Le jour suivant, le temps était parfait. Arthur ne se souvenait pas de la dernière fois où il avait dormi aussi profondément- peut-être, raisonna-t-il, la sensation d'avoir les bras de quelqu'un autour de lui, les jambes de quelqu'un s'insérant dans les plis de ses genoux, le souffle de quelqu'un tombant uniformément sur sa nuque, l'aidait à dormir. C'était quelque chose qu'il devait s'avouer malgré sa fierté. Quand il s'était réveillé au milieu de la nuit, il avait pu se tourner et enfouir son visage dans la poitrine d'Alfred et s'endormir une fois de plus au rythme de son cœur. Il y avait quelque chose de si magnifique là-dedans, quelque chose qui lui fit sourire avant même qu'il ne se soit assis dans son lit. Il étira ses bras et sentit l'endroit à côté de lui. C'était chaud et ça sentait comme Alfred.

Alfred, cependant, n'était pas dans le lit. Il était sur le balcon, écoutant la radio de son GSM. Il était assis sur la balustrade, se tournant par-dessus son épaule pour regarder le lac. Ses cheveux étaient mouillés, sa peau rougie et bronzée, il ne portait que son boxer, décoré de feux d'artifice et des couleurs du drapeau américain. Quand il vit qu'Arthur était réveillé, il sourit et fit un signe de la main. Comme un enfant sur une grande roue, trouvant son père dans une mer de visages et désireux d'attirer son attention. Bonjour, je suis là, dit-il, même si tu es là-bas. Je serai là dans un instant.

"G'morning," appela-t-il. Sa voix était juste un peu rauque, mais énergique et optimiste. Arthur s'assit et se frotta les yeux et fut dégoûté de voir à quel point il ressemblait à une merde.

"Good morning," répondit-il. Alfred prit son GSM et revint à l'intérieur, bien qu'il ait laissé la porte du balcon ouverte. Il écoutait NPR. Des informations sur les élections présidentielles en cours- un sujet délicat qu'Arthur avait déjà essayé d'aborder avec Alfred, mais il s'était heurté à un changement de sujet rapide et délibéré. Il éteignit la radio et se dirigea vers le lit.

Alfred se pencha et posa ses lèvres sur le front d'Arthur.

C'était une chose si simple à faire, presque naturelle pour des gens qui avaient fait l'amour si férocement la nuit précédente, et pourtant cela fit tomber toutes les briques des murs d'Arthur. Il ferma les yeux et sentit la fraîcheur et la sécheresse (tu devrais utiliser plus de stick à lèvres, Al) de ses lèvres.

"Tu as bien dormi?" Demanda Alfred.

"Oui. Et toi?"

"La meilleure nuit de sommeil que j'ai eue depuis des années."

Alfred fit un clin d'œil et se dirigea vers le placard. Il commença à passer en revue ses vêtements, les yeux d'Arthur immobiles dans son dos. Il agissait presque exactement de la même façon. Comme si rien n'avait changé depuis les heures où ils avaient baisé, dit "mon amour" plus de fois qu'ils ne pouvaient le compter. Il marchait sans effort, parlait naturellement, souriait et souriait et souriait. Arthur était étonné et soulagé. Lui, pour une fois, avait senti le changement dans son cœur. Il l'avait senti vaciller au bord de l'incertitude, avant de plonger la tête la première lorsqu'Alfred avait prononcé les mots "Je t'aime" et éliminé toute once de doute. Il avait été tellement soulagé- Je ne suis pas le seul à être tombé amoureux, je ne suis pas en train de devenir fou. Ou, si je le suis, au moins on devient fous tous les deux.

"Tu as passé une bonne nuit? Je peux être un peu agressif quand je partage un lit," dit Alfred. "Mon frère raconte que j'avais l'habitude de le virer du lit."

"Non, tu n'as rien fait de tel," répondit Arthur. Il n'avait pas bougé du lit. Il attrapa la télécommande près de la table de nuit et alluma la télévision d'un air distrait. "Tu es assez affectueux, en tout cas. Je ne pense pas que tu m'aies lâché une seule fois."

"Comment je pourrais? Tu es si mignon."

Alfred sauta sur le lit et embrassa les lèvres d'Arthur qui ne se doutait de rien. Arthur ne pouvait pas empêcher le rire qui lui échappait, ni les palpitations dans son estomac. Alfred recula, toucha ses joues et posa ses lèvres sur le bout du nez d'Arthur.

"J'espère que ça ne t'a pas dérangé," murmura-t-il.

"Non. Pas du tout."

Ils s'embrassèrent à nouveau. Juste avant de se séparer pour finir de s'habiller, Alfred laissa sa langue glisser le long de la lèvre inférieure d'Arthur, le laissant rougeaud et sans souffle.

Comment est-ce arrivé?

C'est ce que je m'imaginais quand il s'était présenté dans cette chambre d'hôpital?

"Il y a un plan pour aujourd'hui?" Finit-il par demander.

"Tout ce que tu veux," Alfred haussa les épaules. "On pourrait aller nager à nouveau, faire de la randonnée, s'allonger ici..."

"Une randonnée semble sympa."

"Yeah? Génial."

Tout à coup, Arthur entendît son nom. Pas par Alfred, mais par la femme qui parlait à la télévision. Il réalisa qu'il était passé sur l'une de ces chaînes de célébrités à potins, et que son visage était affiché- Une photo flatteuse, celle de sa campagne Vivienne Westwood de l'hiver 2015.

"Hey, c'est toi!" Alfred s'assit, en bondissant pratiquement, sur le lit et posa nonchalamment sa tête sur les genoux d'Arthur. "Donc tu n'as pas menti. Tu es vraiment célèbre."

"Va te faire voir."

"Il y a quelques jours, le top model Arthur Kirkland, qui avait été admis dans un hôpital de New York, s'est échappé de sa chambre. On ne sait pas où il se trouve actuellement, et son manager, Kiku Honda, a déposé un avis de disparition—"

Là, ils montraient une photo de Kiku, bien habillée et impeccable pour l'appareil photo. Peut-être que dans une autre vie, il avait été un mannequin lui-même. Cela expliquerait son étonnante connaissance de l'industrie.

"Kiku a fait quoi?" Cria Arthur. Il bondit, forçant la tête d'Alfred à quitter sa position confortable sur ses genoux. "Al, je peux t'emprunter ton GSM?"

"Hein? Oh, bien sûr. Tiens."

Arthur arracha le portable de sa main tendue et se mit à taper frénétiquement des chiffres. Il était reconnaissant, plus que jamais, d'avoir mémorisé le numéro de GSM de Kiku- Et encore plus reconnaissant que Kiku ait insisté pour dépenser de l'argent dans une carte SIM internationale pour leurs voyages. Il était terriblement rare que Kiku ne réponde pas à son téléphone, et Arthur était certain qu'il était toujours à New York. Tout ce qu'il avait à faire était de l'appeler, de lui expliquer calmement la situation et de lui dire qu'il serait de retour dans quelques jours.

"Kiku Honda à l'appareil."

"Kiku, mon ami, c'est moi."

"Arthur! Oh, je suis si heureux d'avoir de tes nouvelles."

"Je suis désolé, j'aurais dû t'appeler plus tôt."

"Oui, tu aurais dû. Je pensais que tu avais été kidnappé, ou peut-être pire..."

"Non, non, je vais parfaitement bien."

"Merci Seigneur. Où es-tu?"

"Lake Placid."

"Lake Placid? Pourquoi?" Son léger accent était étouffé par le GSM, son ton monotone restant parfaitement intact.

"Eh bien, Alfred et moi—"

"Alfred? L'homme qui était dans la chambre d'hôpital avec toi?"

"C'est bien lui."

"Que t'a-t-il fait? Dois-je porter plainte?"

"Non, Kiku, non. Tout va bien. On a convenu de venir ici ensemble."

"Tu me dis sérieusement que tu t'es faufilé hors de ta chambre d'hôpital, avec un inconnu, pour prendre des vacances au Lake Placid? Alors que tu n'étais pas encore autorisé à sortir de l'hôpital et que tu étais sous traitement?"

"Oui."

"Arthur."

"Écoute, Kiku, j'ai juste besoin d'une pause. C'est tout. L'hôpital et le traitement ne m'ont pas aidé. Je pense que c'est ce dont j'ai besoin."

"Alfred te tient-il en otage? Si oui, dis 'deux pepperonis, s'il te plaît'."

"Kiku, non! Je te le dis, je n'ai pas été kidnappé. Tout va parfaitement bien. Je serai de retour à New York dans quelques jours. Je te promets qu'à partir de maintenant, je te tiendrai au courant."

Pendant qu'il parlait, Alfred se glissa discrètement et taquinement dans le lit. Alors qu'Arthur s'efforçait d'empêcher Kiku d'entendre, Alfred entourait la taille d'Arthur de ses bras et le berçait d'avant en arrière, lui murmurant de mauvais jeux de mots à l'oreille, soufflant dans sa nuque. Arthur devait se mordre la langue pour ne pas rire.

"Tu promets? Si quelque chose ne va pas, tu appelles tout de suite."

"Tu as ma parole," couina Arthur.

"Très bien. Je suppose que je vais prévenir les autorités que tu n'as pas disparu."

"Merveilleux, tu t'en occupes."

"Je te rappellerai bientôt, Arthur."

"D'ici là, mon ami. À tantôt."

Dès qu'il raccrocha, il se mit à rire de façon incontrôlable.

"Al! Tu ne peux pas me laisser passer un foutu coup de fil?"

"Non. Tu es seulement autorisé à me parler." Il lui fit un bruit de pet dans le cou, puis le berça si fort qu'ils tombèrent tous les deux dans les draps. "Je t'ai kidnappé, tu vois. Kiku avait raison. Tu es mon otage."

Alfred se positionna au-dessus d'Arthur et joua à lui coincer les poignets sur le lit. Il se pencha et baissa la voix et Arthur se mordit la lèvre inférieure pour empêcher la chaleur sous sa peau de le submerger.

"Oh là là, c'est effrayant," roucala-t-il.

"Si tu ne fais pas exactement ce que je dis, je te ferai des choses horribles," murmura Alfred. Son souffle tombant sur les lèvres d'Arthur. "Je te forcerai à venir nager avec moi à nouveau. Je te ferai boire du thé qui sort directement du micro-ondes."

"Mon dieu m'a abandonné."

"Je t'embrasserai et je te ferai des câlins jusqu'à ce que tu n'en puisses plus."

"Tout sauf des câlins."

" Je te soufflerai encore dans le cou." Il se pencha et posa ses lèvres sur le cou d'Arthur et fit un autre bruit de pet, faisant frissonner sa peau sensible.

"Al, stop!"

"Je vais même te chatouiller."

"N'y pense même—!"

Mais il était trop tard. Alors que la lumière du soleil tombait sur les draps poussiéreux, Alfred enfonçait ses doigts dans les zones chatouilleuses du ventre d'Arthur, le faisant se tordre et donner des coups de pied et, en vain, essayer de le repousser. Leurs rires devaient être si forts que tous ceux qui prenaient place à l'étage pouvaient les entendre, peut-être même les gens au bord du lac. Comme des cloches, ou une symphonie. Arthur ne pouvait pas respirer, mais c'était un si beau manque de souffle. Même s'il repoussait Alfred, il voulait qu'il s'approche, il voulait rire à son oreille, sentir ses cheveux frôler son front et embrasser ses joues rougissantes.

Peut-être qu'on va rester ici, dans cette chambre, pour toujours.

Fais de moi ton otage, d'accord?

Je ferai tout ce que tu veux.

Promis.


Alfred choisit un sentier dont l'extrémité offrirait la plus belle vue. Il leur faudrait environ trois heures pour monter, trois heures pour revenir. En gros, une journée entière. Ils s'étaient habillés, bien qu'Arthur n'ait pas vraiment de tenues adaptées à l'occasion- Ils décidèrent de s'arrêter dans un magasin de vêtements de plein air pour acheter quelque chose d'un peu plus approprié. Ils achetèrent de l'eau, des sandwichs et des snacks et Alfred les mit dans un sac à dos qu'il devait porter.

"Ça va aller? C'est lourd?" Demanda Arthur.

"Nan, ne t'inquiète pas pour moi."

Alfred obligea Arthur à prendre un petit déjeuner rapide, car la randonnée qui les attendait demandait de l'énergie. Ils se sont installés et ont mangé dans un petit restaurant, où Arthur a pris des œufs brouillés et des toasts. Alfred a mangé autant qu'il a pu, réalisant que la nuit précédente l'avait laissé affamé. Lorsqu'ils se sont sentis complètement préparés, ils se sont dirigés vers le début du sentier, près du lac.

"Prêt?" Demanda Alfred. Il tendit la main à Arthur. Le voir était toujours comme une poussée d'adrénaline- Il n'arrivait pas à croire que quelqu'un comme Arthur était là à côté de lui, lui souriait comme ça, lui tendait sérieusement la main et lui serrait les doigts. Lui avait dit la nuit dernière, Je t'aime, Alfred.

"Aussi prêt que je le serai jamais," soupira Arthur. Puis, main dans la main, ils commencèrent leur randonnée.

Arthur était silencieux, peut-être pour conserver son énergie ou peut-être parce qu'il n'était pas d'humeur bavarde, alors Alfred parlait. Il aimait à penser qu'il avait une assez bonne connaissance des plantes, des arbres et des animaux, et il faisait de son mieux pour expliquer les petites choses à Arthur. Ces baies sont toxiques, ces arbres sont vachement vieux, un renard vit probablement dans ce trou là-bas. Il a parlé des randonnées qu'il avait l'habitude de faire avec Matthew lorsqu'ils avaient vécu ensemble un peu, et comment Matthew s'était avéré être un plus grand aventurier en plein air qu'Alfred.

"Il y a peut-être quelque chose dans l'eau au Canada," plaisanta Alfred.

Il ne harcelait pas Arthur pour qu'il parle. Il savait qu'il écoutait et que le moment venu, il parlerait. Mais quand Alfred jetait un coup d'œil par-dessus son épaule, et qu'il pouvait regarder le visage d'Arthur, il était satisfait du silence. Le regard d'Arthur se déplaçait constamment autour de lui, tombant sur les feuilles des arbres tachées de soleil, les cailloux et les bâtons à ses pieds, les oiseaux qui volaient au-dessus d'eux et les tamias qui couraient sur leurs chemins. Il ne souriait pas, mais son expression était fascinée, stupéfaite par ce monde qu'il n'avait peut-être jamais vu auparavant. Il n'avait pas lâché sa prise sur la main d'Alfred. Alfred se demanda s'il y avait un moment inapproprié pour dire à Arthur qu'il l'aimait, ou si c'était juste quelque chose qu'il pouvait répéter sans perdre son sens.

Ils ne s'arrêtaient pas très souvent en chemin. Mais, malheureusement, Alfred n'avait pas très bien choisi son moment. Alors qu'ils étaient au cœur de la forêt, au milieu de la randonnée et à peu près à mi-chemin du sommet, ils se sont retrouvés sous le point culminant du soleil brûlant. Il les arrosait de sa chaleur sans pitié, au point qu'Alfred avait l'impression qu'il allait se noyer dans la sueur. Arthur avançait lentement, à quelques pas derrière Alfred, tiré par la main de ce dernier.

"Tout va bien?" Demanda Alfred. "Besoin d'une pause?"

"Tais-toi et marche. Je veux déjà arriver au sommet."

"Bien entendu, Votre Majesté."

Ils firent quelques pauses pour boire dans leurs bouteilles d'eau et s'imprégner davantage de l'environnement, bien qu'aucun des deux n'ait apporté d'appareil photo. Alfred réussit à en prendre quelques unes avec son téléphone. Il en prit une d'Arthur, appuyé contre un arbre, les cheveux complètement décoiffés, les joues rouges et les lèvres fendues par ses expirations. Le chemin était presque entièrement en montée. Vers la fin, il devenait plus raide, et le chemin était criblé de rochers et de montées potentiellement dangereuses.

"Ne t'inquiète pas," encouragea Alfred. "Je ne te laisserai pas tomber."

Il le disait, et il le pensait, et Arthur le savait.


TRADUCTION Lovely As You Are de SadLesbianPrincess
Originale /works/7689145/chapters/17516257?view_adult=true