La petite troupe suivait tranquillement son chemin depuis trois semaines. Ils longeaient une rivière, l'Eau, pour le plus grand bonheur du hobbit et de la Terrienne qui pouvaient se laver sans problème. Alice voyageait souvent aux côtés de Fíli et Kíli avec qui elle s'était très vite liée d'amitié. Les princes étaient vraiment divertissants et gentils, en plus de ça. Ils s'assuraient toujours qu'elle ne manquait de rien, qu'elle n'avait pas froid et la nuit, ils se mettaient d'un côté ou de l'autre de la jeune femme. Elle s'était aussi rapprochée de Bilbon avec qui elle passait souvent ses soirées au coin du feu. Il lui racontait ses petites anecdotes sur la vie dans la Comté. Ori comptait aussi parmi ses nouveaux amis. Le jeune nain avait d'abord eu beaucoup de mal à se faire à l'attention que la blonde lui portait. Il était vraiment timide. Tellement timide qu'un soir, Dori lui demanda s'il avait de la fièvre tant il était rouge de gêne. En effet, la demoiselle regardait son carnet de dessins déjà bien rempli.
Actuellement, elle était sur Black Pearl, cheminant à côté de Fíli. Ce dernier était celui qui la collait le plus et Alice ne savait pas comment l'interpréter. Soit Fíli l'aimait vraiment beaucoup, soit ce dernier pensait qu'elle avait besoin d'être surveillée, voir protégée. Cela l'agaçait quelque peu et elle décida d'en parler au frère du concerné. Elle s'excusa donc auprès du blond et s'avança vers Kíli qui parlait avec Bofur.
"- Hey, Kíli. le salua-t-elle, souriante.
- Hey, Ali. Comment ça va ? lui répondit le nain en lui rendant son sourire. Derrière lui, Bofur fit de même en hochant la tête.
- Bien, bien... Mais quelque chose me tracasse. dit-elle en fronçant les sourcils. Ton frère, à vrai dire.
- Qu'est-ce qu'il a encore fait ? soupira le brun en secouant la tête.
- Eh bien, rien de méchant mais je me demande juste s'il ne reste pas avec moi parce qu'il croit que j'ai besoin d'un "protecteur". mima-t-elle en lâchant les rênes de son poney un instant.
- Oh. Kíli paraissait gêné. Oh, je ne sais pas... Tu devrais lui demander. Je te dis juste qu'à mon avis, c'est plus parce qu'il t'aime bien.
- Bien ? Bien comment ? Parce que là, il y a de quoi se poser des questions ! s'inquiéta soudainement Alice. Kíli rit et se pencha vers elle comme pour lui dire un secret.
- Tu es plutôt son type de fille, alors..."
La blonde ouvrit la bouche puis la referma avant de hocher la tête. Elle remercia Kíli, sourit encore une fois à Bofur avant de retourner auprès du blond. Fíli lui lança un regard interrogateur auquel elle ne répondit pas, détournant le regard. Elle plongea dans ses pensées.
C'est Bilbon qui vint la sortir de son état en lui secouant le bras. Elle sursauta et en relevant la tête, elle vit qu'elle était la dernière en selle et que tous les autres s'affairaient à monter le camp. Elle descendit alors de Black Pearl avant de sourire au hobbit. Elle voyait bien à sa mine inquiète et ses sourcils froncés qu'il se posait des questions. Elle posa alors la main sur son épaule et, vérifiant bien si les deux princes, Bofur et Ori étaient occupés, s'éloigna. Le semi-homme fut tenté de la rattraper ou d'avertir les autres mais il se retint. Elle avait certainement besoin d'être seule. Il attrapa les rênes de son propre poney et celles de Black Pearl afin de les accrocher à une branche. En passant près des nains, il ne prêta pas attention au regard que l'un d'eux lui jeta.
Alice était assise contre un arbre depuis une bonne quinzaine de minutes. Inconsciemment, Fíli lui rappelait John. Cette façon de toujours la coller… même si ce n'était pas pour les mêmes raisons. Peut-être que John la voyait comme la sœur qu'il n'avait jamais eu... Elle n'avait rien contre lui en soi, elle en voulait plus à ses parents. John est né quand elle avait 14 ans alors elle l'a tout de suite jalousé. D'aussi loin qu'elle ne se souvienne, elle n'avait jamais eu le droit à tout ce que ses parents lui avaient offert. C'est là qu'elle s'était rendue compte qu'ils ne l'avaient jamais considérée comme leur enfant mais plutôt comme un poids. Alors deux ans plus tard, elle avait demandé l'émancipation et sa tante, en tant que tutrice légale, avait sauté de joie.
Elle avait paniqué quand Kíli lui avait dit, pour Fíli. Pas qu'il ne lui plaise pas mais elle avait toujours eu peur de l'enfermement, de la restriction de liberté, quelle qu'elle soit. Même si elle se doutait que Fíli ne serait pas du genre à lui interdire de parler à qui que ce soit, de faire ce qu'elle veut, etc. De toutes façons, il n'en avait pas les droits. Quoiqu'il en soit, le blond ne lui avait encore rien dit. Elle n'avait pas à s'en faire, pour l'instant.
Elle rumina ses pensées encore un peu avant de se lever pour retourner au camp, quand un bruit attira son attention. Quelqu'un approchait lentement et très silencieusement. Elle tira ses deux mini-lames de leurs fourreaux en s'accroupissant derrière l'arbre. En même temps que l'inconnu contournait son sapin, elle tournait autour du tronc de façon à se retrouver derrière lui. L'opération accomplie, elle s'immobilisa en laissant ses deux bras retomber le long de son corps.
"- Dwalin ? l'appela-t-elle, franchement étonnée. Le nain au crâne rasé sursauta avant de pointer sa hache vers elle.
- Comment êtes-vous arrivée derrière moi ? demanda-t-il, confus, abaissant son arme. La demoiselle en face de lui rangea les siennes avant de croiser les bras, prenant une moue dédaigneuse.
- Pourquoi vous êtes là ?" interrogea-t-elle en retour.
Dwalin se mit dans la même position qu'elle avant de planter son regard dans le sien, sans répondre. Plus les minutes s'égrenaient, plus leurs yeux se plissaient. Aucun d'eux ne daignait baisser le regard ou cligner des yeux.
"- Je vous ai vue avec le hobbit. finit par craquer Dwalin.
- Et ? C'est une raison pour me traquer comme du gibier ?
- À vous de me le dire... gronda le nain en relevant sa hache. Alice réagit aussitôt en tirant son épée.
- Quoi ? Vous imaginez que je complote avec Bilbon ? s'offusqua-t-elle alors qu'ils s'étaient mis à tourner en rond.
- Je n'ai pas confiance en vous. rétorqua-t-il, mauvais. La jeune femme décida de jouer le jeu et, au lieu de le confronter, rangea son épée.
- Vous avez raison. Je n'aurais pas non plus confiance en moi, si j'étais à votre place." reconnut-elle en se parant de son plus beau sourire. Elle fit ensuite demi-tour afin de rejoindre le camp. Dwalin, lui, était resté figé quelques secondes avant de s'élancer à sa suite.
Malheureusement pour lui, la demoiselle avait retrouvé le camp avant qu'il ne la rattrape. Mais cela ne l'empêcha pas d'aller trouver Thorin et Balin pour tout leur raconter.
"- Monsieur Dwalin ? l'apostropha Ori alors qu'il passait devant lui. Vous avez l'air contrarié, tout va bien ?
- Ori ! Je ne veux pas que tu t'approches à moins de 5 mètres de cette folle, compris ?" lui intima Dwalin en le prenant par les épaules.
Ori, tellement choqué, se contenta de hocher la tête sans demander pourquoi et observa donc ensuite Dwalin engager une conversation des plus agitées avec son frère et leur chef. Il en profita pour couler un regard à Alice et il remarqua qu'elle regardait elle aussi l'entretien qui se tenait 20 mètres plus loin. Elle avait l'air fatiguée, ce qui se confirma quand elle passa une main lasse sur son visage avant de partir voir Gandalf. Ori vit Bilbon essayer de lui parler quand elle passa près de lui et de Bombur, qui préparait le repas. Mais la blonde aux cheveux courts balaya les paroles du hobbit du revers de la main, tout en continuant son chemin et ce dernier échangea un regard perdu avec le cuisinier.
Ori reporta son attention sur le dessin qu'il s'appliquait à faire... Il avait dû se passer quelque chose de grave, entre ces deux-là...
Deux jours s'étaient écoulés et l'ambiance était plus que pesante. Après sa conversation avec Dwalin, le chef avait marché en vitesse jusqu'à la jeune femme qui l'avait regardé approcher en silence. Sans ménagement, il l'avait saisie par le bras pour la lever du rocher sur lequel elle était et tous avaient pu voir une lueur s'allumer dans son regard. Cette lueur luisait de danger, son regard si clair avait pris une teinte si sombre qu'on aurait dit que ses yeux étaient noirs. Cela avait été tellement surprenant que le nain l'avait lâchée en reculant un peu, la bouche entrouverte. Gandalf s'était levé pour poser une main sur l'épaule de la blonde qui avait semblé reprendre conscience. Le vent, qui s'était levé en même temps que la demoiselle avait semblé perdre le contrôle, était retombé immédiatement et l'électricité dans l'air s'était dissipée. Alice avait jeté un regard confus à Thorin avant de se tourner vers le magicien. Et de revenir au souverain, puis de les regarder tous dans leur ensemble. Elle avait alors levé les mains devant ses yeux avant d'ouvrir grand la bouche et de souffler le prénom du vieil homme. Ce dernier lui avait violemment pris les poignets, offrant alors la vue des paumes de son apprentie à tous les autres.
"- Par Eru Ilúvatar... avait alors murmuré Bilbon, même si tout le monde l'avait entendu.
- Gandalf ? Qui est-elle exactement ?" s'était enquit Balin en s'approchant prudemment.
Et maintenant ils en étaient là. Gandalf leur avait tout simplement dit qu'ils le sauraient en temps et en heure. Alice gardait un air choqué et ne cessait de regarder ses mains. Elle n'avait même pas essayé de justifier sa conversation avec Dwalin auprès de Thorin ou de tout autre nain. À vrai dire, elle n'approchait plus aucun d'eux, ni même Bilbon, depuis l'épisode du semi-orage qu'elle avait provoqué. Manwë ne lui avait jamais... Elle se stoppa dans ses pensées... Manwë... Les Valar... Ses souvenirs commençaient lentement à lui faire défaut. Elle se souvenait de son accident, d'avoir atterri en Valinor, suivi un entraînement... Mais le reste était très flou. Pourquoi deux signes étaient apparus sur ses paumes ? Un croissant de lune et un soleil. Ils étaient tracés dans une sorte de peinture violette lumineuse et il lui était impossible de les faire partir. Elle soupçonnait une intervention de Morgoth. Peut-être avait-il augmenté ses pouvoirs ? C'était sans doute cela. Les Valar devaient chercher une solution… Oui, sûrement.
Sa conversation avec Dwalin avait vite fait le tour de la troupe. Les nains disaient qu'elle était une espionne envoyée par les elfes. Bilbon était le seul qui venait la voir de temps en temps, notamment pour lui amener son souper.
"- Alice ? Comment allez-vous ce matin ? intervint justement la voix du hobbit. La Terrienne leva la tête.
- Comme tous les jours Bilbon et vous ? lui confia amèrement la jeune femme.
- Bien... Je suis sûr que cela va s'arranger.
- Oh, je ne crois pas. rit-elle, jaune. Vous avez bien entendu ce qu'ils disent ? Je suis une espionne pour le compte des elfes... Des elfes ! Et dire que je n'en ai jamais rencontré un seul de ma vie...
- Comment ? Vous n'avez jamais vu d'elfe ? s'étonna le semi-homme. Et si je puis me permettre, pourquoi avoir dit cela à Dwalin ? Ce n'était pas très intelligent...
- Non, je n'ai jamais vu d'elfe et à vrai dire, vous êtes le seul hobbit que je connaisse et eux, les seuls nains que je n'ai jamais rencontré.répondit-elle avant de soupirer. Si j'ai dit cela à Dwalin c'est parce que... Il m'a énervée à me suivre pour voir ce que j'allais faire ! Et puis, c'est lui qui a commencé à dire qu'il ne me faisait pas confiance.
- Il... Il faut le comprendre. C'est étonnant qu'une jeune femme se joigne de son plein grès à une aventure pour aider des nains qu'elle ne connaît pas... essaya-t-il de tempérer, fatigué des tensions qui pesaient sur la Compagnie.
- C'est bien ça le problème... Bilbon, promettez-moi que ce que je vais vous dire restera entre-nous pour l'instant ? chuchota Alice en rapprochant son poney de celui du cambrioleur, ralentissant l'allure.
- Oui, oui, bien évidemment... accepta-t-il sur le même ton, un peu tendu.
- Je n'ai pas vraiment choisi de participer à cette quête. commença-t-elle. C'est... une force surnaturelle qui m'a choisie mais je suis très heureuse de les aider à reprendre leur chez eux, ne vous méprenez pas. Je veux simplement dire que ce n'était pas mon initiative et que si cela ne m'avait pas plu, je n'aurais pas eu le choix quand même. Et puis vous aussi vous ne les connaissiez pas avant !"
Bilbon marqua un temps de pause en se demandant si son amie n'était pas folle. Puis il se rappela l'orage, les signes sur ses mains, son apparition soudaine... Et il hocha la tête. Il mit alors sa dernière phrase de côté, même si elle n'avait pas tort, et lui posa tout un tas de questions.
"- Une force surnaturelle ? Vous voulez dire un dieu ? Il vous a fait atterrir devant chez moi, comme ça d'un coup ? Mais d'où venez-vous alors ? Et vos pouvoirs ? Mais pourquoi nous avoir menti ?
- Chuuut ! s'affola la demoiselle en voyant les têtes se tourner vers eux. Bilbon. Je ne le redirais pas mais il ne faut absolument pas leur dire, pas maintenant. Il y a encore trop de tensions pour que je ne leur avoue quoique ce soit. Et pourquoi je ne l'ai pas dit avant... C'est Gandalf qui me l'a conseillé. Je pense qu'il avait peur qu'ils ne me croient pas et je comprends tout à fait. Pour ce qui est du pourquoi du comment, vous avez visé presque juste. Mais je ne peux pas vous le dire, pas encore.
- Je ne sais pas quoi dire... souffla-t-il en regardant la route.
- Dites-moi que vous me croyez, cela me suffit. l'implora-t-elle.
- Oh, je vous crois ! En fait, je me sens bête de ne pas l'avoir remarqué plus tôt. sourit gentiment Bilbon, provoquant l'intérêt de son interlocutrice. C'est vrai, vous semblez à la fois si étrangère et si renseignée sur notre monde. Je dis cela car je suis sûr que vous n'êtes pas d'ici, pas d'Arda j'entends. Vous n'avez jamais vu de nains ou de hobbits. Et même si vous avez dit être l'apprentie de Gandalf, le trouble s'est vu dans ses yeux quand vous êtes apparue. Vous ne vous connaissiez pas, n'est-ce pas ?
- Non... Je suis subjuguée par votre sens de l'observation ! le complimenta alors la blonde avec une expression d'admiration sincère sur le visage.
- Cependant. reprit le hobbit, gêné du compliment. Je pense que vous devriez en parler aux autres, le plus tôt possible. Ils se font des idées et ce n'est jamais bon de laisser de mauvaises choses faire leur chemin dans les esprits, encore plus quand nous parlons de nains !" ajouta-t-il avec malice.
Alice remercia le semi-homme d'un signe de tête, le gratifiant d'un sourire. Bilbon fit avancer son poney jusque Gandalf alors qu'elle se contentait de caresser l'encolure de Black Pearl en soupirant. Il avait raison, plus vite la vérité serait rétablie, plus vite elle pourrait bien s'intégrer à la Compagnie.
La chevauchée continua son cours et bientôt Alice vit une sorte de plateau en hauteur et reconnut l'endroit. Ils allaient s'arrêter au niveau du rocher et c'est là que Balin raconterait son histoire. Ce n'était peut-être pas le bon jour pour faire ses aveux, elle attendrait donc.
Comme prévu, ils s'arrêtèrent au rocher. Étonnement, Bofur vint lui proposer d'attacher son poney près du sien, souriant un peu. La blonde, étonnée, regarda autour d'eux pour voir si les autres nains les observaient mais aucun d'eux ne leur prêtait attention. Elle accepta alors, non sans plisser les yeux, suspicieuse. Le nain se contenta de sourire et s'éloigna vers son frère cuisinier.
La Terrienne trouva la situation encore plus bizarre quand Ori, lui-même, vint lui apporter son repas et s'installer à côté d'elle pour dessiner. Quelques minutes plus tard, ce furent Kíli et Fíli qui les rejoignirent. Les jeunes princes s'assirent en face d'elle et elle ne put les ignorer plus longtemps, eux et leurs faces de ceux qui ont fait une bêtise.
"- Ali ? l'appela l'aîné. À l'entente du surnom, ladite Ali fronça les sourcils. On tenait à s'excuser de notre comportement. Monsieur Sacquet est venu nous dire ce qu'il s'est passé avec Dwalin et il n'aurait pas dû te suivre, ni te menacer...
- Et encore moins douter de toi et te dire qu'il ne te faisait pas confiance ! finit Kíli.
- Mais il ne faut pas lui en vouloir, c'est dans la nature de Monsieur Dwalin. Il est méfiant. ajouta une petite voix tranquille. Ori, car c'était lui, rougit quand trois paires d'yeux se tournèrent vers lui.
- Oh, c'est mignon ! s'exclama Kíli en pinçant les joues du dessinateur. Il défend son petit Monsieur Dwalin !"
Kíli se fit rabrouer par son frère, qui riait quand même, et Ori se cacha le visage dans ses mains avant de rire à son tour. Alice, après un temps d'observation, se joignit à eux et les sourires des trois nains s'étirèrent.
"- Qu'est-ce que ? s'exclama alors Dwalin en observant le spectacle. Thorin suivit son regard et fronça les sourcils. Il allait s'élancer vers ses neveux quand un obstacle de petite taille entra dans son champ de vision.
- Monsieur Sacquet ? s'étonna-t-il tandis que le hobbit se triturait les mains.
- Tho-Thorin É-Écu-de-chêne ! réussit à bégayer le semi-homme. Vous devriez laisser Alice vous donner sa version des choses avant de vous emporter comme la dernière fois ! Enfin, s'il vous plaît..." finit-il dans un soupir en ouvrant un œil qu'il ne se souvenait pas avoir fermé.
Le monarque, surpris par l'audace du cambrioleur, lança un regard à Dwalin et vit son ami de longue date détourner le regard. Se tournant alors complètement vers lui, il le somma de lui dire tout ce qu'il avait visiblement omis.
"- Thorin, écoute, tout ce que j'ai vu c'est qu'elle voulait du mal à cette Compagnie, ça ne vaut pas la peine... commença alors le grand guerrier en se grattant la nuque.
- Dwalin... soupira l'héritier d'Erebor. Je sais que tu ne pensais pas à mal mais il faut que tu me dises tout ce qu'il s'est passé.
- Pas la peine. intervint une voix derrière le roi. Je peux vous le dire, moi."
Thorin se retourna pour faire face à la jeune femme qu'il évitait depuis quelques jours. Elle se tenait là, droite, quelques mèches de ses cheveux si courts retombantes devant ses yeux. C'est vrai qu'elle ne correspondait pas vraiment aux standards de beauté des nains mais force était d'admettre qu'elle était tout simplement sublime. Et puis, les clichés et les cases, c'était bien il y a un âge… Il détourna le regard de son visage avant de se perdre dans sa contemplation. Ses yeux se posèrent alors sur ses neveux, eux aussi droits dans leurs bottes, postés derrière la demoiselle avec en arrière-plan Ori et Bofur. Les quatre nains semblaient soutenir leur amie. Il se racla alors la gorge.
"-Eh bien allez-y, je vous écoute. fit-il en mimant l'agacement même si, en réalité, sa curiosité était piquée au vif.
- Très bien. souffla la blonde, semblant un peu gênée. Je me suis éloignée du camp ce soir-là pour des raisons qui ne concernent que moi pour l'instant. J'étais derrière un arbre quand j'ai entendu des pas et... Écoutez, je vais vous passer les détails, venons-en aux faits. Dwalin a commencé à me questionner sur ce que je faisais et il m'a dit qu'il m'avait vue avec Bilbon, il s'imaginait que je complotais avec lui. Il m'a alors dit qu'il ne me faisait pas confiance, ce qui m'a relativement agacée parce que c'est vrai ! Quelle femme dans ce monde voudrait aider des nains qu'elle ne connaît absolument pas et qui, en plus, s'imaginent à chacun de ses mouvements qu'elle veut séduire un homme, ahah, dès le premier jour en plus... s'emporta-t-elle. Fíli posa une main sur son épaule.
- Eh, doucement..." lui souffla Kíli, à sa gauche, imitant le geste de son frère.
La plupart des nains observaient le spectacle de loin. Seul Balin, accompagné de Gandalf, s'était rapproché. Ce dernier sentait que les limites de l'envoyée des Valar étaient sur le point d'être dépassées. Étonnamment, il sentit son aura magique se replier à l'intérieur d'elle-même, comme si elle avait réussi à la retenir. Thorin, quant à lui, se contentait de l'analyser en silence. Un instant, il avait senti sa volonté échapper à son contrôle. Il avait cru apercevoir une certaine fragilité dans sa voix, il aurait juré qu'elle avait tremblé. Bilbon proposa alors de les laisser s'entretenir seul à seule. Alice sembla paniquée mais Bofur lui tapota l'épaule en plaisantant sur le fait qu'il n'avait jamais mangé personne. Le roi retint un sourire. À la place, il remercia le nain au chapeau d'un signe de tête.
La demoiselle accepta et il lui désigna de la main un rocher, un peu plus loin. Le jour commençait légèrement à décliner derrière la forêt, en contre-bas. Une fois assis pas très loin de la Compagnie, le nain attendit qu'elle parle.
"- Ce que je voulais dire. reprit-elle calmement. C'est que j'ai été profondément blessée de cette accusation alors que je suis ravie d'être parmi vous. Même si beaucoup ne m'apprécient pas et doutent de moi, je suis vraiment déterminée à vous aider et je vous avouerai que la perspective d'un quinzième du butin ne m'intéresse absolument pas."
Intrigué par ces mots, Thorin sentit des questions naître dans son esprit exactement comme le hobbit plus tôt. Il en mit quelques-unes de côté, pour plus tard.
"- Je me dois aussi de vous avouer que j'ai entendu quelques interrogations au sein des discussions de la Compagnie. C'est pourquoi je vous demande ce que vous faites là, alors ?
- Je ne peux pas vous le dire pour l'instant, vous me prendriez tous pour une folle. répondit-elle en se levant pour lui tourner le dos.
- Pourquoi pensez-vous cela ? l'interrogea-t-il en fronçant encore plus les sourcils. La jeune femme se tourna vers lui et il découvrit son expression coupable.
- Je crois que vous le savez, du moins vous vous en doutez. expliqua-t-elle dans un sourire, se rasseyant à côté de lui sur le rocher. Je ne suis pas l'apprentie de Gandalf, même si après l'épisode de la dernière fois je pense que je devrais prendre des cours avec lui..."
Alice s'était tue alors qu'un voile passait devant ses yeux. Thorin devina qu'elle pensait à un souvenir lointain et apparemment heureux au vu du sourire qui bordait encore ses lèvres. Il ne répondit pas, plongé lui aussi dans ses pensées. Est-ce qu'il avait pensé qu'elle mentait ? Oui, indéniablement. Alors pourquoi n'avait-il rien dit ? Peut-être parce qu'il ne sentait aucune animosité en elle, peut-être parce qu'au fond de lui, il faisait un minimum confiance à Gandalf et si ce vieux fou avait décrété qu'elle était bénéfique et inoffensive alors peu importe qu'elle ne soit pas son apprentie ou même qu'elle vienne carrément d'un autre monde... Ce qui serait complètement dingue, quand même. Enfin bref, peut-être était-ce parce que la jeune fille avait ravivé le sourire de ses neveux, celui qu'ils avaient tous les deux, enfants, avant la mort de leur père. Certainement ces trois raisons à la fois et peut-être d'autres, un peu moins évidentes. L'objet de ses pensées s'agita et il comprit qu'elle s'en allait.
"- Je vous crois. déclara-t-il alors sans la regarder. Cependant, du coin de l'œil, il vit qu'elle s'était immobilisée.
- Vraiment ? lui demanda-t-elle, pleine d'espoir, en revenant devant lui.
- Oui. Je ne sais pas pourquoi et je ne sais même pas ce que vous allez nous révéler mais je vous crois. confirma-t-il en se levant, gardant son masque de monarque.
- Merci. lui sourit-elle, doucement. Thorin se contenta de hocher la tête en époussetant son manteau.
- Retournons au camp. déclara-t-il en avançant sans attendre de réponse.
- Si je puis me permettre Thorin, vous devriez sourire des fois et éviter de froncer les sourcils comme ça, ça vous donne des rides." lui conseilla la Terrienne, souriante, le dépassant pour se diriger vers Bilbon.
