Bonjour / bonsoir !

Je vous laisse avec le chapitre 11, qui m'a laissée sans voix une fois totalement écrit tant il y avait à transmettre en un seul post...

Je n'ai pas su faire plus court ; 6777 mots, donc plus long que les précédents. Il s'y passe pas mal de choses... Du moins, bien plus que dans les autres qui s'étiraient davantage dans le lancement de l'intrigue, j'ai l'impression. J'ai joué les canonniers, pour le coup...

Je vous laisse découvrir ceci par vous-mêmes. :-) Je crois bien pouvoir affirmer que la machine est lancée, ça y est. Le cadre est définitivement planté ; c'est parti !

J'hésite à modifier le rating de cette histoire, pour la passer en M... Je ne pense pas que cela soit nécessaire dans l'immédiat, mais ne sait-on jamais selon ce que réservera la suite. Qu'en pensez-vous ?

Petit coucou aux personnes ayant gentiment laissé des reviews sur Samhain 1 et 2. Merci beaucoup Moony pour le compliment concernant l'idée du jeu d'Halloween ! Ne t'en fais pas, Katymyny, je n'ai pas du tout pris ton interrogation comme critique négative, loin de là. Je suis seulement une grande bavarde qui aime papoter. Ha ha !

Je vous souhaite une bonne lecture !


CHAPITRE XI

« N'oubliez pas que Poudlard est un lieu de paix où chacun devrait trouver chez son comparse un ami plutôt qu'un ennemi. » Albus Dumbledore


Le lendemain matin, lundi 1er novembre 1977, l'école ne s'était pas départie de l'effusion de la veille.

Les élèves qui, pour la plupart, n'étaient pas arrivés au bout de la chasse à la tête de fantôme, attendaient avec impatience le verdict du jeu qui avait pris fin aux douze coups de minuit qui avaient exceptionnellement sonné pour l'occasion cette nuit-là.

Pourtant, en dépit de la bonne humeur qui régnait dans la Grande Salle durant le petit déjeuner, la table des professeurs affichait un air particulièrement sombre. Toute la décoration d'Halloween mise en place la veille avait disparu, la salle reprenant ses atours habituels. Les bannières des quatre maisons étaient de nouveau apparents. Quelques citrouilles départies de tout visage trônaient au centre des tables. Le plafond magique présentait un ciel gris presque orageux, grondant de temps à autre dans ce qui ressemblait à un ronronnement sourd.

Ophelia ajouta du lait dans son porridge avant de le mélanger paresseusement. De temps à autre, elle jetait un œil en direction de la table des Gryffondors, de laquelle Remus Lupin lui rendait un regard presque complice, un petit sourire satisfait au bord des lèvres. Anastasiya intercepta leur jeu de regards, ravie de la tournure qu'avaient pris les événements. Elle donna un coup de coude discret à son amie.

« Alors, avec Lupin ? » lui souffla-t-elle avec un clin d'œil.

Ophelia pouffa de rire. Ana n'y était vraiment pas…

« C'était bien » confirma-t-elle. « Mais ce n'est pas ce que tu crois… Lupin est peut-être très ouvert d'esprit, sympathique et même tolérant, mais je reste une Serpentard. Il ne me regardera jamais autrement que comme une quelconque camarade de la maison rivale qui est un peu moins Serpentard que les autres… Il me tolère, c'est tout. Et je vais devoir m'y résigner... »

Anastasiya acquiesça en silence. Elle lui attrapa la main, la serrant.

« Si tu n'avais pas suivi ta sœur ici, tu n'aurais pas rencontré ce genre de frein… » lui rappela-t-elle. « Mais si tel avait été le cas, alors je ne t'aurais pas auprès de moi en ce moment. »

Il était rare qu'Anastasiya ouvre son cœur et déballe ainsi ses sentiments. Ophelia en fut touchée malgré la véracité presque blessante des paroles précédant sa déclaration d'amitié. Elle reporta son attention sur l'objet de son entrée dans la maison de Salazar, assise face à elle, étrangement silencieuse. Amalia tournait et retournait sa cuillère dans son bol sans en prendre une bouchée, l'air aussi maussade que les professeurs.

« Ça va, Amy ? » s'enquit-elle.

Amalia reporta son attention sur elle, sortant de ses pensées. Un faible sourire lui étira les lèvres.

« Oh, ouais, je vais bien… »

Etrange. Ophelia se tourna en direction du reste de la tablée à la recherche du petit-ami de sa jumelle. Il manquait vraisemblablement à l'appel, tout comme l'ensemble des garçons de septième année de leur maison. Parmi les élèves de sixième année, Regulus Black était lui aussi absent, à l'image d'Avery qu'elle ne vit nulle part. Victoire également, qu'elle n'avait pas revue depuis la veille. Ophelia commença à s'inquiéter.

« As-tu croisé Vi', hier ?

- En début de journée, oui. Je lui avais donné la réponse à la première énigme, afin qu'elle puisse vous la transmettre…

- Ah bon ? s'étonna Ophelia. Nous ne l'avons pas revue après l'annonce de Dumbledore… Je l'ignorais ! Merci, Amy. C'est gentil !

- Pas de quoi » répondit sa sœur en haussant les épaules.

Quelque chose ne tournait décidément pas rond. Amalia était toujours d'un tempérament enjoué, même dans des situations tendues ou critiques. Qu'est-ce qui pouvait bien se tramer au point de lui faire perdre ainsi le moral ?

Les portes de la Grande Salle s'ouvrirent pour laisser entrer les retardataires. Minerva McGonagall, la mine aussi grave que sévère, ouvrait la marche au groupe uniquement composé de Serpentards. Derrière elle, Evan Rosier, Andronic Mulciber, Antonin Dolohov, Severus Snape, Nérée Avery, Regulus Black et Victoire Duchesne avançaient d'un seul et même pas, rejoignant tous la table de leur maison commune sous le silence pesant qui venait de s'installer à chaque tablée.

Albus Dumbledore en profita pour se lever, attendant que le professeur de Métamorphoses s'installe auprès de ses collègues avant de prendre la parole. Il se lança son éternel Sonorus afin que sa voix retentisse dans la Grande Salle.

« Chers élèves » commença-t-il d'un ton plus solennel que la veille. « J'ai l'honneur de vous annoncer que Sir Patrick Deloney-Podmore a pu retrouver l'usage de sa tête grâce à votre investissement particulièrement enthousiaste et intarissable ! Si de nombreux élèves ont abandonné le jeu en cours de journée, parfois en étant proches du but, je ne peux que tous vous féliciter pour toutes les épreuves que vous avez relevées avec courage, et pour certains, brio ! »

Le directeur engagea des applaudissements qui retentirent dans la salle, repris par chaque élève et professeur, saluant les efforts de tous les participants. Il les interrompit pour reprendre :

« Je tiens à particulièrement féliciter le groupe d'élèves ayant su aller jusqu'au bout de cette quête, et ce, malgré toutes les difficultés rencontrées. Je demanderai donc à Messieurs Lupin, Pettigrew, Weasley et Duchesne, de la maison Gryffondor, ainsi qu'à Miss Dhont de la maison Serpentard, de bien vouloir me rejoindre afin de récupérer leur récompense. »

Anastasiya regarda son amie se lever, stupéfaite. Ophelia ne lui avait rien dit à propos de sa victoire ; elle comprenait parfaitement les regards complices échangés avec Lupin, à présent. Amalia, face à elle, en avait presque la mâchoire décrochée. Sa sœur avait réussi là où elle avait échoué, une fois de plus. Ophelia avait toujours était la tête pensante parmi elles. Mais participer au jeu avec des Gryffondors, notamment avec Lupin pour qui elle avait le béguin depuis sa première année à Poudlard ? Incroyable… ! Elle en restait bouche bée. Sa jumelle se débrouillait peut-être très bien sans elle, finalement… et même dans ce domaine…

Le directeur de Poudlard se tenait à présent devant l'estrade, de laquelle il était descendue, se postant devant la table des professeurs. Il félicita derechef les cinq gagnants, leur tendant un petit coffre que le Professeur Slughorn venait de lui faire passer.

« Nos gagnants remportent un ensemble de potions à usage unique, à utiliser lorsque le besoin se fera sentir. Ce coffret n'est constitué que d'un seul exemplaire par potion : libre à vous, donc, de vous les partager comme bon vous semble ! J'accorde également vingt points à chacun des gagnants. La maison Serpentard remporte donc vingt points, et Gryffondor quatre-vingts ! »

Les cinq élèves remercièrent l'ensemble de l'équipe de professeurs avant de retourner s'asseoir sous les applaudissements des autres élèves, le coffre confié à Remus Lupin afin qu'ils puissent se partager le butin plus tard.

Le visage d'Albus Dumbledore se ferma aussitôt qu'ils furent assis et que les applaudissements s'estompèrent. Il reprit la parole, le ton bien plus grave :

« De nombreux événements se sont déroulés, hier. Vous avez dû affronter un certain nombre d'obstacles, notamment des créatures magiques plus ou moins dangereuses selon votre niveau et votre année d'appartenance. Des sortilèges ont été lancés à l'attention de ces créatures et de ces épreuves, ces derniers ayant été exceptionnellement autorisés... »

Dumbledore fit une pause dans son discours, analysant les élèves, son œil inquisiteur s'attardant particulièrement sur la maison Serpentard.

« Vous devez savoir qu'une élève a sauvagement été attaquée hier soir. Rita Skeeter a été transférée à Sainte-Mangouste en urgence la nuit dernière. »

Des murmures s'élevèrent parmi les élèves. Dumbledore attendit quelques instants avant de répondre aux interrogations qui commençaient déjà à se formuler.

« Cette attaque n'était ni un accident, ni le fruit d'une perte de contrôle de sa part durant le jeu. Tout laisse à croire que Miss Skeeter a été blessée par un autre élève de l'école. Elle a subi d'importants dommages corporels que seuls des sortilèges sont capables d'infliger. L'utilisation de maléfices, notamment sur d'autres élèves, est, comme vous le savez tous, formellement interdite ! »

Les élèves étaient horrifiés. Une attaque, à Poudlard ? Un étudiant qui aurait blessé volontairement un autre, l'expédiant droit à Sainte-Mangouste ? Mais qui aurait bien pu faire une chose pareille ?! Certains regards se tournèrent systématiquement vers la table des Serpentards, comme l'avait fait précédemment celui du directeur, notamment vers le groupe arrivé en dernier dans la Grande Salle. Pourtant, Rita Skeeter était elle-même élève dans cette maison. Elle était la seule des quatre à jouir de la réputation de ne reculer devant rien ainsi que de ne pas avoir froid aux yeux en ce qui concernait l'atteinte de ses objectifs, mais les Serpentards iraient-ils jusqu'à s'en prendre à l'une des leurs ? Ces derniers restèrent de marbre, sachant de toute façon que cette histoire leur retomberait dessus. Les plus âgés se lancèrent des œillades égales, le visage fermé.

« Compte tenu des circonstances, je me vois dans l'obligation de fermer le Club de Duel pour un temps indéterminé… » acheva le directeur, sous les exclamations aussi indignées que déçues des élèves. « La baguette de Miss Skeeter est actuellement en examen afin que l'on puisse comprendre ce qui a bien pu lui arriver. En attendant, tant que le ou la coupable n'aura pas été désigné(e), je ne peux prendre le risque de vous laisser nourrir un goût pour la confrontation. J'espère que vous comprendrez cette décision. N'oubliez pas que Poudlard est un lieu de paix où chacun devrait trouver chez son comparse un ami plutôt qu'un ennemi. Ce sera tout. Je vous remercie pour votre attention. »

Alors que le directeur en avait fini avec cette nouvelle aussi inattendue que déconcertante, le Professeur McGonagall se leva à son tour, prenant la parole un court instant.

« Tous les élèves absents de leur salle commune entre vingt-et-une heure et minuit hier soir seront priés de ne plus se servir de leur baguette avant la vérification de celle-ci. Chacun des concernés se verra soumettre une Remontée des Sortilèges en attendant que l'état de Miss Skeeter s'améliore et que l'examen de sa propre baguette ait été réalisé. Vous avez la journée pour venir vous présenter au troisième étage afin qu'un professeur puisse se charger de cet examen. »

Cette dernière annonce fit l'effet d'une douche froide auprès des élèves suspectés. Si on leur demandait même un examen des baguettes, alors le coupable devait réellement avoir frappé très fort… Lily Evans, elle-même concernée par cette remontée des sortilèges, se sentait plus mal de minute en minute depuis l'annonce de l'incident. Elle ne pouvait détacher les yeux d'Anastasiya Karkaroff, au loin, qui beurrait tranquillement un toast, imperturbable.

Aux yeux des élèves, qui, scrutateurs, tentaient de repérer une réaction suspecte auprès de leurs camarades, la situation semblait délirante, irréelle.

À la table des Serpentards, une tout autre sorte d'œillade fut échangée entre de nombreux confrères de cinquième, sixième et septième années. Dans ce genre de situation, la solidarité était de mise. Ils se l'étaient juré. Oui, l'un d'entre eux avait commis le méfait. Oui, certains savaient parfaitement qui était le responsable. Mais plutôt leur arracher la langue que la vérité…


Avant le début des premiers cours de la journée, Victoire était retournée à la salle commune de Serpentard, prétextant un oubli de manuel pour sa classe d'Arithmancie. Une fois arrivée là-bas, elle y retrouva Severus et Regulus, qu'elle tira sans ménagement jusqu'aux dortoirs avant de les insonoriser par précaution.

« Ton dernier sortilège ? » demanda-t-elle catégoriquement à Regulus.

Si le garçon n'avait pas vraiment saisi l'objet de sa demande lorsqu'elle leur avait donné rendez-vous un peu plus tôt, il hocha la tête de compréhension, davantage pour lui-même.

« Accio », répondit-il simplement. « Utilisé dans la Salle Commune au retour de la Tour d'Astronomie. »

Victoire s'assit sur son lit, se prenant nerveusement la tête entre les mains. Inspirant profondément, soulagée, elle interrogea du regard Severus tout en se caressant la peau lacérée de son poignet sur lequel les marques des chaînes du Serment Inviolable étaient encore visibles.

« Un Reducto utilisé en début d'après-midi » lui assura Severus.

Victoire se mit à rire spasmodiquement.

« Pour ma part, un sortilège de coiffure très utile que ma grand-mère m'a appris il y a quelques années… ».

Sa remarque fit sourire les deux garçons, mornes mais aussi soulagés qu'elle.

L'examen des baguettes et l'ampleur que risquait de prendre toute cette histoire n'annonçaient rien de bon. Severus, Victoire et Regulus n'étaient pas responsables des blessures de Rita Skeeter. Mais si les professeurs venaient à trouver la moindre trace du serment qui avait été lié entre eux ou s'ils remontaient jusqu'à son Enchaîneur, alors les trois élèves seraient très certainement expulsés de l'école sans autre forme de procès.


Lily Evans attendait devant les serres de l'école, emmitouflée dans sa cape d'hiver qu'elle avait déjà ressortie en ce début novembre. En plus du vent qui sifflait, s'infiltrant dans les pans de son uniforme, une fine pluie avait commencé à tomber depuis quelques minutes, aplatissant les mèches de ses cheveux roux qui commençaient désormais à goutter le long de son cou. Sa jambe droite tressautait alors qu'elle patientait avec nervosité, attendant que les élèves de sixième année quittent leur cours de Botanique qui était censé être terminé depuis plusieurs minutes. Elle les vit enfin sortir de la serre. Lorsque Anastasiya Karkaroff franchit la porte du local, Lily l'attrapa par le bras pour la tirer plus loin, obligeant cette dernière à la suivre.

Anastasiya, ennuyée, ne posa aucune résistance. Si Evans avait quelque chose à lui dire, qu'elle fasse vite. C'était tout ce qu'elle lui demandait…

Lily les emmena dans un coin un peu plus isolé du parc de Poudlard, caché par des arbres, près du Lac Noir. Après avoir vérifié les alentours, elle s'éloigna de la préfète de Serpentard, assurant plusieurs mètres de sécurité entre elles. Anastasiya haussa un sourcil face à son manège.

« C'est toi ! l'accusa ouvertement Lily, sans détours.

- Qu'est-ce que tu entends par là, Evans ? l'interrogea Ana, dubitative.

- Skeeter, énonça Lily un peu plus bas. Je sais que c'est toi qui as fait ça !

- Et si tel était le cas, Evans ? Que ferais-tu ? »

Une suée froide traversa Lily. Elle ne s'était pas attendue à ce que Karkaroff avoue si facilement. Que pouvait-elle bien faire, à présent ? En parler aux professeurs ? Sans aucunes preuves ?

« Tu ne ferais rien, et tu sais pourquoi, Evans ? Parce que premièrement, tu n'as pas de preuves. Secondement, ma baguette subira la Remontée des Sortilèges pour n'afficher qu'un malheureux Stupefix. Dernièrement, tu devras expliquer aux professeurs que tu as passé un accord avec moi plusieurs semaines plus tôt, me demandant personnellement de me venger de Skeeter car la parfaite Préfète-en-chef que tu es en est incapable, seule, en dépit de tout le courage dont se vante sa maison. »

Lily blêmit face au ton employé par la Serpentard. Elle savait qu'elle n'aurait jamais dû passer un marché avec elle, qu'elle soit préfète ou non. Mais jamais elle n'aurait cru sentir tant de tension et de menaces dans de simples paroles sans que ces dernières ne soient virulentes. Lorsqu'elle voyait Karkaroff montrer les griffes ou les crocs avec toute l'arrogance qui lui était propre, cette dernière n'était finalement pas au summum de l'intimidation... Postée là face à elle, aussi droite et raide que les arbres alentours, son regard noir et perçant de faucon vrillé dans le sien comme s'il lisait à travers son âme tandis qu'elle conservait une attitude des plus calmes, Anastasiya lui faisait presque peur. Lily recula lentement d'un pas supplémentaire, sur ses gardes, touchant sa baguette du bout des doigts dans la poche intérieure sa cape.

« Je ne t'ai jamais demandé de lui faire de mal… se justifia Lily. Skeeter est à l'hôpital magique, Karkaroff… Est-ce que tu te rends compte de la gravité de la situation ? Ou tout ceci n'est-il qu'un jeu pour toi ? »

Anastasiya se mit à rire cyniquement, secouant la tête de gauche à droite. Les mains sur les hanches, elle toisa la Gryffondor qui ne comprenait décidément rien à rien.

« Ce n'est pas moi qui l'ai expédiée à Sainte-Mangouste, Evans.

- Tu viens pourtant de dire que…

- Non, Evans, je n'ai rien dit du tout. Uniquement ce que tu souhaitais entendre, car selon toi, je ferais la coupable idéale. La tête à l'emploi pour l'utilisation d'un maléfice contre un autre élève sans aucuns scrupules. »

Lily se mordilla la lèvre inférieure, confuse, la main toujours serrée sur sa baguette qu'elle était prête à dégainer à tout moment. En effet, elle avait spontanément songé à Karkaroff, sans l'espace d'une hésitation. Indirectement, elle avait appliqué les préjugés que sa maison portait communément à sa rivale de toujours… Se trompait-elle seulement ? N'était-ce pas une autre forme de manipulation de la part la sang-pur face à elle ? Tout était possible…

« Navrée de te décevoir, mais tu devras chercher le coupable ailleurs.

- Si tu affirmes que tu n'y es pour rien, alors je te laisse tranquille, trancha Lily. Mais ne m'approche plus. Reste loin de moi, à l'avenir, Karkaroff... ! »

La Gryffondor resta immobile alors que la sorcière russe, les cheveux rendus encore plus sombres par la pluie, s'approchait d'elle. Cette dernière freina son avancée une fois arrivée à son niveau, son épaule touchant délibérément la sienne. Elle se pencha encore plus près pour lui murmurer doucement, la faisant frissonner d'effroi :

« Soit. Je ne te dois plus rien, Evans. Je me suis bel et bien occupée de Rita Skeeter, si tu veux tout savoir, faisant le sale travail comme tu me l'as si gentiment demandé. Mais je ne suis pas celle qui l'a terminé… »


Ophelia profita de la pause méridienne pour retourner aux dortoirs afin d'y déposer son butin récemment remporté. Elle avait retrouvé ses coéquipiers de jeu à la bibliothèque quelques instants plus tôt pour que chacun puisse récupérer sa part de la récompense qu'ils avaient durement acquise. Le partage s'était fait de manière équitable, le coffret comportant cinq fioles ; une par joueur. Il ne leur restait plus qu'à choisir qui prendrait laquelle, chaque potion pouvant se révéler des plus utiles…

Entrant dans sa chambre, Ophelia s'arrêta net sur le palier en voyant sa sœur jumelle couchée sur son lit, le visage rivé vers la petite fenêtre qui donnait sur le Lac Noir. La sorcière ferma précautionneusement la porte derrière elle avant de se diriger vers le lit, s'asseyant au bout. La lueur verdâtre du Lac Noir sur lequel tapait le soleil de midi pénétrait faiblement la pièce, mais suffisait à se refléter sur le visage d'Amalia qui ne cessait de fixer les mouvements voluptueux des eaux profondes.

« Amy » bredouilla Ophelia, « Que se passe-t-il ? Tu es cafardeuse depuis ce matin. Ça ne te ressemble pas… »

Amalia tourna un visage abattu vers sa jumelle. Face au silence et à l'état de sa sœur, Ophelia s'allongea à ses côtés comme elles l'avaient fait pendant des années, inséparables, et l'entoura de ses bras. C'était la première fois que les rôles s'inversaient. Durant leur enfance, c'était toujours Amalia qui venait la réconforter de son étreinte protectrice lorsqu'elle apercevait la tristesse de sa sœur, bien plus fragile. Ophelia esquissa un rictus mélancolique dans son dos, resserrant la prise que ses bras exerçaient autour de sa sœur.

« Tu n'es pas obligée d'en parler » finit-elle par lui susurrer. « Je sais que pas mal de choses ont changé ces derniers temps, et que nous avons eu nos différends. Mais je suis là pour toi, Amy. Comme tu l'as toujours été. »

Amalia hocha faiblement la tête en posant sa main sur celle de sa sœur, lui intimant silencieusement de ne pas la lâcher. Elle s'éclaircit la gorge avant de prendre la parole d'une voix enrouée.

« Je suis fière de toi, petite sœur. J'aimerais que tu le saches.

- Nous avons le même âge, lui rappela Ophelia. Et c'est moi, qui suis sortie la première... »

La remarque eut le mérite d'arracher un petit rire étouffé à Amalia.

« Tu seras toujours ma petite sœur, Ophia. Mon adorable et innocente petite sœur que je dois protéger. Mais il est temps que je te laisse voler de tes propres ailes, on dirait… »

Ophelia se redressa pour observer Amalia qui souriait tristement, perdue dans ses pensées.

« Je ne suis pas un petit oiseau tombé du nid, Amy…

- Non, c'est vrai. Mais j'ai peut-être joué la mère couveuse un peu trop longtemps, admit difficilement Amalia. Je n'ai pas su voir la magnifique colombe que tu es devenue… Et je m'en excuse. »

Ophelia resta sans voix tant face à l'attitude de sa sœur qu'à ses paroles. D'abord, Anastasiya qui louait leur amitié comme elle ne l'avait jamais fait auparavant. Maintenant, Amalia… Cette dernière se tourna enfin vers sa sœur, le regard embué mais le sourire heureux.

« Je pense avoir raté beaucoup de choses… Tu veux bien tout me raconter ? dit-elle en désignant le flacon d'Aiguise-Méninges que sa sœur avait déposé sur le lit.

- Bien sûr, répondit Ophelia, souriant à son tour. Mais seulement si tu me racontes, toi aussi. »

Alors Amalia lui expliqua tout. De son début de relation avec Avery, qui semblait sortir tout droit d'un conte de fées, à son intégration bien trop rapide dans son cercle privé. Amalia ne négligea rien. Elle parla des disputes qu'ils avaient déjà eues, tous les deux, ne s'accordant pas entièrement sur certaines notions qui érigeaient leur vie ainsi que leur sens de la moralité. Amalia était une Dhont, une sang-pur de seconde classe ; Nérée le lui avait déjà bien fait comprendre en dépit de la profonde affection qu'il éprouvait à son égard. Et la jeune fille n'était pas certaine d'adhérer à certaines valeurs que lui, ainsi que ses amis, accordaient à la pureté du sang ainsi qu'au statut de chacun au sein de la société sorcière. Néanmoins, elle aimait Avery. Alors, elle oubliait. Elle acceptait. Elle se résignait. Derrière le sang-pur à l'idéologie discutable et à l'humour parfois un peu dérangeant se trouvait le jeune homme drôle, tendre, galant et romantique qu'elle avait toujours espéré trouver parmi ses multiples flirts. Mais depuis quelques temps, il semblait mettre en doute son amour pour lui, l'accusant de ne pas suffisamment le soutenir dans son idéologie ainsi que dans les projets futurs qu'il espérait voir se concrétiser.

Elle-même devra finir par s'impliquer, lui avait-il signalé, si elle souhaitait avoir une chance que sa famille l'accepte et que leur relation puisse perdurer – et même s'officialiser –. Cela, elle omit de le dire à Ophelia. Elle ne voulait pas l'alarmer. Elle ne lui parla pas non plus de la pression que les autres lui avaient mis, durant le jeu, la testant tout au long de la journée afin de s'assurer de la légitimité de sa présence au sein du groupe dans lequel Nérée avait fini par l'entraîner.

Et surtout, Amalia se garda bien de lui raconter de quelle façon elle était tombée sur Anastasiya, la nuit précédente, la baguette dangereusement pointée sur Rita Skeeter, ainsi que la rapidité avec laquelle tout avait basculé.


Victoire serrait et desserrait le poing en montant jusqu'au septième étage, chiffonnant encore plus le papier qu'elle avait roulé en boule après s'être retenue de le déchirer. Un peu plus tôt, alors qu'elle quittait son cours d'Arithmancie, la Chevêche d'Athéna qu'elle commençait à un peu trop bien connaître s'était dressée devant elle, déployant ses ailes dans une arrivée presque théâtrale avant de se réceptionner sur l'appui de fenêtre du couloir étroit dans lequel la jeune fille se trouvait. Victoire ne fut pas surprise de voir une missive accrochée à sa patte, que la chouette lui tendit comme à l'accoutumée. La seule et unique phrase qui y était inscrite, cependant, eut le don de complètement la retourner.

Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour te donner des conseils, mais fais très attention à tes fréquentations, Victoire…

Les suppositions qu'elle s'était faites jusqu'alors partirent en fumée. Regulus ne pouvait pas être celui qui lui intimait de réviser son entourage, étant donné qu'il recommençait à en faire partie. Victoire avait sérieusement pensé qu'il pouvait être l'auteur de toutes ces lettres. Bien que la façon de parler ainsi que certaines remarques faites dans ces dernières ne lui ressemblaient absolument pas, elle n'avait finalement visualisé que ce dernier pour tenter de se rapprocher d'elle de façon aussi insolite, d'autant plus que le courrier avait fini par se faire bien plus rare depuis qu'elle avait accepté de lui adresser de nouveau la parole. Elle s'était visiblement trompée, et lourdement…

Victoire arriva devant la tapisserie de Barnabas le Follet que lui avait indiqué Severus en début de journée. Elle tenta de chasser le mot récemment reçu qui la tourmentait et qu'elle tenait toujours étroitement à la main pour appliquer les indications que lui avait données son comparse. Elle effectua plusieurs allers-retours devant la tapisserie, pensant fortement à ce qu'elle souhaiterait trouver derrière. Une porte se matérialisa à sa grande stupéfaction. Vérifiant que personne n'arrivait dans le couloir, elle l'actionna et entra dans la pièce dont elle n'avait jamais eu connaissance.

La Salle sur Demande avait revêtu les couleurs vert et argent de Serpentard, qui se mêlaient à un mobilier aussi sombre que l'était Severus – sa touche personnelle de noir, certainement –. Deux fauteuils en velours noir se faisaient face ; l'élève de septième année qui l'attendait était déjà installé sur l'un d'entre eux, son éternel livre de Potions qu'il passait son temps à griffonner entre les mains. Autour d'eux, de somptueux tapis persans aux couleurs froides juchaient le sol, recouvrant une grande partie du vieux parquet débène qui grinça lorsque Victoire amorça un mouvement en direction du grand piano à queue placé dans un coin de la salle. Severus, assis à côté du feu verdoyant qui crépitait dans l'âtre de la cheminée à moulures représentant des serpents entrelacés, la regarda faire.

« Je ne t'ai pas invitée ici pour que tu joues des airs classiques, Duchesne… lança-t-il en entendant la française débuter une mélodie laconique.

- Je peux aussi jouer quelque chose de plus machiavélique, si tu préfères, répondit-elle en changeant de registre. Ou de macabre…

- Suffit, Duchesne. Viens ici. »

Victoire interrompit sa mélodie pour rejoindre Severus, se plaçant dans le fauteuil opposé. Sans qu'elle ne puisse s'y préparer ou qu'il ne la prévienne, le garçon planta ses yeux dans les siens et fit irruption dans son esprit. Victoire grimaça en sentant la violente poussée dans sa tête.

« J'ai terminé Alice au Pays des Merveilles hier, dit le double de Victoire âgé de huit ou neuf ans. Tu peux le reprendre.

- Tu veux un autre livre ? lui demanda un Sirius Black plus jeune lui aussi en attrapant le roman. Tu sais que tu peux m'en emprunter autant que tu le souhaites.

- Je ne sais pas trop… Et si Père et Mère les trouvaient ? Que penseraient-ils ?

- Range les sous une lame de parquet, proposa le garçon avec un sourire. Cachette typiquement moldue où ni mes parents ni Reg n'ont jamais pensé à aller chercher… »

Avant même que Victoire n'eut le temps de reprendre son souffle, Severus était déjà de retour auprès d'elle, loin de ses pensées.

« Tu n'as vraiment aucune barrière, constata-t-il avec sévérité.

- Tu ne m'as pas prévenue avant de parasiter ma tête, se défendit platement Victoire.

- Parce que tu crois que la personne qui pratiquera la Legilimancie sur toi un jour te préviendra avant, par simple mesure de courtoisie ? ricana ironiquement Severus en levant les yeux au ciel. Concentre-toi, Duchesne. Vigilance constante. Fermeture de l'esprit. Classement des pensées. Legilimens, enchaîna-t-il.

Une Victoire de treize ans, vêtue de l'uniforme de Poudlard qu'elle abhorrait fraîchement depuis seulement quelques mois, avançait d'un pas rapide à travers les couloirs de l'école. Son visage était aussi fermé que ses sens en ébullition. Lorsqu'elle arriva devant le groupe composé de ses six homologues masculins en deuxième année à Serpentard, elle tira sans ménagement Regulus Black par la manche de son chemisier avant de l'entraîner avec elle plus loin sous les yeux ébahis des cinq autres. Elle le poussa dans une salle d'étude vide, avant de claquer la porte et de se tourner vers lui, accusatrice.

« Comment as-tu pu faire une chose pareille ?! » s'emporta-t-elle immédiatement. « Te rends-tu compte de la gravité de tes actes, Regulus ?! »

Le jeune Regulus la fixait de ses yeux d'acier, hébété. Il inspira profondément avant de lui répondre en tâchant de conserver son calme.

« Je n'avais pas le choix, répondit-il. Je ne pouvais plus vous couvrir. Pas sans avoir moi-même des problèmes...

- Oh, Reg, je t'en prie ! Tu es le préféré de ta famille et tu le sais. Ta punition aurait été bien moindre par rapport à celles de Sirius et moi réunies !

- Je ne peux plus vous couvrir, répéta machinalement Regulus. Faites ce que vous voulez, Sirius et toi, mais laissez-moi en dehors de vos histoires. Je ne veux plus être complice de vos écarts…

- Ne t'en fais pas, tu n'auras plus à le faire, cracha Victoire avec dégoût. J'ai l'interdiction d'approcher Sirius, par ta faute ! »

Regulus ne réagit pas tout de suite. Il accrocha le regard ardent de Victoire dans lequel il put lire aisément toute sa déception.

« Tu veux éviter les problèmes que je cause, Reg, c'est bien ça ?

- Je n'ai pas dit ç-…

- Alors commence dès maintenant, le coupa-t-elle. Je ne vois pas pourquoi je devrais ignorer Sirius qui ne m'a jamais fait aucun tort, mais tolérer que son propre frère, mon meilleur ami, nous vende comme tu l'as fait auprès de nos parents ! »

La voix de Victoire fit écho à celle du double de son souvenir, ramenant Severus à l'instant présent.

« Arrête de faire ça, lui intima-t-elle d'un ton dur.

- Si tu n'es pas capable de trier tes pensées et pousses vers moi les indésirables, ce n'est pas mon problème.

- N'es-tu pas censé m'apprendre à les dissimuler, Professeur Evidence ?

- Tu dois expérimenter et comprendre le mécanisme de l'Occlumancie avant que l'on ne commence à te l'inculquer. Face à un vrai Legilimens, tu ne pourras pas vider entièrement ton esprit. L'objectif sera plutôt de lui servir des pensées futiles, des souvenirs qui n'ont aucune importance par rapport aux informations qu'il recherche et celles que tu souhaites garder secrètes. Pour cela, tu dois savoir trier ces informations. Les classer de façon bien ordonnée de façon à laisser filtrer les plus superficielles, et barricader celles que tu ne souhaites pas dévoiler.

- Il me suffit donc de ranger mes pensées dans les tiroirs d'une commode ? »

Severus hocha brièvement la tête face à la comparaison très juste employée par Victoire.

« C'est un peu l'idée. Ton mur protecteur peut prendre la forme d'un meuble si cela te convient, mais cela peut être tout autre chose. Regulus utilise l'image des abysses : il visualise un lac profond, sombre et silencieux, au fond duquel sont enfouies les informations qu'il ne souhaite pas révéler. Pour ma part, je pense à un chaudron dans lequel je place des ingrédients. À toi d'expérimenter différents tableaux qui te permettront d'empêcher ces intrusions et de maintenir la barrière malgré… ce que le Legilimens te fera subir pour parvenir à ses fins. »

La dernière remarque fit froid dans le dos de Victoire, mais elle se contenta de hocher la tête à son tour, commençant à comprendre le fonctionnement de l'Occlumancie bien que cela ne fut qu'en théorie pour le moment.

« Prête ? demanda cette fois-ci Severus. Legilimens. »

Victoire le sentit entrer dans sa tête pour la troisième fois. Elle savait que Severus faisait en sorte qu'elle capte de ses intrusions. Le simple fait de se dire qu'un Legilimens accompli le ferait sans même qu'elle ne s'en rende compte était effroyable… Elle essaya d'appliquer ce que son aîné de septième année lui avait recommandé : trouver une parade pour hisser une protection entre elle et son agresseur. Elle visualisa tout simplement une porte en fer forgé, verrouillée par un solide cadenas. Cadenas qui ne tint pas très longtemps. Elle le vit très vite se réduire en poussière, la porte s'ouvrant largement pour laisser passer le sortilège de Severus.

« Joyeux anniversaire, ma belle dame… » fredonna Sirius Black à l'oreille de Victoire, faisant sursauter cette dernière. La pré-adolescente, installée seule dans la cuisine du manoir des Duchesne où les Black avaient été invités à passer les vacances de Noël, en fit tomber son verre de jus d'orange qui se brisa au sol. Rany, l'elfe de maison de sa famille, apparut immédiatement pour nettoyer les éclats de verre et le liquide répandus sur le carrelage. D'un geste de la main, Victoire lui intima de ne faire aucun bruit, le reste du manoir n'étant pas encore levé à cette heure des plus matinales. Sirius s'assit en silence sur la chaise à côté, lui servant un autre verre.

« Qu'est-ce que ça fait, de rejoindre le club de treize ? chuchota-t-il à son attention.

- J'ai l'impression d'abandonner Reg dans le club des douze…

- Il te pardonnera, dit Sirius avec un petit sourire. Vous êtes tellement inséparables qu'on croirait deux jumeaux. Dommage que tu sois si blonde… sans quoi, on n'y verrait que du feu. »

Victoire lui retourna une œillade irritée.

« Qu'est-ce que je disais ! rit-il à voix basse. Alors, blondie, qu'as-tu prévu pour ta journée d'anniversaire ?

- Rien de spécial, vois-tu. Tant que je peux m'empiffrer de crêpes avec un bon caramel au beurre salé, cela m'est égal.

- Ces français… soupira Sirius avec un ton mélodramatique. N'as-tu pas envie de passer une journée exceptionnelle, ma Vickie chérie ? »

La lueur mutine étincelant dans le regard de Sirius intrigua Victoire, qui reposa la cuillère avec laquelle elle étalait son caramel.

« Et que me proposes-tu, Siri ?

- Allons à Paris.

- Quoi ?

- Paris, répéta-t-il. Voir les centres commerciaux moldus. Comme dans le livre de cet écrivain français que je t'ai donné.

- Paris est loin, lui fit remarquer Victoire. »

L'envie la tiraillait, pourtant. Jamais de sa vie elle n'avait encore vu de magasins tels qu'Emile Zola, l'auteur qu'évoquait Sirius, décrivait dans le roman qu'elle venait tout juste de terminer de lire. Au Bonheur des Dames. À Paris, il y avait la cathédrale Notre-Dame, aussi, comme dans le livre de Victor Hugo...

« Pas si loin à vol de balai… compléta malicieusement Sirius.

- Tu es complètement fou, souffla-t-elle non sans amusement.

- Dis oui. S'il te plaît. Une journée à Paris ; rien que toi et moi.

- Et Reg ? demanda-t-elle en se mordillant la lèvre inférieure, coupable.

- Reg nous couvrira, assura Sirius. »

Severus secoua la tête de gauche à droite, peu convaincu par ce qu'il venait de voir. Aussi bien par la faible tentative de parer ses souvenirs que Victoire venait de tenter, que par le plan de Black qui s'annonçait foireux sans même qu'il n'ait à voir la suite...

« Si on m'avait dit que plus jeune, tu suivais aussi aveuglément Black aîné dans ses plans idiots…

- Sans commentaires, Sev.

- La porte n'est pas une bonne idée, changea-t-il de sujet. Le cadenas annonce d'ores et déjà au Legilimens qu'il trouvera ce qu'il cherche derrière. Sois plus subtile.

- Compris. Recommence.

- Tu n'es pas trop fatiguée ?

- Qu'importe. Vas-y.

- Legilimens. »

Victoire essaye de calquer l'idée de Regulus en visualisant les mouvements d'un lac. Elle pensait à la vitre de sa chambre, dans les dortoirs de Serpentard, qui donnait pleine vue sur les profondeurs du Lac Noir. Elle se trouvait immergée en plein milieu, les oreilles assourdies par la pression de l'eau autour d'elle. Elle poussa plus bas les souvenirs qui refaisaient surface depuis quelques temps et que Severus s'amusait visiblement à dénicher, pour lui en tendre un plus récent et anodin.

Severus, de son côté, vit des mots couchés sur un papier froissé, écrits dans une graphie fine et élégante digne de ses camarades sang-pur. Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour te donner des conseils, mais fais très attention à tes fréquentations, Victoire… Son élève semblait commencer à faire quelques progrès, ce qui était plus que positif. Mais au moment où il força un peu le passage, atteignant les limites de ses propres compétences en Legilimancie qui étaient loin d'être suffisamment développées, Victoire ne parvint pas à retenir sa barrière qui se brisa une fois de plus.

« Faire le mur à bord d'un balai avec un jeune homme aux fréquentations plus que douteuses ! explosa Theobald Duchesne, ce n'est pas ainsi que ta mère et moi t'avons élevée !

- Theobald, arrête, s'il te plaît… plédait Leda Malefoy-Duchesne, ce n'est qu'une enfant…

- Victoire n'est plus une enfant, contra froidement le père de famille en dévisageant sa fille qui sanglotait dans le salon. Lorsque l'on se croit suffisamment indépendante pour prendre des décisions aussi stupides qu'irresponsables, on se doit d'en assumer les conséquences. Sais-tu quelle honte nous avons ressentie, ta mère et moi, lorsque Orion Black vous a retrouvés sur une place publique parisienne au beau milieu des moldus, son borné de fils et toi ?! C'est une chance que Regulus soit plus responsable que son aîné et nous ait averti de l'endroit où nous pourrions vous retrouver ! »

Victoire ne parvenait plus à s'arrêter de sangloter sous les remontrances de son père, qui, s'il lui avait déjà infligé des corrections sévères, n'avait jamais semblé aussi furieux qu'en cet instant.

« Qu'allons-nous faire de toi, Victoire ?! Tu t'acoquines avec les sang-de-bourbe à Beauxbâtons ! Tu t'enfuis au beau milieu du Paris moldu avec Sirius Black…! Et tu caches des ouvrages qui ne devraient même pas franchir le seuil de cette maison sous le plancher de ta chambre ?! »

Theobald Duchesne jeta à ses pieds le dernier roman moldu que Sirius lui avait prêté et qui était à l'origine de leur escapade. Au Bonheur des Dames. Comment son père l'avait-il trouvé… ?

« Vas-tu me répondre, fille indigne ?!

- Je suis désolée… murmura-t-elle.

- Plus fort.

- Je vous demande pardon…

- Nous avons suffisamment pardonné tes écarts. Cette fois, je me vois dans l'obligation de te faire définitivement intégrer les règles de notre famille !

- Theobald, ne fais pas cela…

- Endoloris ! »

Severus suspendit le sortilège, l'air sombre.

« C'est terminé pour aujourd'hui, l'informa-t-il, catégorique.

- Je suis désolée, marmonna Victoire, toujours tremblante après avoir revécu le souvenir que Severus venait de redécouvrir à son tour. Je t'assure que je vais y arriver ; tu peux recommenc-…

- Non. Cela fait déjà deux heures que nous travaillons. L'Occlumancie est très long et épuisant à apprendre. Nous avons déjà trop forcé ; nous reprendrons plus tard. »

Victoire remercia intérieurement Severus de la libérer de ce supplice mental, sentant déjà une affreuse migraine l'assaillir.

En sortant de la Salle sur Demande, la jeune fille ne pouvait se retenir de tourner en boucle les souvenirs qui avaient ressurgi, après avoir tenté de les enfouir dans les méandres de son esprit pendant plusieurs années. Parce que ne plus y penser permettait de mieux prendre ses distances avec qui elle avait été, un jour, et ce qu'elle avait fait. Mais la jeune fille ne pouvait pas en vouloir à Severus pour les avoir déterrés. Car le seul et véritable fautif était le fichu auteur de ces lettres furtives qui en savait un peu trop à son sujet et qui tentait de sortir de l'ombre cette part d'elle qu'elle avait souhaité museler.

Elle devait en avoir le cœur net. Ignorant sa migraine ainsi que la petite voix de sa conscience qui lui hurlait de ne pas commettre d'impair – pas encore –, elle se traîna, exténuée, jusqu'à la volière du château, où elle griffonna une missive rapide avant de la glisser dans la faille presque invisible qui avait été creusée à même la pierre du mur principal, à quelques mètres de la porte. Elle sortit ensuite le Carnet à Souhait que les jumelles Dhont lui avaient offert et qu'elle emportait toujours avec elle, entreprenant de récrire le même message avant de souffler dessus, le regardant flamber entre ses doigts.

Avant de me donner des conseils avisés, toi qui prétends si bien me connaître, décline ton identité. Ou alors, prouve-moi que je peux te faire confiance. Peut-être que je t'écouterais.


à suivre...