Le Maître de Lacville était un homme qui n'inspirait pas confiance et dont l'alcoolisme transpirait à travers tous les pores de sa peau.
"- Mais quelle est la raison de ce raffut ? questionna-t-il en ajustant son manteau.
- Ils volaient des armes Messire. lui répondit Braga.
- Ennemis de l'État, hein. constata le nouvel arrivant.
- Une bande de mercenaires prêts à tout, voilà ce qu'ils sont Messire. commenta Alfrid, apparu à sa suite.
- Taisez-vous donc. répliqua Dwalin sur un ton bourru, s'avançant au milieu du cercle qu'ils formaient tous. Vous ne savez pas à qui vous parlez. Ce n'est pas un vulgaire criminel, il s'agit de Thorin, fils de Thráin, fils de Thrór !
- Nous sommes les nains d'Erebor. déclara le roi nain, après s'être avancé à son tour. Nous sommes là pour reprendre notre terre."
Sa déclaration fit s'agiter la foule. Alice observa ce souverrain se pavaner. Thorin avait une prestance et un charisme, c'était indéniable. Mais elle ne supportait pas de le voir ainsi en sachant qu'il allait mener tous ces gens à leur perte. Elle grinça des dents. Devait-elle les prévenir de ce qui les attendait ? Si elle ne le faisait pas, elle était tout aussi coupable.
"- Je me souviens de cette ville à sa grande époque. continua le chef de la Compagnie. Des flottes de bateaux arrivaient au port chargées de soilleries et de pierres précieuses. Ce n'était pas une ville en déserrance, c'était le centre de tout le commerce du Nord ! Je veux voir cette époque revenir, je veux rallumer les grandes forges des nains ! Et voir les richesses couler de nouveau à flots des grandes salles d'Erebor !"
La foule éclata de joie. La Terrienne avait la mine sombre. À côté d'elle, Sirius et Balin l'observaient.
"- Tout ce qu'il a à la bouche, c'est l'or. Avant, il parlait de redonner une maison à son peuple et maintenant..." grogna-t-elle sans détacher son regard du concerné.
Le nain à la barbe blanche lui jeta un regard triste, lui aussi avait remarqué.
"- La mort ! s'écria Bard, perdu dans la foule. C'est tout ce que vous allez nous apporter ! Le feu du dragon et ses ravages. Si vous réveillez cette bête, elle nous détruira tous.
- Vous pouvez écouter ce dénigreur mais je vous promets une chose. répondit le nain, ignorant la mise en garde du batelier. Si nous réussissons, chacun aura sa part des richesses de la Montagne. Vous aurez assez d'or pour reconstruire Esgaroth au moins dix fois !"
La foule était de nouveau en liesse et la Compagnie hochait la tête, fière de son chef. Balin voulait croire que son vieil ami était sérieux, mais les visages fermés et presque dégoûtés des deux Terriens lui disaient de ne pas trop espérer.
"- Pourquoi devrions-nous vous croire, hein ? coupa court Alfrid. Nous ne savons rien de vous. Qui peut répondre de vous ici ?
- Moi ! se désigna Bilbon, pendant le blanc qui suivit la question. Je réponds de lui. J'ai fait un très long voyage avec ces nains. Un voyage périlleux et si Thorin Écu-de-Chêne fait une promesse, il tiendra parole."
Le roi considéra le Sacquet, lui souriant légèrement avant de hocher la tête pour le remercier. Alice, un peu plus loin, leva les yeux au ciel.
"- Oh pitié. dit-elle, en croisant les bras.
- Vous tous, écoutez-moi ! apostropha Bard. Il faut m'écouter. Avez-vous oublié ce qu'il s'est passé à Dale ? Avez-vous oublié ceux qui ont périt dans la tempête de feu ? Et à cause de quoi ? De l'ambition aveugle d'un Roi de la Montagne, tellement cupide qu'il ne voyait pas plus loin que son tas d'or !"
Thorin et le batelier se faisaient face. Ce dernier semblait désespéré. Tout ce qu'il souhaitait, c'était sauver son peuple.
"- Allons, allons ! s'exclama alors le Maître de Lacville, calmant la foule. Évitons, nous tous ici, les jugements un peu trop rapides. Il ne faut pas oublier que c'est Girion, Seigneur de Dale, votre propre ancêtre, qui n'a pas réussi à tuer la bête.
- C'est vrai Messire. l'appuya Alfrid alors que l'héritier de Durin contemplait leur ancien hôte avec un regard neuf et choqué. Tout le monde connaît cette histoire. Il a tiré flèche après flèche, à chaque fois il a raté.
- Il a au moins essayé de défendre sa ville et ses habitants. C'est tout à son honneur." intervint Alice, s'attirant les regards.
Bard la remercia silencieusement, chacun réfléchissant à la véracité de ces paroles.
"- Vous n'avez pas le droit. souffla le batelier à Thorin. Pas le droit d'entrer dans cette Montagne.
- Tout m'en donne le droit. lui répondit le nain avant de se tourner vers la figure d'autorité de la ville. Je m'adresse au Maître des Hommes du Lac, voulez-vous voir la prophétie s'accomplir ? Voulez-vous partager les immenses richesses de notre peuple ? Que dites-vous ?
- Je vous dis solennellement... Bienvenue ! s'exclama son interlocuteur, provoquant la joie de ses sujets. Bienvenue et encore bienvenue Roi sous la Montagne !"
Ce dernier se tourna pour faire face à la foule, triomphant. Bard et lui échangèrent à nouveau un regard. Il avait un air conquérant. Le batelier s'éloigna rapidement. Alice le rattrapa à temps et lui souffla quelques mots avant de se détourner de lui.
"- Vous avez raison, Bard. Faites votre possible pour les convaincre de partir."
Mais c'était peine perdue, elle le savait. Elle aurait au moins la conscience tranquille.
En revenant vers ses camarades, elle découvrit que le Maître leur avait assigné une auberge pour qu'ils puissent s'y installer pour la nuit. Une fête y serait donnée en leur honneur, avec les moyens du bord.
Les festivités organisées par le Maître de Lacville se déroulaient à merveille et Alice comptait bien en profiter. Après tout, c'était le dernier moment de joie avant une longue descente aux enfers à laquelle elle n'était même pas sûre de survivre.
Elle surprit le regard qu'un homme glissa sur elle alors qu'il semblait en pleine discussion avec son voisin. Elle l'observa. Il était à peine plus vieux qu'elle, même pas cinq ans. Il était brun avec des cheveux mi-longs et des yeux verts. La demoiselle avait toujours eu un faible pour les hommes aux yeux bleu, mais ces yeux-là lui iraient très bien ce soir. Le jeune homme devait être de taille moyenne, une ou deux têtes de plus que Dwalin, le plus grand des nains. Et il la regardait elle. Alice se sentit étrange. Certes, les membres de la Compagnie la regardaient mais ce n'était pas la même chose. L'homme en face d'elle regardait la femme qu'elle était et non la guerrière, ou la compagne de route. Et ça faisait trop longtemps que personne ne lui avait montré un tel intérêt ouvertement. Elle en avait plus qu'assez de Thorin qui disait noir puis blanc, qui était adorable la nuit tombée et qui, le jour, pouvait la traiter comme un vulgaire poids mort ou l'ignorer complètement comme ça avait été le cas aujourd'hui. Plus ils se rapprochaient de la Montagne, plus le roi devenait dur et froid, comme si elle n'avait été qu'une distraction.
Fíli à sa droite lui tapota l'épaule et elle tourna la tête, brisant le contact visuel avec son inconnu. Le spectacle qu'elle vit lui brisa le cœur. Ses yeux avaient survolé la tablée dans son mouvement pour faire face au blond et ils s'étaient posés sur Thorin et une jolie femme rousse penchée sur lui, discutant yeux dans les yeux, de grands sourires aux lèvres. Un sourire que le roi aurait dû lui adresser à elle. La jalousie l'étouffait.
"- Tu nous écoutes ou quoi ? l'interpella le blond devant son manque de réaction.
- Non."
La jeune femme se détourna de ce spectacle, attrapa le verre de Kíli juste devant elle et le but d'une traite en se levant. Elle le claqua sur la table et contourna les chaises sous les yeux médusés des nains, du hobbit et de Sirius. Elle se dirigea droit vers l'homme aux yeux verts qui avait suivi son manège et qui la regardait approcher avec un rictus. Elle prit place en face de lui, adoptant une posture sans équivoque, ne laissant rien douter sur ses intentions. Si Thorin pouvait avoir toutes les femmes à ses pieds, elle allait démontrer que la réciproque était tout aussi vraie.
"- Bonsoir. souffla-t-elle au jeune homme qui la dévorait du regard.
- Bonsoir, demoiselle ? la salua celui-ci, ses yeux se plissant alors qu'il souriait un peu plus largement.
- Alice."
La conversation continua tranquillement, la blonde s'amusant de la tension qui s'installait entre eux tandis qu'elle sentait les regards de ses compagnons lui brûler le dos. En effet, à sa table, les discussions allaient de bon train. Le roi avait même abandonné sa rousse pour se pencher vers ses neveux.
"- Qu'est-ce qu'elle fait ? leur demanda-t-il, les sourcils dangereusement froncés.
- Qu'est-ce que vous croyez qu'elle fait, voyons ? Elle danse le sirtaki en jouant des maracas." lui répondit ironiquement Sirius, les bras croisés sur sa poitrine.
Le brun comprenait parfaitement la réaction de sa meilleure amie. Elle était patiente mais il ne fallait pas non plus se jouer d'elle.
"- Je pense qu'elle t'imite Thorin ! rit alors Dwalin, envoyant une tape sur l'épaule du susnommé, faisant fi de ce que le Terrien avait dit, n'ayant pas compris un traître mot.
- Elle ne va quand même pas faire ça ? s'insurgea Fíli, dardant son regard sur la silhouette de la blonde, penchée sur la table dans une posture provocatrice.
- Oh que si, elle va le faire ! s'exclama le bouclé, un sourire goguenard ornant sa bouche. Et je pense qu'elle est assez grande pour savoir ce qu'elle fait.
- C'est une adulte consentante, après tout. l'appuya Bilbon, content que son amie prenne du bon temps comme tout le monde.
- Il va lui briser le cœur. le contra Dori, n'ayant pas saisi l'intention de la jeune femme ou ne s'imaginant tout simplement pas qu'elle puisse être telle qu'elle était.
- Je ne crois pas que la demoiselle porte un réel intérêt sentimental à mon frère. intervint la rousse de tout à l'heure, passant derrière eux.
- C'est votre frère ? s'étonna Balin. Vous ne lui ressemblez pas.
- Je sais, c'est le fils du nouveau mari de ma mère, aucun lien de sang entre nous. siffla-t-elle, énervée que sa tentative de séduction du roi ait échoué pour si peu. Maintenant excusez-moi, mais je vais voir si ça intéresse votre camarade, une partie de jambes en l'air à trois."
Cette phrase les souffla tous et ils regardèrent la rousse rejoindre l'autre table, abasourdis. Alice semblait se prendre au jeu puisqu'elle lança le même sourire charmeur à l'autre femme quand celle-ci posa une main sur sa hanche en arrivant, allant même jusqu'à lui faire un clin d'œil.
À la table de la Compagnie, tous les observaient, n'osant y croire. Dori s'en était presque décroché la mâchoire.
La soirée se poursuivit ainsi, entre alcool et observation de séduction. Leur amie et la fratrie recomposée dansèrent même ensemble. Quand le jeune homme l'emmenait sur la piste, ils restaient à une distance sécuritaire l'un de l'autre mais quand c'était la rousse, cela frôlait l'outrage.
Le chef de la Compagnie serrait si fort les poings que ses jointures en étaient blanches. Il vit la femme qui l'avait aguiché plus tôt chuchoter quelque chose à l'oreille de la blonde et celle-ci acquiescer avec un large sourire. Puis elles se tournèrent toutes les deux vers l'homme qui les reluquait sans vergogne et ce dernier sembla satisfait et impatient. Thorin conclut qu'Alice, son Alice, avait accepté de passer la nuit avec les deux. Il fallait qu'il parte, c'en était trop. Sa colère monta d'un cran quand l'objet de ses pensées se dirigea vers eux, un sourire jusqu'aux oreilles placardé sur son visage.
"- On dirait que la pêche a été bonne. lança-t-il froidement alors qu'elle buvait un coup.
- Oui, je dirais même excellente. répondit-elle en lui souriant effrontément. J'espère que vous ne m'en voulez pas trop d'avoir piqué votre conquête du soir, mais c'est elle qui est venue à moi. Je me demande d'ailleurs ce qui a bien pu la détacher de vous..."
Le roi sentait qu'il allait dire et faire des choses qu'il allait regretter s'il restait là. Elle le narguait devant la Compagnie entière, l'humiliait et elle semblait s'amuser de la situation. Il ne lui répondit pas, se contentant de lui jeter son regard le plus noir avant de se lever et de filer vers les escaliers de l'auberge. La blonde resta interdite un instant se demandant si c'était son orgueil de mâle blessé qui le poussait à agir de la sorte ou tout autre chose. Puis elle échangea un regard avec Dwalin qui lui montra les escaliers d'un signe de tête.
La jeune femme s'élança.
"- Mais attendez Thorin ! Pourquoi vous partez !?" s'écria-t-elle en arrivant sur le palier.
Le nain, qui allait pénétrer dans le couloir menant à ses appartements, se figea soudainement. Sa tête rentrée dans ses épaules trahissait sa colère. Quand il se retourna, Alice recula de peur. Son visage écumait de rage.
"- Pourquoi ?! répéta-t-il avant d'éclater d'un rire désabusé, souriant tristement. Retournez vous amuser avec ce gars et cette fille du Lac.
- Non."
La demoiselle était catégorique. Elle ne comprenait pas le comportement du roi. Il y avait de cela quelques heures il avait l'air d'avoir envie de l'assassiner et là, il lui faisait une crise ?
"- J'attends une réponse. Pourquoi vous quittez votre propre fête ?
- Je pars parce que vous me plaisez ! s'écria le nain en s'approchant d'elle à grands pas. Je pars parce que je ne supporte pas de vous voir virevolter avec... eux ! Ça me rend complètement dingue de vous imaginer dans leur lit, murmurant leurs noms. Par tous les Valar, vous êtes contente maintenant ?"
La jeune femme tituba, la bouche entrouverte et les yeux écarquillés. Le nain soupira avant de partir dans le couloir. Quand il fut rentré dans sa chambre sans même un regard en arrière, Alice se surprit à avoir envie de se taper la tête contre le mur.
"- Maudit nain, il aurait pu le dire avant. bougonna-t-elle en descendant les escaliers. Fíli ! Une pinte s'il te plaît !"
Quand elle fut de retour dans la salle principale, ses proies avaient disparues. Elle se rassit donc à la table de la Compagnie, où elle esquiva toutes les questions et but deux ou trois pintes d'affilée. Ils avaient ensuite commencé à se lancer des défis plus farfelus les uns que les autres. Ainsi, Sirius dut danser sur la table, Bofur imiter un olifant et Kíli dut faire semblant de séduire son frère. Une fois son défi réalisé, il se tourna vers Alice avec un sourire qui ne présageait rien de bon.
"- Cap ou pas cap ? lui lança-t-il.
- Cap, bien sûr !"
Même si le défi avait été d'embrasser Balin avec la langue, elle l'aurait fait.
"- Va voir la personne que tu trouves la plus attirante et avoue-lui."
Oh, le... La blonde le foudroya du regard, puis fit de même avec Fíli et Sirius qui se marraient bien dans leur coin.
"- Très bien, mais avant je donne mon gage. Fíli ?
- Tout ce que tu veux ma belle. lui sourit le blond, confiant et un peu trop alcoolisé.
- Tu dois avouer à Sigrid que tu as eu le coup de foudre pour elle."
Et elle le planta là. Elle savait que Kíli s'assurerait que son frère le fasse un jour ou l'autre. Les nains n'en crurent pas leurs yeux quand elle emprunta les escaliers pour aller réaliser son gage. Elle allait vraiment avouer à Thorin qu'elle le trouvait attirant alors qu'ils s'étaient disputés même pas deux heures auparavant ?
Thorin oscillait entre somnolence et flagellation mentale depuis deux bonnes heures sur son lit. Il s'était comporté comme un parfait crétin avec la blonde depuis qu'ils avaient pris le bateau, mais il ne savait pas pourquoi. Peut-être que la voir s'entendre si bien avec le batelier l'avait passablement mis hors de lui... Et maintenant qu'elle lui avait tourné le dos, il s'en voulait. Enfin, il lui avait quand même avoué son attirance. Dwalin et Balin allaient bien rire de lui quand ils l'apprendraient.
D'ailleurs, quand il entendit frapper à sa porte il pensa que c'était le plus vieux des frères qui lui amenait Fíli et Kíli ivres morts, alors il se leva et lui ouvrit. Il n'eut même pas le temps de s'étonner ou de s'énerver qu'une tornade blonde se jeta sur lui, le percutant de plein fouet. Quand il se rendit compte que le sensation agréable sur ses lèvres étaient en réalité celles d'Alice qui l'embrassait comme si sa vie en dépendait, il répondit au baiser et plongea la main dans sa chevelure. La jeune femme pressée contre son corps prit cela comme un accord et fit de même avec sa crinière brune. À la différence qu'elle tira un peu dessus, arrachant au roi un grognement appréciateur. Leur baiser s'enflamma alors que leurs langues se mêlaient, le brun ayant demandé l'accès à la bouche de la Terrienne. Alice gémit faiblement, gardant ses yeux bien fermés de peur que ce ne soit qu'un rêve. Thorin se sentit électrisé par ce son et la plaqua contre la porte, fermant celle-ci à clef d'un tour de poignet habile.
Il y avait trop de vêtements qui les séparaient, pas assez de contact. Ils voulaient plus. Ils avaient assez attendu.
Le nain se décolla de sa recrue, posant son front contre le sien et tentant de reprendre son souffle.
"- On a du mal à tenir la cadence ?" le nargua-t-elle, un sourire aux lèvres et les yeux pétillants.
Thorin pouffa, secouant un peu la tête.
"- Ce n'est pas très correct de ma part. Tu as bu et...
- Oh, je t'en prie Thorin ! s'exclama la blonde, coupant de mauvaise grâce le roi car elle aurait adoré écouter sa voix grave, vibrante d'émotions, et son souffle saccadé. Ce ne sont pas quatre pintes qui vont changer ce que je pense et ce dont j'ai envie."
Le brun fixa son regard dans le sien, la sondant. Elle était honnête, un peu trop même. Ses yeux étaient brumeux, mais ce n'était certainement pas dû à l'alcool. La Terrienne glissa une main le long de la joue et du cou du chef et ça le fit déraper. Il l'embrassa avec encore plus d'empressement et d'envie. Il la souleva et ses jambes s'enroulèrent autour de ses hanches. Il la décolla du mur et glissa ses mains sous ses fesses pour la maintenir. Il se dirigea vers le lit et la déposa dessus. Les vêtements volèrent dans la pièce et le lit grinça sous leurs mouvements empressés. Ils firent l'amour cette nuit-là, comme si c'était la dernière fois pour l'un comme pour l'autre. Ce qui était peut-être vrai car le départ prévu le lendemain donnait un tout autre poids à l'épée de Damoclès qui se balançait au-dessus de leurs têtes depuis des mois.
Au petit matin, Alice regardait la poitrine du nain se soulever et s'abaisser de manière régulière. Maintenant qu'ils n'étaient plus dans le feu de l'action et que le roi se tenait tranquille, elle avait remarqué un petit détail ou plutôt absence de détail. La jeune femme avait entendu quelques fois parler de la Marque que les nains recevaient au cours de leur vie. Glóin lui avait confié que sa femme avait une hache sur la hanche. La première hache qu'on lui avait offerte. Il l'avait découverte un soir où le haut que sa compagne portait s'était soulevé, pourtant ils se fréquentaient depuis un bon moment. Balin s'en était mêlé et lui avait expliqué qu'avec la diminution des nains, il était assez rare de trouver son âme-sœur et qu'ils ne se préoccupaient plus des Marques depuis longtemps. Si quelqu'un leur plaisait ils fonçaient, peu importe qu'ils portent leurs Marques respectives ou non. Elle s'était demandée si Dwalin et Ori portaient leurs Marques, tout comme Bofur et Nori, mais même si ce n'était pas le cas, cela ne semblait pas les déranger. Et puis, si l'âme sœur était d'une autre ethnie, personne ne pouvait savoir et ça ne dérangeait pas non plus.
Maintenant que ses yeux s'étaient posés sur celle de Thorin, elle se rappelait de ce moment chez Beorn où il la lui avait montrée sans hésitation. La fleur de lys, sa fleur préférée, qui se dessinait sur la peau de son poignet à la manière d'une tache de naissance lui confirmait ses craintes. Elle portait forcément sa Marque. Et s'il l'avait vue ? Si c'était le cas, il n'avait rien dit. Elle se décida tout de même à la chercher elle-même. Elle dégagea délicatement la jambe du nain qui entravait les siennes et se leva du lit. En passant, elle vérifia que la porte était fermée à clef, attrapa ses vêtements et fila vers la salle d'eau annexe à la chambre. Un miroir mural et un petit miroir de poche se trouvaient là. Elle posa ses affaires à terre et se saisit de celui de poche, tournant le dos au grand miroir pour utiliser le reflet et explorer son dos. Elle ne voyait rien. La blonde se mit alors à regarder son corps plus en détail. Mais si elle avait été si exposée, sa Marque, elle l'aurait bien remarquée avant. Elle paniquait un peu. Son reflet dans le miroir lui renvoya l'image d'une femme fatiguée, amaigrie, abîmée mais épanouie. Alice observa ses cheveux, qu'elle portait très courts au début de l'aventure et qui lui arrivaient désormais aux épaules. Elle remit une mèche derrière son oreille gauche, celle où le fermoir que Thorin lui avait offert pendait au bout d'une tresse, un geste qu'elle ne faisait pas avant avec ses courtes mèches. Ce fut là qu'elle la sentit. Derrière son oreille. Un endroit qu'elle ne pouvait pas voir, pas même avec un miroir. Elle passa ses doigt dessus et retint un hoquet de surprise. Elle s'attendait à l'Arkenstone mais non. Elle reconnut la Montagne Solitaire, le dessin qu'elle avait vu sur la carte.
"- Pas du tout impliquée émotionnellement hein..." se murmura-t-elle, souriant aigrement à son reflet.
Elle s'habilla rapidement, décidant qu'avant le départ elle devait avoir une discussion avec Sirius. Quand elle ouvrit la porte elle fut soulagée de voir que son compagnon de la nuit dormait toujours à poings fermés. Elle s'arrêta pour remonter le drap sur lui et soupira. Elle allait partir comme une voleuse, par la fenêtre. Après un dernier regard pour le nain qu'elle aimait, elle fila sur le toit, refermant la fenêtre comme elle put.
Elle trouva son meilleur ami, les bras croisés, devant sa porte. Il n'avait pas l'air étonné de la voir en dehors de sa chambre. Il se contenta d'ouvrir les bras où Alice vint se réfugier en soupirant. Ils restèrent dans cette position durant quelques minutes, appréciant la présence de l'autre. Ils n'avaient pas vraiment eu le temps de partager ce genre de moment privilégié depuis des mois.
"- Maintenant, il est temps que tu m'expliques ton plan pour la suite. lui souffla le brun aux bouclettes, extrêmement sérieux.
- Ouais." soupira la blonde, l'entraînant dehors. Marcher allait leur faire du bien.
L'aube ne faisait que pointer son nez alors ils prirent leur temps. Sirius ne fit pas mention de l'odeur de Thorin partout sur elle. Il savait de toutes manières que cela finirait par arriver. La jeune femme finit par s'asseoir sur un banc, tapotant la place à côté d'elle, l'invitant à la rejoindre. Après une bonne minute de silence en plus, elle prit une grande inspiration et se tourna vers son ami.
"- Tout ce que je vais te dire là, tu ne dois le dire à personne. Au moins le temps que cela ne s'est pas encore passé. Compris ? Je sais ce qu'il va se passer. Aujourd'hui, demain... Je sais ce qui nous attend dans cette Montagne et ce que cela provoquera. Je pense que toi aussi, tu te souviens de quelques passages. Je veux que lorsqu'on partira pour la Montagne, tu restes ici avec Kíli et que tu aides Tauriel à le soigner. Je pense qu'en tant que descendant d'Indrahil, tu devras jouer un rôle dans l'exécution de Smaug alors ne lâche pas Bain d'une semelle quand vous vous sauverez en bateau.
- Ok. souffla son interlocuteur.
- Tu as des ancêtres communs très éloignés avec Bard, d'ailleurs. rit-elle, lui frottant affectueusement le crâne. J'ai dû oublier de te le dire.
- On verra bien quand tout cela sera fini. Je ferais des recherches pour assouvir ta curiosité. lui répondit-il avant de reprendre avec sérieux. Et après alors ?
- Thorin va attraper le Mal du Dragon, il va y avoir une guerre. Une guerre avec les Hommes et les elfes de Mirkwood.
- Nous ne sommes que seize ! s'exclama Sirius avant de se faire plaquer une main sur la bouche.
- Une armée de nains va venir, mais il n'y aura pas qu'eux. Azog et Bolg seront là avec des légions d'orcs. Retiens bien ce que je vais te dire. Pendant la bataille, tu suis Fíli et Kíli coûte que coûte et quand ils iront à Ravenhill, tu les accompagneras. C'est un piège. Je veux que tu les empêches d'entrer dans la forteresse sinon...
- Ils vont mourir. finit le brun. Je m'en souviens. Mais et toi pendant ce temps-là ?"
La jeune femme lui lança un regard sans équivoque et le jeune homme comprit.
"- Si, par hasard durant cette guerre, ça tourne mal pour moi… J'ai quelques petites choses à te demander. D'abord, je veux que tu adoptes Poisson et Peanut et que tu les aimes de tout ton cœur. Ensuite, je veux que tu maintiennes la Compagnie hors de l'eau. Je ne veux pas qu'ils sombrent, surtout Thorin. Et pour finir... Je veux que tu me promettes d'être heureux, Sirius. Promets-le moi."
Le susnommé sentit une boule monter dans sa gorge. Ça ressemblait beaucoup trop à des adieux à son goût, mais il se força à lui promettre et à accepter toutes ses conditions. Sans qu'il ne s'y attende, Alice le prit dans ses bras. Quand ils se reculèrent, ils remarquèrent qu'ils pleuraient tous les deux. Avec un rire, ils essuyèrent leurs yeux. Remarquant l'agitation qui commençait autour d'eux, ils décidèrent de retourner à l'auberge.
