Quand les deux Terriens passèrent devant Gandalf, ils comprirent qu'ils allaient peut-être passer un sale quart d'heure. Et cette sentence s'assombrit encore plus quand ils furent au milieu des nains. Certains avaient des visages choqués, d'autres plutôt... courroucés. Comme Thorin, par exemple.

La porte fut refermée derrière eux et tous s'autorisèrent à respirer de nouveau. Alors que le chef de la Compagnie s'apprêtait à incendier les derniers arrivants, Ori leur sauva la mise.

"- C'est quoi, ça ?

- Ça, c'est notre hôte. lui répondit solennellement l'Istar. Il s'appelle...

- Beorn. souffla Alice, l'attention se tournant vers elle.

- En effet. Savez-vous ce qu'il est ? la questionna le vieil homme, curieux.

- C'est un changeur de peau. Parfois c'est un énorme ours brun, parfois c'est un homme grand et fort. les éclaira-t-elle tous.

- C'est cela, l'ours est imprévisible mais l'homme peut entendre raison. Enfin, en temps normal. concéda le magicien en adressant un regard entendu à son ex-disciple. Cependant, c'est quelqu'un qui n'aime pas beaucoup les nains."

Cette déclaration fit monter l'angoisse au sein de la troupe.

"- Super ! s'exclama alors Sirius, assez ironiquement. Ils ne sont que treize, après tout !

- Treize et demi, pour être exact. le reprit son amie, un sourire aux coins des lèvres.

- Ah oui, pardonnez-moi. railla le brun en levant les yeux au ciel.

- Il s'éloigne. les interrompit à nouveau Ori, que son plus vieux frère arracha de la porte en le sommant de se détourner.

- Écarte-toi de là ! Ce n'est pas naturel ! Rien ne l'est, ça crève les yeux. Il est soumis à un maléfice...

- Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre... soupira la blonde en passant devant eux dans l'optique de visiter la maison.

- Il n'est soumis qu'à son propre enchantement. précisa Gandalf. Bien, à présent, tâchez de dormir. Vous tous, vous ne craignez rien ici cette nuit. Du moins, je l'espère."

La fin de sa tirade ne fut entendue de personne. Alice, Sirius et Bilbon ne se firent pas prier. D'autant plus que cela évitait aux deux premiers d'entendre les remontrances du roi nain.

Roi nain à qui ils firent tous le même sourire crispé de peur qu'il ne décrète un tour de garde. Heureusement, il capitula en croisant le regard de Mithrandir.

Le cambrioleur se coucha allègrement dans la paille, bien vite imité des nains et du jeune homme. La demoiselle, quant à elle, considéra un instant ses amis qui s'assoupissaient, se demandant où elle allait bien pouvoir se mettre. Elle avisa Fíli et Kíli, dormant déjà la bouche grande ouverte, avec un Sirius dans le même état à côté d'eux. Il y avait une place libre entre le blond et Thorin, puis plus loin demeurait le semi-homme. La jeune femme s'y dirigea, un peu à reculons. Elle s'allongea en prenant soin d'écraser ni le prince, ni le monarque. Elle attrapa une couverture, pendante à une poutre, et s'en recouvrit. Alors qu'elle succombait lentement au sommeil, même pas dérangée par les ronflements des uns et des autres, elle sentit un regard se poser sur elle.

"- Quoique vous alliez dire, ça peut attendre que j'ai dormi assez longtemps pour récupérer. Donc, on en discutera dans au moins trois jours."

Sa phrase fit rire le souverain, car c'était bien lui qui l'observait, et elle sentit qu'il acquiesçait silencieusement. Ce fut donc avec un sourire aux lèvres qu'elle s'endormit pour de bon cette fois, entendant au loin des rugissements d'ours.

Malheureusement pour elle, l'ex-magicienne fut la première à s'éveiller.

À en croire la position du soleil, il devait être midi. Elle aurait voulu dormir vingt-quatre heures d'affilées. La blonde observa la Compagnie endormie. Ils avaient tous l'air si paisibles... Même Gandalf bavait sur son bâton. Cette constatation lui arracha un rictus. Elle se leva précautionneusement et s'avança vers la cuisine où elle trébucha à cause d'une chaise. Levant la tête, la Terrienne sursauta quand elle rencontra le regard d'un homme, debout dans l'entrée. Beorn lui fit signe de le rejoindre. Elle se tourna vers les autres, pas très sûre d'elle, mais finit par obtempérer.

"- Bonjour. le salua-t-elle une fois dehors.

- Vous avez faim ? se contenta de lui demander le presque-inconnu sur un ton bourru.

- Euh oui, un peu...

- Tenez. dit-il en lui lançant une pomme. Vous aimez les animaux.

- Oui, en effet. confirma la jeune femme, bien que cela sonnait plus comme une affirmation que comme une interrogation.

- Vous voulez m'aider à m'occuper d'eux ?

- Oui ! Oui, bien sûr ! s'exclama la demoiselle après un temps de surprise.

- Je vais couper du bois dans le jardin. Les orcs sont partis, ils ne s'approcheront plus de la propriété. La nourriture pour chaque animal est dans la cabane au fond, là-bas. Il y a une étiquette sur chaque tonneau.

- Très bien, je m'y mets tout de suite !"

Et elle s'exécuta, filant dans la direction indiquée. Sa réaction fit naître un sourire sur les lèvres du changeur de peau et lui aussi se mit au travail.

Il rappela l'envoyée divine quelques minutes plus tard afin de lui montrer quelque chose. Quelle ne fut pas sa surprise et sa joie quand elle reconnut Peanut et Poisson, assis aux pieds de Beorn. Ses deux animaux se précipitèrent vers elle et lui firent la fête. Elle remercia leur veilleur, pendant au moins une bonne dizaine de minutes, d'avoir pris soin d'eux et le supplia de continuer ainsi jusqu'à la fin de toute cette histoire. L'homme accepta de bonne grâce, sans vraiment comprendre le lien qui unissait les boules de poils et son invitée surprise.

Quelques heures plus tard, la Compagnie s'éveilla. Le dernier à émerger fut Bilbon, à cause des abeilles gigantesques. Il rejoignit alors ses compagnons qui semblaient mettre au point un plan. Il écouta Gandalf parler de réduction en lambeaux et se glissa aux côtés de Sirius.

"- Où est Alice ? lui demanda-t-il. Le jeune homme fronça les sourcils et tourna sur lui-même.

- Elle dort encore, non ? interrogea-t-il en retour.

- Non, il n'y avait plus que moi... lui signifia le hobbit, soucieux.

- Bilbon, vous venez avec moi ! s'agita soudainement le vieillard du groupe.

- Euh oui. acquiesça le petit homme qui n'avait rien suivi. Mais Gandalf, savez-vous où est Alice ?"

Sa question fit s'agiter la petite troupe. Le Magicien Gris mit fin aux questionnements et tergiversions en décidant qu'elle ne pouvait pas être bien loin de toutes façons et qu'elle réapparaîtrait certainement à un moment ou à un autre.

"- Est-ce une bonne idée ? s'inquiéta le semi-homme.

- Oui. Quant à vous autres, vous attendrez ici. expliqua l'Istar. Vous ne sortez pas avant que je donne le signal."

La jeune femme était à la recherche de la nourriture pour lapins depuis une vingtaine de minutes quand elle les aperçut par la fenêtre. Son ami aux pieds poilus et Gandalf sortaient de la maison, pas très sûrs d'eux. Elle entrouvrit discrètement la porte pour entendre ce qu'ils disaient.

"- Bonjour... entama l'Istar. Bonjour !

- Qui êtes-vous ? s'enquit Beorn, par-dessus son épaule.

- Je suis Gandalf, Gandalf le Gris. se présenta le susnommé en s'inclinant. Son interlocuteur se retourna vers lui, s'appuyant sur sa hache.

- Je n'en ai jamais entendu parler.

- Je suis un magicien. Peut-être connaissez-vous mon confrère, Radagast le Brun ? Il réside à la lisière sud de la Forêt Noire.

- Qu'est-ce que vous voulez ? grogna leur hôte.

- Seulement vous remercier de votre hospitalité. Vous avez dû voir que nous avons trouvé refuge dans votre demeure, hier soir."

Le vieil homme bougea légèrement, révélant Bilbon qui se cachait derrière lui.

"- Hospitalité forcée, oui ! marmonna la Terrienne.

- Qui est ce petit individu ?

- Oh et bien, c'est Monsieur Sacquet de la Comté.

- Ce n'est pas un nain, n'est-ce pas ? s'énerva l'immense homme.

- Oh non, non ! C'est un hobbit, de bonne famille et de réputation irréprochable.

- Un semi-homme et un magicien... Que faites-vous dans le coin ?

- Il se trouve que nous avons passé un mauvais quart d'heure avec les gobelins, dans les montagnes.

- Pourquoi avez-vous approché les gobelins ? C'est stupide de faire ça !

- Vous avez parfaitement raison !"

Alice faillit éclater de rire en voyant Dwalin et Balin sortir de la maison et se présenter.

"- Et je dois vous avouer que quelques-uns dans notre groupe sont des nains. bafouilla leur porte-parole.

- Parce que pour vous, deux, c'est quelques-uns ? s'emporta Beorn.

- Oui, oh, puisque vous l'évoquez... Non, oui, enfin, ils sont sans doute plus que deux."

Et alors que Gandalf tentait d'énumérer le reste d'entre-eux, Óin et Glóin apparurent.

"- Voici d'autres membres de notre joyeuse troupe.

- Et vous appelez six "une troupe" ? Qu'êtes-vous donc ? Un cirque ambulant ?

- Un cirque, je ne sais pas, mais une belle bande de clowns oui, aucun doute !" railla la jeune femme, toujours à voix basse.

Ori et Dori les rejoignirent à leur tour. Puis, Fíli et Kíli. Nori, Bofur, Bifur et Bombur. Sirius suivit le pas sans trop savoir quoi faire.

"- Ils sont tous là ou y en a d'autres ? demanda alors le mi-homme, mi-ours. Au moins, le dernier n'est pas un nain."

Le Terrien lui fit un signe de tête, appréciant la distinction. Thorin s'ajouta alors, avec une attitude très royale qui fit lever les yeux au ciel à la blonde.

"- Pour les nains, oui. répondit alors Mithrandir. Mais n'auriez-vous pas vu une jeune fille dans les parages ?"

Ce fut le moment qu'Alice choisit pour sortir de sa cachette, munie de sa trouvaille. Elle avança vers Beorn, étant dissimulée par sa silhouette imposante. Rendue derrière lui, elle l'apostropha.

"- J'ai enfin trouvé la nourriture pour lapins !

- Ce n'est pas trop tôt. sourit l'interpellé, alors que la Compagnie qui leur faisait face les regardait, médusée. J'ai fait la connaissance des compagnons dont vous m'avez parlé.

- Ah oui, en effet. Salut les gars ! On se demandait quand vous émergeriez. les nargua leur amie. Oh, et Gandalf ! L'honnêteté, il n'y a rien de mieux."

Dispersant le contenu de son sac sur le sol et suivie du grand homme qui souriait, l'envoyée des Valar se rendit dans la maison. Le propriétaire des lieux invita toute l'assemblée à rentrer prendre le petit-déjeuner.

Ils s'installèrent tous autour de la table, Beorn apportant du lait, de l'eau et de la nourriture. La descendante en profita pour leur présenter à tous Peanut et Poisson. Les nains et le hobbit caressèrent les deux boules de poils qui manifestèrent une joie incommensurable en voyant Sirius, comme ils l'avaient fait pour leur maîtresse. Puis, le changeur de peau entama une discussion avec Thorin, tout en servant du lait à Fíli.

"- Alors vous êtes celui que l'on appelle Écu-de-Chêne. Dites-moi, pourquoi Azog le Profanateur est-il à vos trousses ?

- Vous connaissez Azog ? Comment ? s'enquit l'interpellé au lieu de répondre simplement à la question, faisant soupirer Alice.

- Mon peuple fut le premier à vivre dans les montagnes, avant que les orcs n'arrivent des contrées du nord. Le Profanateur a tué presque toute ma famille, les autres sont devenus ses esclaves. Pas pour le travail, voyez-vous, mais pour son plaisir. Mettre en cage des changeurs de peau et les torturer l'amusait beaucoup apparemment.

- Il y en a d'autres comme vous ? voulut savoir Sirius.

- Il y en avait beaucoup. se contenta de répondre leur hôte.

- Et maintenant ? insista Bilbon, avant de se prendre un coup de coude venant de la Terrienne.

- Maintenant, il n'y en a plus qu'un. les éclaira le concerné, sa réponse jetant un froid sur l'assemblée. Donc, il vous faut atteindre la Montagne avant les derniers jours de l'automne ?

- Avant le jour de Durin, oui. confirma Gandalf.

- Le temps va vous manquer. remarqua l'homme qui les hébergeait.

- C'est pourquoi nous devons traverser la Forêt Noire.

- Un mal est à l'œuvre dans cette forêt. Sous ses arbres, se cachent des créatures féroces. Je ne m'y risquerai qu'en cas d'extrême nécessité.

- On peut éviter d'en parler pour l'instant, s'il vous plaît... gémit l'envoyée divine en se prenant la tête dans les mains.

- Courage, blondie ! luisouffla son meilleur ami en lui frottant le dos.

- Nous prendrons la route des elfes. Ce chemin est encore sûr. argumenta le Magicien Gris.

- Sûr ? Les elfes de la Forêt Noire ne sont pas comme leurs semblables. expliqua Beorn, tandis que Thorin s'éloignait déjà de la table à la seule mention des oreilles pointues. Ils sont moins subtils et plus dangereux, mais ça n'a pas d'importance.

- Que voulez-vous dire ? interrogea le Roi sous la Montagne, étonné de ce changement si soudain.

- Ces terres sont infestées d'orcs. Leur nombre ne cesse d'augmenter et vous êtes à pieds. Vous n'atteindrez jamais la Forêt Noire vivants." déclara sombrement le propriétaire des lieux.

Un vent de panique se souleva chez la Compagnie.

"- Je n'aime pas les nains. continua cependant l'homme en se levant. Il attrapa ensuite une souris se baladant sur la table. Ils sont cupides et aveugles. Aveugles face à toute vie qu'ils estiment moindre que la leur. Mais les orcs, je les hais plus encore. Que vous faut-il ?"

Il reposa la souris devant le hobbit et la jeune femme. Leur hôte d'un temps discuta de ce dont ils avaient besoin avec Gandalf et Thorin. Il fut décidé qu'ils partiraient le lendemain, le temps de réunir toutes les affaires nécessaires.

Óin et Bilbon étaient partis pour le reste de l'après-midi, à la recherche de plantes. Bombur, Dori et Sirius faisaient de même pour les aliments comestibles environnants. Fíli, Kíli, Glóin et Bofur chassaient dans un périmètre assez éloigné des animaux domestiques. Thorin, Balin et Dwalin conversaient encore et toujours avec l'homme en gris à propos du plan à suivre. Nori avait disparu, étant certainement à la recherche d'objets de valeur à chaparder. Alice avisa alors Bifur qui essayait d'entraîner Ori avec une épée trop lourde pour lui. Beorn les surveillait de loin, assis sur le perron de sa maison. La blonde se dirigea à pas rapides vers les deux nains.

"- Stop, stop, stop ! Tu vas finir par lui crever un œil, Bifur ! s'exclama-t-elle. Le nain à la hache dans la tête râla pour la forme avant de dire, en khuzdul évidemment, qu'elle n'avait qu'à essayer elle-même.

- Je suis une catastrophe en maniement d'épée, Alice... soupira le plus jeune. Ça ne sert à rien de s'acharner.

- Je t'interdis de dire ça ! Tu vas me chercher deux longs bâtons et plus vite que ça !" lui ordonna la demoiselle en lui frappant l'arrière de la tête.

Ori s'exécuta et le calme de fin d'après-midi fut troublé par leurs bruits d'entraînement et les encouragements de leurs compagnons revenus au compte goutte. L'improvisée professeure ne s'arrêta que quand le scribe parvint à éviter les coups et à en rendre quelques-uns. Il était loin d'avoir son niveau ou encore celui des deux princes, mais il était en bonne voie. Alors qu'ils rentraient tous gaiement dans la maison, la jeune femme aperçut un certain nain tatoué passer un bras au-dessus des épaules de son élève du jour pour le féliciter. La couleur du visage du roux la fit ricaner.

Sirius vint marcher à ses côtés.

"- Dis, tu m'apprendras ? lui demanda son ami, gêné.

- Attends, tu ne sais pas te battre ? s'étonna la blonde.

- Si, si, mais pas à l'épée. Je me débrouille au corps à corps, mais je prends vite peur. Je sais manier un arc, par contre. se justifia le bouclé.

- Oh, c'est intéressant ça ! On va pouvoir faire des concours avec Kíli !

- Si tu veux. rit le brun. Alors ?

- Oh, oui, bien sûr ! Tu sais, je ne compte plus le nombre de personnes que j'ai entraîné depuis le début de cette quête.

- Toujours aussi modeste à ce que je vois. Ça va, les chevilles ? railla l'ancien disciple des elfes en poussant sa meilleure amie de l'épaule.

- Impeccable !"

Ils rejoignirent le salon quelques minutes après les autres, s'attirant des regards curieux et taquins. La blonde avait toujours l'impression que les membres de la Compagnie les soupçonnaient de leur cacher quelque chose, comme une quelconque relation plus qu'amicale. Étonnant, quand on connaissait les penchants des uns et des autres.

"- Je prends la douche dans le jardin, ça ne te dérange pas ? demanda Alice à Ori en s'emparant d'une serviette.

- Non, non, vas-y ! lui répondit le nain.

- Faites attention à vous, il va faire nuit. lui conseilla Thorin alors qu'elle passait à côté de lui pour ressortir.

- Je fais toujours attention. Et vous, restez là, ne vous avisez pas de venir vérifier je ne sais quoi." lui chuchota-t-elle en retour, prise d'un soudain courage.

Elle n'attendit pas sa réaction et fila en vitesse vers la porte. L'ex-magicienne avait toujours le sourire aux lèvres et les joues rouges quand elle atteignit la fameuse source d'eau. Ses pensées dérivèrent vers un certain héritier royal alors qu'elle se savonnait.

"- Je suis complètement folle. Il faut que je reste focus sur mon objectif. Impartialité, prudence et efficacité.Argh ! Irmo, si c'est encore de ta faute… jura-t-elle en se frottant énergiquement. Je te jure que je t'étriperai à la seconde où je te reverrai. Non, mais d'abord Fíli et maintenant... Par Mahal, pourquoi toujours moi ?"

La demoiselle continua de marmonner pendant qu'elle se séchait et se rhabillait, sans se soucier de savoir si quelqu'un pouvait l'entendre.

Il faisait nuit noire alors la blonde piqua un mini-sprint vers la maison, un cri d'ours résonnant pas très loin. Elle se dirigea vers la grange annexe où elle tomba nez à nez avec l'objet de ses pensées, torse nu et de dos. La nouvelle arrivante ouvrit légèrement la bouche en laissant tomber le seau qu'elle venait ranger. Elle se détourna, une main sur les yeux, quand le roi sursauta et se tourna vers la source du bruit.

"- Oulah, désolée ! Je venais juste remettre le seau à sa place, je ne savais pas qu'il y avait quelqu'un...

- Il n'y a pas de mal. la rassura le brun, un léger rire dans la voix. J'aurais dû verrouiller la porte.

- D'ailleurs, qu'est-ce que vous faites là ? s'enquit-elle, se retournant, les sourcils froncés. Et dans cet accout- absence d'accoutrement ?

- Je me change ? lui répondit Thorin comme si c'était une évidence, reboutonnant sa chemise blanche. Enfin, vous aviez l'air de l'avoir remarqué.

- Hm, oui, logique. lui concéda la jeune femme, essayant de ne pas prêter attention à la fin de sa phrase. Je vais, hum, ranger mon seau, s-si ça ne vous dérange pas..."

Elle n'attendit pas la permission du chef et le dépassa sans lui accorder un regard. Malheureusement pour elle, la rougeur de ses joues ne trompait personne. Le roi la regarda accomplir sa besogne, appuyé contre un poteau. Alice soupira de soulagement, pensant qu'il était parti.

"- Vous semblez pensive."

Ah non, il était toujours là.

"- En effet. lui confia-t-elle, sachant que cela ne servirait à rien de lui mentir.

- À quoi songez-vous ? lui souffla-t-il, doucement.

- À qui, serait plus exact."

La recrue le regarda droit dans les yeux et lui fit un micro sourire. Le roi sembla perdu et fronça les sourcils. Ce n'était probablement pas la réaction que la Terrienne attendait puisqu'elle perdit son sourire et baissa la tête. Elle le contourna à nouveau mais il réagit rapidement, l'attrapant par le bras. Ce contact inattendu la fit violemment sursauter et ils ressentirent tous les deux cette sorte d'électricité qui les traversa de part en part. La main chaude et abîmée par le travail de la forge glissa jusqu'au poignet de la descendante.

"- Vous avez une Marque ? lui demanda le Durin, dont les yeux rencontrèrent les siens. La question était pour le moins surprenante et sortait de nulle part.

- Je pense que oui. murmura-t-elle en réponse, ne pouvant détourner le regard.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Vous ne croyez quand même pas que je vais vous le dire comme ça, de but en blanc ? rit-elle, détendant l'atmosphère. Ce serait trop facile. Mais qu'en est-il de vous ? En avez-vous une ?"

Le souverain se contenta de hocher la tête et de tourner légèrement son poignet droit pour en révéler l'intérieur. Le souffle de la blonde resta bloqué dans sa gorge quand elle réalisa ce que le motif représentait : une fleur de lys. Elle leva lentement les yeux vers le visage du nain qui était beaucoup trop proche.

"- Intéressant." se contenta-t-elle de commenter, impassible, avant de tourner les talons.

Elle entendit Thorin relâcher un petit rire frustré et la suivre. Alice se retourna pour lui sourire et lui faire un clin d'œil, ouvrant la porte de la maison. Les nains mangeaient tranquillement, leur ayant gardé une place chacun. La nouvelle venue s'assit à côté de Balin, qui lui fit un sourire énigmatique. La jeune femme se fit la réflexion que le nain à la barbe blanche les surveillait tous les deux de très près, quand même. Le regard qu'il échangea par la suite avec son frère lui confirma qu'il n'était pas le seul. Plissant les yeux, la Terrienne fixa Dwalin qui fit comme si de rien n'était.