Chapitre 6

Dans l'après-midi, Gajeel et Lily trouvèrent enfin un moment pour s'entraîner. C'était parfait pour le le mage de fer, qui avait besoin de se défouler sur un adversaire digne de ce nom. Gajeel se dirigea ensuite vers le bureau de Levy pour y faire une petite sieste. Il passait ainsi ses fins de journées, attendant l'heure où il pouvait quitter le Conseil. Il n'y avait que là-bas qu'il était sûr qu'on lui ficherait la paix.

Il comprit qu'il y avait un problème avant même de pousser la porte.

Un homme se tenait à la place de Levy. Imposant, vêtu d'un complet blanc impeccable orné d'un camélia sur la poitrine, les cheveux grisonnants coiffés en arrière, et un cigare à la main. Il ne l'avait jamais vu, mais il su tout de suite à qui il avait à faire.

_Bonjour, capitaine Redfox.

_Où est Levy ?

Gajeel fixa Vito Forleone avec un regard à faire frémir un dragon. Il aurait mis sa main à couper que ce type avait tenté de tuer Levy le matin même. S'il lui avait fait quoi que ce soit...

_Miss McGarden est allée voir le quatrième mage saint. Nous avons un peu de temps devant nous, et je ne serai pas long. La porte ?

Une femme referma juste derrière Gajeel. Le dragon slayer était tellement focalisé sur Forleone qu'il ne l'avait même pas remarquée. Grande, les cheveux d'un noir de jais coiffés en queue de cheval, vêtue d'un tailleur noir au décolleté plongeant. Il était certain de la connaître, mais il avait trop de mal contrôler sa colère pour se soucier de cette femme.

_Dégagez d'ici.

_ J'irai droit au but : vous allez convaincre votre petite-amie de sortir son joli nez de mes affaires.

_Sûrement pas.

Forleone poussa un long soupir, et se laissa aller contre le dossier du fauteuil.

_Comprenez bien, capitaine. J'ai su exactement sur quel fil tirer pour qu'elle quitte son bureau quand j'en avais besoin. Et je savais où vous trouver. Vous êtes ici au même moment tous les jours, et vous y passez environ une heure. Porte close, apparemment...

Il caressa le plateau de bois.

_Vous avez dû en faire, des choses, sur ce bureau. Elle doit être sacrément douée, pour que vous ne tombiez pas... Dans d'autres bras.

La femme lâcha un sifflement dédaigneux. Gajeel serra les poings. Comment ce type osait-il faire ce genre de sous-entendus ? La rage menaçait de déborder, mais il savait qu'il ne pouvait pas les balancer sur ce type – pas encore. Levy lui avait bien fait comprendre que s'il lui cassait directement la figure, ce serait lui qui serait arrêté.

_Si ce sont des menaces...

_Absolument.

Cette fois-ci, Gajeel le saisit au col. Il entendit à peine la fille braquer un canon sur sa nuque. Forleone ne broncha pas.

_C'était vous, le coup de ce matin.

_Ce costume vaut plus que votre salaire annuel. Et je ne vous parle pas de ce que vous risquez à côté.

Gajeel fit un effort surhumain, et le rejeta plutôt qu'il ne le reposa. Mais le vieil homme atterrit sans mal sur ses deux pieds, et se redressa. Il était âgé, mais encore vif.

_ La convaincre ne changerait rien, et j'en ai bien conscience. Alors c'est à vous que je le dis, Redfox. Je sais où elle est, et quand elle y est. Je peux m'arranger pour qu'elle aille où je le souhaite. Quant à ce qu'il s'est passé ce matin... Je me garderai naturellement de tout commentaire. Il est évident que si miss Mcgarden continue dans cette voie, et surtout, si jamais elle s'attaque au Figlio...

_Touchez-la, et je vous tue.

Le dragon slayer et le parrain de la mafia s'affrontèrent du regard.

_J'ai regardé les Dai Mato Enbu. Déclara lentement Forleone.

_Alors vous savez que je peux vous faire la peau. Et pas seulement à vous. Ajouta-t-il avec un regard en biais pour la fille derrière lui.

Forleone eut un sourire.

_Ce n'est pas la seule chose que je sais, Redfox.

Gajeel fronça les sourcils. Forleone le contourna, et sa compagne lui ouvrit la porte. Le jeune homme croisa le regard de la femme au tailleur. Les extrémités de son index et de son majeur, qui s'étaient abaissées pour former deux petits canons, se redressèrent en un claquement métallique.

_A la prochaine, Kurogane.

Gajeel se raidit. Elle comprit qu'il la reconnaissait enfin, et esquissa un sourire à la fois aguicheur et menaçant avant de quitter la pièce.

Les minutes s'étirèrent. Gajeel fixait encore la porte, plongé dans ses pensées, quand Levy arriva en compagnie de Lily.

_Je viens d'aller voir Warrod. Figure-toi que la boule de cristal de Krona-san est pratiquement en état de marche ! Je ne l'ai pas encore testée, mais...

_Il vaut mieux que tu rentres pas chez toi, le temps qu'on en finisse avec cette pourriture.

Levy s'interrompit et ouvrit de grands yeux ronds.

_Je... Qu'est-ce que tu veux dire ?

Gajeel n'hésita qu'un instant avant de lui raconter. Ça la concernait directement, après tout. Lily écoutait, les bras croisés.

_Je pense que l'idéal serait que tu dormes chez nous. Déclara l'Exceed quand Gajeel eut terminé.

Levy piqua un fard, et même Gajeel rosit légèrement. Il y avait pensé, bien sûr, mais n'avait pas vraiment osé le proposer. Et puis, après les sous-entendus de Forleone – dont il s'était bien gardé de parler – ça lui semblait gênant.

_Au moins pour l'instant. Insista Lily, alors que Levy bafouillait un refus. Tu serais plus...

_En sécurité ? Je suis capable de me défendre ! Coupa-t-elle, soudain vindicative. Et si tu crois que j'ai peur de Forleone...

_Franchement, Levy, tu serais idiote de ne pas t'en méfier. Tu sais très bien de quoi il est capable ! Il a failli te faire tuer ce matin !

Levy se mordilla les lèvres, et détourna la tête de Lily.

_Je savais que ce serait dangereux avant de me lancer. Murmura-t-elle. Nous en avons longuement discuté avec Jura.

_On te parle pas d'abandonner ! Grogna enfin Gajeel. Mais me dis pas que tu vas être rassurée à l'idée de rester seule ce soir !

Elle se mit à se frotter les bras, incertaine.

_Non. Avoua-t-elle finalement. Je ne peux pas le dire.

Elle releva les yeux vers lui.

_Forleone... Il était avec Drusilla DeLuca ?

Le dragon slayer se tendit tout de suite, très mal à l'aise.

_Je sais que cette femme est son bras droit. Elle ne le quitte jamais... Tu l'as vue, n'est-ce pas ?

_Tu savais ? Souffla-t-il, stupéfait.

Quel crétin. Bien sûr, qu'elle le savait, comment avait-il pu en douter ? Elle savait tout de Forleone et de son entourage. Quant à la raison qui faisait qu'elle ne lui en avait pas parlé... D'un commun accord, ils ne parlaient jamais de ça. Ne l'évoquaient pas. Au point que le sujet était devenu quasiment tabou entre eux.

Le regard intrigué de Lily allait de l'un à l'autre, sans comprendre.

_Qui est Drusilla DeLuca ?

_Une femme que j'ai connue.

Il évita soigneusement de croiser le regard de Levy, avant d'ajouter :

_Dans mon ancienne guilde. A Phantom Lord.

OoO

Ils l'accompagnèrent chez elle pour qu'elle prenne quelques affaires, et la conduisirent à leur appartement. Levy n'était encore jamais allée chez eux. Ils habitaient un peu plus loin qu'elle, et leur immeuble était beaucoup plus fonctionnel. Pas de perron orné de carrés de pelouse, mais du béton. Ça leur ressemblait, en fin de compte. L'entrée du bâtiment était un peu décrépite, mais très propre.

_Voilà. Fit laconiquement Gajeel en s'effaçant pour la laisser entrer.

Levy parcourut rapidement la pièce principale des yeux avec un sourire nerveux. L'idée d'entrer chez Gajeel faisait battre son cœur un peu plus vite, et elle ne voulait pas avoir l'air de juger quoi que ce soit. Néanmoins, elle fut surprise de constater que le salon, bien que simple, avait l'air plus confortable que ce qu'elle aurait cru. Le coin cuisine était ouvert. Son regard fut forcément attiré par un large cadre, auquel Lily avait fixé une jolie collection d'épées en tout genre... Elle s'était attendue à voir du bazar partout (c'était des garçons, et elle savait comment fonctionnaient Jett et Droy) mais rien ne traînait nulle part.

Et sur une petite étagère, il y avait même quelques livres.

_Tu peux dormir dans ma chambre. Déclara Gajeel, d'un ton qu'il voulait dégagé. Je prendrai le canapé.

_Dans ce cas, tu ferais bien de l'aérer et d'enlever ce qui traîne. Conseilla Lily, avant que Levy n'ait le temps de protester. Sans compter tes magazines bizarres, je ne comprends pas pourquoi il y a toujours autant de mouchoirs au pied de ton lit, alors que tu ne te mouches jamais.

Levy sentit son visage devenir fumant, et Gajeel parut s'étouffer avec sa propre salive. Il se rua vers une pièce qui devait justement être sa chambre, en évitant soigneusement de regarder la jeune femme. Lily leva un sourcil étonné, sans comprendre pourquoi les deux humains paraissaient aussi gênés.

_Qu'est-ce que j'ai dit ?

OoO

Le repas fut calme, mais très chaleureux pour Levy. Depuis six mois que leur guilde avait été dissoute, elle avait dû apprendre à vivre seule. Ça n'avait pas été simple : elle était habituée à la vie commune de Fairy Hills depuis son enfance. Plus de repas de groupe, plus de soirées ou de bains entre filles... Elle ne pouvait plus taper à la porte de Juvia quand elle avait un accroc à sa robe, elle ne pouvait plus parler de livres cochons avec Erza, et terminé les cours de langue donnés à Wendy. Et les soirées-gâteau avec Evergreen. Les meubles fantaisie de Laki. Même les moues renfrognées de Charuru lui manquaient. Tout ce qui avait fait son quotidien depuis son huitième anniversaire, parti en fumée.

Partager une soirée avec Gajeel et Lily lui apporta un bien-être qu'elle n'aurait pas soupçonné. Et jamais elle n'aurait imaginé que Gajeel soit capable de faire des gyozas aussi bons en un tour de main. Après réflexion, elle avait décidé de ne pas gâcher la soirée en reparlant de Drusilla DeLuca.

Une fois dans la chambre de Gajeel, et en chemise de nuit, elle regarda le lit, un peu hésitante. Il était si grand... Et la perspective de s'allonger là où il dormait était si... Étrange.

Et excitante, aussi.

Gajeel entra brusquement dans la chambre, la faisant sursauter.

_Tu pourrais frapper ! Bredouilla-t-elle.

Sa nuisette de satin mauve lui arrivait à mi-cuisse et lui collait à la peau, laissant peu de place à la suggestion. Gajeel la détailla quelques secondes avant de détourner la tête.

_Tu sais bien que je frappe jamais. Marmonna-t-il. J'avais oublié un truc. Tant pis.

Il tourna les talons pour repartir.

_Gajeel ! Attends, je... Ça me gêne vraiment, de prendre ton lit, comme ça...

_Tu dormiras pas dans le canapé. Grogna-t-il sans la regarder.

_Oui, mais... Ton lit... Il est assez grand pour deux.

Même de dos, elle le vit devenir écarlate. Elle-même se sentait brûlante.

_Nan. Lâcha-t-il, avant de claquer la porte.

Levy tomba sur le lit, suffoquée par sa propre audace. Elle n'avait pas pris la nuisette au hasard, elle le savait, mais elle s'en voulait. Ç'avait été tout simplement stupide de sa part, de croire qu'il pourrait vouloir d'elle.

Gajeel, lui, traversa le salon pour s'engouffrer dans la salle de bain. Il avait déjà pris une douche, mais c'était urgent. Il dégagea son jogging, et poussa l'eau froide au maximum.

Quelle idée avait eu Lily de l'inviter chez eux ! Et quelle idée elle avait eue, elle, de mettre une tenue pareille ! Il était peut-être pas sensé la voir, mais bon sang ! Et puis, lui proposer de dormir ensemble... Elle avait perdu la tête ?

Il n'aurait eu qu'à la renverser sur le lit et baisser son jogging. La posséder, la faire sienne, ne plus jamais la lâcher. Est-ce qu'elle s'en rendait compte, au moins ?

Il appuya les deux mains sur le mur, laissant l'eau glacée calmer son érection. Il avait faillit faire une connerie monumentale.