait pas encore atteint ses douze ans, et qu'un stupide Weasley lui bourrait le crâne avec des idioties en tous genres.

Elle se sentait égoïste, aussi basse que son père. Son frère avait le droit au bonheur ; le droit de faire ses propres choix. Mais pour sa sérénité personnelle, elle ne pouvait pas le laisser sous certaines influences. Elle était prise entre le marteau et l'enclume, entre la liberté de son frère et son devoir. Que devait-elle faire ? Il n'avait que onze ans. Elle était âgée d'un an de plus, lorsque le Choixpeau avait voulu l'envoyer à Poufsouffle. Elle était encore très jeune, mais avait pourtant été ferme. « Serpentard », avait-elle intimé, avec pour seule image en tête la fierté de sa famille. « En es-tu certaine... ? Cette maison n'est pas faite pour toi. ». Le Choixpeau avait tenté de l'en dissuader. Cependant, elle avait été catégorique, ne pouvant se résoudre à entrer dans une autre maison. « Serpentard », avait-elle répété. « Serpentard, avec les autres enfants de sang-pur. » Elle avait répété les mots de son père. Ceux qu'il lui avait insufflé sur le quai de la voie 9 ¾, juste avant qu'elle ne parte pour cette nouvelle école. Cette nouvelle chance qui lui était accordée.

« Tu rejoindras Serpentard, avec les héritiers de sang-pur. Retiens bien ces noms, car je ne les réciterai pas une seconde fois : Black. Malfoy. Lestrange. Rosier. Yaxley. Travers. Crabbe. Goyle. Avery. Bulstrode. Carrow. Burke. Greengrass. Flint. Nott. Macmillan. Parkinson. Selwyn. Shacklebolt. Slughorn. Dhont. Londubat, finit-il après une hésitation. Lie-toi avec quiconque portera l'un de ces noms. Les autres ne valent même pas la peine que tu les regardes. »

Elle l'avait fait. Elle était à Serpentard, exactement comme il le souhaitait. Que vouloir de plus ? La lettre qu'elle avait reçue le lendemain de sa répartition lui avait presque fait regretter son choix. « J'ai appris que tu avais intégré Serpentard. Nous viendrons te chercher sur la voie 9 ¾ aux prochaines vacances. » Pas un seul mot pour la féliciter. Pas une seule marque d'engouement ou de satisfaction. Juste ces quelques mots formels. Rien de plus.

« Duchesne, sors de là ou j'enfonce la porte ! »

Victoire sourit à l'entente de la voix de Nastya, qui tambourinait la porte.

« Duchesne, je ne le répéterai pas deux fois ! »

Elle était heureuse d'avoir auprès d'elle des amies qui lui semblaient loyales, différentes d'autres Serpentards aux idéologies douteuses tels que Scarlett Bulstrode, Diana Yaxley, ou encore Nérée Avery et Willem Mulciber. Mais qui était-elle, après tout, pour souhaiter esquiver ces fréquentations aux familles proches du Seigneur des Ténèbres, quand son propre père portait la Marque depuis des années ?

« Pas la peine de hurler » dit-elle en sortant de la salle d'eau vêtue d'une simple serviette, « Je ne suis pas sourde. »

La russe lui lança un regard revêche avant de se précipiter dans la salle de bain et de s'y enfermer à double tour. Victoire tourna la tête vers Amalia qui, allongée sur son lit, lui fit un clin d'œil amusé et se redressa.

« Elle est d'une humeur de chien depuis tout à l'heure. Elle a appris qu'elle devait se rendre en réunion avec tous les préfets, ce soir, afin d'établir le nouveau planning de rondes pour la première période.

- Les cours ont déjà commencé depuis une semaine, fit remarquer Victoire tout en s'habillant. Pourquoi décident-ils de tout changer maintenant ?

- Il est possible que Nastya se soit plainte de sa dernière ronde avec Lupin. Elle ne veut plus être en binôme avec lui.

- Je propose qu'Ophelia le fasse à sa place ! s'exclama Amalia en lançant un regard à la concernée qui lisait paisiblement sur son lit. Elle serait très certainement ravie de se promener dans le château avec Lupin à tombée de la nuit ! »

Ophelia leva la tête de son bouquin, écarlate.

« Si ça se trouve, il ne sait même pas que j'existe, déclara-t-elle. À quoi bon ?

- Si tu ne fais aucun pas vers lui, c'est sûr qu'il risque de n'y avoir aucune évolution.

- Quel sens de déduction, Amy. Pour rappel, je ne suis pas toi. Autant dire que je ne suis pas douée, pour ces choses-là.

- Il faut vraiment tout lui apprendre, ronchonna Amalia avant de se diriger vers la porte des dortoirs. Vous venez ? Il y a un tournoi de Bav'boules dans la salle commune. »

Ophelia lâcha son livre pour suivre sa jumelle.

« Tu viens, Vi' ? l'interrogea-t-elle.

- J'arrive. »

Postée dans l'encadrement de la porte, Ophelia hocha la tête puis sortit. Une fois seule, Victoire se dirigea vers sa table de chevet. Elle en sortit un parchemin froissé, qu'elle relut, troublée, pour la énième fois en l'espace de deux jours.

Bas les masques, Duchesne.

Celui de la froideur ne te va pas.

Tout comme ceux du mépris, de la condescendance et de l'intolérance.

Tout le monde peut échapper à la noirceur. Encore faut-il en trouver le courage.

Enfin, ce trait d'esprit ne définit pas les Serpentards, qu'on se le dise...

Mais cela tombe bien, puisque tu n'en es pas un.


à suivre...

Réponse à la review de Katymyny : Bonjour ! Je te remercie pour tes retours, mais aussi pour les ajouts en alerte et en favoris. J'aimerais rebondir sur ta remarque à propos du Quidditch, partageant le même avis. J'imagine parfaitement les anciennes familles sorcières refuser que l'une de leurs filles joue au Quidditch alors que pour les autres maisons, cela ne semble poser aucun problème. C'est pour cette raison que je tenais à ce que l'un de ces personnages féminins fasse partie de l'équipe de Serpentard, sur un poste de batteur de surcroît. Cela met d'autant plus en évidence les valeurs vieillissantes de cette société patriarcale, au détriment d'un désir d'avenir un peu plus libre et évolutif de la part des femmes en faisant partie. Bref, je m'égare... A propos du " mystérieux inconnu ", maintenant, je constate que tu as l'œil au sujet des détails. ;-) hé hé. Merci beaucoup pour les suggestions de lecture concernant Regulus Black, qui est un personnage que j'ai toujours trouvé trop peu développé alors qu'il est des plus intrigants et intéressants. J'y jetterai un œil prochainement. Si tu avais quelques références centrées sur Severus Snape à me partager, je serais plus que preneuse. J'ai cru comprendre dans ta bio qu'il s'agissait aussi de ton personnage favori... :-) A bientôt !