Harry était tristement avachi sur un des fauteuils du salon. Il triturait pensivement les pans de sa cape tout en laissant ses pensées vagabonder librement.
Osiris, le remarquant ainsi prostré, lui proposa d'une voix bienveillante :
« Harry ? Que dirais-tu d'une nouvelle visite sur l'île de Poros.
- Mais Osiris, nous n'avons pas débloqué le mot de passe, ce serait vain, soupira-t-il.
- Ah oui ? En es-tu certain ?
- Je ne vois pas- Mais si ! S'exclama-t-il soudainement. Citrus Mortifero ! Nous y allons de ce pas Osiris ! »
Harry avait bondi sur ses pieds et agrippait le bras d'Osiris. Un faible sourire naquit sur les lèvres de l'aîné avant qu'ils ne disparaissent dans un crac sonore.
Harry et Osiris atterrirent dans la même forêt que précédemment. Mais cette fois-ci en raison du soleil qui rayonnait encore haut dans le ciel, ils purent nettement distinguer que les arbres qui les entouraient n'étaient autre que des citronniers. Cela arracha un sourire amusé à Harry tandis que Osiris fixait les lieux avec une certaine nostalgie.
Le même écran de fumée apparut devant chacun d'eux, quémandant le mot de passe. Les deux sorciers entrèrent le nom du poison crée par nul autre que Albus Dumbledore et un message de validation apparut brièvement avant que la brume ne disparaisse, laissant derrière elle un corps gisant sur l'herbe fraîche.
Harry échangea un regard entendu avec Osiris et tous deux s'approchèrent précautionneusement de la masse étendue sur le sol, bien que, à la robe bariolée que Harry distinguait d'ici, il y avait peu de doute sur ce sur quoi ils allaient tomber.
Ils s'approchèrent encore, jusqu'à être totalement certain que c'était bel et bien le cadavre de Dumbledore. Ses bras étaient étendus à ses côtés, paumes tournées vers les nuages, et ses yeux ternes contemplaient des cieux qu'ils ne pouvaient plus voir. Ainsi positionné, on aurait dit un enfant cherchant à faire un ange de Noël dans la poudreuse scintillante. Ou alors allongé dans l'herbe après une roulade, les yeux pétillants de joie et le souffle court. Sauf qu'il n'y avait ni poudreuse scintillante, ni yeux pétillants, ni souffle, qu'il soit court ou non, ni enfant. Juste le cadavre d'un homme au costume bariolé.
Harry, perdu dans ses pensées, ne remarqua pas tout de suite qu'il y avait quelque chose de hautement anormal sur la dépouille d'un homme supposé être empoisonné. Ce n'est que quand Osiris posa une main ferme sur son épaule en l'interpellant que Harry revint à l'instant présent.
« Harry. Regarde. »
Le jeune Gryffondor balaya à nouveau le corps du défunt, tentant de ne pas trop s'y attarder tant l'action était douloureuse. Toutefois, malgré son empressement, Harry remarqua une tâche pourpre conséquente au niveau de la poitrine de l'homme. Harry fronça les sourcils d'incompréhension.
Osiris avait lâché l'épaule du plus jeune et s'était accroupi avec agilité et grâce près de la plaie. Il tenta de la déplacer les robes pour déterminer avec plus d'exactitude la nature de la blessure mais un champ de protection bleuté l'en empêcha. Il hocha doucement la tête, comme s'il s'attendait à une telle précaution. Harry se posta finalement à côté d'Osiris, concentrant sa vision sur le dos de son ami plutôt que sur le sang qui maculait les habits du défunt.
« Alors... Ce n'était pas un empoisonnement, pas vrai ?
- On dirait bien que non.
- Donc... Dumbledore ne s'est pas suicidé, continua-t-il avec lenteur.
- C'est une possibilité qu'on ne peut encore exclure. On ne peut en être certain. Quelle est ta théorie avec ce nouvel élément ? Demanda Osiris qui s'était relevé et regardait le jeune homme avec indulgence.
- Je pense que... Je... Je ne sais pas vraiment. Peut-être que Dumbledore a dans un premier temps voulu s'empoisonner dans le but de déclencher le jeu mais que... Quelqu'un l'a assassiné avant que le poison n'ait totalement fait effet, décréta-t-il avec lenteur.
- C'est plausible. Nous partirons de ce principe pour le moment. Maintenant, il reste seulement à savoir qui tenait l'arme qui l'a tué. Et quelle était-elle. »
Harry hocha la tête pensivement. Il avait l'impression qu'une brume dérangeante obturait ses pensées et sa vision, l'empêchant de réfléchir correctement. Il se sentait vide et étourdi. Sûrement était-ce lié au choc.
Jusque là, il n'avait eu aucune preuve concrète de la mort de son mentor. Mais dorénavant, il était devant le fait accompli de manière assez brutale et il ne pouvait reculer devant l'évidence qui s'imposait à ses yeux embrumés : Dumbledore était mort. Assassiné.
Et ce constat le heurtait plus qu'il ne le laissait paraître. Pour l'heure, il était simplement en état de choc. Mais il sentait la douleur et le chagrin qui n'attendait que sa faiblesse pour s'engouffrer vicieusement en lui.
Osiris posa une main sur l'épaule du jeune homme. Voyant qu'il ne réagissait pas, il le secoua légèrement. Aucune réaction. Osiris pris alors le visage de Harry entre ses mains, avec une délicatesse extrême. Il força le regard du jeune homme à se tourner vers lui. Et ce geste était douloureux pour Osiris. La position était plus qu'évocatrice et la tentation de venir cueillir les lèvres du jeune homme était forte. Osiris utilisait leur voile comme barrière mentale, se persuadant que de toute façon, tout baiser serait impossible. Même s'il était parfaitement conscient que cela s'avérait erroné. Il chassa ses pensées inappropriées avec agacement.
Durant les derniers jours, Osiris avait essayé d'ignorer ses sentiments pour le jeune homme, tenté maintes et maintes fois de les refouler. Mais le fait était que quoiqu'il fasse, ces-derniers étaient toujours là, c'était indéniable. Il devait se rendre à l'évidence, aussi ardue soit cette tâche : il aimait Harry. Profondément. Mais c'était justement son attachement pour le jeune homme qui l'interdisait de tenter quoique se soit. Harry n'avait pas besoin d'Osiris. Il avait besoin de Severus.
« Je crois qu'il est temps que nous rentrions Harry, affirma-t-il avec douceur. »
Harry acquiesça avec lenteur.
Osiris le prit dans ses bras dans une tentative de l'arracher à sa léthargie et transplana, le jeune homme fortement serré contre lui.
Les deux sorciers se matérialisèrent dans la plaine alors qu'une fine bruine enveloppait les lieux. Osiris tint l'épaule de Harry avec soutient, le poussant avec bienveillance jusqu'à l'intérieur. Amaris les attendait au pied de la tente. Elle leur fit un signe de la main quand elle les aperçut.
Quand ils arrivèrent à sa hauteur, elle leur demanda :
« Comment vas-tu Harry ?
- Ça va... »
Osiris lui jeta un regard suspicieux et s'engouffra à l'intérieur de l'habitation. Il emmena le jeune homme jusqu'à leur chambre et le força gentiment à s'allonger.
« Repose-toi. Tu en as besoin. »
Et sur ce, il laissa Harry seul dans la chambre.
Osiris revint dans le salon et s'installa face à Amaris qui semblait l'attendre. Elle lui tendit une tasse de thé qu'il accepta d'un hochement de tête.
Amaris avait les jambes croisées nonchalamment et son bras appuyé sur l'accoudoir soutenait sa tête.
« Vous êtes allés voir le cadavre de Dumbitch je suppose. »
Osiris releva l'utilisation du surnom dans un coin de sa tête.
« Comment le sais-tu ? Interrogea-t-il, méfiant.
- Une simple intuition.
- Il n'existe pas d'intuition dans ce jeu. Tout n'est que déduction et savoir.
- Oh vraiment ? Demanda-t-elle avec un sourire amusé. Alors pourquoi continues-tu à sortir cette phrase à ton petit protégé ?
- Nous espionnerais-tu ?
- Quel serait mon intérêt là-dedans ? Je me suis déjà mise à nue devant toi. J'ai exposé ma plus grande faiblesse et tu le sais. Je crois que tu es bien placé pour savoir combien avouer ses sentiments est une tâche difficile.
- Je ne vois pas le rapport.
- Bien sûr que tu le vois. »
Osiris la fixa un instant, tentant de sonder ses intentions à travers son voile.
« Dis-moi Amaris. Tu n'aimais pas beaucoup Albus il me semble. Pourquoi ?
- Pourquoi demandes-tu ?
- Parce que j'en ai envie. Maintenant réponds, ordonna-t-il d'une voix posée.
- Ai-je réellement besoin d'une raison ? Ce vieux fou était manipulateur, avide de pouvoir, calculateur et hautement dangereux. Tout le monde parle du Lord Noir et de la terreur qu'il sème mais moi je pense que nous aurions du tout autant nous méfier de ce vieux fou, si ce n'est plus. Regarde dans quoi il nous a embarqué Osiris ! Sérieusement, tu ne penses pas que Harry aurait mérité un peu mieux que ce stupide jeu chronophage qui lui met une pression pas possible sur les épaules ? Bordel ce n'est qu'un gosse ! Et par la faute de Dumbledore et son assassin il se retrouve livré à lui-même, obligé de résoudre une putain d'enquête pour sa propre survie et celle du monde sorcier. Si c'était en mon pouvoir, je dévoilerais tout ce que j'ai à ce gosse, pour qu'il puisse enfin souffler et vivre une vie normale. »
Elle secoua la tête tristement. Osiris se sentit soudain coupable. Il entraînait Harry dans toutes ses spéculations, le guidant dans des impasses. Il avait l'horrible impression de perdre son temps tout à coup.
« Tu prétends aimer Harry, hein ? Alors pourquoi es-tu incapable de détester le responsable de tous ses soucis et angoisses ? Que caches-tu Osiris ? Tu me remets sans cesse en question, mais toi Osiris, quel rôle joues-tu réellement sur l'échiquier géant qu'est notre vie actuelle ? »
Osiris ferma les yeux avec douleur. Amaris n'avait pas tort en un sens. Et ce constat était plus douloureux qu'il ne souhaitait se l'avouer. Cependant, jamais il ne dévoilerait ses faiblesses à la jeune femme. Surtout qu'il doutait toujours fortement de sa fiabilité.
« Il suffit. Si tu remets en cause mon rôle et mes raisonnements, je te prie de partir. Je crois savoir que ton bras ne te fais plus souffrir. Donc, si tu n'approuves pas ce que je suis, tu es libre de t'en aller.
- Tu es vraiment stupide ou tu le fais exprès ? Tu sais bien que je peux pas, affirma-t-elle avec douleur. Putain j'ai pas choisi mes sentiments ! Tu crois que ça m'amuse tout ce fiasco ? Si je reste, c'est parce que l'idée de te laisser m'est insupportable, que je refuse de perdre le contact avec toi. Je ne peux partir et accepter de te perdre de vue, sans savoir ce qu'il va t'arriver. Si Harry te crachait à la gueule tes propres paroles, comment réagirais-tu ? »
Elle se leva brusquement, blessée.
« Comment peux-tu prétendre l'aimer alors que tu es une telle merde en sentiments. Tu sais quoi Osiris ? Fais-moi plaisir pour une fois et n'approche pas Harry. Et je ne dis pas ça par quelconque jalousie ou je ne sais quelle autre stupidité. Le gosse souffre suffisamment. Ne viens pas le polluer avec tes sentiments dont tu ignores tout. Reste loin de lui. Il n'a pas besoin de quelqu'un qui le brisera plus que ce qu'il ne l'est déjà. »
Et Amaris sortit en trombe de la tente, son pas rageur faisant écho à ses oreilles tandis que claquaient les pans humides de la tente.
Osiris s'enfonça dans son fauteuil, soudainement épuisé. Il ferma ses paupières avec un soupir.
« Je sais Amaris. Je sais. Ne t'inquiètes pas, je ne m'aviserai jamais de le toucher. J'aurai bien trop peur qu'il vole en éclat sous la pulpe de mes doigts. »
