Hello !

Mesdames et messieurs, le chapitre 6 est avancé !

N'ayant que peu de visibilité quant au nombre de lecteurs/rices suivant cette fanfiction pour le moment, j'essaye de rester régulière concernant le délai entre les posts, davantage pour moi-même et en quelques sortes me challenger (il faut avant tout écrire pour soi, n'est-ce pas ?).

Malgré tout, j'avoue que le peu de retours pour le moment me démotive un peu et m'amène à me questionner quant à la qualité de ce que je vous propose. Je ne compte pas lâcher cette histoire car elle me tient à cœur, et surtout, elle me fait énormément de bien ; un peu comme une retombée en enfance, une sorte de petit plaisir coupable... ha ha !

Après, peut-être suis-je tout simplement en retard sur la plateforme... Cela fait des années que je navigue dessus, mais j'ai l'impression qu'elle est désertée depuis quelques temps... Est-ce que certain(e)s partagent mon ressenti ?

Quoi qu'il en soit, je vous souhaite une agréable lecture !

(J'en profite pour remercier Katymyny ainsi que Moony'n'Pad'zzz pour leurs reviews !)


Chapitre VI

« Tu ne pourras plus m'éviter encore très longtemps, si je ne m'abuse… » Regulus Black


Poudlard ne semblait jamais aussi paisible qu'une fois la nuit tombée sur le château. C'était l'unes des raisons pour lesquelles Anastasiya aimait son statut de préfète de Serpentard, rôle qui lui avait été confié un an plus tôt alors qu'elle entrait en cinquième année.

Bien qu'elle fût très à cheval sur les principes de règlement et de bonne conduite à suivre, ne manquant jamais l'occasion de les rappeler aux autres élèves, la sorcière russe y voyait aussi une certaine occasion de goûter à la liberté. Une liberté à laquelle seuls les préfets étaient autorisés : se promener dans les couloirs du château pendant que les autres étudiants sommeillaient dans les dortoirs.

Et attraper les téméraires qui osaient s'y aventurer en dépit de la réglementation. Un véritable jeu du chat et de la souris, auquel elle excellait. Rusard et sa chatte, Miss Teigne, pouvaient bien aller se rhabiller…

Toutefois, comme à chaque fois qu'il s'agissait des incorrigibles Maraudeurs, Ana semblait se heurter à un mur infranchissable. Pas une seule fois elle avait réussi à les coincer, sans qu'elle ne comprenne le pourquoi du comment. Et ce soir-là, les Gryffondors facétieux étaient une fois de plus de sortie. Elle en aurait mis sa main à couper.

Au carrefour d'un couloir, la sorcière sursauta de peur, une main sur le cœur, l'autre, qui tenait sa baguette assortie d'un Lumos, pointée sur l'individu qui venait de lui couper la route.

L'éclat de rousseur qui luisait à la lumière du sortilège fit redescendre sa tension.

« Par Merlin, Evans ! ronchonna-t-elle à l'adresse de la Préfète-en-chef qui lui servait de binôme pour la ronde. Encore un peu, et je t'éborgnais avec ma baguette ! Quoique, je ne suis même pas certaine que Potter renoncerait à te faire les yeux doux si tu étais défigurée.

- Excuse-moi, chuchota poliment Lily en baissant la sienne. En ce qui concerne Potter, je te prierai de le laisser là où il est. Es-tu passée du côté de la Grande Salle ?

- Rien à signaler de ce côté. Direction le deuxième étage. »

Les deux préfètes décidèrent de poursuivre leur ronde côte à côte jusqu'à l'étage suivant, où résidaient les toilettes des filles abandonnées à Mimi Geignarde depuis des années. Anastasiya en profita pour briser le silence et interroger Evans, toujours intriguée par l'article que Skeeter avait sorti deux jours plus tôt.

« Dis-moi Evans, qu'est-ce que ça fait d'être devenue la vedette de Poudlard ?

- Je ne vois absolument pas de quoi tu veux parler, la rabroua la Gryffondor sans ciller.

- Je savais que ton petit-copain était un idiot, mais je te pensais, de ton côté, plus intelligente. Attaquer une Poufsouffle plus jeune que toi, sérieusement… »

La provocation avait toujours le don de faire réagir au quart de tour la maison des lions. Anastasiya le savait parfaitement, et en jouait à la moindre occasion. Quoi de mieux que titiller ou blesser dans son orgueil un lionceau pour qu'il ouvre la bouche et dévoile un tas d'informations plus croustillantes les unes que les autres…

Le résultat ne se fit pas attendre. Lily Evans se tourna vers la Serpentard, la baguette dangereusement pointée vers elle, le visage plissé dans une expression hostile.

« James Potter n'est pas et ne sera jamais mon petit-ami, Karkaroff ! Qu'ils aillent au Diable, lui et Holly Hawkins !

- Doucement, Evans, tu vas te blesser avec ta baguette, dit simplement Anastasiya en tapotant du doigt cette dernière.

- Ne me provoque pas, Karkaroff.

- Sinon, quoi ? Tu vas me lancer un sort, comme tu l'as fait à Hawkins alors qu'elle avait le dos tourné ?

- Ça ne s'est pas passé comme ça ! fulmina Lily, le ton montant. Elle… Raaah ! Maudite soit Skeeter et son stupide journal !

- Hé, oh ! intervint l'un des tableaux du couloir qui était témoin de la scène. Certains aimeraient dormir paisiblement ! Alors taisez-vous, et éteignez cette lumière ! »

Anastasiya lança un regard mauvais au vieux peintre du dix-septième siècle qui venait de les réprimander avant d'attraper Lily par le bras pour la tirer plus loin.

« Alors ? Comment cela s'est-il passé ?

- Quoi ? marmonna Lily.

- Eh bien, avec Hawkins.

- Tu ne lâcheras pas l'affaire, n'est-ce pas ? Je ne vois pas en quoi ça te regarde.

- Tu as la haine, Evans. Tu as la haine, et cela se voit dans tes yeux dès qu'ils se posent sur Skeeter. Tu sais, Rita a beau être ma camarade de maison, je ne la porte pas non plus dans mon cœur. »

Lily Evans leva les yeux au ciel à l'aveu.

« Comme c'est étonnant… Elle avait écrit un article à ton sujet aussi, si je me souviens bien, l'année dernière. De quoi cela parlait, déjà… réfléchit la Préfète-en-chef. Ah, oui ! Je me souviens, ça y est ! « Anastasiya Karkaroff, nouvelle batteuse de Serpentard : de quels talents a-t-elle usés afin d'intégrer une équipe cent pour cent masculine ? »

- Tu joues avec le feu, Evans. Je ferais très attention si j'étais toi, souffla Ana, mauvaise.

- Inutile de me menacer, Karkaroff. Je n'ai pas peur de toi. Ni d'aucun de tes petits copains Serpentards. Et encore moins de cette couleuvre de Rita Skeeter.

- Tu devrais, pourtant… » murmura Anastasiya d'un ton plus grave qu'elle l'aurait souhaité.

Lily accusa le coup, mais ne répondit rien. Elle glissa une œillade en direction de la Serpentard qui l'accompagnait ce soir-là.

Elle n'avait jamais réellement apprécié Anastasiya Karkaroff. Bien que celle-ci fût plus discrète et moins véhémente que certains de ses acolytes de la maison des serpents, elle traînait cet air sinistre qui semblait ne jamais la quitter depuis sa première année. Dans la pénombre, à peine éclairée par un Lumos, ses cheveux bruns et raides formaient un rideau encore plus sombre qu'à l'accoutumée, cascadant un visage d'une pâleur cadavérique. Karkaroff était dotée d'un charme aristocratique propre aux anciennes familles sorcières, mais sa prestance pouvait se faire particulièrement effrayante. Son regard noir et incisif ainsi que le masque inexpressif qu'elle arborait si souvent ne l'aidaient définitivement pas à paraître chaleureuse. Ce n'était donc pas étonnant que si peu de personnes osaient l'approcher. Sans parler de son caractère volcanique tantôt calme et mesurée, tantôt provocatrice. Parfois bienveillante, régulièrement sarcastique. Le plus souvent froide, exigeante, taciturne.

Mais en dépit de sa loyauté qu'elle ne semblait vouer qu'à sa propre personne comme tout Serpentard qui se respecte, Lily Evans était persuadée qu'Anastasiya Karkaroff serait prête à tout pour défendre son honneur s'il venait à être bafoué. Et qu'elle n'hésiterait pas à former une alliance des plus improbables afin de servir ses propres intérêts.

« Dis-moi, Karkaroff, tenta la Gryffondor après avoir brièvement inspecté les toilettes de Mimi Geignarde. Tu n'as jamais pensé à te venger de Skeeter ? »

Une lueur d'intérêt traversa le regard d'Anastasiya.

« Ne serais-tu pas en train de chercher quelqu'un qui pourrait effectuer le sale travail à ta place, Evans ? »

Lily esquissa un sourire malicieux.

« Je me disais juste que de nombreuses personnes devaient lui en vouloir. Mais je dois t'avouer que je ne serais pas contre lui jouer un petit tour lui faire une petite frayeur… »

Anastasiya s'arrêta net, dardant un œil interloqué sur la Gryffondor.

« Lily Evans, susurra-t-elle avec une once de plaisir non cachée, serais-tu en fait dotée d'une dose de sournoiserie bien dissimulée ?

- Tu fais fausse route, répondit faiblement Lily. Je ne souhaite pas lui faire de mal seulement la faire réfléchir aux conséquences de ses actes… bredouilla-t-elle.

- Qu'attends-tu de moi ? la coupa Anastasiya. Je ne vois pas en quoi je pourrai t'aider. Je n'en ai même pas l'envie.

- Je ne m'attendais pas à ce que tu m'aides, répliqua Lily. Seulement que tu me couvres.

- J'en ai assez, de ces Gryffondor qui se croient tout permis sous prétexte que quelqu'un est là pour les « couvrir », maugréa entre ses dents la Serpentard. Demande à Lupin, c'est lui l'expert en la matière. »

Lily soupira, ne pouvant être que d'accord sur ce point. Et elle se rendit compte que c'était la première fois qu'elle discutait réellement avec sa binôme de Serpentard, en six ans de scolarité commune et une année de rondes à travers l'école. Cela ne lui semblait pas si désagréable, tout compte fait, si l'on exceptait les remarques acerbes que la brune lâchait ponctuellement.

« Je te propose un marché, Karkaroff.

- Je t'écoute, répondit distraitement Anastasiya.

- Je m'arrange pour échanger les dernières rondes du planning que tu auras à effectuer avec Lupin cette année, et, en retour, tu m'aides à faire couler le journal de Skeeter.

- Ce sera la troisième fois en l'espace de quelques semaines que les rondes seront modifiées, Evans les autres vont se plaindre.

- T'occupe, trancha la Préfète-en-chef. Je gèrerai ça. Alors ?

- Cela me semble léger, comme contrepartie. »

Lily soupira.

« Que proposes-tu d'autre ?

- Je veux que tu m'aides à coincer Black et Potter lors de leurs sorties nocturnes impunies. Donnant, donnant. Je t'aide à mettre hors d'état de nuire l'une de mes camarades de maison tu m'aides à faire de même avec les tiens.

- C'est d'accord.

- Sérieusement, Evans ? Es-tu sûre que tu serais prête à faire du mal volontairement à quelqu'un ? lança Anastasiya, sceptique. Quoique, au vu de cette histoire avec Hawkins…

- Hawkins a tenté de m'attaquer la première, avoua Lily. Le sort que j'ai lancé était de la légitime défense. Son sortilège a ricoché contre mon bouclier, et elle se l'est pris de plein fouet. Fin de l'histoire.

- Et quelle histoire… marmonna la russe avec déception. Et concernant Skeeter ?

- Je ne veux pas lui faire de mal, la contredit fermement Lily. Je te l'ai dit je veux simplement qu'elle cesse de répandre ses immondices à travers toute l'école. »

Contre toute attente, Anastasiya se tourna vers elle. La sorcière russe, le visage fermé mais les yeux brillants de perfidie à la lueur de la pleine lune filtrée par l'une des immenses fenêtres de Poudlard, tendit sa main libre en direction de la Gryffondor.

« Marché conclu. Mais juste une chose, Evans : si tu parles à qui que ce soit de ce pacte, c'est à toi, que je finirais par nuire. »

Lily, la main tremblante, attrapa celle de la Serpentard, scellant ainsi un marché des plus incongrus avec l'une des dernières personnes à laquelle elle aurait pensé parmi tous les élèves de l'école.


Il était encore très tôt, le lendemain matin, lorsque quatre silhouettes apparurent sous le Saule Cogneur du parc de Poudlard. Emergeant d'un trou profond bien dissimulé, les quatre garçons de septième année semblaient revenir d'une nuit mouvementée. Leur allure débraillée parlait d'elle-même deux des plus grands soutenaient le troisième, exténué, afin de l'aider à se déplacer, tandis que le dernier, plus petit et trapu que les autres, les suivait de près en traînant les pieds, trébuchant contre les racines de l'arbre anormalement immobilisé. Leurs vêtements typiquement moldus enfilés en vitesse la veille au soir étaient plein de terre et de poussière, sans parler du visage creusé et maladif de celui qui ne tenait plus debout.

L'un des deux garçons qui soutenait ce dernier ralentit le pas, levant le visage vers le ciel où l'aube commençait à poindre. Il secoua la tête pour dégager de ses yeux gris les mèches rebelles de ses cheveux mi-longs, qu'il refusait de couper. Certains lui auraient fait remarquer que les garder si longs trahissait son appartenance à l'une des si traditionnelles familles sang-pur. Il leur aurait alors rétorqué que cela lui conférait surtout une allure de bad boy revêche qui attirait les filles comme des mouches. Tout n'était qu'une question de point de vue, aurait surenchérit son ami James dans un éclat de rire.

Le dit James l'observa un instant, perdu dans ses pensées.

« Patmol, lui dit-il, tu es étrange depuis hier. Quelque chose te tracasse ? »

Patmol se tourna vers son ami, s'assurant de l'état de celui qu'ils soutenaient au passage.

« Je suis juste un peu fatigué, répondit-il. Mais ce n'est rien en comparaison de Remus. Amenons-le à l'infirmerie avant que les autres élèves se réveillent. Madame Pomfresh doit l'attendre.

- Si Rusard ou Karkaroff nous trouve en train de rôder dans les couloirs, on est morts, ajouta le quatrième garçon avec couinement.

- Il va falloir faire preuve de discrétion, Queudver, dit Sirius d'un air mutin. Sans la cape, tu vas devoir user de tes talents en la matière.

- Inutile, souffla faiblement Remus. Les préfets terminent leur ronde bien plus tôt. Mais retournez directement dans notre salle commune. Si vous traînez en route et que Karkaroff vous voit dehors, elle risque de ne plus répondre de rien. »

Les quatre garçons arrivèrent à l'infirmerie, où ils déposèrent expressément Remus en prenant garde de ne pas croiser Madame Pomfresh, cette dernière n'étant pas au courant de la compagnie qu'apportaient les garçons à leur ami chaque nuit de pleine lune. Une fois Remus installé dans l'un des lits, ils s'empressèrent de quitter les lieux pour repartir en direction de la tour de Gryffondor.

Sur la route, Sirius s'arrêta un instant au croisement de deux rangées d'escaliers, chacune rejoignant un étage différent. Il hésita. L'un des escaliers menait au couloir où se situait l'entrée de sa salle commune. L'autre menait tout droit à la tour d'Astronomie.

« Rentrez sans moi, déclara-t-il à l'attention de James et de Peter. Je serai de retour dans nos dortoirs avant le petit-déjeuner.

- Où est-ce que tu vas ? s'enquit Peter, sans réponse alors que Sirius montait rapidement les escaliers dans la direction opposée.

- Laisse, Queudver. Sirius est le plus doué d'entre nous pour ne pas se faire pincer. »

Sirius savait qu'il aurait dû rentrer avec ses amis à la tour de Gryffondor. Il savait que ce qu'il faisait était vain et inutile. Mais il avait besoin de vérifier ce qui le taraudait depuis deux jours. Il poursuivit son ascension cette fois-ci dans la tour qui menait au toit plat du site d'Astronomie de l'école. A pas de loup, le plus silencieusement que possible, il s'approcha de la vieille porte en bois qui menait à l'extérieur. Il la poussa lentement, puis avança au milieu du rooftop de la tour d'Astronomie. Les lieux étaient déserts.

Il fit demi-tour et repartit aussi vite vers la salle commune de Gryffondor.


Accoudée à la table ronde qui trônait près de la Réserve Interdite, au fond de la bibliothèque de Poudlard, Victoire bâilla à s'en décrocher la mâchoire. Elle avait profité de cette paisible matinée de week-end pour s'isoler dans l'endroit à moitié caché, certaine que personne ne viendrait l'y importuner. Seulement, aucune page du manuel d'Histoire de la Magie ouvert devant elle n'avait été tournée depuis son arrivée une heure plus tôt. Elle avait même décidé de sauter le petit-déjeuner dans le but de réviser, mais elle ne parvenait décidément pas à se concentrer plus d'une minute.

Elle lâcha un gémissement plaintif avant de croiser les bras sur le livre et d'y enfouir la tête, les yeux clos.

La vérité était que Victoire ne parviendrait pas à retenir quoi que ce soit. Ou de se concentrer sur quoi que ce soit. Son esprit était bien trop distrait par la lettre qu'elle avait adressée à son mystérieux correspondant en retour aux siennes, nombreuses.

« Que choisiras-tu ? De tout arrêter, ou de laisser fondre ton masque de glace pour accepter de me parler ? »

Elle l'avait rejeté. Elle l'avait envoyé planter des citrouilles d'une façon si impérieuse et virulente qu'elle ne cessait de repenser à ses propres mots qui la dégoûtaient.

Elle ignorait totalement qui se cachait derrière ces multiples lettres qui avaient commencé à la hanter. Ces mots doux, attirants, aussi énervants qu'enchanteurs. Les remarques très justes – trop justes – de cet inconnu qui semblait percer le moindre de ses secrets. Les phrases qui sonnaient comme une promesse presque trop belle comme si elles cachaient un infâme coup-bas qui finirait par tomber au moment où elle aurait enfin baissé la garde. Ce qu'elle avait bien failli faire, d'ailleurs.

Se jouait-on d'elle ? Alors, elle avait bien fait d'envoyer sur les roses ce correspondant sorti de nulle part. Mais si cela se révélait bien plus sérieux ? Que l'autre élève voyait réellement au-delà de ce qu'elle laissait transparaître, au-delà de ce que tout le monde voyait ? De ce qu'elle voulait que l'on vît ? Veux-tu seulement continuer sur cette lancée, Victoire… ?

Aucune réponse n'était pas parvenue suite à sa missive des plus salées. Et étrangement, la jeune fille avait espéré qu'il n'y en aurait une. Mais il l'avait prévenue. Il avait fixé les règles du jeu qui s'était progressivement lancé entre eux. La partie ne pouvait plus se poursuivre à un seul joueur soit elle s'arrêtait là, soit Victoire faisait son entrée pour participer au prochain round.

Elle avait préféré abandonner la partie. Elle ne savait pas si elle le regrettait, ou si elle se sentait soulagée en constatant que son correspondant secret acceptait docilement la situation.

Qu'est-ce qui ne tournait pas rond, chez elle ? Comment avait-elle pu se laisser attendrir par de simples mots écrits sur un vulgaire morceau de papier par le premier idiot un peu trop entreprenant venu ? Elle avait terriblement honte. Honte d'avoir été prise au piège si facilement. Honte de ne pas être suffisamment maligne pour deviner l'identité de l'auteur de ces lettres. Honte de s'être écartée un infime instant de tout ce qu'elle avait construit durant des années.

Elle avait tout pour être heureuse, n'est-ce pas ? Alors, pourquoi avait-elle été sur le point de tout ficher en l'air ?

Deux iris orageuses se rappelèrent à elle. Seules deux personnes étaient supposées connaître suffisamment de choses à son propos pour parvenir à abattre aussi vite les remparts qu'elle avait eu tant de mal à ériger depuis son arrivée à Poudlard. Mais ni l'une, ni l'autre ne se serait amusée ainsi avec elle. Victoire en était persuadée. Et pour cause : la première n'adhérait pas à toutes ces idées ; la seconde méprisait bien trop ceux qui suivaient les idéaux sang-pur pour perdre son temps avec l'un d'eux. Aucun des deux ne trouverait un intérêt ; et pourtant, cela aurait rendu les choses tellement plus simples…

Elle soupira longuement, abattue, les méninges à vif, avant de se redresser. Son regard croisa les mêmes yeux gris et indéchiffrables que ceux qui habitaient ses pensées un instant plus tôt.

Regulus Black se tenait droit devant elle, soutenant son regard avec un calme olympien. L'absence de réaction de la jeune fille, qui le fixait sans dire un seul mot, ne l'étonna pas. Il se contenta de tirer la chaise qui lui faisait face pour s'y asseoir, étendant ses longues jambes et croisant les bras. Même dans cette posture qui se voulait décontractée, l'allure de Regulus hurlait à la prééminence.

Lorsque les yeux insondables glissèrent à nouveau sur elle, Victoire frissonna, mal à l'aise.

« Bonjour Vickie, lança-t-il d'une voix claire et assurée.

- Bonjour, Regulus… » répondit-elle faiblement, ne sachant que faire.

Un nouveau silence s'abattit sur eux alors qu'ils s'observaient en chien de faïence. Victoire avisa l'uniforme de Quidditch dont était déjà vêtu Regulus, devenu le nouvel attrapeur de l'équipe de Serpentard.

« J'ignore ce que tu cherches dans cette bibliothèque, mais le terrain de Quidditch se trouve du côté du parc, lui fit finalement remarquer platement Victoire, retournant à la lecture de son livre d'Histoire de la magie.

- Réflexion des plus perspicaces, répondit Regulus. C'est toi que je cherchais, Vickie. »

Victoire tiqua au surnom que lui donnait si facilement son camarade de Serpentard, et releva la tête. La fixant toujours, il semblait de marbre. Pourtant, elle était certaine de percevoir l'ombre d'un sourire en coin qui ne demandait qu'à fleurir sur ses lèvres.

« Tu me cherchais ?

- Cela a l'air de te surprendre.

- Un peu. Car je n'ai rien à te dire. »

Le sourire naissant de Regulus fana. Il se redressa sur sa chaise et s'accouda à la table, le menton posé dans la main. Victoire avait la désagréable impression que ses yeux d'acier la sondaient esprit et âme.

« Il va pourtant falloir t'habituer à ma présence, tu sais.

- Je pense avoir une marge de manœuvre suffisamment importante pour ne guère m'en soucier pour le moment, répondit-elle du tac au tac en détournant les yeux vers son livre.

- Tu ne pourras pas m'éviter encore très longtemps, si je ne m'abuse…

- Pas si tu t'amuses à raconter à tous tes drôles de copains que nous serons liés dès notre sortie de Poudlard, en effet ! claqua-t-elle finalement.

- Nous sommes déjà « liés » depuis un petit moment, Vickie, soupira Regulus. Depuis l'instant où mon traître de frère a déserté la maison. »

Et voilà qu'elle revenait. Cette sensation de suffoquer. L'angoisse devenue trop familière était réapparue, insidieusement, et menaçait de se propager à une vitesse incontrôlable devant l'une des dernières personnes qu'elle souhaitait voir ces derniers temps. Victoire inspira profondément, tentant de garder son calme sous celui dont la seule présence semblait la consumer. Cela faisait pourtant plusieurs semaines que cela n'était plus arrivé.

Face à son désarroi visible, Regulus esquissa un sourire navré était-ce de la déception qu'elle lisait sur son visage ?

« Je sais que tu aurais préféré que tout se déroule comme il l'avait toujours été prévu, murmura Regulus davantage pour lui-même.

- Arrête…

- Mais je n'ai pas demandé à Sirius de partir.

- Reg, s'il te plaît…

- Je suis désolé, Vickie. Je voulais juste que tu le saches » termina Regulus en se levant.

Victoire vit Regulus tourner les talons pour partir. Entre temps, il s'était recomposé un visage totalement neutre, qui ne trahissait aucunement le semblant de peine qu'elle avait entrevue un court instant.

Elle ne chercha ni à la retenir, ni à le rattraper. À quoi bon ? Tout avait été dit.

Comment avaient-ils pu en arriver là ? Dans son enfance, elle avait aimé Regulus. Autant qu'elle avait aimé Sirius. Ils avaient incarné, à ses yeux, un phare dans la nuit. Un phare qui éclairait les eaux sombres au-dessus desquelles elle pataugeait dangereusement. Les deux frères Black, auprès desquels elle avait grandi, représentaient à ses yeux le juste équilibre qui lui avait toujours manqué.

Sirius, l'aîné solaire qui dardait ses rayons sur tout ce qui l'entourait, à l'en aveugler. Regulus, le cadet lunaire dont le calme et la sagesse apaisaient les âmes contrariées. Victoire se retrouvait entre les deux. Elle leur tenait la main pour ne pas se laisser engloutir par les abymes qui l'oppressaient.

Puis ces relations s'étaient brisées. Sirius rayonnait plus que jamais, bravant les interdits de sa famille en quête de liberté jusqu'au point de non-retour. Pendant ce temps, la lueur de Regulus s'affaiblissait sous le poids des responsabilités. Et Victoire leur avait lâché la main depuis longtemps, sombrait peu à peu, spectatrice impuissante des deux pontons qu'arpentaient les deux êtres qui avaient le plus compté à ses yeux autrefois.

Deux chemins dont elle-même s'éloignait pour son propre bien : la lumière et l'obscurité. Mais pour combien de temps, encore ?

Victoire sortit de son sac le carnet à souhait que lui avaient offert les jumelles Dhont le jour de la rentrée. Déchirant l'une des pages à la volée, elle y griffonna quelques phrases avant de souffler lentement dessus.

Une flamme écarlate consuma instantanément le papier.

« Que mes yeux perdus dans le noir retrouvent la lueur de ce phare. Que ma main retienne ce qui lui est le plus cher. Que mon esprit retrouve la raison et sache me mener dans la bonne direction... »


à suivre...