Chapitre 1

Gajeel étira ses bras tout en marchant. Ce n'était pas tant que l'entraînement avait été éprouvant, mais Lily avait réussit à placer un coup en plein sur un nerf. En fait, quand il s'entraînait avec les troupes, plutôt que de juste les regarder s'entraîner, c'était plutôt cool.

Malgré tout, il fallait quand même admettre qu'il avait hâte de retourner sur le terrain. Il était rentré de mission trois jours plus tôt, et espérait que Levy l'y renverrait bientôt.

Au détour d'un couloir, il surprit deux recrues qui échangeaient des paroles dans un coin.

« Alors, elle t'as répondu quoi ? »

« Elle a dit non. Comme ça, sans explication : non. Elle n'était pas agressive, juste... Polie. Elle aurait utilisé le même ton pour refuser que je lui prête un stylo ! »

« Elle est fatiguée en ce moment, tu trouves pas ? ».

Ils ne le virent pas passer, et Gajeel soupira. Encore ces histoires... Il grimpa un escalier, tourna encore à un couloir (c'était un vrai labyrinthe, ce Conseil !) et aperçut enfin la porte qu'il cherchait. Ouverte, la porte. Ce qui allait le dispenser de ne pas frapper. Sauf qu'il y avait déjà quelqu'un dans le bureau.

_C'est très gentil de m'apporter mon cappuccino.

_J'ai mis une pointe de vanille, cette fois. Qu'en pensez-vous ?

Fumio, le type qui avait failli le toucher pendant l'entraînement. Gajeel retint un grognement, et s'appuya contre le mur, les bras croisés. Il attendait le moment où ce crétin finirait par craquer et poser à Levy la même question que tous les autres, entre deux cappuccinos.

Qui serait aussi le moment où, comme tous les autres, elle l'enverrait bouler. C'était sans doute pour ça qu'il retardait l'échéance... Il devait savoir ce qui l'attendait.

_Au fait, vous avez vu qu'une exposition sur la culture Eraldienne est prévue pour la semaine prochaine ?

Gajeel plissa les yeux. C'était maintenant. Il allait lui demander de l'accompagner à cette exposition sur la culture Era-chose, et elle allait lui mettre un vent...

_J'ai l'intention d'y aller, oui.

_Je vous trouverais les horaires, dans ce cas. Passez une bonne journée, lieutenant !

Gajeel lâcha un « tch » de dépit. Ce type-là préparait son coup sur le long terme !

Fumio sortit du bureau, et ne sembla pas surpris de trouver Gajeel appuyé devant la porte.

_Capitaine Redfox. Salua-t-il gaiement. Bel entraînement, tout à l'heure !

_Mouais.

Gajeel entra dans la pièce. Levy, adossée à son bureau, sirotait distraitement sa boisson chaude.

_Il en a pas marre, celui-là ? Grogna-t-il.

Elle ne parut pas surprise de le voir entrer, et ne se formalisa pas plus de son ton cavalier.

_Tu as entendu parler du projet de Krona-san ?

_Quoi, la boule de cristal ?

_C'est ça... Elle s'efforce d'ensorceler la boule pour que la personne qui la touche puisse voir son avenir proche. Les derniers résultats ne sont pas très prometteurs, mais elle serait en bonne voie.

Gajeel haussa les épaules, peu intéressé. Il n'avait jamais vu cette femme, mais son nom circulait pas mal ces derniers temps. Le but de la vieille mage était de prévoir des catastrophes, en utilisant sa magie temporelle. Mais les pouvoirs de Krona-san étaient limités, et ses essais, peu concluants.

_Au fait... Désolée pour tout à l'heure. Continua-t-elle. J'espère que je ne t'ai pas distrait ?

_Gihi ! Ils vont pas réussir à me blesser. Ces types sont aussi mous que des escargots.

Son sourire s'élargit.

_On dirait que t'avais pas mieux à faire que de me regarder ?

Levy rosit, et s'empressa de changer de sujet. Prise à son propre piège, ça lui apprendrait !

Gajeel eut un sourire satisfait. Si l'un de ces minets lui avait dit ça, elle n'aurait pas rougit elle l'aurait remis à sa place tout de suite. Gajeel les avait assez vus tenter de flirter avec elle, il savait comment elle fonctionnait. C'était stupide, il en avait conscience. Mais savoir qu'il était plus proche d'elle qu'ils ne le seraient jamais, ça lui faisait du bien. Ça pouvait même l'amener à espérer.

Cependant elle avait tout de même plus de répondant, d'habitude. Les crétins du couloir avaient raison : Levy essayait de dissimuler sa fatigue.

_Ça tombe bien que tu sois là. Je vais avoir une mission... Délicate.

Elle s'assit pendant qu'il s'affalait en travers du fauteuil placé dans le coin – un fauteuil qu'elle avait fait mettre juste pour lui, en fait.

_Est-ce que tu connais Vito Forleone ?

_Nan.

Levy soupira. Ça commençait bien. Comment allait-elle pouvoir lui faire comprendre simplement tous les enjeux de cette mission ?

_La famille Forleone était dans les petits papiers de la royauté, il y a de ça un demi-siècle. Ce sont à la fois des nobles, et de riches industriels. Pendant longtemps, ils ont profité de leur influence pour s'enrichir.

_C'est à dire ?

_L'ancien roi fermait les yeux sur leurs affaires frauduleuses. Beaucoup d'affaires frauduleuses. Le temps que notre roi actuel arrive au pouvoir, et décide de les écarter, ils étaient devenus très puissants.

_Gihi ! Je sens qu'on va arrêter du monde.

Le dragon slayer bondit de son fauteuil, et fit craquer ses jointures. Levy se mordilla la lèvre.

_Attends, ce n'est pas si simple. Le tempéra-t-elle. Depuis que notre roi a pris ses distances, Vito Forleone s'est employé à blanchir ses trafics.

Elle posa une main sur son dossier.

_Pendant que tu étais à la poursuite de Cobra, j'ai passé tout mon temps à réunir ce qui pouvait nous amener à lui... Et ce n'était pas facile. Ses réseaux sont redoutables. J'ai beaucoup d'éléments, mais ce qu'il nous manque à présent, ce sont des preuves concrètes.

_Tout ton temps, ça veut dire quoi ?

_J'y ai passé mes journées comme mes nuits. Avoua-t-elle.

Le dragon slayer fronça les sourcils. Voilà qui expliquait pourquoi elle était si lasse. Il s'approcha, et posa ses mains sur le bureau en se penchant vers elle. Elle rosit encore, mais cette fois il était sérieux.

_Qu'est-ce qui fait que ça compte autant, pour toi ?

Son regard s'assombrit. Pour toute réponse, elle ouvrit son dossier et farfouilla à l'intérieur. Il attendit. Elle finit par sortir une enveloppe numérotée avec plusieurs photos, qu'elle étala sur le bureau.

_Son principal trafic. Les armes magiques et la drogue sont très secondaires, à côté de ce que celui-là lui rapporte.

Les photos étaient mauvaises, mais elles représentaient toutes des groupes de jeunes filles. Habillées de tenues plus ou moins légères, qui laissaient entrevoir les traces de coups qu'elles avaient reçus. Gajeel serra les dents.

_Ils les font venir, ou partir ?

_Les deux. Murmura-t-elle. Ils en font venir d'un pays, elles transitent à Fiore. Ils les initient à des magies ayant pour but de... Enfin...

_Je vois l'idée.

_Ensuite, ils les vendent. Parfois, il met la main sur des mages Fioréennes, aussi. C'est plus pratique pour les former.

Qu'un mage se spécialise dans les magies liées au plaisir, c'était une chose. Mais forcer quelqu'un à pratiquer une magie dont il ne voulait pas... C'était criminel, purement et simplement. Encore plus dans ce but.

Levy se massa les tempes, et Gajeel sentit une vague de culpabilité l'envahir. En revenant de sa mission, il l'avait juste trouvée moins dynamique... Ce n'était que maintenant qu'elle laissait voir à quel point elle était harassée.

_Vito Forleone ne fréquente peut-être plus la famille royale, mais il reste un homme puissant et influent. Il n'a pas besoin d'appuis, car il en est un lui-même. Le Parrain de la Mafia Fioréenne. Il peut tirer beaucoup de ficelles.

_Et alors ?

_Jura, et aussi Warrod, craignent que je n'essaye de chasser un gibier trop gros pour moi. Ça pourrait être dangereux.

Les lèvres de Gajeel s'étirèrent en un sourire carnassier.

_ Gihi ! Je suis fait pour chasser des dragons. C'est pas ce genre de gibier qui va m'impressionner.

OoOoO

Ils avaient réuni une trentaine d'hommes, ainsi que Lily. La première cible de Levy était ni plus ni moins que La Dolce Vita, un des grands restaurants que possédait Forleone. Elle allait frapper vite et fort dès le début. Levy n'avait pas eu trop de mal à obtenir le mandat de perquisition. Elle avait recoupé plusieurs témoignages, et l'autorité de Jura avait fait le reste.

La moitié de leur escadron fut répartie autour du bâtiment, puis Levy, Lily et Gajeel pénétrèrent dans le restaurant, le reste de la troupe derrière eux.

_Fin du service ! Cria Gajeel d'une voix forte. Tout le monde sort ses papiers, et personne ne sort ! Le premier qui bouge, je l'arrête !

Lily leva les yeux au ciel.

_Ne fais pas trop de zèle.

_Gihi ! J'vais me gêner.

Les clients attablés s'interrompirent, des cris de protestations ou d'inquiétude partirent de tous les coins, et les serveurs en queue de pie se replièrent prudemment contre les murs. Les soldats du Conseils commencèrent à circuler entre les tables pour contrôler les papiers,

Elle se tourna vers Fumio, et lui demanda de laisser partir les clients un par un, après les avoir contrôlés.

_Il faut que tout le personnel se réunisse dans l'arrière-salle pour être contrôlés et interrogés. Lui glissa-t-elle.

Un homme imposant jaillit soudain et traversa la salle d'un pas furieux. Il était vêtu d'un complet noir à la coupe impeccable.

_Mais enfin, qu'est-ce que ça signifie ? Savez-vous seulement où vous êtes ?

_Parfaitement bien, merci. Répliqua sèchement Levy. Vous êtes le gérant ?

_Je ne suis pas un simple gérant ! Vito Forleone me fait confiance pour m'occuper de ses affaires ! S'exclama pompeusement le bonhomme.

_C'est ça. Fit Levy. Nous avons un mandat, et nous exigeons de voir les caves.

L'homme la toisa des pieds à la tête. L'espace d'un instant, Gajeel espéra qu'il allait résister. Il fut déçu lorsqu'il tourna les talons avec une moue méprisante.

_Vous ne savez pas ce que vous faites, jeune fille.

Ils lui emboîtèrent le pas. Il les fit passer par les cuisines, où une ribambelle de cuisiniers et de commis les regardèrent passer d'un air stupéfait.

_Un seul de ces plats doit coûter un mois de votre salaire. Déclara-t-il avec dédain.

Le cœur de Levy battait à tout rompre. Des filles transitaient ici, elle le savait... Le gérant arriva devant une porte, qu'il ouvrit, et s'engouffra dans un escalier. Arrivé en bas, il s'effaça devant eux.

_Hé bien voilà. La cave. Déclara-t-il d'un ton supérieur.

Il appuya sur un interrupteur, et Levy se figea.

La cave était immense, formée plusieurs dizaines d'alcôves garnies de bouteilles de vin.

Uniquement des bouteilles de vin.

_Je me passerai de vous donner le prix de nos bouteilles. Il n'y a que des grands crus absolument hors de prix.

Levy n'en croyait pas ses yeux. Non, c'était impossible, ses renseignements étaient exacts ! Un trafic de femmes transitaient entre ses murs, elle en aurait mis sa main à couper !

_Hé bien, chère mademoiselle ? Fit le gérant en se plantant devant elle. Il semblerait que vous n'ayez pas trouvé ce que...

_La ferme. Coupa Gajeel.

Il ferma les yeux, et inspira profondément, longeant les murs. Levy redressa la tête. Derrière elle, Lily et d'autres soldats venaient de pénétrer dans la cave. La jeune mage leur fit signe d'attendre, son attention focalisée sur Gajeel.

_Gihi !

Le dragon slayer fit volte-face vers eux.

_T'es en état d'arrestation.

L'homme ouvrit des yeux ronds.

_COMMENT ? Mais il n'y a rien dans cette cave ! Non mais, enlevez vos sales pattes ! De quel droit vous...

Gajeel venait de l'empoigner pour lui passer ses menottes (la partie de son boulot qu'il préférait).

_On ne trompe pas l'odorat d'un dragon slayer. Décréta-t-il. Des filles, y'en a eu ici. Beaucoup.

Levy le regardait avec des yeux débordants de reconnaissance. Cependant, elle n'était pas satisfaite. Elle se planta devant le type.

_Où sont-elles ? Qu'est-ce que vous en avez fait ?

_Vous venez de vous attaquer à Vito Forleone, pauvre idiote ! Cracha-t-il en réponse. Je ne sais pas quel est votre nom, mais vous n'êtes qu'une sale petite p...

Une poigne de fer se referma sur sa gorge et le souleva au dessus du sol.

_Termine cette phrase, et je te brise toutes les dents.

Un spasme agita le visage du gérant, et Gajeel le projeta vers deux soldats, qui le prirent chacun par un bras avant de l'entraîner vers l'escalier. Le mage de fer se tourna vers sa partenaire. Celle-ci contemplait l'ensemble de la cave.

_Combien de temps, Gajeel ? Demanda-t-elle sans le regarder.

Il serra les dents.

_On est dans un lieu clôt, les odeurs restent plus longtemps. Quand bien même... Elles sont parties il y a moins de douze heures. Et je dirais qu'il y en avait bien une quinzaine.

_Je vois.

Elle se détourna, les poings serrés, et se dirigea vers la sortie.

Moins de douze heures. Peut-être n'était-il pas encore trop tard.