Hello !
Tout d'abord, je tiens à m'excuser pour le délai de publication auprès des lecteurs/rices qui suivraient cette histoire, reviews laissées ou non. Je souhaitais réellement tenir le pari d'une publication par semaine voire semaine et demie en cas de pépin, mais là, la période était assez chargée en termes de travail. Je compte sur les vacances pour parvenir à m'avancer sur le plan professionnel, et ainsi pouvoir mieux dispatcher le pro du perso afin de ne plus connaître de nouvelle période aussi longue sans écrire ni publier... Bwaah. :-(
Je vous laisse donc avec le chapitre 13, qui fait suite au match de Quidditch du précédent ainsi qu'à la dernière révélation en date, si vous avez toujours les événements en tête. :-D
Le chapitre suivant connaîtra une légère ellipse et nous fera arriver durant les vacances de Noël. J'espère pouvoir le publier courant semaine prochaine !
J'en profite pour vous souhaiter de très belles fêtes de fin d'année.
BONNE LECTURE !
CHAPITRE XIII
« J'en ai ma claque de ce double jeu. De cette hypocrisie qui dicte la conduite de chacun. Y compris ici, à Poudlard ! » Victoire Duchesne
Anastasiya s'affaissa sur l'un des bancs des vestiaires des filles.
Dès la fin du match, elle avait filé hors de l'effusion générale, aussi rapide que son balai qu'elle avait par ailleurs laissé tomber sur le terrain. Elle avait espéré ainsi obtenir quelques minutes de répit avant que ses équipiers rejoignent les vestiaires à leur tour, transportés par le triomphe de leur victoire pour leur premier match de la saison.
Sans même retirer ses gants ou défaire son uniforme qui lui collait à la peau, humide de sueur et de pluie, la jeune fille se prit la tête entre les mains.
Qu'est-ce qui ne tournait plus rond, chez elle ? Serpentard venait d'écraser Serdaigle devant l'école entière. La stratégie mise au point par Flint avait fonctionné. Dolohov s'était magistralement laissé entraîner dans la combine de Black. Et ce dernier avait largement fait ses preuves en attrapant le vif d'or.
« Quelle que soit l'issue de ce match, nous devons rester soudés. L'unité des joueurs est la clé de la victoire, et pas seulement dans le domaine du Quidditch. » Maudit Flint. S'il savait à quel point il avait raison…
La porte des vestiaires claqua, faisant sursauter la sorcière dont les yeux se braquèrent en direction du nouvel arrivant. Elle fronça les sourcils à la vue l'intrus qui n'était pas Serena Selwyn, sa coéquipière et seule autre fille de l'équipe autorisée à entrer dans cette partie des vestiaires.
Il fit un pas dans sa direction avant de stopper sa progression, les mains levés en signe de paix. Ana s'était instinctivement levée pour prendre ses distances.
« Bon sang, Anastasiya… s'irrita-t-il, quand me feras-tu un peu plus confiance ?
- Tu n'as rien à faire ici ! » répondit-elle d'une voix étouffée.
Il ne renonça pas. Le garçon avança lentement en direction de la jeune fille, qui le laissa faire non sans réserve.
« Tu ne me laisses jamais t'approcher, fit-il remarquer avec un sourire sarcastique. Regarde à quoi j'en suis réduit, si je souhaite ne serait-ce que te parler…
- Tu ne t'es jamais montré sérieux à mon égard, Lestrange. Jouer voilà tout ce que tu sais faire…
- Je ne jouais pas cette nuit-là. Et tu le sais très bien. »
Anastasiya vrilla ses yeux noirs dans ceux, d'un marron bien plus clair et lumineux, de Rabastan Lestrange. Le jeune homme maintint le contact visuel avec la sorcière russe qui l'attirait un peu trop malgré lui, et qui risquait de lui attirer de sérieux ennuis à la longue s'il ne calmait pas ses ardeurs.
« Je sais ce qui te préoccupe. Mais tu n'as pas à t'en faire…
- Je n-…
- Anastasiya, la coupa-t-il. Personne ne saura jamais rien. Mais pour cela, nous devons tous nous faire confiance et nous taire. Tu comprends ? »
Anastasiya hocha lentement la tête, détournant les yeux de son interlocuteur qui s'était un peu trop rapproché d'elle. Rabastan lui saisit le menton pour le tourner délicatement dans sa direction, cherchant son regard.
« J'ai assuré auprès des autres que tu ne dirais rien, tout comme Amalia. Il faut que nous restions tous soudés et je te promets que quoi qu'il arrive, tu ne seras pas impliquée. »
La jeune fille ferma les yeux malgré elle au contact des doigts de Rabastan le long de sa joue, qu'il avait entrepris de caresser tendrement. Le jeune homme, remarquant l'appréciation de ses gestes par sa partenaire, se pencha pour lui embrasser le front, signant ainsi sa promesse avant de se détourner pour quitter les lieux.
Ana sut à ce moment-là que plus rien ne serait jamais comme avant. Parce qu'elle était bien plus complice et engagée dans l'incident de Skeeter qu'elle aurait aimé l'être.
Si elle n'avait pas souhaité jouer la carte de l'intimidation contre sa camarade de maison, alors jamais d'autres élèves ne s'en seraient mêlés. Si elle avait été moins lâche, elle ne les aurait pas laissés user de magie noire. En réalité, elle aurait peut-être même pu aider Skeeter à s'échapper...
Et si Rabastan Lestrange n'avait pas été suffisamment réactif, ce soir-là, pour la sortir à temps la salle dans laquelle elle avait délibérément coincé Rita, alors elle serait très certainement hantée par le tableau d'horreur de la blonde à lunettes mutilée par les vipères qui avaient été invoquées.
Victoire chercha des yeux Anastasiya. Debout du haut des gradins qui commençaient à se vider, elle observa les élèves de Serpentard accourir en direction du terrain pour encercler et acclamer leur équipe. Elle attrapa les multiplettes qu'Ophelia était enfin parvenue à récupérer pour mieux voir.
Ana manquait à l'appel. Son balai trainait un peu plus loin, mais aucun signe de la russe, qui s'était littéralement volatilisée.
« Ana » lâcha-t-elle aux trois autres qui la regardaient sans comprendre. « Elle n'est pas là. Lestrange non plus. »
Tandis que Victoire vérifiait à nouveau à travers les multiplettes, Ophelia capta le regard que se lancèrent Amalia et Avery. La blonde soupira avant de rendre son bien à son amie et de tourner les talons, non sans avoir vérifié d'un tapotement discret la poche intérieure de sa cape dans laquelle elle avait rangé le livre que la chouette lui avait livré.
« Où vas-tu ? s'enquit Amalia, un brin un peu trop contrarié pour sa jumelle.
- La chercher. Ce n'est pas normal.
- Ana n'aime pas le monde, tu le sais bien. Elle est probablement partie avant la cohue…
- Avec Lestrange ? interrogea Victoire qui s'apprêtait à descendre. Ou alors lui non plus n'aime pas la foule, peut-être ? »
Nérée Avery émit un rire gras.
« Rien du genre. Il s'est sûrement tiré avec fervente admiratrice… »
Victoire leva les yeux au ciel.
« Je vais chercher Ana. »
Parvenue au bas de la tribune, elle fut interceptée par Remus Lupin, visiblement soulagé de lui mettre la main dessus.
« Ah, tu es là ! s'exclama-t-il. Il faut que tu viennes tout de suite…
- Je n'ai pas le temps, Lupin. Si tu veux bien m'excuser…
- C'est ton frère ! Il risque d'avoir des ennuis, alors viens… !
- Comment ? Où ?! »
Oubliant un instant l'absence d'Anastasiya, Victoire suivit rapidement Remus Lupin qui l'amena de l'autre côté du terrain, derrière les tribunes qu'avait occupées une grande partie de l'école. Là, un tout autre rassemblement avait lieu. Une vingtaine d'élèves de premières et deuxièmes années encerclaient ce qui semblait être une bagarre. Deux garçons se battaient à mains nues, à la manière moldue, tandis que les spectateurs les encourageaient ou au contraire leur criaient d'arrêter. Deux autres tenaient chacun une baguette, probablement prise aux bagarreurs avant qu'ils n'aient le temps de s'en servir. L'un des concernés envoya l'autre à terre, et Victoire fut alertée par les cheveux blonds presque blancs de ce dernier.
« Edouard ! » hurla-t-elle en tentant de se frayer un chemin. « Edouard, stop ! »
Edouard s'était déjà relevé pour foncer sur son adversaire, un élève en deuxième année à Serdaigle. Il le cloua au sol à son tour, accompagnant sa chute pour se retrouver sur lui et lui décocher un coup de poing. Victoire parvint à l'atteindre au même moment, tirant sur ses bras pour le relever. L'autre en profita pour porter un coup, que la jeune fille faillit se prendre à la place de son frère qui répliqua malgré les bras de sa sœur qui l'enserraient.
« Laisse-moi, Vi' ! Je vais lui refaire le portrait à cet enfoiré !
- C'est ça ! le provoqua le Serdaigle en redressant ses lunettes. Retourne dans les robes de ton reptile de sœur ! Tu crois que parce que t'es pas à Serpentard, t'es différent, pas vrai ? Mais vous êtes tous pareils, vous, les sang-pur ! Tu parles d'un Gryffondor ! »
Ophelia, qui avait suivi Victoire de loin, arriva au même moment. Elle posa la main sur sa bouche pour étouffer un hoquet consterné, avant de fusiller du regard Remus qui observait la scène sans réagir.
« Mais qu'est-ce que tu attends ?! le fustigea-t-elle. Pourquoi n'as-tu pas interrompu la bagarre depuis le début ?!
- Je ne ferai rien, répondit-il calmement.
- Comment ?! Mais tu es préfet ! s'indigna-t-elle.
- Je suis peut-être préfet, mais cela ne veut pas dire que je cautionne toutes les injustices sous prétexte qu'elles virent en bagarre.
- Que veux-tu dire… ?
- Owen Saunders l'a ouvertement accusé d'être responsable de la défaite de Serdaigle. Edouard a assisté à quelques entraînements de Serdaigle, car le cousin de Bilius Weasley joue dans l'équipe. Il a aussi assisté à des entraînements de l'équipe de Serpentard en compagnie de Victoire, poursuivit Remus en saisissant l'incompréhension d'Ophelia. Saunders a donc mis en garde les autres élèves de Gryffondor, en leur rappelant que sa famille était à Serpentard et qu'il n'hésiterait pas à vendre sa propre maison à son profit…
- Un véritable abruti, si tu veux mon avis. » conclut une autre voix derrière eux.
Ophelia et Remus se tournèrent vers Sirius et James, qui venaient de retrouver Peter comme convenu. Sirius fendit le cercle de spectateurs et rejoignit à son tour les deux élèves qui continuaient de s'insulter, posant une main sur l'épaule d'Owen Saunders tandis que Victoire peinait toujours à maintenir une emprise sur son frère. Le septième année regarda son camarade de deuxième de toute sa hauteur, ce dernier n'en menant plus large face à son aîné que la réputation précédait.
« Tu oses juger un Gryffondor de manquer de courage, tandis que toi, pour un Serdaigle, tu es visiblement un sombre idiot ? »
Le jeune Serdaigle blêmit.
« Je… Il… !
- À partir du moment où un membre de notre famille passe par la case Serpentard, nous sommes irrécupérables, n'est-ce pas ? C'est bien la raison pour laquelle tu m'as demandé de signer ton balai l'année dernière, après que l'équipe de Gryffondor ait remporté la coupe de Quidditch ?
- Je…
- Rentre au château, petit. Tu as suffisamment merdé pour aujourd'hui. Les autres, la fête est finie… Circulez ! »
Owen Saunders déglutit. Son visage blanc vira au cramoisi, et il tourna les talons pour quitter les lieux, honteux, non sans lancer une dernière œillade haineuse à Edouard qui lui rendit la pareille en silence.
« Qu'est-ce qui t'a pris ? lui demanda Sirius après s'être tourné vers le garçon de première année. Une beuglante ne t'a pas suffi ?
- De quoi te mêles-tu ? intervint Victoire sans relâcher son frère. Qu'est-ce que cela peut bien te faire ?
- Je connais Eddie depuis sa naissance, et il s'agit de mon camarade de maison. Il est un Gryffondor Gryffondor est une famille. »
Victoire renifla avec mépris.
« Quelle grandeur d'âme as-tu, Ô Sir Black ! J'avais failli oublier que seuls les Gryffondors méritaient ta protection et ton respect… Lorsqu'il s'agit d'un Serpentard, forcément, la donne change.
- De quoi m'accuses-tu, encore…? »
Ophelia se dandinait d'un pied à l'autre, terriblement mal à l'aise. Seuls les Maraudeurs au grand complet, Edouard, Victoire et elle-même étaient restés sur les lieux. Et pas un seul des garçons ne semblait prêt à arrêter la joute verbale entre Black et son amie…
Ophelia ouvrit des yeux ronds lorsque la sorcière française lâcha enfin son frère, qui ne bougea pas d'un centimètre, pour ignorer royalement Sirius avant de lancer un regard amer à Remus Lupin.
« Que crois-tu faire, Lupin ? Ton propre acte de charité aujourd'hui n'effacera pas les erreurs que tu as commises ces dernières années.
- Victoire… tenta de l'interrompre Ophelia.
- Laisse-moi parler, Ophia. J'en ai assez. J'en ai ma claque de ce double jeu. De cette hypocrisie qui dicte la conduite de chacun. Y compris ici, à Poudlard ! Réponds sincèrement à ma question, Lupin : tu es Préfet-en-chef, alors pourquoi n'es-tu pas directement intervenu aujourd'hui pour mettre fin à ce conflit ?
- Parce que ton frère aurait terminé en compagnie de Saunders dans le bureau du Professeur McGonagall ou celui de Dumbledore. Avec une énième retenue à la clé.
- Tes parents en auraient été avertis… ajouta Sirius, que Victoire coupa en leva la main pour lui intimer de se taire.
- Est-ce que c'est parce qu'il est à Gryffondor et aurait fait perdre des points à ta maison adorée que tu l'as fait ?
- Bien sûr que non ! s'offensa Remus.
- Si ce n'est pas une histoire d'appartenance, articula Victoire d'une voix tremblante, alors pourquoi n'as-tu rien fait le jour où James s'en est pris à Severus dans le parc de l'école ? »
Remus serra le poing sans répondre, lançant un regard contrarié à Ophelia qui détourna le sien. Il regarda ensuite ses trois amis qui regardaient le vide eux aussi, ne souhaitant pas davantage s'investir dans la discussion qu'ils savaient par avance stérile.
« J'aimerais croire à ta bonté, Lupin, sincèrement, termina Victoire. J'aimerais pouvoir te remercier pour ce que tu as fait aujourd'hui, car grâce à cela, mon frère évitera à coup sûr des ennuis supplémentaires. Mais je ne peux pas. Pas quand je connais la fragilité de ta partialité. Et encore moins quand je sais que tu avais le pouvoir de mettre fin au calvaire de l'un de mes miens, plutôt que rester une fois de plus planté là à favoriser les bêtises de tes amis au lieu de rendre justice comme tu prétends vouloir le faire. »
Elle n'avait eu ni la force ni la volonté de lever la voix durant sa diatribe.
Victoire savait que Lupin ne méritait pas entièrement sa colère. Que sa cible n'était pas la bonne. Mais cette amertume qu'elle ressentait à la vue des Maraudeurs depuis qu'elle avait pénétré l'esprit de Severus venait de refaire surface malgré elle, sans qu'elle ne parvînt à la taire.
Elle avait eu l'impression de vivre ce souvenir avec lui. Les sentiments de Severus, ce jour-là, s'étaient infiltrés dans ses os. La détresse. La rancœur. Le désespoir. Personne ne méritait de subir cela.
Peut-être était-elle injuste, à sa façon. Mais elle avait eu besoin d'exprimer ces sentiments qui la dévoraient, et ce, qu'il s'agisse des Maraudeurs ou non.
« Viens, Edouard. On s'en va, déclara-t-elle faiblement.
- Je préfèrerais rentrer avec eux à la Tour de Gryffondor, si ça ne te dérange pas, répondit-il d'une petite voix.
- Soit. Comme tu voudras. »
Edouard enlaça sa sœur, qui lui rendit son étreinte avec tendresse. Elle lui ébouriffa les cheveux avec une faible tentative de sourire, lui recommandant la prudence d'ici les vacances de Noël qui approchaient à grands pas. Elle accrocha ensuite le regard énigmatique de Sirius, qu'elle ne parvint pas à décrypter. Ses yeux gris et insondables la consumaient littéralement de l'intérieur, réveillant en elle des sentiments enfouis depuis bien trop longtemps. Victoire passa une main distraite sur sa cape, là où était toujours caché le livre.
« Ophia, que comptes-tu faire ?
- Je rentre avec toi » répondit cette dernière.
Ophelia accompagna ses paroles par l'action, rejoignant la blonde pour s'accrocher à son bras, sans oublier de lui offrir l'un des sourires réconfortants dont elle seule avait le secret. La jumelle fit signe aux Maraudeurs, s'attardant sur Remus qu'elle salua avec chaleur avant de tourner les talons.
A chacun de ses pas en direction du château, Victoire eut l'impression que les rafales de vent qui lui fouettaient le visage assénaient une fissure supplémentaire au masque qui, peu à peu, ne lui collait plus à la peau.
Elle devait se libérer des chaînes nommées faux-semblants qui l'entravaient depuis toutes ces années. Car plus elle méditait et faisait le vide en elle, comme Severus le lui avait appris, plus elle se rendait compte que seule une gigantesque mascarade régissait son environnement.
L'étiquette sang-pur à laquelle on la réduisait en société ? Un jeu. Son attitude d'héritière parfaite devant sa propre famille ? Un simulacre. La modération de ses émotions et de ses sentiments devant ses camarades de maison, et même devant ses vrais et seuls amis ? Une dissimulation. Ses grands airs hautains dans les couloirs ou lorsqu'elle s'adresse à d'autres maisons que celle de Salazar ? Une comédie. Entrer dans le jeu de provocation et de haine que se livraient Serpentard et les autres maisons sans merci ? Une idiotie. Ses pensées gardées sous clé et opprimées, jamais révélées car elles seraient indignes d'une jeune fille de la haute société sorcière ? Une suffocation. Se taire et se mêler uniquement de ses affaires, jusqu'à abandonner ses amis dans leur bourbier pour ne pas risquer de se retrouver ensevelie avec eux ? Une honte. Se faire dicter sa conduite à la baguette au point d'en perdre sa nature, ses goûts, sa personnalité, son essence ? Une soumission. Être moulée à la perfection pour devenir une épouse sage, digne et muette ? Un dégoût. Se détourner de ce et ceux qu'elle aime réellement ou a toujours aimé pour éviter de se prendre des coups ? Une indignité.
Il n'en serait plus question.
Juchée sur les genoux de Nérée, Amalia accueillit la blague cynique de Wilkes par un rire cristallin. Celui-ci, allongé de tout son long sur le tapis en laine tressée de vert et argent qui habillait le plancher juste devant la cheminée de leur salle commune, ne cessait de couper Nott, qui tentait de leur conter l'une des histoires légendaires de Beedle Lebarde. Edvin Wilkes, de là où il était, exposé à la vue de ses comparses de sixième et septième années réunis devant l'âtre, singeait les expressions et intonations de Trestan Nott qui semblait, selon ses dires, provenir tout droit de l'outre-tombe lorsqu'il racontait des histoires.
Loin d'être déstabilisé par son ami qui se moquait ouvertement de lui, Trestan ne se démontait pas et poursuivait son rôle de conteur sur la même lancée.
Installée dans le petit fauteuil le plus proche du feu, Amalia s'appuya contre son petit-ami, qui l'accueillit en passant ses mains autour de sa taille pour l'approcher plus près. Nérée se pencha à son oreille pour lui souffler :
« Et toi, oserais-tu te baigner dans la Fontaine de la Bonne Fortune ?
- Seulement si tu m'accompagnes, roucoula la jeune fille d'un air entendu.
- Je te suivrai où tu le souhaites… »
Il ponctua ses dires par un haussement de sourcils suggestifs qui redoubla les rires de la jeune fille. C'était toujours ainsi entre eux. Les semaines s'écoulaient, mais le flirt dans lequel ils étaient entrés avant même de sortir ensemble semblait perdurer. L'humour séducteur restait au centre de leur relation, et elle mentirait si elle disait que cela lui déplaisait. Amalia se mordilla la lèvre inférieure avant de franchir un nouveau cap.
« Alors, viens chez moi pendant les vacances. »
Le sourire de Nérée s'effaça, laissant place à une expression beaucoup plus sérieuse. Un pli anxieux apparut entre ses sourcils.
« Je te demande pardon ? »
Amalia soupira. Elle se dégagea de l'étreinte d'Avery pour quitter ses genoux. Il la retint. Heureusement, les autres ne semblaient pas du tout s'intéresser à eux, un peu isolés dans leur coin, bien trop concentrés sur Nott et Wilkes.
« Amalia, écoute…
- C'est bon, Nérée. Tu me l'as déjà expliqué à de nombreuses reprises. Ta famille ne comprendrait pas que tu sortes av-…
- J'accepte avec plaisir.
- Quoi ? Demanda Amalia en papillonnant des yeux d'incompréhension. Mais…
- Tu souhaites que je vienne, ou non ?
- Évidemment !
- Alors je viendrai.
- Et ta famille ? Va-t-elle accepter ?
- Je leur dirai que je suis chez Trestan, Edvin ou Amycus.
- Tu leur mentirais pour moi ? » balbutia Amalia, hébétée.
Nérée haussa les épaules avant de l'embrasser.
« Navrée de vous interrompre » s'enquit une voix presque identique à celle d'Amalia, « mais vous n'auriez pas vu Ana ? »
Nérée soupira intérieurement en s'éloignant du visage de sa petite amie. Son double se tenait juste derrière leur fauteuil et semblait visiblement s'adresser à eux.
Non pas qu'il n'aimait pas Ophelia loin de là. Mais elle n'était définitivement pas comme sa sœur. Elle n'avait pas sa place à Serpentard, et elle semblait littéralement s'asseoir sur son sang au vu de ses dernières fréquentations en date. Ophelia avait la chance d'être acceptée, tout comme Amalia, par Duchesne et Karkaroff qui appartenaient à des familles au rang des plus prisés dans leur pays d'origine. Alors pourquoi la jumelle de sa petite-amie avait-elle besoin de se frotter à des sangs impurs d'autres maisons ? Pire encore à des sang-de-bourbe à qui elle donnait parfois des cours particuliers dans la salle d'étude de Poudlard… Avery en vomirait presque à cette pensée.
Amalia, elle, avait parfaitement compris quel rôle et quel rang elle se devait de tenir si elle souhaitait s'élever dans la société. Dans l'état actuel des choses, Nérée savait qu'il ne pourrait pas la présenter à sa famille. Mais, si jamais sa relation avec la jeune fille s'ébruitait en-dehors de Poudlard et parvenait aux oreilles de ses parents, le Serpentard savait qu'il valait toujours mieux fréquenter une Amalia plutôt qu'une quelconque autre fille au sang douteux. De plus, cette dernière n'était pas si mal. Jolie, drôle, futée, ambitieuse.
Ce qui n'était au départ qu'un défi lancé par Wilkes s'était finalement transformé en relation amoureuse qui lui convenait parfaitement. Il ne savait pas s'il aimait véritablement Amalia. Néanmoins, il ressentait sans conteste de l'attirance et de l'affection pour la jeune fille. Alors pourquoi se risquerait-il à lui briser le cœur s'il trouvait lui-même des intérêts à cette relation ?
« Non, l'entendit-il répondre à sa sœur jumelle, pas depuis le match.
- D'accord. Merci quand même, marmonna la deuxième avant de monter aux dortoirs.
- Elle avait l'air de meilleure humeur tout à l'heure, murmura Nérée, le nez dans les cheveux d'Amalia.
- Hum, fredonna sa petite amie. Je te remercie de faire des efforts pour passer du temps avec mes proches.
- Ce n'était pas si terrible » affirma-t-il.
Il avait même presque apprécié regarder le match avec Amalia, Ophelia et Victoire. Cela avait été… instructif, se dit-il en fixant son regard sur Victoire, arrivée en même temps qu'Ophelia et dont l'attention avait été captée par Regulus, assis dans son propre fauteuil à l'opposé de l'âtre.
Regulus fit signe à Victoire d'approcher, écoutant toujours Trestan d'une oreille. Il se redressa de son fauteuil pour lui parler sans trop élever la voix.
« Severus ne pourra pas venir au point de rendez-vous, ce soir, l'informa-t-il.
- Que dois-je faire, alors ?
- Comme tu le souhaites. Je suis capable de le remplacer, si besoin. »
Victoire le dévisagea.
« Toi ? Tu veux remplacer Severus ?
- Oui, moi, répéta-t-il d'un ton hasardeux. À moins que cela te pose un problème…
- Aucun. Dix-huit heures devant la tapisserie. »
Regulus hocha la tête distraitement sans lâcher des yeux Trestan qui poursuivait son monologue de conteur, entrecoupé par les rires de ses camarades.
Victoire, quant à elle, se glissa dans les dortoirs pour rejoindre Ophelia qui l'y attendait, assise en tailleur sur son lit, Douglas pelotonné dans ses bras.
« Aucune trace d'Ana, lui signala Ophelia.
- Nastya n'a pas pu se perdre seule dans le parc ou dans les couloirs… »
Victoire rejoignit son propre lit, sur lequel elle se laissa tomber avant de s'enrouler dans son plaid polaire. Douglas quitta les bras de sa maîtresse pour sauter sur le lit de sa camarade de chambre, se lovant contre le plaid à son tour avec un ronronnement d'aise.
« Traître ! lui lança Ophelia.
- Ce n'est pas moi qu'il aime, nuança la blonde, mais mon plaid tout neuf acheté à Pré-au-Lard. Il a déjà mis des tonnes de poils dessus… »
Un silence s'installa dans la chambre. Ophelia entortilla une mèche de cheveux autour de son doigt, tic que sa sœur et elle partageaient lorsqu'elles étaient anxieuses. Victoire se redressa sur ses coudes et l'interrogea du regard.
« Je m'inquiète pour Anastasiya.
- Pourquoi ?
- Ne me dis pas que tu n'as pas remarqué son attitude étrange…
- Peut-être.
- Vi', soupira Ophelia, je sais que Nastya et toi, vous êtes liées comme les doigts de la main et que jamais tu ne partageras quoi que ce soit qu'elle ait pu te confier, - ne me regarde pas comme ça, tu sais très bien que tu es la seule qui réussis à la faire parler ! – mais dis-moi au moins qu'elle va bien.
- Je n'en sais rien, avoua Victoire. Elle ne m'a pas beaucoup parlé, ces derniers temps.
- J'ai un mauvais pressentiment, depuis… depuis le soir de l'attaque. »
Victoire attendit qu'elle développe ses explications.
« Je ne sais rien de ce que vous avez fait ce soir-là, lâcha Ophelia en secouant la tête de gauche à droite. Où étais-tu ? Amalia était avec Avery, mais que faisaient-ils ? Ana m'a lâchée en plein milieu du jeu d'Halloween sans que je ne sache ni la raison, ni l'endroit où elle allait ! Comment puis-je avoir confiance en mes propres amies si elles me cachent ce qu'elles trafiquent chacune de leur côté ?
- Ophelia, serais-tu en train de dire que l'une de nous est responsable ? » demanda platement Victoire.
Ophelia analysa un instant son amie. Victoire parlait avec le même calme que celui dont elle avait fait preuve lors de ses réprimandes envers Remus, plus tôt. Elle s'attendait à la voir s'indigner, hausser le ton, ou encore se moquer d'elle. Mais l'émotion qu'elle repéra sur le visage de la française la laissa pantoise.
« J'étais avec Regulus et Severus, lui confia Victoire. Je les vois très régulièrement, tous les deux.
- À la bibliothèque pour réviser, je le sais… Mais tu ne vas pas me faire croire que vous y étiez pendant la nuit du Samhain…
- Non, en effet. Ophelia, il y a une chose à propos de laquelle je n'ai pas été totalement honnête…
- Une ?
- Deux. Ana est la seule au courant pour la première. En revanche, personne n'a connaissance de la seconde. Je suis fiancée, Ophelia. »
L'information mit du temps à parvenir au cerveau de la jeune fille. Comment ça, fiancée ? Comme dans fiançailles ? Qui conduisent à un mariage ? Mais fiancée à qui, par Merlin ?!
« Tu n'as pas terminé Poudlard ! la réprimanda tout d'abord la jumelle. A quoi penses-tu, en te fiançant à un garçon qui… Non, attends, je ne comprends même pas comment tu-…
- Je ne l'ai pas choisi » l'interrompit Victoire.
La blonde ferma les yeux et inspira profondément. Voilà, elle y était. Et énoncer cette simple vérité, la confier à son amie, ne faisait que la rendre plus réelle.
Elle ne l'avait pas choisi. Regulus non plus. Et pourtant, plus elle y songeait, plus un avenir à ses côtés ne lui semblait pas être la pire des destinées. Elle aimait Regulus, à sa manière. Si ce n'était pas comme un amant, il partagerait sa vie au moins en tant qu'ami. Mieux valait un ami cher plutôt qu'un inconnu…
Peu à peu, les crises d'angoisse et les cauchemars liés à cette décision qui avait été prise par leurs familles au cours du dernier été avaient fini par laisser place à l'hésitation. Car si elle refusait Regulus, à qui l'offrirait-on ?
Victoire grimaça intérieurement et son cœur se serra. A qui l'offrirait-on ? Comme si elle n'était qu'un vulgaire objet à monnayer, ou à exposer sur l'appui de cheminée en marbre de la noble maison des Black…
« Skeeter n'a pas menti, finit-elle par annoncer à son amie. Regulus et moi sommes liés par les fiançailles. L'annonce officielle se fera à la fin de notre sixième année. Le mariage, quant à lui, aura lieu dès l'obtention de notre diplôme.
- Ça me laisse sans voix…
- Et c'est là qu'intervient malheureusement la deuxième chose que je vous ai cachée. À toutes.
- Tu as répondu aux lettres de ton correspondant anonyme, devina Ophelia en levant les yeux au ciel. Et tu es tombée amoureuse de lui, comme dans les romans moldus à l'eau de rose qu'Amalia lit depuis ses douze ans ?
- Je ne suis pas aussi écervelée, se vexa Victoire. Oui, je lui ai répondu, et non, je ne suis pas amoureuse, si c'est ce qui te tracasse…
- C'est lui qui t'a envoyé ce livre, n'est-ce pas ? Pendant le match. »
Victoire acquiesça d'un hochement de tête.
« Pourquoi ? l'interrogea Ophelia.
- Parce qu'il savait que je devinerai son identité dès le moment où je verrai ce livre… »
Victoire dévoila le roman français qu'elle avait caché sous son plaid dès son arrivée dans la chambre. Elle le tendit à Ophelia qui le réceptionna pour l'examiner attentivement.
« Au Bonheur des Dames, tenta-t-elle de prononcer. C'est quelqu'un qui te connaît bien, alors ?
- C'est quelqu'un qui n'aurait dû ni s'approcher de moi, ni chercher à m'aider… Et je me demande si tout ça n'est pas la faute de ton carnet à souhait, tenta de plaisanter Victoire. Plus sérieusement… Je ne sais pas lequel de Regulus ou de Sirius Black va me faire perdre le tête le premier… »
Cette fois, Ophelia comprit. Elle savait que Victoire avait partagé son enfance avec les deux frères Black à son arrivée à Poudlard, la française passait encore du temps avec chacun d'eux en dépit du regard mauvais que leur maison accordait au Gryffondor de la fratrie. Puis, du jour au lendemain, elle n'était plus jamais allée plaisanter avec l'aîné au détour d'un couloir. Elle n'avait plus accordé un regard au cadet, malgré sa présence au sein des mêmes maison et année d'appartenance. Ophelia avait été surprise de constater que Regulus cherchait à renouer des liens entre eux encore plus lorsque Victoire avait finalement accepté de le côtoyer de nouveau. Mais apprendre que Sirius Black, celui qu'on surnommait le Traître-à-son-sang dans leur entourage, et dont la fugue de la maison familiale avait fait la une des potins de Poudlard, était le correspondant anonyme de Victoire la laissa interdite.
« Qu'est-ce que tu comptes faire ?
- Je n'en ai pas la moindre idée, Ophia… »
à suivre...
