Alice cessa littéralement de respirer. En face, Fíli attendait une réaction. Elle eut envie de rire, de croire à une blague mais le regard du nain l'en dissuada.

"- Fíli... souffla-t-elle en se rapprochant. Moi aussi je t'aime, énormément même, mais j'ai peur que ce ne soit pas de la façon que tu espères.

- C'est Thorin, c'est ça ? lui lança-t-il d'un air mauvais.

- Qu-quoi ? Mais qu'est-ce que tu racontes ?

- Ne me mens pas ! s'écria l'héritier, causant le recul de son interlocutrice. J'ai bien vu comment tu... Non, comment vous vous regardez !

- Non, tu te trompes... essaya de le raisonner son amie, main tendue vers lui.

- Ne me touche pas ! l'avertit-il en repoussant sa main, menaçant.

- Fíli..."

Mais trop tard, le nain était parti. Elle resta quelques secondes sur le balcon à regarder fixement l'endroit où il se tenait précédemment puis décida de le suivre. Alors qu'Arwen venait prendre de ses nouvelles, la Terrienne aperçut du coin de l'œil le blond. Elle regarda la brune d'un air perdu puis hocha distraitement la tête. L'elfe fit la moue, peu convaincue. Alice croisa le regard perçant de Thorin et détourna les yeux.

"- Je pense que je vais aller me coucher... soupira la jeune femme en posant une main sur le bras de la princesse. Merci pour cette soirée et ce cadeau vraiment, mais le voyage a été long...

- Et tu n'as pas encore récupéré... compléta l'autre femme. Je comprends. C'est vrai qu'il est tard, file te reposer."

La star de la soirée se dirigea ensuite vers Elrond afin de le remercier aussi. Elle entreprit de faire le tour du reste des invités et passa par les princes héritiers. Kíli la regarda arriver avec un sourire contrit.

"- Salut les garçons. commença-t-elle en se triturant les mains. Je vais me coucher, je venais vous dire à demain.

- Bonne nuit, Ali." lui souhaita doucement le cadet.

Elle attendit une réponse de l'aîné mais celui-ci lui tournait obstinément le dos. Elle s'éloigna finalement après un dernier signe de la main au brun. Elle l'entendit alors rabrouer son grand frère qui ne répondit rien et se leva pour aller discuter avec Nori et Bofur. Alice, la mort dans l'âme, rejoignit Thorin. Le roi n'était pas dupe, il avait suivi ses déplacements ainsi que ceux de son neveu. Il n'avait pas été surpris de voir revenir un Fíli énervé mais il l'avait déçu en mettant la fille dans cet état. Cette dernière s'assit à côté de lui, déboussolée.

"- Vous allez bien ? s'enquit-il tranquillement.

- Hm. se contenta de répondre sa recrue. Vous le saviez ?

- Oui. Du moins, je me doutais de quelque chose.

- Kíli aussi ?

- C'est lui qui est venu m'en parler.

* (bonus 13)

- Aucun de vous deux n'était pour, n'est-ce pas ? Pourquoi ?

- Fíli est... plutôt volatile. hésita le roi, face au regard brûlant de sa recrue. Nous avons jugé qu'il se serait vite lassé et Kíli ne voulait pas que son frère vous blesse.

- C'était à moi de décider ! s'emporta la jeune femme en se levant pour lui faire face. Et si... Et si j'étais amoureuse de lui ?

- Vous avez décidé, vous lui avez dit non. élucida Thorin, se redressant pour être à sa hauteur.

- Il me déteste. murmura-t-elle, les larmes aux yeux. Le jour de mon anniversaire, une des personnes qui comptent le plus pour moi me déteste. Et ça a l'air de vous faire plaisir."

Avant que le brun ne puisse répondre, elle fit demi-tour en essuyant rageusement ses yeux. Le monarque sentit son cœur se serrer à la vue des larmes qui dévalaient ses joues rosées. Bilbon, l'apercevant, tenta de l'intercepter mais sa voix mourut dans sa gorge quand il croisa son regard ombragé alors qu'elle filait vers la sortie.

La demoiselle marchait rapidement sur les chemins ouverts en bougonnant des insultes à l'encontre du roi et de son neveu. Le vent se levait. Elle entendit des pas derrière elle, deux personnes apparemment. Qu'importe qui était là, ils avaient le pas léger. Si elle n'avait pas eu d'entraînement avec les Valar, elle ne les aurait certainement pas entendus.

"- On quitte sa propre fête ?"

Alice fit volte-face, changeant le sens du vent qui entrait dans le couloir ouvert. Elladan et Elrohir l'avaient suivie. Elle reprit sa route pour rejoindre sa chambre, les ignorant. Mais les jumeaux ne l'entendaient pas de cette oreille.

"- Vous savez que s'ils vous embêtent, vous pouvez toujours rester à Fondcombe. suggéra Elrohir.

- Notre père ne serait pas contre. poursuivit son frère alors qu'elle ouvrait sa porte.

- Je vous remercie de votre offre mais cette Compagnie... Ils sont tout ce que j'ai. Et quelqu'un m'attend, là, dehors. leur confia-t-elle tristement.

- Nous comprenons mais prenez le temps d'y réfléchir."

Et la blonde referma la porte, s'y adossant en soupirant. Quelle soirée. Elle se serait crue sur des montagnes russes avec ces foutus nains. L'apprentie magicienne regarda son lit d'un œil envieux. Autant se reposer le plus possible maintenant, la suite de l'aventure n'allait pas être de tout repos.

Le lendemain, Alice fut réveillée par de petits coups à sa porte. Un regard rapide par sa fenêtre lui indiqua qu'il devait être aux alentours de 14 heures. Elle refusa d'aller ouvrir. Elle ne voulait voir personne. Les deux descendants de Durin voulaient jouer à qui serait le plus détestable, alors elle allait rejoindre la partie. Une note fut glissée sous sa porte alors que la personne s'en allait en soupirant. La jeune femme se décida à la lire. Il y était écrit que la Compagnie se trouvait au terrain d'entraînement numéro 12 et c'était signé Kíli. Une idée germa dans son esprit. Quoi de mieux comme vengeance que de les battre sur leur propre terrain ?

Avec enthousiasme, elle enfila une tenue de combat et y dissimula le plus d'armes possibles. Puis, elle fila en direction des cuisines. En entrant, elle salua les elfes qui s'y afféraient ainsi que le cuisinier qui lui proposa un croissant. Elle déclina l'offre et lui demanda plutôt des fruits. L'apprentie magicienne ressortit de là avec un panier contenant deux pommes, une orange, des cerises, des myrtilles et des framboises. Elle sautillait presque pour rejoindre l'endroit indiqué, en bordure d'Imladris. Elle ralentit cependant l'allure en entendant les bruits de fer entrechoqué et les encouragements des nains. Elle arriva sur le terrain où tous lui tournaient le dos. S'adossant à un pan de la muraille, la fille de la bande observa les combattants. Et ça tombait bien, elle avait des comptes à régler avec chacun d'entre eux.

"- Allez, Thorin ! Tu étais plus en forme, il y a quelques années ! lâcha Dwalin à son adversaire en faisant tourner son épée dans sa main.

- Dis que je me fais vieux, pendant que tu y es !" s'insurgea l'autre, amusé.

Le souverain abattit ensuite son épée sur son opposant qui l'évita sans effort, puis attaqua à son tour. Les coups s'enchaînèrent, rapides, forts, incalculés. La nouvelle arrivante analysait minutieusement le style de combat des deux guerriers et elle venait d'en trouver la faille. Elle était, pour sûr, similaire à celle de tous les spectateurs. Pas étonnant quand on s'entraînait toujours ensemble... Les deux combattants s'épuisaient et Balin déclara assez vite que ce duel ne servirait encore une fois à rien, qu'ils étaient trop forts. L'envoyée des Valar se redressa alors que le roi et son vieil ami se faisaient une accolade des plus viriles, jeta son trognon de pomme dans le panier et se frotta les mains en s'avançant vers le centre du terrain.

"- Si ce combat n'a pas de fin, ce n'est pas parce qu'ils sont trop forts. intervint-elle d'une voix claire, tous les regards se braquant sur elle.

- Quelle en est la raison, alors ? la pressa dédaigneusement Dwalin, balançant négligemment sa hache sur son épaule.

- Vous ne pensez pas. Aucun de vous ne le fait, d'ailleurs. énonça tranquillement la jeune femme. Vous êtes tellement habitués à vous entraîner ensemble que vous avez exactement la même façon de combattre. Vous tapez fort et vite mais vous n'avez aucune stratégie. Vous ne faites que vous fatiguer.

- Tu insinues qu'on est bête, petite ? s'insurgea Glóin en tendant sa hache vers elle. Alice haussa les épaules.

- Non. Je dis juste que vous êtes tellement à l'aise dans vos combats de bourrins que le jour où vous tomberez sur un adversaire plutôt malin, c'est-à-dire autre que des orcs ou des trolls, vous vous ferez peut-être battre. se justifia-t-elle, ayant à présent sorti son épée de son fourreau pour tracer des ronds dans le sol sablonneux.

- Et tu te crois plus maligne que nous ? ricana Fíli, hautain. Si un regard pouvait tuer, la Terrienne serait déjà morte.

- Il me semble que j'ai déjà battu un nain et pas n'importe lequel. Un certain héritier destiné à devenir roi, entraîné par les meilleurs à ce qu'on m'a dit... Si vous voyez tous ce que je veux dire..."

La demoiselle jouait à un jeu dangereux, elle en avait pleinement conscience, mais elle était épuisée par la pseudo-supériorité de ces nains. Il était temps que quelqu'un leur montre qu'ils n'étaient pas invincibles.

"- Ce n'était qu'un coup de chance ! ragea le prince, se plaçant en face d'elle. Cette fois, tous les coups sont permis.

- Fíli... s'interposa Kíli, inquiet.

- C'est d'accord."

C'est ainsi que les deux blonds s'engagèrent dans un nouveau face à face. Mais cette fois, quelque chose avait changé. Ils n'étaient plus d'innocents amis. Pendant un instant, la jeune femme se demanda comment ils avaient pu en arriver là.

Bilbon, présent lui aussi, avait envie d'intervenir mais à voir leurs regards, il préférait rester à sa place. Thorin, à côté de lui, regardait son neveu d'un air à la fois fier et méfiant. Il ne savait pas s'il avait envie de voir Fíli gagner parce que la fille avait insinué qu'ils étaient nuls ou s'il avait envie d'arrêter ce combat pour éviter qu'ils se blessent. Le fils de Dís était dans un tel état de rage qu'il serait incapable de se contenir, la blonde allait sûrement finir à l'infirmerie.

Comme en écho à ces pensées, le nain chargea la Terrienne qui se contenta de l'éviter en se déplaçant vers la droite. Un rictus déformait son visage.

"- Trop lent." se moqua-t-elle.

Le prince rugit, se retournant pour attaquer encore. Mais son (ancienne) amie n'était déjà plus derrière lui.

"- Bouh."

Il sursauta en entendant sa voix si près de son oreille. Son épée siffla dans l'air tandis qu'il donnait un coup circulaire. Alice, s'étant abaissée, lui mit un coup de pied rotatif en pleine poitrine pour le faire reculer. Alors que le nain se pliait en deux, le souffle coupé, son opposante balança sa propre épée au loin avant d'adopter une position défensive.

"- Allez Fíli, tu peux mieux faire. Je te laisse même un petit avantage."

Les nains n'en croyaient ni leurs yeux, ni leurs oreilles. Tout dans le comportement et le ton de leur compagne de route transpirait la colère et l'assurance. C'était une facette de sa personnalité qu'aucun d'eux ne connaissait.

Fíli fonça une troisième fois, épée levée. La jeune femme se pencha un peu sur la gauche pour que la lame du blond l'effleure et, comme lors de leur premier combat, elle attrapa la garde de son arme. Puis, tordant son poignet, la lui fit lâcher. Mais contrairement à la fois précédente, elle ne s'arrêta pas là. Elle envoya l'arme valser plus loin d'un coup de pied, remonta violemment la main qu'elle tenait au-dessus de sa tête. Tournant sur elle-même, elle asséna un coup de coude sous le menton de l'héritier qui grogna de douleur et tenta de la frapper. Elle para son assaut sans grande difficulté. L'entravé tira sur sa main pour la libérer et Alice daigna lui faire cette grâce. Elle le regarda frotter son menton endolori.

"- S'il y avait eu un minimum de réflexion, je ne t'aurais pas eu avec le même coup que la dernière fois. cracha-t-elle sauvagement.

- On n'en a pas fini. grommela le guerrier en se redressant.

- Je crois bien que si." trancha l'apprentie magicienne en sortant de ses manches deux petites épées semblables à des aiguilles.

Elle les lança et les épées-aiguilles filèrent à une vitesse fulgurante se ficher dans les vêtements du Durin pour l'épingler au mur derrière lui. Les armes furent rejointes par deux autres qui neutralisèrent ses jambes. Après un moment de silence où personne n'esquissa un mouvement, Balin déclara que l'envoyée divine ressortait victorieuse. Il s'occupa de libérer le perdant.

La gagnante adressa un regard suffisant au prince qui était présentement à genoux. Elle se détourna de ce spectacle pour ramasser son épée, son panier, reprendre ses armes des mains du nain à la barbe blanche et se dirigea finalement vers la sortie. Sans se retourner, elle s'adressa à l'assemblée :

"- Le jour où votre fierté ne prendra plus le dessus sur votre logique, faites le moi savoir."

Puis elle quitta le terrain d'entraînement numéro 12, suivie de près par Dwalin avec qui elle avait rendez-vous à la bibliothèque.

Personne d'autre n'avait osé bouger. Fíli, haletant et toujours au sol, serrait les poings. Il tapa rageusement dans le sable avant de se relever. Thorin ne parla pas. Il n'y avait rien à dire, de toutes manières. Le prince venait de vivre une pure humiliation, comme le reste de la Compagnie.

"- Par ma barbe, nous avons eu tort de la prendrepour une incapable ! s'exclama Óin, impressionné.

- Elle pourrait tous nous tuer, c'est un véritable danger ! renchérit Dori.

- Ihk barut ne gnuh, denh kharst. Obnhu sih ?*

- On devrait être content de voir qu'elle a de solides compétences, au lieu de la descendre comme ça. lança dédaigneusement Nori en maltraitant le sol avec sa botte. Vous pensiez réellement qu'elle allait juste servir à faire la cuisine et la vaisselle ?

- Je pense qu'elle attendait plus de considération et d'estime. Elle n'a pas choisi d'être là, contrairement à nous. ajouta Bofur, posant une main sur le bras de son amant pour qu'il se calme.

- Elle aurait pu ne pas participer à la quête, personne ne l'y a forcé. s'entêta Fíli en fronçant les sourcils. Depuis quand ses amis la défendaient-ils corps et âme ?

- Pour aller où ? Faire quoi ? Elle n'est pas d'ici, elle ne connaît personne à part nous... élucida Kíli, très attristé de ne pas avoir réalisé plus tôt la solitude de son amie.

- Elle a toujours son "ami". cracha son frère en réponse.

- Il n'est peut-être même plus vivant à l'heure qu'il est ! le réprimanda Thorin, ouvrant la bouche pour la première fois. On a maltraité Alice, c'est un fait. On ne l'a pas traitée à sa juste valeur, on ne l'a pas considérée comme un membre de la Compagnie…

- Si, quand même... tenta de le couper Bombur mais le souverain reprit.

- Non. On a tous douté de ses capacités, moi le premier, et on ne doute pas de ses compagnons ! On doit leur faire pleinement confiance."

Le roi s'arrêta là, déçu de ses subordonnés, déçu de lui-même. Ceux de qui la Terrienne était la plus proche baissaient la tête, tout aussi honteux.

Dwalin se triturait discrètement les mains devant la jeune femme. C'était assez gênant de se retrouver seul face à celle qui venait de s'illustrer, leur donnant à tous une leçon mémorable. Son regard était pénétrant, glaçant. Elle avait les bras croisés, des mèches folles encadrant son visage et ses yeux reprenaient peu à peu leur couleur d'origine, s'étant assombris pendant son précédent combat.

"- Je sais pour Nori. annonça-t-elle soudainement, sans préambule.

- Oh."

Ce fut tout ce que le nain trouva à répondre. Maintenant qu'elle le disait, ça lui semblait plutôt logique. Qu'est-ce que ça pouvait être d'autre ?

"- Je sais aussi pour Ori."

Panique. Le guerrier cherchait une échappatoire des yeux.

"- Dwalin. Il faut que vous expliquiez aux autres que Nori ne vous a jamais trompé.

- Je ne peux pas faire ça... marmonna celui au crâne rasé.

- Vous bousillez quatre vies en gardant la vérité pour vous. La vôtre, celle de Nori, celle de Bofur et celle d'Ori. Ils ont aussi le droit d'être heureux, non ?

- Je... Oui, ils ont le droit mais et si... Et si les autres...?

- Le plus important, c'est que le principal concerné ne vous en veuille pas, non ? S'il vous pardonne, les autres suivront. J'en suis persuadée.

- Oui. D'accord. Je le ferais.

- Ce soir ? insista la blonde, son interlocuteur hochant la tête.

- Oui, ok... Merci, Alice. Et désolé pour...

- Pas de soucis, Dwalin. le coupa la jeune femme. Filez maintenant !"

Le nain ne se fit pas prier. La demoiselle regarda la porte se fermer. Elle soupira longuement avant de se passer les mains sur le visage. Ce soir, elle devait participer à la réunion avec Elrond et les autres pour déchiffrer la carte, ça allait lui changer les idées. Dans une semaine, ils repartiront à l'aventure et ce sera temps mieux. Qu'allait-elle faire en attendant ? Sa distraction de la journée se présenta en toquant à la porte. Bilbon, droit et sérieux, se tenait là.

"- Je veux apprendre à me battre."

Alice lui sourit, elle savait que le cambrioleur serait le premier à venir la trouver pour apprendre. Peut-être parce qu'il n'était pas un nain. Peut-être parce qu'il était celui qui avait le plus de lacunes. Il n'avait aucune base, aucun vécu. Il n'avait même pas l'âme d'un tueur. Mais aujourd'hui et dans les mois à venir, c'était tuer ou être tué.

*- Si elle le voulait vraiment, elle l'aurait déjà fait. Vous ne croyez pas ?