Harry et Osiris se tenaient à nouveau devant la devanture poussiéreuse de la Tête de Sanglier. Ils se lancèrent un bref regard entendu avant de pousser la porte de l'établissement avec assurance. Sans plus de préambule, ils s'avancèrent jusqu'au comptoir où Abelforth s'était crispé, froissant le torchon avec lequel il essuyait les verres fraîchement lavés.

«Bonjour Abelforth.

- Écoutez, soupira-t-il. Je sais pourquoi vous êtes revenus et je suis désolé de la position dans laquelle vous vous trouvez, affirma-t-il en regardant Harry avec insistance. Mais... Je n'ai pas changé d'avis. Et vos belles paroles n'arrangeront rien. Albus... m'en a suffisamment fait voir avec ses machinations tordues. Je refuse d'être son pion de nouveau. J'ai joué mon temps. La partie est terminée.»

Abelforth les regarda tour à tour avec une détermination farouche. Osiris continuait de le fixer, tâchant de déterminer les réelles intentions de l'homme. Après une pause lourde de tension, l'homme aux cheveux argentés poussa un petit soupir et sortit un bout de papier de sa poche. Il le posa sur le comptoir avec résignation et le poussa vers les deux sorciers. Il secoua brièvement la tête, comme pour chasser un sentiment trop affligeant.

«Cependant, si je refuse de parler, peut-être que quelqu'un d'autre pourra vous aider dans votre quête de vérité... Bonne chance à vous deux. Je pense que vous en aurez besoin.

- Même avec Albus? Rétorqua Osiris avec amusement.

- Même avec Albus, répondit-il gravement.»

Osiris s'empara du bout de parchemin et après un dernier hochement de tête envers Abelforth, lui et Harry s'en allèrent.

Une fois dehors, Osiris déplia le parchemin sur lequel était inscrit un nom et une adresse. Harry se rapprocha et lut:

«William Johnson. 312 Lila's Street.»

Il regarda Osiris avant de demander:

«Bon alors qu'est-ce qu'on attend?

- Rien du tout, nous y allons de ce pas.»

Et sur ce, ils transplanèrent, Harry suspendu au bras de son ami. Ils débouchèrent sur une petite allée pavillonnaire, en retrait de la ville, la où les immeubles commençaient à laisser place à la nature. Les deux sorciers s'engagèrent dans l'allée menant au numéro 312. Ils se postèrent devant la porte et Osiris appuya sur la sonnette.

Un sorcier aux cheveux gris et aux joues creuses leur ouvrit la porte. Il les regarda avec un air étourdi de ses yeux noisettes qui semblaient immenses à travers ses verres grossissants. Finalement, après un temps relativement long, il leur demanda:

«Hum, euh, bonjour, euh, gens tout de noir vêtu. Hem, que puis-je faire pour vous?

- Nous sommes des amis d'Albus.

- D'Al- Oh oui, oui, ce fameux jeu, rit-il avec une voix trop aiguë pour être sereine. Bien, bien entrez-donc!»

Le petit sorcier les conduit docilement jusqu'à son salon, bien qu'il ne cessait de triturer les pans de sa chemise de ses mains noueuses. Il leur fit signe de s'asseoir avec un petit sourire crispé. Les deux sorciers s'assirent sur le canapé. La cuisse de Harry était appuyée contre celle d'Osiris. L'aîné se surprit à apprécier la chaleur de ce contact plus que de raison et retint difficilement son envie de passer un bras autour des épaules du Gryffondor pour le serrer contre lui. Osiris se réprimanda mentalement, troublé par sa propre faiblesse et croisa ses jambes avec résolution pour tenter d'échapper au contact chaleureux de Harry.

Leur hôte revint avec un service à thé sur un petit plateau et le posa sur la table basse face à eux. Le vieil homme s'assit nerveusement dans le fauteuil qui faisait face à ses deux invités. Ses doigts continuaient de triturer avec une nervosité agaçante le tissu froissé de sa chemise rose bonbon.

«Donc, que me voulez-vous?

- Pouvez-vous nous parler d'Albus? Et de-

- Albus? Très certainement, approuva-t-il d'une voix chevrotante. Albus était un très grand ami à moi. Un grand farfelu cet homme, rit-il en tremblant nerveusement. Haha. Il aimait Fumseck, vous savez son drôle d'oiseau qui était couvert de rides et de pelures la plupart du temps? Il éprouvait une grande compassion pour les Moldus. Il adorait les balades au clair de lune. Une fois il m'avait préparé une salade de fraises au poivre. C'était d'ailleurs son Patronus. Il avait une sainte horreur des trous dans les chaussettes, surtout sur ses paires préférées. Moi je n'avais guère d'avis. Il avait une obsession pour les friandises et le sucre qui me faisait toujours rire. Je crois qu'il préférait les forêts. Et plus particulièrement pour le citron. C'était les arc-en-ciel, je m'en rappelle. D'ailleurs il me semblait qu'il avait la phobie des vers de terre. Jamais au grand jamais je n'aurais osé lui piquer un de ses paquets de bonbons au citron. Il y avait aussi les donuts roses. À moins que cela ne soit les mouches. Il faudrait être fou pour faire cela, non? Il possédait 31 cailloux blancs. Pas les licornes mauves en revanche. Il était très superstitieux. Mais oui! C'était larves je me souviens. Ils étaient éparpillés partout dans sa chambre. Il aimait beaucoup faire des farces aussi. Oh, il ne les appréciait pas du tout celles-ci. De quoi je ne sais pas. Il y avait des trous partout. Ce n'était guère important. D'ailleurs ça me rappelle son tombeau. Une vraie invasion de Doxies, c'était infernal. Blanc immaculé. Sa plume préférée toute grignotée. Kilmore, Isle of Mull si mes souvenirs sont exacts. Oh oui, d'une belle couleur rouge et or. Un peu comme ce foulard qu'il avait jeté à la poubelle-

- Stop! Il suffit, le coupa fermement Osiris.»

Il but une gorgée de sa tasse, prenant le temps d'apprécier le silence après le débit d'une rapidité et d'une incohérence épuisantes. Cette attitude étrange dénotait d'une certaine nervosité. Osiris décroisa ses jambes et se pencha vers son interlocuteur.

«Je sens que vous ne me dîtes pas tout, n'est-ce pas Monsieur Johnson? Demanda-t-il d'une voix très calme.

- Je-»

La tasse de porcelaine tremblait dangereusement entre les main ridées du vieil homme et des petites gouttes s'en échappaient à intervalles réguliers.

«Je... Ne-ne vois pas de quoi vous parlez. En-enfin, qu'êtes vous en train de-de-d'insinuer?»

Le pauvre homme semblait au bord des larmes tant la pression lui semblait insupportable. Il tremblait d'horreur et sa tasse était presque vide dorénavant.

«Calmez-vous Monsieur Johnson, je ne vous veux aucun mal. Je vous assure que je ne suis pas ici pour vous effrayer de quelconque façon. Vous pouvez vous confier à moi sans crainte, cela restera entre nous et mon ami. Je vous promets qu'il ne vous arrivera rien. Allez Monsieur Johnson, l'encouragea-t-il d'une voix exagérément douce, je sens que quelque chose vous tracasse fortement.»

Le petit sorcier reposa sa tasse sur la petite table et plongea ses yeux larmoyants sur le voile opaque qui recouvrait le visage d'Osiris.

«Je-»

Il se leva brutalement, contourna la petite table et se jeta aux pieds d'Osiris.

«Je ne voulais pas, je jure que je ne voulais pas, commença-t-il à sangloter en s'agrippant aux vêtements du sorcier. Je ne savais pas, je ne l'ai pas faix exprès. Oh Albus, me pardonnera-t-il un jour?»

Osiris s'était légèrement crispé quand l'homme s'était précipité à ses pieds. Il se força à se détendre et posa une main qu'il voulait réconfortante sur l'épaule secouée par les pleurs de William Johnson.

«Qu'avez-vous fait Monsieur Johnson? Interrogea-t-il d'une voix bienveillante.

- Si j'avais su, si j'avais su... Et vous êtes là pour me punir c'est bien cela? C'est Albus qui vous envoie pour me faire payer? Je suis navré, si navré, renifla-t-il bruyamment.

- Nous pouvons vous aider mais dîtes-nous, qu'avez-vous fait de si terrible?»

Il releva son visage baigné de larmes vers Osiris.

«Je-J'ai... J'ai volé à Albus son dernier paquet de bonbons au citron, avoua-t-il avec un air terriblement coupable.»

Harry sentit la colère et la frustration bouillonner en lui et il se retint difficilement de jeter un sort bien senti au vieux sorcier qui pleurait toujours misérablement avachi sur les genoux d'Osiris. La comédie avait assez duré, il refusait de passer une seconde de plus en compagnie du vieux sorcier complètement sénile. Prit d'une subite impulsion, il se saisit du bras de son compagnon de voyage et le força à se lever du canapé. Il arracha Osiris à la prise de William Johnson sans ménagement et laissa le vieil homme renifler sur le sol. Avec une voix froide, il déclara:

«Je suis désolé Monsieur Johnson mais je crains fort qu'une obligation nous force à vous quitter. Belle journée et bon rétablissement.»

Traînant Osiris par le bras, il les fit sortir de la maisonnette et laqua la porte derrière lui. Il lâcha finalement son compagnon et donna un coup de pied frustré dans le vide.

«Ah, il nous a bien fait perdre notre temps celui-ci! Sénerva-t-il.

- Je n'en serais pas si certain à ta place Harry, rétorqua-t-il d'un ton très calme et diplomate.

- Ah oui? Peux-tu me citer une chose utile que ce vieux fou nous ai livré?

- Oui. Nous avons dorénavant la solution de notre clé codée, affirma-t-il avec malice.»

Et sur ce, Osiris s'avança de sa démarche confiante le long de l'allée, afin de tranplaner. Harry resta un instant perplexe sur le seuil de la maison avant de finalement courir pour le rejoindre. Osiris lui tendit son bras. Et sans un mot de plus, ils disparurent de Lila's Street.